Au volant d’une Citroën ID 19, pas une reine, mais une princesse

La DS se refuse à moi ! Si Vincent a bien pu essayer une belle 21 Pallas, c’est bien le seul. Pour l’instant je n’ai eu droit qu’à la petite sœur, la DSpécial. Mais là, c’est une Citroën ID 19 qu’on me propose. Une auto parfaite pour parcourir les 300 km prévus sur le week-end. Oui, la route, elle est sensée l’aimer cette popu française. Alors je ne me fais pas prier plus longtemps. En route.

Notre Citroën ID 19 du jour

Ça va être le jeu du jour. L’objectif est simple : montrer que ce n’est pas une DS que nous avons entre les mains mais bien une Citroën ID 19 de 1964. Et quand on regarde la ligne, c’est fort logique qu’il y ait une certaine confusion qui s’installe. La même qu’on pourrait retrouver entre une Dauphine et une Ondine de la même époque et la raison est la même : l’une est un dérivé de l’autre. Sauf que dans notre cas, c’est bien l’ID qui est dérivée de la DS, une version moins cossue et, surtout, plus abordable.

À l’avant de notre française, on retrouve bien le faciès des premières DS et ID. Des premières ? Non, en fait notre Citroën ID 19 affiche bien le deuxième avant. Tout est dans le détail mais c’est la grille entourant la plaque qui vous donnera une indication. Pour reconnaître une ID d’une DS, pas si facile à cet endroit. Mesurer la taille des bananes de pare-chocs n’est pas aisé. Et puis les phares des ID ont reçu un entourage chromé, qu’elles n’avaient pas au départ, en 1959. Du coup, oui, on peut comprendre la confusion.

Sur le profil de notre Citroën ID 19, on remarque une différence. Laquelle ? Regardez les roues. Quand les DS recevaient des enjoliveurs couvrant toute la roue, les ID se contentaient du centre. Sinon ce profil sans fioritures nous permet d’admirer la robe rouge de notre voiture du jour (amis de l’origine, lâchez vous) et son toit blanc, apparu sur les ID en 1962 quand les premières se contentaient de la couleur de la résine : le toit n’était pas peint et sur les DS et ID il est en fibre de verre.

À l’arrière, là aussi on pourrait confondre les deux modèles phares des chevrons. Pourtant c’est bien par là que la Citroën ID 19 porte le plus de marques distinctives. D’abord, regardez les « trompettes » qui font la jonction entre le montant arrière, le pavillon et la lunette : ils sont noir et pas chromés.

Ensuite, si vous scrutez la malle, vous retrouverez des chevrons. Pas de grosse surprise à ce niveau. Par contre, regardez la couleur. Sur notre Citroën ID 19 du jour, comme sur les autres ID, c’est argenté, sur les DS, ce sera chromé !

Voilà, évidemment on ne vous a parlé que des différences entre les ID et les DS. Pas besoin de détailler ce style intemporel qui a été reconnu par les plus grands comme un chef d’œuvre. En tout cas, pour une auto à la finition plus discrète, on ne peut pas dire qu’elle fasse cheap. Un bon point.

Intérieur :

On ouvre la large porte de l’auto pour découvrir un intérieur qui reste original même près de 60 ans après sa sortie. On comprend pourquoi les plus conservateurs s’orientaient vers une une Peugeot 404. Par contre, il faut bien avouer que c’est grand, spacieux et lumineux.

Là encore, on sait qu’on est à bord d’une Citroën ID 19 et pas une DS. Plusieurs détails le montrent. Déjà le volant clair et pas noir. Ensuite l’arc de cercle en haut du tableau de bord quand le dessin était moins simple sur la DS. L’instrumentation est réduite. Derrière le volant on ne trouve qu’un gros compteur à aiguille pour le tachymètre, les deux odomètres, la jauge de carburant et la température d’eau. Seul autre « instrument », la montre est rejetée devant le passager.

Par contre, niveau commandes, mieux vaut savoir à quoi toucher avant de partir. Les boutons ne manquent pas, sur la planche de bord, mais aussi autour du volant où on retrouve la commande de boîte en plus des commandes de feux et des clignotants. À gauche les manettes servent, elles, à la ventilation. Au plancher, on remarque qu’on est pas dans une DS, pas de champignon mais une bonne vieille pédale de frein tout ce qu’il y a de plus classique (‘ Bref, c’est complet.

Enfin, il faut parler de l’équipement. Et il n’est pas si chiche ! Notre Citroën ID 19 Confort est dotée de trois accoudoirs, deux à l’arrière et un pour le passager avant. Le conducteur n’a qu’à mettre le coude à la portière. On retrouve une énorme boîte à gant mais aussi un autoradio bien situé. La sellerie est en bon état et le moelleux des sièges est une invitation au voyage. On ne va pas tarder à le tester un peu plus.

Technique :

Ouverture du capot et tadaaam, voilà ce bon vieux moteur D. Sur notre Citroën ID 19 de 1964 il faut bien se dire que c’est un moteur toujours très proche de celui de la Traction qui officie sous le capot. Certes il a été équipé d’une culasse hémisphérique… mais sa cylindrée de 1911cm³ ne trompe pas.

Sur notre auto du jour, il sort 66ch DIN. C’est plus que sur les Citroën ID 19 Normale des débuts qui devaient se contenter de 62ch SAE, mais c’est parce que la nôtre est une Confort. Comment la DS faisait pour sortir plus ? C’est tout simplement parce que l’ID 19 se contentait d’un carbu simple contre un double corps sur le moteur de sa grande sœur.

On vous a promis de parler de technique car il n’y a pas que le moteur à retenir quand on parle de notre voiture ancienne du jour. Il faut évidemment parler du système oléopneumatique. On a voulu faire moins cher, mais il est bien présent sur la Citroën ID 19 et sert à la suspension. Par contre, l’embrayage et la boîte fonctionnent de façon classique. Cela simplifie quand même grandement l’assemblage… et la maintenance !

Pour le reste, pas grand chose à ajouter. La Citroën ID 19 se pare de freins à disque à l’avant et de tambours à l’arrière. Comme toutes les ID d’après 1962, le freinage est assisté. La mauvaise nouvelle, c’est que notre auto a conservé son LHS, donc que le système est à revoir fréquemment.

Au volant de la Citroën ID 19

Fini le round d’observation. L’installation est aisée. Même si notre française ne propose quasiment pas de réglage, on trouve vite une bonne position de conduite. Les sièges sont très moelleux, on s’y enfonce tellement qu’ils n’ont pas besoin d’une quelconque forme adaptée pour nous maintenir. Et puis la Citroën ID 19 n’est pas une voiture de course, pas de raison qu’elle veuille nous faire valdinguer… sur le papier en tout cas.

Les premiers kilomètres en agglomération ne sont pas forcément ceux que je préfère. Même si on a pas de champignon, doser le freinage reste quelque chose d’assez compliqué… au moins sur les premiers mètres. Aucun risque de rentrer dans la voiture de devant. Par contre, celle de derrière a intérêt à être à distance ! Le gabarit est également à prendre en compte. Ce n’est pas une 4CV que j’ai entre les mains, c’est une auto bien plus large et plus longue. Un gabarit d’ailleurs assez étonnant quand on regarde l’année de fabrication. Heureusement la visibilité est excellente vu que les montants sont extrêmement fins.

Un virage à droite et nous voici sur une départementale qui ne porte plus son nom, ni sa limitation de vitesse. La Citroën ID 19 tourne à un 70km/h ronronnant. La souplesse du moteur est appréciable mais je suis pile entre la 4e (pour cruiser) et la 3e (pour relancer). Heureusement que j’aime bien les vitesses au volant. Certes, je suis obligé d’appuyer sur l’embrayage pour tout changement de rapport, mais si on enlève la DS et quelques « embrayages automatiques » de l’équation, c’est finalement assez courant.

Voilà qu’arrive le pire ennemi de l’automobile au XXIe siècle. Je ne parle pas de la pompe, je suis loin d’avoir englouti le plein de la Citroën ID 19, mais bien des ralentisseurs. Sauf que je suis à bord d’une Citroën de la grande époque, une auto qui a des sphères sous le capot et aux quatre roues et qui avale l’obstacle (à la vitesse de 30km/h) sans sourciller et sans gêner les 3 autres occupants.

Bon, je précise que c’était un des rares ralentisseurs de France à être totalement dans les clous niveau forme. Les vrais trottoirs comme on en rencontrera plus loin seront tout de même passés plus prudemment parce qu’à un certain point, il n’y a pas de miracle.

La Citroën ID 19 continue son bout le chemin. Comme pour la Morgan, il y a de la route mais ce n’est pas ça qui va lui faire peur. Finalement, à moi non plus. La chevronnée avale les bornes sans sourciller. Le confort est bon, il n’y a que le bruit qui nous renvoie dans les années 60… et encore, de petites citadines actuelles ne s’en sortent pas mieux à ce niveau là. Je sens doucement le siège m’aspirer… c’est l’heure de la pause.

Une fois celle-ci terminée, on repart. La route s’est un peu élargie, l’occasion de sentir la cavalerie. Alors, oui, sur une Citroën ID 19, ça ne va pas loin. Heureusement les tours sont pris vite et la puissance maxi n’est pas haut-perchée. Il faut bien dire que vous ne ferez pas le poids face à n’importe quelle auto de la même gamme vendue dernièrement, la puissance est quand même juste et notre auto n’est pas une ballerine, surtout le coffre chargé et avec 4 personnes à bord ! En bref, on peut accélérer et se mettre rapidement à la vitesse maxi sans trop embêter le SUV qui est derrière.

Ce même SUV aurait par contre des frayeurs à suivre le rythme en virage. C’est bien là qu’elle est bluffante, virant presque à plat, sans faire peur et en tenant la trajectoire. Attention tout de même, trop d’enthousiasme et le sous-virage vous enverra l’ordre de calmer le jeu. La ZX ACAV de Fabien qui est juste devant ne nous largue pas même si elle roule « bien ». La Citroën ID 19 est à l’aise et accepte le rythme.

Il faut quand même préciser que, malgré ses qualités indéniables, la berline n’a rien d’une voiture dynamique. Oui, elle tient le rythme, sans même attaquer franchement, mais ce n’est vraiment pas pour ça qu’elle est prévue. Elle se montre étonnante à défaut d’être vraiment enthousiasmante. Ce n’est pas à son volant qu’on va avoir son lot de sensations.

Est-ce qu’elle est prévue pour ça ? Non. Jamais la mayonnaise achetée au supermarché ne sera aussi savoureuse qu’une sauce Rossini. Mais ce serait bête de lui en vouloir, elle n’est pas faite pour ça. Oui, la Citroën ID 19 est une voiture parfaite pour celui qui veut encore noter sa « moyenne » sur la route des vacances. Oui, c’est une auto qui ne paraîtra jamais vraiment ridicule et qui n’a pas vraiment de point faible. Par contre, ce ne sera jamais la meilleure quel que soit le critère qu’on veuille noter.

Le reste de la route est fidèle à son début. Je me suis fait au freins, à la boîte, au confort… bref, la Citroën ID 19 m’a prouvé qu’elle n’était pas une DS mais qu’elle savait quand même voyager. Quelle que soit la route, qu’elle soit large ou étroite, en campagne ou en ville, il est difficile de la prendre en défaut. C’est ça qu’on lui demande non ?

Conclusion

La Citroën ID 19 est une bonne voiture, c’est certain. C’est le genre de populaire française (même si on peut discuter éternellement du terme et de quelles autos sont à catégoriser ainsi) qu’on retrouve en nombre sur les événements et ce n’est pas pour rien. Elle a des performances au-dessus de nombre de tricolores anciennes qu’on retrouve encore sur les routes et un confort qui vous permettent sereinement de traverser le pays. Et ce n’est pas donné à toutes les autos.

En plus, elle bénéficie d’une cote d’amour énorme. Pensez-bien, pour le commun des mortels, ce n’est pas une ID mais bien la reine des DS qui est sous leurs yeux ! C’est peut-être ça le vrai point fort de la Citroën ID 19 : être une « DS dans l’âme » et ainsi appartenir à une famille automobile large qui a fait rêver de nombreux français et qui a été unanimement saluée à travers le monde.

Rouler en Citroën ID 19

Première chose : si vous souhaitez rouler dans CETTE Citroën ID 19, c’est possible. C’est une des voitures de la flotte de voitures anciennes à louer d’Autosphère Classic. Si vous souhaitez plus d’infos, c’est par ici.

Pour le reste, les Citroën ID 19 sont effectivement moins chères que les DS de même génération. Dans un état exceptionnel, une telle auto ira chercher autour des 25.000 € voire plus, mais vous en trouverez de beaux exemplaires sous les 18.000 € et des exemplaires roulants, nécessitant des soins, sous les 12.000 €. À titre de comparaison, pour une DS 19 on pourra vous demander 20/35/60.000 € !

À l’achat, LA principale chose à surveiller c’est la rouille. Elle se niche partout, surtout à l’arrière. On la décèle aussi sur l’entourage de pare-brise et une caisse de DS/ID à retaper sera un sacré travail. Le moteur est robuste et les pièces se trouvent. Pas trop d’inquiétude de ce côté là. Pour ce qui est de l’hydraulique enfin, il faut que le système ait été bien entretenu et, idéalement, qu’il ait servi fréquemment. Sa réfection totale n’est pas infaisable mais sera un beau chantier !

Pour le coup, vous trouverez de nombreux passionnés et connaisseurs de la marque qui sauront vous conseiller, notamment dans les clubs. Côté pièces ? C’est un peu comme les Porsche 914. On en trouve de nombreuses pièces parce que sont les mêmes que sur la 911. Ça assure la disponibilité mais le fait que les pièces de la Citroën ID 19 soient des pièces de DS, prévues pour restaurer des DS dont la côte ne cesse d’augmenter fait que ces pièces sont parfois chères comparées au prix de la voiture elle-même.

Un grand merci à Romain et Mikaël d’Autosphère Classic pour le prêt de cette auto… et les péripéties autour !