Essai d’une Renault 5 Turbo : Rouge Passion

Publié le par Mark

Essai d’une Renault 5 Turbo : Rouge Passion

Il y a quelques semaines, Benjamin présentait l’essai de la fameuse 205 T16. Sauf que cette année, il semblerait qu’un train puisse en cacher un autre… 2022 oblige, cette fois il va être question d’un autre mythe du rallye, la Renault 5 turbo première série. Heureux hasard, car, d’une, la petite 5 de la régie fête ses 50 ans cette année et se retrouve même dans un spot télé, et de deux c’est à moi de passer sur le siège conducteur. Bref vous l’aurez deviné, c’est à mon tour d’aller kiffer au volant d’une légende sur des routes tout aussi légendaires ! Alors en route direction le Var.

L’histoire de la R5 Turbo en très bref

Pourquoi en très bref ? Parce que beaucoup de passionnés ont déjà les bases et parce qu’on l’a déjà traitée dans un article dédié :

Donc, en bref : Renault veut une auto encore plus radicale que la R5 Alpine qui va bientôt pointer le bout de son nez. Pour coller à l’ambiance de compétition de chez Renault de l’époque, nous sommes à la fin des années 70, on envisage d’y mettre un Turbo. L’objectif est d’aller chercher la performance mais aussi de produire une auto qui soit homologuée en Groupe 4 avec 400 autos produites.

Une fois la mise au point terminée, on sort donc la R5 Turbo « 1 ». Elle n’a jamais été appelée Turbo 1 mais cette auto est reconnaissable, notamment avec son intérieur entièrement nouveau. L’industrialisation est complexe et l’auto est lancée en Mai 1980. Dès la fin 1982 apparaît la Renault 5 Turbo 2, avec moins d’éléments spécifiques, notamment à l’intérieur.

Le clap de fin arrive en 1986, après une belle carrière en rallyes, et 4987 R5 Turbo produites (1678 « 1 » et 3167 + 60 autos de course pour la deuxième génération).

Notre Renault 5 Turbo du jour

C’est une belle rouge qui nous attend. Cette auto de 1980 est la 64e auto produite, c’est l’unes des autos qui doit permettre d’homologuer la belle en Groupe 4. Et elle est rouge. C’est une « preuve » de son âge, puisque les R5 Turbo ne sont disponible qu’en bleu Olympe et rouge Grenade pour les deux premiers millésimes.

La Renault 5 Turbo, on croit la connaître. Pourtant, quand on la nez dessus, on a une multitude de détail qui sautent aux yeux. En même temps, il fallait bien démarquer cette sportive du reste de la gamme, et pas seulement techniquement.

L’avant, c’est une R5, personne n’en doute. Mais il y a des modifications. La calandre, entre les phares est plus haute, pour bien laisser respirer le moteur. Sous cette calandre et sous les phares, au lieu de retrouver une ouverture, c’est déjà le bouclier, dans un rouge/orangé qui commence. Il intègre les clignotants et veilleuses mais aussi une triple ouverture, similaire à celle du bouclier de toutes les R5. Autour de la plaque, on retrouve d’autres ouvertures et les feux additionnels.

Le petit pli de carrosserie qui marque le début de l’aile avant des R5 est repris sur la Renault 5 Turbo. Seulement, cette aile est bien rebondie avec un arc de cercle qui vient se placer autour de la roue. Une fois qu’on a vu tout ça, on sait déjà que le sport est au programme.

Et ce n’est pas fini ! Sur le profil c’est encore plus clair ! On retrouve une grosse inscription Turbo sur la portière. Juste derrière, les grosses entrées d’air marquent le départ de l’aile arrière, beaucoup plus large, elle-même surmontée d’une prise d’air NACA. Ce « gros cul », c’est une des marques de la R5 Turbo, celle qui fait toute la différence. On notera tout de même, sur ce profil, des jantes spécifiques qui rappellent les ailettes d’un Turbo ou encore des bandes plastiques, dans le même rouge/orangé que les boucliers, sur le bas de caisse et le long du toit, du départ du pare-brise au becquet arrière.

Pas d’aileron sur la Renault 5 Turbo. C’est ce petit becquet qui fait la différence entre du gros tuning et une version préparée. La vitre arrière se retrouve barrée par un gros autocollant Turbo, rappelé, également, par un monogramme à droite. On retrouve les feux, y compris de plaques, et les aérations de custode de toutes les R5. Mais autour des feux, le renflement des ailes est mis à profit pour proposer des aérations, cette fois pour extraire l’air chaud du compartiment moteur, situé à l’arrière pour ceux qui n’auraient pas suivi.

Dernière différence entre du gros tunning et une préparation : le bouclier arrière, toujours dans la même teinte, mais très simple, sans diffuseur, simplement découpé pour les besoins de l’échappement.

Tout cela paraît évident. Ça fait surtout un empilement de détails qui écrivent déjà une partie de l’aura de la R5 Turbo. Et ce n’est pas fini !

À l’intérieur : Disco !

Dans le genre « ils ont fumé quoi chez… » on appelle Bertone ! C’est le centre de design italien qui a dessiné cet intérieur si particulier. Certes, il fallait se démarquer des R5 normales. Certes, cet intérieur est une des signatures de la Renault 5 Turbo… mais ils ont poussé le bouchon très très loin !

On commence par où ? Les sièges ? Vous n’allez pas être déçus. Certes, leur dessin n’est pas 100% original puisqu’on le retrouve également dans les Alpine A310. Là, ils claquent littéralement en reprenant la couleur de la carrosserie, avec des stries bleues sur le velours et un cuir parfaitement lisse. On enchaîne avec le levier de vitesse, situé au plancher, et son pommeau asymétrique. On continue avec l’instrumentation, évidemment complète mais insérée dans des plastiques carrés à ouverture ronde.

On en remet quelques couches ? L’habillage couleur carrosserie est très flash, avec en bonus un traitement lisse pour la partie basse qui fait ressortir la teinte. Sur les contre-portes c’est même strié de bleu, comme sur les sièges !

L’arrière ? Quel arrière ? Juste derrière et en dessous des sièges, c’est le réservoir. Et la banquette ? Elle est remplacée par la pièce maîtresse de la R5 Turbo.

Le Cléon version dopée

Pas sûr que les concepteurs du moteur Sierra, qu’on appelle plus communément Cléon, avaient pensé à ça quand ils l’ont imaginé à la fin des années 50. Même si on a envisagé le V6 PRV et le moteur Douvrin 2 litres, c’est bien le « moteur à tout faire » de la gamme qui vient se loger sous le capot… enfin façon de parler. Le moteur est donc placé en position centrale arrière, sans réelle séparation avec l’habitacle si ce n’est un couvercle habillé de moquette.

On ne prend pas n’importe quelle base puisque c’est le 1397 cm³ de la R5 Alpine qui est utilisé. Pour que l’auto devienne R5 Turbo, on ajoute un gros turbo Garett T3 qui souffle à 0.8 bars, couplé à un intercooler air/air. On réduit le taux de compression pour éviter le cliquetis, culasse et joints sont renforcés et on fait appel à une injection Bosch. Comme la boîte communément installée ne supportera pas forcément la cavalerie, on emprunte celle de la R30 TX avec des rapports adaptés.

Côté trains roulants, la Renault 5 Turbo se distingue de la R5 normale par l’adoption des suspensions de l’Alpine A310 Gr. IV et des freins de R17 à l’avant et A310 V6 à l’arrière.

La fiche technique donne le tournis : 160ch, 210 Nm et à peine plus d’une tonne sur la balance. Ça va swinguer !

Au volant : rouge mérité

Découverte cahoteuse

C’est bien connu, les bagnoles rouges sont plus rapides et bouillantes que les autres. Est ce que c’est le cas de notre Renault 5 turbo du jour ? Pied sur l’embrayage, clé dans le Niemann, c’est parti ! Le 1400 réveille l’habitacle avec une sonorité très suggestive. Le timbre général reste celui d’un banal Cléon, mais celui ci dégage quelque chose de plus rustique et sauvage qu’habituellement. Aucun doute, je suis bien dans une sportive et le bouilleur posé derrière ma nuque est bien vivant.

Allez, cette fois en route, j’ai 35 bornes de petites routes sinueuses à m’enfiler jusqu’au cap Canaille, et le soleil ne va pas m’attendre. Sauf qu’en fait ça ne va pas être si simple que ça. Pourquoi. Parce que la Renault 5 turbo est pourrie ? Non, non, parce qu’elle m’intimide tout simplement. En fait c’est un peu comme la Porsche 930, à force d’avoir entendu tout et n’importe quoi, j’ai fini par m’en faire l’image d’une bagnole vicelarde. Forcément sur les premiers kilomètres ça me coupe la chique.

D’autant que la belle a un sens de l’accueil particulier. C’est clair, elle n’est pas là pour choyer ses occupants. En revanche avec son côté ours bourru, elle ne ment pas sur ses intentions sportives. A bord, il faut se contenter d’un zéro assistance, et d’une ambiance vraiment unique. Entre les bruits d’air, de roulement, les commandes relativement viriles et le grognement a peine étouffé du 1400 cm³ derrière ma tête, je ne peux pas dire que la belle soit avare en sensation.

Sauf qu’en définitive, à train sénatorial, la petite Renault, bien que virile, n’est pas si terrible. Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit facile non plus. Le guidage de la boite est ridicule, et je ne sais pas vraiment ou caler mon pied gauche quand je n’ai pas à m’en servir. Sans parler du volant en « L » qui pénalise un peu la gestuelle. Forcément sur des routes où je dois perpétuellement jouer de ces trois instruments, je verse plus dans la cacophonie que dans le philharmonique. C’est sans parler du moteur.

Pour une fois, la réputation du « on off » est réellement fondée. En dessous de 3000 tours minutes, la Renault 5 turbo, ben c’est une larve, et au dessus, sur ces routes il en faut une grosse paire. Bref, lorsqu’on débute l’idéal c’est de maintenir la petite Renault dans les intermédiaires. Et ça, mine de rien c’est délicat. En revanche une fois la méthode acquise et en faisant preuve d’un minimum de concentration, mon jouet commence enfin à se révéler. A cet instant précis, je découvre une auto à laquelle je ne m’attendais pas.

Révélation surprenante

La Renault 5 Turbo n’est pas pétillante, elle est bouillante. Au fil des kilomètres je découvre un tempérament sans compromis, strict, exigent, mais terriblement efficace pour une bagnole franchement artisanale. Une vraie caisse d’homme sous une petite robe rouge !

Le train avant me bluffe à chaque courbe, la direction se veut pure, franche et nerveuse à souhait. Le pire c’est qu’il est possible de largement l’améliorer via quelques modifications. C’est dire le potentiel ! Le train arrière se contente de finir d’enrouler la courbe pour peu que le pied droit fasse preuve de subtilité à la remise des gaz.

Les freins de la Renault 5 Turbo mériteraient un peu plus de punch et d’endurance mais, pour du routier, je dirais qu’ils font l’affaire. En revanche la boite de vitesse gâche franchement le tableau. C’est un peu comme retirer le foie d’un Fugu avec avec une raclette à pare brise. C’est imprécis, lent, pas étagé de ouf, et avec un moteur aussi exigent le résultat est loin d’être garanti. Dommage, mais il faut composer avec. Puis en parlant de moteur va peut être bien falloir que je découvre ce qu’il donne au dessus de 5000 tours !

Ça tombe bien, j’ai un petit bout de ligne droite sous la main. La vue est dégagée, la Renault 5 Turbo est dans l’axe, je peux écraser sans réfléchir. Oh que c’est débile cet engin ! Je crois que je n’ai jamais conduit un truc aussi « on/off ». 3000 tours, peut mieux faire, jusqu’à 4000 ça charge tranquillement avant d’exploser littéralement à 2000 tours/min du rupteur. À cet instant précis, les aiguilles partent en vrille, la mélopée devient rageuse façon course de cote, sans parler de la poussée. Pour une fois le coup de savate ne dément pas sa réputation. Ce moulin est aussi vivant que bestial et ça me plait !

C’est qu’elle marche cette bestiole ! Le quatre cylindres ne va jamais s’arrêter de prendre de tours tant il est hargneux en haut. Ça ferait presque peur sur ces routes, tellement le paysage se met à être happé une fois le turbo en marche !

D’ailleurs en parlant de paysage, peu à peu la route des crêtes dévoile ses courbes et ses vues sous la lumière du coucher de soleil. C’est magnifique et ça donne envie d’en remettre une louche. Turbo en charge, je continue de jouer avec la petite bombe. La Renault 5 Turbo allait déjà bien à rythme normal mais plus je la brusque mieux ça va. Tant est si bien que j’ai l’impression qu’il n’y a pas de limite.

Cela dit ce sentiment est trompeur car au moindre accroc, la bombinette m’enverra valser dans les calanques. Autant la limite semble lointaine, autant je sens clairement que si je me déconcentre, les transferts de masses et le turbo « on/off » joueront contre moi. Faut rester humble, faire gaffe aux transferts, aux placements et à la remise de gaz, mais j’imagine que c’était le prix à payer pour jouir de ce comportement routier aussi redoutable. Et puis après tout cela rend la conduite d’autant plus passionnante.

Passionnante, c’est vraiment le mot. Tandis que la nuit tombe et que j’arrive à la fin de mon essai, je me rend compte qu’a aucun moment je ne me suis fait chier au volant de cette petite bombe. À ses commandes, j’étais toujours concentré, alerte éprouvant un max de plaisir. La R5 Turbo ne m’a laissé aucune minute de répit me dévoilant chacune de ces facettes. Tantôt pataude, tantôt redoutable, subtile mais souvent bestiale cette robe rouge est plus que mérité.

Conclusion :

Vous aimez les anciennes pour l’image, la passion, et le tempérament exotique qu’elles peuvent dégager ? Si oui, alors la Renault 5 Turbo est une pièce maitresse que vous devez au moins essayer une fois dans votre vie. Ce n’est pas forcément l’automobile la plus efficace et la plus facile du monde, mais quel caractère et quelles sensations ! C’est simple, vous ne les retrouverez pas ailleurs. Puis regardez la sous sa petite robe rouge, ne respire-t-elle pas une époque de passion ?

Vous l’aurez deviné, en ce qui me concerne, la R5 Turbo fut une superbe surprise. Tant par son comportement exigent mais efficace, que par sa mécanique au caractère devenu totalement atypique de nos jours. C’est une auto que je ne peux que recommander, mais surtout n’oubliez pas qu’elle reste une voiture virile et clairement punitive si on s’en sert mal. À l’inverse, elle vous garantira un pied pas possible sur les routes qui autrefois faisaient sa renommée.

Les plusLes moins
GueuleTrop virile pour certains
Comportement routierPlage d’utilisation réduite
Caractère de feuRare
Performances inattenduesBoîte ratée
Mythe sur route ouverte
Une voiture d’homme
CritèreNote
Budget Achat0/20
Entretien14/20
Fiabilité15/20
Qualité de fabrication11/20
Confort12/20
Polyvalence8/20
Image20/20
Plaisir de conduite18/20
Facilité de conduite11/20
Ergonomie16/20
Total12,5/20

Conduire une Renault 5 Turbo

Un rêve ? Malheureusement il risque de le rester pour beaucoup. L’auto est mythique, relativement peu produite, quelque fois enroulée autour d’un arbre ou coursifiée… tous les ingrédients qui font une auto chère !

La gamme de prix est étendue : de 100.000 € pour une « 1 » avec quelques éléments spécifiques manquants (ouvrants ou intérieur remplacé) à 200.000 € pour un modèle état concours. Les plus belles se négocient plutôt aux alentours des 150.000 €. C’est d’ailleurs le prix affiché pour celle-ci, en vente chez Collection Privée Automobile, les infos sont ici.

Si l’intérieur de la Renault 5 Turbo « 1 » ne vous plaît pas, il est toujours possible d’opter pour une Turbo 2. Plus facile à trouver, moins chère (entre 70 et 120.000 €), elle offre un caractère mécanique identique… et c’est déjà une bonne chose !

Concernant la restauration et l’entretien, ce n’est pas tout noir, ni tout blanc. Les éléments spécifiques de la R5 Turbo « 1 » sont quasi introuvables et très onéreux. Côté mécanique, l’assemblage provient de la gamme Renault, donc on trouvera tout. Attention, mettre les mains dedans ne sera pas aisé, c’est la conception même de la voiture qui fait ça. Les durites seront à surveiller, la chaleur du compartiment moteur ayant tendance à les cuire à point. Le Turbo est également à l’ancienne : pensez au temps de refroidissement avant toute coupure.

Un grand merci à Cédric pour le prêt de cette auto sur ces routes et dans ces conditions vraiment optimales pour nous !

Fiche techniqueRenault 5 Turbo
AnnéesTurbo : 1980-1982, 1678 ex.
Turbo 2 : 1982-1986, 3767 ex.
Mécanique
Architecture4 cylindres en ligne
Cylindrée1497 cm³
AlimentationInjection mono^point et Turbo
Soupapes8
Puissance Max160 ch à 6000 trs/min
Couple Max210 Nm à 3250 trs/min
Boîte de VitesseManuelle 5 rapports
TransmissionPropulsion
Châssis
Poisition MoteurLongitudinale centrale
FreinageDisques Ventilés AV et AR
VoiesAV 1346 mm / AR 1474 mm
Empattement2430 mm
Dimensions L x l x h3664 x 1752 x 1323 mm
Poids (relevé)1045 kg
Performances
Vmax Mesurée202 km/h
0 à 100 km/h7,6s
400m d.a15,2s
1000m d.a28,5s
Poids/Puissance6,53 kg/ch
Conso Mixte± 9,5 litres / 100km
Conso Sportive± 20 litres / 100 km
Prix± 150.000 €

En bonus : ça, c’est pour bientôt !

Mark

Passionné de photo et de sa BMW E30, Mark a rejoint News d'Anciennes courant 2016. Essais, road-trip, reportages, tout l'intéresse du moment qu'il peut sortir son appareil photo.

Commentaires

  1. Joël Aguila

    Vous avez oublié de préciser que l’avant est plus long qu’une R5 normal grâce à des entre toises juste derrière les optiques
    Bonne journée à tous

    Répondre · · 29 mai 2022 à 10 h 44 min

  2. Bertrand BRION

    Le moteur est un 1397 et non un 1497 cm3

    Répondre · · 22 août 2022 à 16 h 39 min

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