[Auto-Radio] Piste 5 : la Cizeta-Moroder V16T

Publié le par Valentine

[Auto-Radio] Piste 5 : la Cizeta-Moroder V16T

Rares sont les voitures a avoir reçu le nom d’un musicien. Même si Giorgio Moroder n’est pas une star du hit-parade (pas directement en fait), le musicien fut bien à l’origine de la création d’une supercar vraiment à part à la fin des années 80. Et cette supercar mérite bien qu’on raconte son histoire plus que mouvementée !

Le rêve de Claudio Zampolli

Son nom n’est pas resté dans les annales de l’automobile. Cet italien commence sa carrière en tant qu’ingénieur moteur chez Lamborghini. En 1973, il débarque aux USA pour réorganiser le réseau de distribution américain de la marque. Très vite il devient un des fournisseurs des stars d’Hollywood qui roulent en Lamborghini Countach. Surtout, il en assure l’entretien. La Countach est alors une vraie voiture de star, parfaite pour se garer au bout du tapis rouge en étant remarqué.

Mais Zampolli connaît également les limites de la Countach. Cette grosse supercar est marquante et ses défauts font partie du package. En tant qu’ingénieur, il rêve donc de construire sa propre supercar avec une définition qui serait assez proche de la Countach… mais en mieux. Il a les idées, mais avant de lancer une marque, il faut les dollars !

Giorgio Moroder, le cachet « star » et les dollars

Giorgio Moroder est né en Italie, à Bolzano, en Avril 1940. Dans une famille d’artiste, c’est un autodidacte de la musique et devient guitariste dans des groupes de taille modeste. On le trouve aussi comme accompagnant, notamment de notre Johnny national, dans les années 1960 mais sa carrière solo est plus calme, malgré un disque d’or pour Looky, Looky en 1969.

À la même époque il collabore avec Pete Bellotte qui est un compositeur de disco. Giorgio Moroder devient parolier et c’est la collaboration avec Donna Summer qui va donner un coup de boost à leur carrière commune. Love to Love You est un démarrage, I Feel Love et Hot Stuff sont des succès planétaires. Le studio qu’il a fondé à Munich enregistre les tubes des Stones, de Deep Purle, Led Zep’ ou encore Queen. En tant que producteur, il collabore aussi avec Elton John, Eurythmics, Bowie ou Blondie.

L’homme a un solide carnet d’adresse mais son nom est souvent relégué au second plan. Sauf à Hollywood. À partir de 1978, il se lance dans la musique de film. Midnitght Express est un chef d’œuvre du genre qui lui permet d’obtenir un Oscar. Ajoutez Call Me, de Blondie qui se retrouve dans American Gigolo, What a Feeling d’Irene Cara pour Flashdance (Oscar en 1984) ou Take My Breath Away dans Top Gun (Oscar en 1987). Dans un autre registre, la BO de Scarface et l’homme a fait son trou. Il compose également des musiques pour les JO de Los Angeles et de Seoul puis pour la Coupe du Monde de Foot italienne de 1990.

Giorgio Moroder, à droite

Entre temps, il a gagné beaucoup d’argent et s’achète de belles voitures. C’est chez Zampolli qu’il les fait entretenir et l’origine italienne des deux hommes les rapproche. Sa fortune va être mise à contribution puisqu’il investit dans le rêve fou de Zampolli. La société s’appellera Cizeta, la prononciation des initiales de Zampolli en italien et le nom de Moroder y sera associé. Reste à créer la voiture !

On présente la Cizeta-Moroder V16T

Pour créer une voiture qui soit une « Countach en mieux », Zampolli s’entoure d’italiens, souvent des anciens de chez Lambo. Le châssis n’est pas très ambitieux et colle bien à l’idée d’une voiture d’artisan. C’est une structure multitubulaire avec des triangles aux 4 roues et freins ventilés Brembo qui est retenue. Une structure très large… puisqu’il faut caser le moteur !

Contrairement à la Countach et son V12, Zampolli souhaite un moteur marquant : un V16. La base va venir directement de chez Lambo puisque Oliviero Pedrazzi et Achille Bevini vont assembler deux V8 d’Urraco. Avec injection électronique Bosch, 64 soupapes, 8 arbres à cames, ce gros 6 litres est une usine à gaz qui permet de sortir 540ch et un couple de 540Nm. Son autre particularité, c’est d’être implantée de façon transversale. On sait donc pourquoi l’auto est baptisée V16T.

Reste la question du design et c’est encore un italien qui s’y colle : Marcello Gandini. Pour faire une Countach évoluée, autant reprendre son designer ! C’est une voiture large et impressionnante qui est créée… dans un second temps. Un premier concept en effet dès 1985. En fait, Gandini a déjà dans ses cartons le dessin d’une remplaçante de la Countach mais Lambo traîne à mettre tout cela en ordre de marche. Le concept est donc proposé à Cizeta mais on demande à Gandini de se remettre au travail.

La voiture finale… sera très ressemblante à la Diablo, toujours dessinée par Gandini ! Là encore, Chrysler, propriétaire d’alors de Lamborghini a tardé et a décidé de reprendre le dessin de l’Italien. La Cizeta-Moroder serait donc une véritable « Diablo V0 ».

Le dessin garde quelques lourdeurs, notamment au niveau des ailettes latérales. L’auto se démarque par sa ligne et ses phares : ceux de l’avant sont 4 pop-up, superposés deux par deux et ceux de l’arrière viennent de l’Alpine GTA ! La carrosserie sera construite en alu.

Pour l’anecdote, l’aileron arrière de l’auto n’a aucune utilité ! Uniquement présent pour l’esthétisme, il n’offre aucun avantage aérodynamique. Là encore, c’est comme sur la Countach (Pierre en parle ici).

La Cizeta-Moroder V16T est finalement dévoilée au salon de Los Angeles 1988 (avant la Diablo donc). L’auto fait forcément sensation. Elle est encore lourde puisqu’on table sur 1400kg et qu’elle en fait encore 1700. Niveau perfs, on vise les 320 km/h et le 0 à 100 en 4s, des chiffres énormes pour l’époque.

Commence maintenant la phase de mise au point. Et c’est là que ça se gatte. Le développement est long, que ce soit le moteur ou les trains roulants, eux aussi sont une vraie usine à gaz. Moroder se fâche. Pour accélérer les choses, il suggère à Zampolli d’opter pour un moteur BMW et, pour réduire les coûts, de passer la carrosserie à la fibre de verre. Ce sont de bonnes idées mais elles sont loin de l’idée d’une voiture exclusive voulue par Zampolli. Les deux se séparent.

La Cizeta V16T sans Moroder

C’est en 1991 que la première Cizeta V16T est finalement livrée. Logiquement, elle ne s’appelle plus Cizeta-Moroder mais reste techniquement proche de l’auto présentée en 1988… poids compris !

Si l’auto est tombée dans l’oubli, c’est tout simplement qu’elle est difficilement vendable. En plus de la Cizeta-Moroder V16T originelle, conservée par Giorgio Moroder, on va produire et vendre (difficilement puisqu’elle s’affiche autour des 650.000$) 9 autres voitures. La crise financière du début des années 90 et les changements de réglementation automobiles de la même période vont condamner l’aventure qui s’arrête en 1993. Trois châssis non-achevés sont conservés et seront terminés entre 1999 et 2003, l’un d’eux est même un Roadster. Zampolli proposera d’en produire d’autres jusqu’en 2018, sans succès.

Pourtant, Zampolli voit cela comme un succès puisque la voiture est exclusive et qu’elle est produite !

Finalement, la Cizeta-Moroder V16T originelle existe toujours. Conservée par Moroder jusqu’en Janvier 2022 quand elle fut vendue par RM Sotheby’s à Phoenix, c’est une auto unique et le symbole d’une aventure automobile folle et compliquée.

Photos : Wikimedia Commons, Cizeta Automobili, Wheelsage et RM Sotheby’s

Valentine

Passionnée d'automobile depuis de nombreuses années, Valentine, étudiante en journalisme, rejoint l'équipe de News d'Anciennes en tant qu'apprentie. Les voitures anciennes, elle aime en parler, les prendre en photo mais surtout en prendre le volant !

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