Concepts et Études, ép. 48 : Dodge M4S, fantôme à plus d’un titre

Publié le par Pierre

Concepts et Études, ép. 48 : Dodge M4S, fantôme à plus d’un titre

Parce que toutes les autos anciennes ne sont pas arrivées sur nos routes, on vous propose d’en découvrir régulièrement. Si vous n’avez pas eu cette chronique le mois dernier, c’est parce que je vous donne rendez-vous dorénavant le deuxième dimanche de chaque mois (les épisodes précédents sont là). Ce mois-ci, penchons-nous sur le cas de la Dodge M4S.

Pace Car et sortie du marasme

Nous sommes en juillet 1983, PPG, le sponsor principal du championnat CART, envoie des représentants chez Chrysler, afin de développer un nouveau pace car pour les courses Indy, capable d’atteindre les 320 km/h. En effet, jusqu’à présent, le pace car le plus rapide de Chrysler à ce moment ne peut atteindre « que » 280 km/h, insuffisant face aux performances toujours plus grandes des monoplaces américaines.

La direction de Chrysler décide alors de se lâcher, puisque c’est PPG qui paye. Finies les voitures de séries modifiées, place à une voiture conçue uniquement pour la performance. On va chercher un châssis conçu par Huffaker Motorsport, que l’on confie à Specialized Vehicles, Inc. pour le modifier et y intégrer les groupe motopropulseur et la carrosserie dont le dessin est confié à Bob Ackerman, chez Chrysler.

Son dessin est ensuite confié à 3-D Industries pour la conception de la maquette à l’échelle 1-:1 et des moules permettant de fabriquer les panneaux de carrosserie. Ils seront réalisés par Special Projects, qui prend également en charge la peinture et l’aménagement intérieur.

Ackermann se base sur la Porsche 962 GTP (celle engagée en IMSA, pas celle qui courra en Groupe C quelques années plus tard) pour l’allure générale de la voiture, et on peut voir sur la partie arrière un dessin intégrant l’aileron arrière (une condition posée par le directeur adjoint du style chez Chrysler) qui n’est pas sans préfigurer l’arrière de la XJ220.

A l’instar de la Mitsubishi HSR-II, mais à une échelle moindre, la Dodge M4S devait embarquer une aérodynamique active. Aileron arrière, spoiler avant et embryon de diffuseur mobiles, excusez du peu ! Cependant, pour des raisons de budget, il n’en sera malheureusement rien. Dans les petits détails aérodynamiques habituels sur ce genre de machine, on trouve une prise d’air NACA dans chaque ponton, afin d’alimenter en air le moteur.

Puisqu’on parle du moteur, penchons-nous sur son cas, justement. Il s’agit d’un moteur qui n’est pas forcément inconnu aux amateurs du Pentastar : le 4 cylindres 2,2 que l’on croise dans nombres de voitures du groupe, notamment dans une version gonflée propulsant la Shelby Omni GLH-S. C’est d’ailleurs à cause de lui que la voiture porte le nom de Dodge M4S : Mid-engined 4-cylinder Sports car.

Cette fois-ci c’est un autre préparateur de renom qui va être impliqué, sans même être au courant. Specialized Vehicles se charge d’intégrer le 2,2 dans le châssis, mais va pousser la préparation assez loin. La culasse est remplacée par une culasse Cosworth double arbre, 16 soupapes venant de la Ford Escort RS2000, et on vient adjoindre au tout non pas un, mais deux turbos Garrett T25, faisant passer l’ensemble à 440 chevaux, excusez du peu !

Même si une implantation longitudinale aurait permis d’installer une boite de vitesse de course Hewland ou ZF, facilitant l’adaptation des rapports à chaque circuit, la direction de Chrysler veut maintenir le 4 cylindres en position transversale, comme dans ses voitures de série. De ce fait, la boîte Mopar est confiée à Weissmann Transmissions, qui fera ce qu’il peut, mais la transmission restera le point faible de la voiture.

Après quelques essais sur circuit ovale, la Dodge M4S n’arrivera malheureusement jamais à atteindre les 200 mph, plafonnant à 195 (313 km/h), au grand dam de l’équipe de communication qui espérait pouvoir miser dessus pour créer du matériel publicitaire (et aussi au prix d’un joint de culasse, stoppant les essais de vitesse par la même occasion). Mais une autre opportunité va apparaître, nous allons y revenir dans quelques lignes.

La Dodge M4S devient ainsi un des Pace Cars de la saison 1985, avant de tirer sa révérence en fin de saison, suite à de nombreux soucis mécaniques amenant à de longues séances de maintenance. La voiture fait alors le tour des salons, bouclant sa tournée au Salon de Détroit 1986.

Star de cinéma

La Dodge M4S va connaître une seconde carrière pour le moins inattendue, celle de star de cinéma. Je ne vais pas le nier, c’est par ce biais que m’est venu l’idée de cette chronique, lorsque l’excellent Steve de la chaîne Youtube Re-Vu a parlé du film en question.

La voiture devient le personnage principal (et définitivement le meilleur acteur de tout le film, malgré la présence de Charlie Sheen ou Randy Quaid) du Phantom (en VO, The Wraith), un film fantastique indépendant, produit pour 8 millions de dollars canadiens, en 1986. On ne va pas s’étendre sur le film, sachez juste que la Dodge M4S y est l’incarnation d’un esprit vengeur. Pour la production du film, on va créer 6 copies de la M4S, basées sur des buggies de plage à moteur de Cox.

La Dodge M4S de nos jours

L’histoire de la Dodge M4S est plutôt limpide. Après la production de Phantom, elle rejoint le Walter P. Chrysler Museum, qu’elle n’a pas quitté depuis. Mais restez avec moi encore un peu, il faut qu’on parle de celles qui ont servi pour le film.

La production a créé six répliques de la voiture. Quatre qui serviront à des explosions, et deux voitures roulantes, qui serviront à différentes scènes. Les deux seront vendues après la fin du tournage.

La première va avoir une vie relativement simple, changeant de mains à de nombreuses reprises, passant notamment dans les mains de John Watson qui va en dériver une kit car, la Wraith II, dont quelques exemplaires seront vendus. Elle a reçu dans les années 2010 un V6 Pontiac suralimenté avant d’être vendue en 2015 pour 150 000 dollars. Depuis, on ne sait pas grand chose à son sujet.

La seconde a disparu des radars pendant plus de vingt ans, finissant dans la remise d’une école de mécanique au Kansas. Hormis la coque en composite, il ne reste pas grand chose, le moteur, les optiques et le châssis ont disparu. Ce dernier a été remplacé par un assemblage tubulaire permettant d’accueillir un moteur Buick, mais le projet n’a jamais atteint son terme. Du coup, le nouveau propriétaire est reparti de zéro, assemblant un nouveau châssis tubulaire, pour accueillir, cette fois, un V8 Cadillac. La voiture reçoit des portes en élytre et non des portes papillon comme sur le modèle de base pour préserver la coque

Enfin une dernière M4S est apparue à la vente cette année. Les calculs sont pas bons Kévin ! En effet, Jay Winne s’est lancé dans la réalisation d’une réplique de Dodge M4S basée sur un châssis rallongé de Porsche Boxster S. Étant la seule voiture homologué pour la route, notre bon bricoleur l’a proposée sur Ebay au mois de juin avec un prix de départ de 290 000 dollars (avec une option d’achat immédiat à 499 000, trois fois rien). Étonnamment, la voiture n’a pas trouvé preneur…

Crédits photo : Dodge, Wheelsage, PPG, PPG Pace Cars, MWI Supercars, Detail Peoria, Bob Ackermann

Pierre

Tombé dans la marmite automobile quand il était petit, il a rejoint l'équipe de News d'Anciennes en 2015. Expatrié en Angleterre depuis Mai 2016, il nous partage les évènements de là-bas. En dehors de ça, il partage une bonne partie de son temps sur la route entre une Opel Ascona et une Mazda RX-8.

Commentaires

  1. Gougnard

    superbe cette dodge merci pour ce reportage Pierre

    Répondre · · 9 juillet 2023 à 15 h 01 min

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