Talbot Sunbeam, du bricolage anglais au titre mondial

Publié le par Benjamin

Talbot Sunbeam, du bricolage anglais au titre mondial

C’est l’histoire d’une voiture qui a fait rêver, et fait encore rêver, les amateurs de voitures de rallyes. Mais quand certaines de ces autos sont nées nobles et n’ont fait que s’affiner, celle-ci est partie de très, très, bas. On vous raconte l’histoire d’un invraisemblable bricolage et d’une carrière à rebondissements.

Rachat, jalousie et sauvetage écossais

Si on veut partir de loin, commençons l’histoire de la Talbot Sunbeam en Juin 1964. Chrysler s’attaque au marché anglais en prenant une participation de 30% dans le groupe Rootes. C’est un mécanisme similaires à celui opéré sur le continent avec Barreiros ou Simca. Le Pentastar va monter dans le capital par ajouts successifs jusqu’à 1967 et la prise de contrôle majoritaire qui débouche sur la disparition du nom Rootes, remplacé à partir de 1971 par Chrysler UK, entité chapeautée par Chrysler Europe qui regroupe les deux marques citées précédemment.

Du côté de la concurrence anglaise, British Motor Holdings et Leyland Motor Corporation ont fusionné en 1968 pour donner la British Leyland Motor Company. Mais au bout de seulement 6 ans, la firme, née de deux parties mal en point, est au plus mal. Sir Don Ryder, diligenté par le gouvernement pour faire l’état des lieux du « General Motor Anglais » (c’est en tout cas l’ambition du groupe). Ryder rend son rapport en 1975 et il est suffisamment alarmiste pour que l’état ne décide de s’impliquer. Le groupe pourrait disparaître et le gouvernement travailliste ne veut surtout pas voir des milliers d’ouvriers sur le carreau. British Leyland Limited naît, avec l’état comme actionnaire majoritaire et une grosse injection de livres sterling.

Du côté de Chrysler UK, on voit ça comme de la concurrence déloyale, et on a en partie raison. Du coup, le groupe menace, il est alors bien plus puissant qu’il ne l’est actuellement, et met notamment dans la balance la survie de l’usine écossaise de Linwood (à l’ouest de Glasgow) qui n’est pas rentable. Le gouvernement réagit et alloue une subvention de 55.000.000 £ pour développer une voiture compacte et moderne qui devra être construite en Écosse. À ce moment là : « y a plus qu’à ».

Linwood Factory- Talbot Sunbeam

L’ingrédient qui tue : du neuf avec du vieux

Ce n’est pas parce qu’on a 55 millions de livres (ce qui équivaudrait, de nos jours, à environ 3 milliards d’euros quand même) qu’on doit tout dépenser pour une nouvelle voiture. Si personne n’a jamais prononcé cette phrase, ce que vous allez lire après laisse à penser que c’était l’idée directrice qui a donné naissance à la Talbot Sunbeam.

En Janvier 1976 on lance donc l’étude du projet R424. Mais le calendrier et le budget sont serrés. Du coup, ça va se ressentir sur la partie technique. Déjà, on ne va pas lancer une nouvelle plateforme. C’est l’Hillman Avenger qui va servir de base. L’auto est sortie en 1970, ses composants sont facilement réutilisables, c’est donc une parfaite candidate.

Chrysler Avenger- Talbot Sunbeam

Pour autant, c’est une compacte qu’on doit réaliser, pas une berline et l’empattement est donc réduit de 76 mm. Côté moteur on a recours à un 928 cm³, lui même dérivé du moteur 875 cm³, basé sur le moteur Coventry Climax FWMA, un moteur de pompe né dans les années 50 ! Deux autres mécaniques, un 1300 et un 1600 sont aussi au programme.

Eclate Chrysler Sunbeam- Talbot Sunbeam

Côté style, l’auto est dessinée par le studio Whitley dirigé par Roy Axe qui appartient également à Chrysler UK. La ligne va, du coup, se rapprocher des dernières créations de Chrysler Europe : Simca 1307 (Chrysler Alpine de l’autre côté du Channel) et la future Simca Horizon. D’ailleurs, on doit emprunter les phares de cette dernière mais son calendrier est plus large et on se rend vite compte qu’ils ne seront pas prêts à temps… d’où le réemploi des phares « encastrés » de l’Avenger.

Dit comme cela, on pourrait croire que c’est simple. Mais le projet R424 est en fait plein de compromis. Déjà un compromis technique. Alors que les nouvelles autos du groupe tendent vers la traction, bien plus moderne, l’emploi de la plateforme de l’Avenger oblige à la propulsion.
Même sur la forme, la nouvelle auto n’est pas si libre que ça. Pour éviter qu’elle ne soit concurrente de la future Horizon, on va la cantonner à 3 portes. Cela implique un dernier compromis sur la structure avec un seuil de chargement du coffre relativement haut vu que seule la lunette arrière s’ouvre !

Sur ces deux derniers points, on voit bien la différence avec l’Horizon (traction 5 portes). Ce qui n’empêche les nombreuses confusions dont Pierre avait déjà traité.

Reste un dernier point : le nom. La marque Sunbeam était utilisée pour l’export des autos du groupe Rootes. Chrysler UK veut faire disparaître ce nom… mais va finalement l’utiliser pour le modèle. La Chrysler Sunbeam est née !

La carrière de la Chrysler Sunbeam

19 mois. C’est le temps qu’à mis le bureau d’études à réaliser la Chrysler Sunbeam. Elle est présentée le 23 Juillet 1977 et la presse britannique voit l’auto d’un bon œil. Il faut dire que le style est plus moderne que l’Avenger (dont la version 2 porte disparaît) et que les trois moteurs couplé à autant de finitions (LS, GL et S) se vendent plutôt bien.

Au salon de Paris 1978 la gamme se voit coiffée d’une nouvelle version : c’est la Sunbeam Ti. L’auto repose sur l’Avenger Tiger dont elle récupère le 1598 cm³, mais dopé par deux carbus Weber. La puissance atteint 100 ch, dans une compacte en propulsion, c’est un premier pas dans le monde des Hot Hatch, très prisé de l’autre côté du Channel.

Chysler Sunbeam Ti

Du dynamisme, c’est bien, du sport, c’est encore mieux. C’est ainsi que Chrysler UK va faire ce que Ford avait fait avant : s’adresser à Lotus pour sortir une version survitaminée de la compacte. Il en résulte la Lotus Sunbeam. Si son moteur cube bien 2.2 litres, rien à voir avec le bloc Chrysler de même cylindrée (originaire des Simca-Chrysler 160, 180 et 2 Litres).

C’est le moteur Lotus tyoe 907, celui des Lotus Elite, Eclat, Esprit et Jensen-Healey, qui passe de 1973 à 2172 cm³ devenant type 911 et qui se loge sous le capot. 4 cylindres, 16 soupapes, 150ch ! Là, il va y avoir du sport. On l’accouple à une boîte ZF et évidemment on retravaille les trains roulants.

Seulement l’auto ne va pas s’appeler Lotus Sunbeam. Elle est en effet présentée en Mars 1979 au salon de Genève. Et avant cela… il y a eu un gros changement.

La Chrysler devient la Talbot Sunbeam

Pendant qu’à Hethel on prépare une voiture prête pour le sport, et particulièrement les rallyes, Chrysler UK est au plus mal. La Sunbeam a servi à rentrer une subvention mais ça n’assurait pas des ventes énormes. Elles ne sont pas catastrophiques mais l’auto n’est pas un énorme succès pour autant. Globalement, les Chrysler UK se vendent mal, les Simca sont en perte de vitesse alors que l’Horizon est encore en phase de lancement et que les Simca-Chrysler ont été vite dépassées. Bref, Chrysler est dans un bourbier et veut le quitter.

Ma Talbot Sunbeam ti de 1980 1- Talbot Sunbeam

Pour éviter la faillite, et récupérer l’usine de Poissy, c’est le Groupe PSA, qui n’avait vraiment pas besoin de ça, qui rachète le groupe, ses outils de production, et ses modèles spécifiques au marché anglais. La prise de contrôle est effective le 1er Janvier 1979. Le 1er Août 1979, les Chrysler Sunbeam deviennent des Talbot Sunbeam. Mais on ne change pas grand chose d’autre. Ainsi, si l’inscription Chrysler disparaît du capot, la Talbot Sunbeam va garder son Pentastar de calandre jusqu’en 1981 !

Pour en revenir à l’auto sportive, la Lotus, elle est donc dévoilée après la prise de contrôle. Sauf que les premières autos ne sont pas prêtes tout de suite. Elles ne seront livrée qu’après le 1er Août et sont, entretemps, devenues des Talbot Sunbeam Lotus. Elles vont briller en rallye, mais on en parle plus bas.

Il faut attendre le millésime 1981 pour voir les Talbot Sunbeam réellement évoluer. Elles ont droit à un restylage « des 4 ans » qui leur permet de recevoir, enfin, des phares affleurants ! On en profite pour retirer le Pentastar de la calandre, qui ne voulait strictement rien dire.

Les plans de ce restylage étaient dans les cartons. On l’a donc fait sortir. Pourtant, le destin de la Talbot Sunbeam est déjà scellé. L’usine de Linwood a été sauvée sous l’ère Chrysler, pas PSA. Elle n’est toujours pas rentable et le groupe décide de la fermer. Cela signifie l’arrêt de l’Avenger… qui sert toujours de base à la Talbot Sunbeam. Pas de regrets chez PSA. L’Avenger est en concurrence avec la 305 et la Talbot Sunbeam reste positionnée en face de l’Horizon quoi que Chrysler ait pu faire. Ces deux autos sont plus modernes.

1981 est donc la dernière année de production des Talbot Sunbeam. Tous modèles (Chrysler et Talbot) confondus, on arrive à environ 200.000 autos. D’ailleurs, on a le plus grand mal à écouler les dernières Talbot Sunbeam Lotus qui auront droit à une série spéciale « Avon », numérotée en 1982.

La Talbot Sunbeam Lotus en rallyes

Si l’auto débarque quand l’histoire du modèle de base commence à sentir vraiment mauvais, sa carrière éclair va en faire un mythe, tout simplement. Elle n’est homologuée en Groupe 2 qu’en 1980, le temps de construire les 1000 exemplaires nécessaires.

Dès le mois de Mars, elle signe son premier podium avec Fréquelin au volant et Jean Todt en copilote : 3e au Rallye du Portugal. Son grand coup d’éclat cette année-là, c’est au RAC. Henri Toivonen, copiloté par Paul White, remporte le rallye et les deux français terminent 3e. Avec quelques points marqués en Italie, cela fait une 6e place pour la Talbot Sunbeam Lotus au championnat.

En 1981, Fréquelin et Todt commencent fort avec une 2e place au Monte-Carlo. Ensuite on retrouve une 2e place pour Toivonen et Gallagher au Portugal et les deux français refont un résultat similaire au Tour de Corse. Mieux, en Juillet, ils remportent l’Argentine puis font 2e au Brésil en Août. Toivonen et Gallagher arrachent une nouvelle 2e place au San Remo et l’année se termine avec la 3e place de Blomsvist et Cederberg au RAC.

Si Fréquelin n’est « que » deuxième au classement pilote derrière Ari Vatanen (sur Ford Escort), la Talbot Sunbeam Lotus devient championne du monde des rallyes… quelques semaines avant l’arrêt de sa fabrication !

Les Talbot Sunbeam de nos jours

Il est bien rare d’en croiser. Pourtant il n’y a pas que la Lotus dans la vie… mais comme bon nombre de populaires de l’époque, seules les versions vitaminées de la Talbot Sunbeam ont réellement été préservées. On se retrouve donc avec une auto rare… mais pas très chère !

Les Talbot Sunbeam LS, GL et GLS sont ainsi trouvables aux alentours des 3000 € ! Dès qu’on passe dans les sportives, les cotes explosent : 17.500€ pour une version Ti. Quant à la Talbot Sunbeam Lotus, on tape encore plus haut : on peut en trouver aux alentours des 30.000 € mais la plupart du temps, il faut encore rajouter 10.000 €, notamment si la voiture est préparée et prête à courir !

Photos complémentaires : Passion Horizon

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Gougnard

    merci Benjamin pour cet excellent reportage

    Répondre · · 15 septembre 2023 à 19 h 24 min

  2. Ilya86

    Merci Benjamin pour cet article consacré à la Sunbeam. On la voit peu dans la presse ancienne. Une chouette auto qui se fait rare aujourd’hui.

    Répondre · · 16 septembre 2023 à 9 h 06 min

  3. Thierry Baudet

    Bonjour et merci. Il est fort agréable de voir sa Sunbeam GL en photo en première page.

    Répondre · · 1 octobre 2023 à 22 h 39 min

  4. Raphaël Bernard

    Rare article sur ce modèle.
    Dommage que les pièces pour les entretenir se fasse rare, si bien que l’on en voit de moins en moins sur les routes.

    Répondre · · 30 janvier 2024 à 16 h 21 min

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.