Essai d’une AC Ace, la légende sait de qui tenir !

Publié le par Vincent

Essai d’une AC Ace, la légende sait de qui tenir !

On parle beaucoup de l’AC Cobra et de son puissant moteur V8. Aujourd’hui encore, pendant le dernier Tour Auto, la bête trustait le haut du classement en compétition. Cependant, on connaît moins son aînée, l’AC Ace. Une voiture à la conception bien British et qui emmena toute une génération de jeunes pilotes sur les pistes. Après mon essai au volant de la populaire Panhard Dyna X, je vous emmène à la découverte d’une voiture d’une toute autre envergure.

L’AC Ace en bref

La gestation de l’AC Ace débute à la fin de la guerre. Les américains en service en Europe découvrent les voitures de sport britanniques, que la plupart importent en revenant chez l’Oncle Sam. Pour la famille Hurlock qui dirige la marque AC, il faut répondre à cette demande croissante en roadsters sportifs.

La marque anglaise basée à Thames Ditton désire lancer le développement d’une nouvelle voiture de sport en remplacement de son modèle 2 Litre (dont la fabrication perdure de 1948 à 1953). Pour AC, la réflexion d’un nouveau modèle commence d’abord par un nouveau moteur. Il faut remplacer le bloc six cylindres vieillissant de la marque car ce dernier accuse alors 28 années de conception. Ce ne sont finalement, que quelques modifications mineures qui seront effectuées dessus.

Mais la véritable réponse à cette quête de l’automobile sportive naît avec l’ingénieur John Tojeiro. Ce jeune homme en quête de sensations passe le plus clair de son temps à préparer et courir avec une voiture de sa propre fabrication. En effet, en 1950, encouragé par un ami, il transforme une MG TA en véritable bolide de course. Brian Lister, un de ses proches amis lui procure les éléments qu’il ne peut fabriquer dans son atelier.

John Tojeiro démontre alors toute l’efficacité de son châssis retravaillé en participant aux différentes courses qui fleurissent au bord des bases aériennes de l’Angleterre. Quelques châssis sont produits pour d’autres coureurs comme Cliff Davis. Ce-dernier équipe le sien d’un moteur 2L Bristol et fait habiller le tout d’une carrosserie semblable à celle de la Ferrari 166 MM Touring Barchetta qui remporta les 24h du Mans en 1949. Avec, Davis remporte la saison 1953 du Brookland Trophy.

La même année, à l’été 1953, l’ingénieur Vincent Davison présente sa Tojeiro à la famille Hurlock. La direction de la marque AC est conquise. Ils achètent les droits du châssis à John Tojeiro et embauchent Davison pour développer la voiture. L’AC Ace, ainsi baptisée, est préparée et présentée in extremis pour le London Motor Show à l’automne.

La voiture y reçoit un très bel accueil et ses qualités en font une des voitures les plus performante du salon. Et pour cause, la sportive de la marque AC combine des solutions remarquables pour l’époque : châssis tubulaire, roues indépendantes et carrosserie en alliage léger.

L’Ace conserve la ligne discrète inspirée de la Ferrari Barchetta. Par la suite, elle gagnera en élégance au cours de l’hiver pour répondre aux nouvelles normes concernant le positionnement des feux avant. Le tarif affiché est plus élevé qu’une Porsche, une Alfa Romeo ou une Austin Healey mais moins qu’une Jaguar XK et deux fois inférieur à une Aston Martin DB2-4. En 1954, l’Aceca, une version coupé, intègre le catalogue.

Le but initial n’était pas de construire une voiture de compétition, simplement une automobile sportive. Pour preuve, sous son capot, on retrouve le moteur AC actualisé. C’était sans compter sur Ken Rudd et son AC Ace qu’il équipe d’un moteur Bristol pour battre en courses les Triumph TR2 et autres Austin Healey. En 1956, il signe le tour le plus rapide à Goodwood. La marque AC qui avait la volonté de trouver une motorisation plus moderne et puissante, décide d’intégrer le Bristol à sa gamme. La motorisation est plus coûteuse certes, mais elle est nettement plus adaptée à l’utilisation des gentlemen drivers qui sont nombreux à courir avec une Ace.

Le moteur Bristol

Revenons maintenant sur le moteur Bristol. Conséquence de la victoire des Alliées, la Bristol Aeroplane Company fait mainmise sur les moteurs de la BMW 328 pour équiper ses automobiles. Le puissant moteur bavarois est entièrement revu pour être utilisé en Formula 2 à partir de 1952. Des accords sont passé et il rejoint le catalogue de l’AC Ace au salon 1956. Quelques années plus tard en 1961, Bristol stoppe la fabrication de son six cylindres en ligne. AC suit une fois encore les méthodes de Ken Rudd et équipe l’Ace du moteur six cylindres en ligne Zéphyr Ford revu par le pilote et préparateur. En 1963, l’AC Ace et l’Aceca laissent place à la Cobra après 1 059 exemplaires produits.

Notre AC Ace du jour

Notre AC à l’essai est un modèle Ace équipé du moteur Bristol. Elle sort des ateliers de Thames Ditton le 24 juillet 1958. C’est sur la route de Quiberon que nous l’observons. Après être passé entre les gouttes, nous posons la voiture sur la côte sauvage. Le ciel est sombre et menaçant. Les vagues s’écrasent contre les rochers. Le soleil perce les nuages et projette ses rayons sur l’auto. La Bretagne est belle et sauvage, à l’image de notre bolide anglais. Ouvrons l’œil pour tenter de capter les clés d’un style sportif, élégant et intemporel.

AC Ace

La carrosserie monocoque de ce roadster est entièrement en aluminium. Elle est montée sur un cadre tubulaire en acier. La caisse est sculptée d’un seul tenant et ne présente des découpes que pour les ouvrants, contribuant ainsi à la pureté des lignes. On y retrouve bien des traits des Ferrari 166 MM et de la 225 S Vignale Berlinetta. Cependant, l’AC gagne en finesse et en modernité grâce à son capot avant plongeant et ses ailes rebondies, tandis que le pare-brise incurvé s’intègre à merveille aux rondeurs de la caisse.

Avec ses 406 cm de long, 155 cm de large et 123 cm de hauteur, l’AC Ace est à peine plus petite que la Jaguar Type C (dont nous avons essayé une réplique très fidèle ici). Malgré un gabarit similaire, ses formes en font une auto aux lignes moins profilées mais aussi beaucoup moins massive que la pistarde évoquée.

Initialement commandé en blanc cassé par sa première propriétaire, cette-dernière ne tardera pas à faire repeindre l’auto dans sa couleur actuelle. Notre AC Ace est donc aujourd’hui drapée d’un rouge Candy profond et dont l’intensité varie est très variable en fonction des cieux. Une teinte qui fait ressortir et sublime les formes de ce délicieux roadster.

Toute la douceur de l’auto réside aussi dans le nombre limité d’éléments greffés à la carrosserie. On notera l’absence de poignées de portes et les discrets pare-chocs ne sont en réalité que des buttoirs. Quelques éléments forts sont toutefois à noter, comme les feux spéciaux Lucas type « 24h du Mans » ou les roues à rayons dans le plus pur style anglais.

L’intérieur, entre sport et confort

Montons (ou plutôt descendons) maintenant à bord de l’Ace. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le roadster n’a pas tout sacrifié au nom de la légèreté. Les sièges en cuir encore d’origines sont assez confortables. Ils ne sont pas réglables mais conviendront aussi bien aux petits qu’aux grands gabarits.

Notre modèle bénéficie de l’option « volant sport » en bois. Derrière celui-ci, on retrouve toute l’instrumentation nécessaire au pilote : compteur de vitesse, jauge d’essence, température d’eau et d’huile ou encore un voltmètre. Le grand cadran du compteur de vitesse intègre une discrète montre.

Sur son verre sont marquées les conversions en km/h pour éviter les mauvaises surprises. En effet, l’Ace est si légère et la mécanique est si enivrante qu’il faut régulièrement et rapidement vérifier sa vitesse. Sur le côté droit, le compte tour est gradué jusqu’à 6000 tr/min avec une zone rouge annoncée à 5800 tr/min. Il y a de quoi avoir le tournis sans même démarrer la bête… Toujours sur la droite, on trouve un petit interrupteur qui sert à activer l’overdrive, une option fort utile proposée à partir de 1956.

Le Bristol, un cœur germanique

Cette AC est l’un des 466 exemplaire de l’Ace produit avec le moteur six cylindres en ligne Bristol. Équipé de trois carburateurs Solex, il développe 125 ch à 5750 tr/min pour une auto affichant seulement 850 kg sur la balance. Les quatre roues sont indépendantes et la suspension est assurée par ressorts transversaux. La légèreté et la vivacité du roadster combiné à des freins à disque Girling (une option disponible à partir de 1957), en font une auto redoutable sur le papier. Il n’est pas étonnant que nombre de pilotes couraient les 24h du Mans avec des AC Ace pratiquement d’origine.

Au volant de l’AC Ace : from road to track

Maintenant il est temps de voir si l’AC Ace tient ses promesses. Installé derrière le volant, je tourne la clé. Le moteur se lance dans un vrombissement feutré. Sa sonorité au ralenti suffit à dessiner un sourire jusqu’aux oreilles. Je manœuvre pour rejoindre la route. La direction ne semble pas excessivement lourde, mais c’est plutôt l’auto qui est légère ! La première est très courte. Premier test de freinage, tout répond très bien et la voiture est stoppée sans difficulté.

Ce qui surprend en fait c’est la sensation renvoyée par les pédales. Celle-ci sont articulées et votre pied sera du coup toujours parfaitement en contact avec sa surface. Cela permet une commande et un ressenti à la fois très doux et précis.

La route est détrempée et le ciel ne laisse rien présager de bon. Je m’élance non sans une certaine retenue. Conduire une AC est un moment rare qu’il ne faudrait gâcher par un excès de confiance ou par une imprudence.

Le paysage est somptueux mais les enfilades demandent une certaine concentration. D’autant que la direction n’est pas d’une grande précision. Heureusement, le centre de gravité très bas et l’excellente motricité offrent une tenue de route hors pair.

La conduite à droite n’est pas un problème, et puis ça fait partie du tableau. Par contre on note une autre petite particularité à l’AC Ace : sa commande de boîte. Le levier coudé n’est pas tout à fait articulé dans l’axe de l’auto et légèrement décalé vers le conducteur. Le maniement du levier s’en trouve amélioré sans que le guidage ne soit pour autant scabreux.

Une fois prise en main, le moteur chaud et la route dégagée, on peut monter dans les tours et laisser le moteur s’exprimer. Le Bristol doit prendre au minimum 3000 tr/min pour bien s’exprimer. Et quand on appuie à fond sur la pédale, il le fait rapidement !

Passé le cap des 4500 tr/min, c’est une toute autre voiture. Les accélérations, portées par le rugissement des six cylindres deviennent plus conséquentes et même étonnantes quand on se rappelle que seuls 120 chevaux sont libérés par le pied droit.

Le 0 à 100 est abattu en 7,35 secondes et la troisième peut être poussée jusqu’à 150 km/h. Tout simplement monstrueux ! La dernière fois que j’ai ressenti cela, c’était à bord d’une TVR Chimaera. Oui, une voiture avec 40 ans de moins, près de 100 ch de plus et qui n’a pourtant pas à pâlir de ses performances.

Côté dynamique, la vitesse lui va bien. Ce châssis prévu pour la course n’est pas un sacré bout de bois et ne vous tassera pas les vertèbres. Mais il ne se tord pas non plus. Si bien qu’en accompagnant bien le mouvement du volant avec l’accélérateur on arrive à enrouler les courbes sans se faire peur. Le sous-virage est quasi inexistant si on anticipe un minimum.

Par contre notre postérieur aura tendance à détecter quelques envies d’ailleurs du train arrière. Son architecture n’est pas récente et son comportement est à l’avenant. Alors on se plait à accélérer de plus en plus. Sans attaquer franchement, on s’amuse énormément mais sans se faire peur.

Seule ombre au tableau, la sonorité peut-être trop présente du moteur sur des trajets plus longs. Même calé à 90 km/h, les chevaux se font bien entendre.

Conclusion :

Le pilote anglais Mike Hawthorn, champion du monde de Formule 1 et vainqueur des 24h du Mans, qualifia l’AC Ace Bristol de « voiture de sport la plus proche de la perfection ». On pourra difficilement lui donner tort.

L’Ace est le roadster idéale autant pour se promener que pour aller sur piste. Alors si vous vous sentez l’âme d’un gentleman driver, que vous fondez pour cette ligne mythique ou pour les moteurs de caractère, cette voiture à la conception et l’âme « so british » est faite pour vous !

Points forts Points faibles
Les lignes affinées de la CobraUsage restreint malgré tout
La sonorité du six cylindresmais qui peut vite être trop bruyante
Un comportement sain et pas piégeur
image 11- AC Ace

Conduire une AC Ace

C’est elle l’originale. Pourtant on ne trouve pas de répliques d’AC Ace et les 1000 et quelques exemplaires originaux voient leur prix s’envoler ! Pour rouler en AC Ace vous devrez débourser plus de 200.000 € voire plus selon l’état !

Les points à surveiller ? À ce niveau de prix mesdames et messieurs, il faut tout surveiller. Le moteur Bristol a un beau passé et se montre plutôt fiable. Par contre les 120ch sont proches de sa limite. Des versions plus gonflées existent, mais il faudra les surveiller encore plus.
Ensuite on vous a dit que la carrosserie est d’une pièce. Il faut d’autant plus être sûr qu’elles soit nickelle !

Quelques exemples d’AC Ace à vendre par ici.

Un grand merci à Philippe pour m’avoir généreusement laissé le volant de sa voiture.

Fiche Technique de l’AC Ace Bristol
Mécanique Performances
Architecture 6 Cylindres ligne Vmax 187 km/h
Cylindrée 1971 cm³ 0 à 100 km/h 9,4 s
Soupapes 12 400m da
Puissance Max 120 ch à 5750 tr/min 1000m da 16,6 s
Couple Max 165 Nm à 4500 tr/min Poids / Puissance 7,1 kg/ch
Boîte de vitesse 4 rapports manuelle

Transmission Propulsion
Châssis Conso Mixte 11 L/100 km
Position Moteur Longitudinale avant Conso Sportive ±18 L/100 km
Freinage Disques AV et Tambours Ar
Dimensions Lxlxh 406 x 155 x 123 cm
Poids 850 kg

Crédits photos complémentaires AC Tojeiro : Car Jager

Sources et ouvrages de référence pour la partie historique : « AC Six-Cylinder Sports Cars In Detail » par Rinsey Mills et « The Classic ACs – Two Litre to Cobra » par John McLellan

Vincent

https://vincentdecours.com

Ingénieur de formation, il se lance dans les anciennes en 2011 en écrivant "Auto d'Antan", une revue amateur sur les véhicules anciens. Trois ans plus tard il se lance sur la blogosphère puis rejoint l'équipe de News d'Anciennes en 2016 . Il partage la route avec sa Motobécane N40TS, son Vélosolex 3800 et sa Renault 5 GTL.

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