À la découverte du Musée Stanguellini

Publié le par Thierry Le Gall

À la découverte du Musée Stanguellini

Après le Musée de Vernon, à revoir ici, Thierry Le Gall, fondateur d’Automobile Museums, nous emmène en Italie !

Quand on pense à Modène et Bologne, on pense naturellement Ferrari, Maserati, Lamborghini… Mais un autre petit constructeur, Stanguellini, a connu une période de succès sportifs et commerciaux des années 1930 aux années 1960 sous l’impulsion de Vittorio Stanguellini. Le Musée Stanguellini, géré par la petite-fille de Vittorio rend hommage à cette saga familiale. Il se trouve à la sortie de Modène sur la route de Bologne.

Encart automobile museums.com copie- Musée Stanguellini

La saga Stanguellini

L’histoire des Stanguellini commence à la fin du 19ème siècle lorsque Celso Stanguellini invente un système de tension pour les tambours et crée son entreprise pour les fabriquer. Son fils Francesco hérite de l’entreprise, et décide dès 1900 de se consacrer à la mécanique, vélos d’abord, puis motos et voitures. Francesco participera également à des courses, notamment à moto et engins à 3 roues.

Il sera le premier à immatriculer une voiture à Modène en 1910, puis deviendra le concessionnaire Fiat de Modène, l’un des premiers en Italie. Francesco décède en 1932, et son fils Vittorio qui n’a que 22 ans se retrouve à la tête de l’entreprise. Passionné de mécanique et talentueux, il commence à modifier des voitures et à optimiser leurs moteurs, sur base Fiat d’abord, puis Alfa Romeo et Maserati. Sa réputation grandit rapidement et les nombreux amateurs viennent de tout l’Italie pur faire préparer leurs voitures.

Ainsi, dès 1936, cette activité devient un business à part entière, aux côtés de la concession Fiat qui continue à se développer. En 1937, Vittorio lance la Squadra Stanguellini. Les pilotes courent sur des Fiat et Maserati améliorées et préparées par Vittorio, ou sur les barquettes Stanguellini construites pour les classes 750cc et 1100cc, animées par des moteurs Fiat.

Musée Stanguellini

La Squadra Stanguellini remporte de nombreuses courses et podiums, dont la Targa Florio 1937, ce qui fera encore croitre la réputation de Vittorio Stanguellini. Stanguellini produira des voitures de course, monoplaces et barquettes sport, ainsi que quelques modèles de tourisme, développera aussi ses propres moteurs.

Mais au début des années 1960, les moyens manquent pour poursuivre l’activité, d’autant que les moteurs Fiat manquent de puissance en comparaison des autres constructeurs. Vittorio Stanguellini décède fin 1981, et son fils Francesco (et petit-fils de Francesco senior) ouvre le musée en 1996. C’est sa petite-fille Francesca qui veille désormais sur l’héritage familial et notamment ce beau musée Stanguellini que nous allons maintenant parcourir.

La visite du Musée Stanguellini

Le grand hall d’entrée du Musée Stanguellini est justement consacré aux éléments historiques en dehors des productions de Vittorio. On retrouve un exemplaire du fameux tambour breveté par Celsio Stanguellini, en quelques sorte le début de cette saga industrielle. Dans l’angle, la Fiat Tipo 1 de 1908, cette première voiture immatriculée à Modène par Francesco Stanguellini en 1910, comme en témoigne son immatriculation MO 1, est en parfait été de marche, même si le démarrage et la conduite d’un tel ancêtre reste complexe.

Une Fiat 1100 (type 103) rappelle l’activité de concession Fiat de la famille Stanguellini. Le souvenir de Francesco (fils de Vittorio) est aussi présent dans une vitrine avec des accessoires de course et quelques coupes. Quelques canapés permettent une petite pause, pour admirer la déco, avec de grands posters des modèles Stanguellini emblématiques, des photos et affiches, et des dessins de pilotes célèbres.

La production Stanguellini

Le visiteur accède ensuite à la partie principale du musée, dévidées en 2 sections. La 1ère est consacrée aux productions de Vittorio Stanguellini, donc majoritairement des voitures de course, tandis que la seconde présente la collection familiale, plus quelques sections complémentaires.

Les monoplaces

Comme beaucoup d’artisans constructeurs dans les années 1950 et 1960, Vittorio s’était spécialisé dans les petites monoplaces légères et les barquettes sport, qui exploitaient de petits moteurs de 750cc à 1100cc provenant de grands constructeurs comme Fiat, Ford ou Renault.

D’ailleurs les monoplaces et les sports utilisaient souvent le même ensemble châssis-moteur et de nombreuses autres pièces. Les moteurs étaient préparés pour la course, et Vittorio développa des culasses double ACT pour les moteurs Fiat. En 1950 il conçut entièrement ses moteurs 750cc et 1100cc, toujours avec culasses double ACT (Bialbero en italien) utilisant l’aluminium pour les alléger.

La famille a pu conserver quelques autos de cette époque, et essaye d’élargir la collection lorsque des opportunités se présentent. Dans l’immédiat après-guerre, les monoplaces Stanguellini couraient en Grand Prix, et remportèrent de nombreuses courses. Puis, la FIA ayant structuré les catégories, les Stanguellini couraient dans les catégories Formule Junior et F3. Le constructeur devint notamment l’un des acteurs majeurs de la Formule Junior sur le plan international, produisant plus d’une centaine de voitures, et remportant de nombreux championnats nationaux. Comme pour la majorité des monoplaces des années 1950, le moteur était à l’avant.

En 1961 apparut la Delfino à moteur central, reconnaissable à sa proue qui lui donne son nom, et à son échappement positionné très au-dessus du moteur. Malgré une conception innovante et en excellent châssis, la Delfino était handicapée par la faible puissance du moteur FAIT, et Stanguellini se refusait à utiliser des moteurs étrangers. Fangio était un grand ami de Vittorio Stanguellini, et il participait volontiers à la mise au point des petites monoplaces lorsqu’il passait par Modène.

Une monoplace sensiblement plus petite est aussi exposée au Musée Stanguellini, une voiture construite par Vittorio en 1948 pour son fils Francesco, inspirée par la Maserati 4 CLT de Grand Prix et équipée d’un petit moteur Vespa. De quoi inspirer la passion de l’automobile et de la compétition dès le plus jeune âge !

Les barquettes sport

En parallèle, les barquettes sport basées sur les mêmes éléments écumaient les courses de la catégorie partout en Europe. La 1100 Sport est particulièrement reconnaissable avec ses nombreuses baguettes chromées à l’avant et sur le capot, et son petit pare-brise qui épouse les formes arrondies du capot.

Une Lotus Mk-11 de 1957 s‘est glissée dans la lignée au Musée Stanguellini, son pilote ayant décidé de faire remplacer le Coventry climax par le Stanguellini 1100 cc double ACT, gagnant de nombreuses courses en Angleterre. On retrouve au bout du capot le logo Lotus entouré de l’indication « Transformazione Stanguellini ».

Le rêve de Vittorio était aussi de gagner les 24 Heures du Mans (dans sa catégorie naturellement), et il participe régulièrement dans les années 1950. En 1958, il s’associe avec SEFA, une entreprise française, pour adapter un système de suspension à roues indépendantes. L’auto est très légère avec ses 420kg, et son moteur de « Bialbero » de 740cc délivre 95 ch pour frôler les 200 km/h. Malheureusement, la voiture n’aura pas le succès espéré.

Les records de vitesse

Stanguellini s’attaqua aussi aux records de vitesse, activité florissante dans les années 1950/1960. Il développa le Colibri à cet effet, châssis tubulaire, carrosserie très étudiée de Scaglione, motorisée par un monocylindre Guzzi de 250cc développant 29 ch ! En 1963, le Colibri battit 6 records du monde dans sa catégorie sur l’anneau de vitesse de Monza, et notamment la moyenne de 164km/ sur 200 km !

Les voitures de tourisme

Vittorio Stanguellini s’est aussi intéressé aux voitures de tourisme. En association avec Bertone dont le chef designer était Franco Scaglione, il a développé la Stanguellini 1100 Berlinetta, un petit coupé 2+2 sur une base Fiat. Son petit moteur Fiat 1100 cc retravaillé par Stanguellini développant jusqu’à 95 ch, un châssis retravaillé, une carrosserie aérodynamique et un poids contenu autour de 700 kg lui autorisaient de belles performances, et plusieurs exemplaires ont été engagées dans les courses routières comme la Targa Florio ou les Mille Miglia. Plusieurs versions de carrosseries ont été proposées entre 1948 et 1953.

Le modèle exposé au Musée Stanguellini est une version 1948. Au total, Stanguellini produira une centaine d’unités de ce petit coupé.

La décoration

De nombreuses photos, posters, affiches d’époque, plaques émaillées assurent la décoration de cette salle du Musée Stanguellini. On retrouve notamment de nombreuses photos de courses, ainsi que plusieurs photos de Juan Manuel Fangio et d’Enzo Ferrari, avec lequel Vittorio Stanguellini entretenait de bonnes relations de voisinage, d’autant qu’ils n’étaient pas vraiment en compétition.

Des vitrines exposent des objets liés à la course, des coupes, des pièces de moteur, des documents historiques… Parmi les curiosités, un siège réservoir : soucieux d’alléger au maximum (et d’abaisser le centre de gravité), Vittorio avait construit le réservoir en forme de siège, le pilote était donc directement assis sur le carburant ! Gare aux chocs !

La Collection familiale

Grand amateur de voitures et pilote, Francesco (le fils de Vittorio) s’était constitué une belle collection de voitures, assez éclectique en termes de catégories et performances, qui sont présentées dans la 2ème partie d’exposition du Musée Stanguellini.

Cette partie du hall est aussi décorée de grandes affiches, de photos, de coupes et de plaques émaillées. Beaucoup d’italiennes, mais pas seulement. A quelques exceptions près, ce sont toutes des sportives ! Cette collection à elle seule vaut la visite, n’ayant rien à envier à beaucoup de musées. La visite ci-dessous n’est pas exhaustive…

Les Italiennes

Hormis Lamborghini, les principales marques italiennes sont représentées. La Fiat 600 de 1958 et une Fiat Topolino dénotent un peu dans cet aréopage de belles sportives, et elles sont accompagnées par un coupé 2300 S de 1965, piloté par Francesco Stanguellini. Plus rare et plus sportive, la Fiat Dino 2400 cabriolet était équipée du V6 Ferrari Dino qui équipait également la Dino 246, première Ferrari (même si elle n’en avait pas le patronyme) de route à moteur central. Sur le cabriolet, élégamment dessiné par Pininfarina, le moteur est à l’avant. A peine plus de 400 exemplaires ont été produits.

Sans être une sportive prestigieuse, la Fiat 128 Rally présentée en 1971 était une GTi avant l’heure. L’Alfa Romeo 1900 Super exposée au Musée Stanguellini a été pilotée par Francesco Stanguellini dans des courses historiques.

L’Alfa Romeo Giulietta Sprint est une icône sportive des années 1960, ici dans sa robe « classique » mais prête pour la course, et une version « Speciale » de 1961, un exemplaire plus rare avec une belle carrosserie Bertone dessinée par Scaglione et dérivée des fameuses études BAT (Berlinetta Aerodinamica Technica).

La Giulia Sprint, coupé dérivé de la berline éponyme succède à la Giulietta, et reste aujourd’hui une Alfa très recherchée des amateurs. La Lancia Aurelia est une sportive italienne iconique des années 1950, 1ère voiture de série équipée d’un V6.

Datant des années 1970, la Lancia Fulvia était un joli petit coupé, mais aussi une redoutable machine de rallye. Deux Ferrari très différentes sont exposées au Musée Stanguellini, la 512 BB (Berlinetta Boxer), à moteur boxer 12 cylindres central, et la 612 Scaglietti, coupé GT avec un V12 avant.

Les Maserati sont représentées au Musée Stanguellini par générations de la firme de Modène, avec la Sebring et la Khamsin. La Sebring est un élégant coupé 2+2 des années 1960, l’une des dernières Maserati équipées du 6 cylindres en ligne. La Khamsin est une très GT de la fin des années 1970, dessinée par Marcello Gandini pour Bertone, et équipée du V8 maison, peut-être l’une des plus belles GT produites par Maserati.

Allemandes et anglaises

Une triplette de Porsche représente l’Allemagne dans la collection du Musée Stanguellini. On débute avec deux Porsche 356, un modèle A de 1958 en coupé et une B de 1959 en version roadster. La 3ème Porsche est une 911 type 964, version RS de 1992.

Plus classique, une VW Coccinelle, mais en version cabriolet, et une Mercedes 250 SL (la fameuse « Pagode ») complètent cet échantillon germanique.

Coté anglais, un autre roadster avec l’Austin Healey 100. Premier modèle de la coopération entre Austin et Donald Healey, le « 100 » de son nom se réfère à sa capacité à dépasser les 100 mph (160 km/h), belle performance pour les années 1950.

Jaguar ne pouvait pas être absent d’une telle collection, et on retrouve donc une XK150 roadster, une MkII du début des années 1960, grande et belle berline qui connut aussi de beaux succès en compétition. C’est d’une certaine manière l’ancêtre des berlines sportives actuelles, BMW M, Mercedes AMG ou Audi RS… Last but not least, il y a évidemment une Jaguar Type E, ici en coupé 6 cylindres 4,2L. Curiosité, les 3 Jaguar de la collection sont blanches.

Enfin le Musée Stanguellini expose une Lola T212 ayant appartenu à la Scuderia Filipinetti, célèbre écurie suisse, voiture qui écuma le championnat d’Europe Sport 2L dans les années 70, ainsi que les courses de cote.

Stanguellini Lola T212 08702Ts- Musée Stanguellini
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Les motos : hommage à Danilo Tavoni

Danilo Tavoni, surnommé « Main d’or » par Enzo Ferrari, a travaillé plus de 15 ans avec Vittorio Stanguellini, avant d’aller chez Lamborghini. Il travaillait sur les carrosseries, façonnant et sculptant le métal. Après sa retraite, il ouvrit son atelier, se spécialisant notamment dans la création de répliques de MV Agusta. Un angle de cette salle du Musée Stanguellini rend hommage à ce précieux collaborateur de Stanguellini. On y voit quelques-unes de ses créations, et différentes étapes de son travail. Certains propriétaires de motos MV Agusta hésitent à les utiliser, vu le prix de ces motos, et Danilo leur construisait donc des répliques à l’identique, avec un moteur Kawasaki, pour rouler régulièrement.

La salle des moteurs et outillage

A l’opposé du corner motos, on trouve une série de moteurs sur des tréteaux : Stanguellini bien sûr, mais aussi Fiat, Jaguar, Ferrari, Maserati… Dans le prolongement, une série de gros outillages développés par Vittorio montre une autre facette de cet homme aux multiples talents. En effet, lorsqu’il ne trouvait pas sur le marché les outillages dont il avait besoin, Vittorio n’hésitait pas à les concevoir et réaliser lui-même. Il y a là notamment un banc de test moteur « fait maison », et qui fut même ensuite produit en petite série pour des préparateurs et constructeurs, une centaine sortant des ateliers Stanguellini.

Conclusion

On le voit, le Musée Stanguellini, moins connu que Ferrari ou Lamborghini, mérite largement la visite. Pour plus de détail sur les horaires et conditions de visite (en italien ou en anglais), voir le site Automobile-Museums.

Encart automobile museums.com copie- Musée Stanguellini

Thierry Le Gall

http://automobile-museums.com

Passionné d’automobiles depuis toujours, amateurs de voitures (plutôt rapides) et de voyages, Thierry a créé et anime Automobile-Museums, site de référence des musées automobile dans le monde.

Commentaires

  1. nounours8529

    tres jolie collection avec des voitures rares merci benjamin

    Répondre · · 29 octobre 2023 à 13 h 27 min

  2. tourneux

    Merci Benjamin, tu nous trouves toujours des mines d’or ! magnifique musée très riche . J’ai retrouvé avec plaisir ces Stanguellini que j’ai vu rouler à Reims Gueux en formule junior.

    Répondre · · 30 octobre 2023 à 21 h 05 min

  3. Claude HERCENT

    Très belle découverte !! Je n’avais connu Stanguellini qu’en voyant quelques exemplaires aux 24 h du Mans à la fin des années 50, mais je découvre d’autres facettes de la marque que j’ignorais !!! Merci pour ce joli reportage, et à bientôt à Lyon ou je ne manquerai pas de vous saluer. Claude HERCENT.

    Répondre · · 1 novembre 2023 à 10 h 18 min

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