Octo, constructeur français des années 20

Publié le par Fabien

Octo, constructeur français des années 20

La France fut, au début de l’ère automobile, à la tête de cette industrie, avec la plus grosse production mondiale, et notamment De Dion-Bouton, premier constructeur mondial. Avec la première guerre mondiale, cette hégémonie est remise en question par d’autres pays européens, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie notamment. Mais la France reste une grande patrie de l’Automobile. Et dans cette France en reconstruction, beaucoup de constructeurs sont passés comme des étoiles filantes, et aujourd’hui oubliés. Octo est un cas d’école.

Ces constructeurs, pour beaucoup, étaient situés dans les Hauts de Seine et travaillaient dans leurs ateliers. En général, ils disparaissaient au bout de quelques années, 3, 5 voire parfois 10 ans. Rachat ou faillite. Pourtant, ils n’étaient pas dénués d’intérêt pour leurs clients, puisque leurs autos partaient d’une idée originale du constructeur, et étaient préparées selon les désirs de l’acheteur qui participait à la production de son auto. On était loin du clé en main ! Comme le tailleur qui personnalisait ses confections avant l’arrivée du prêt à porter.

Un moteur « client »

Beaucoup se lançaient dans l’aventure avec des voiturettes et des cyclecars équipées de moteurs clients. Parmi ces moteurs, le Ruby était l’un des plus prisés. Godefroy et Levecque, les concepteurs de ce moteur à soupapes latérales (bien que certains eurent des soupapes en tête) ont peu produit d’automobiles à leur marque, mais ont fourni en moteurs des constructeurs restés célèbres comme Georges Irat (racheté en 1934 par Godefroy et Levecque justement), Sandford ou encore BNC pour ne citer qu’eux.

Les Moteurs Ruby ont existé en mono et bicylindres dès 1910, puis en 4 cylindres à partir de 1919, avec des puissances de 6 à 12 CV. Ces moteurs ont été produits jusqu’en 1936. Le 4 cylindre le plus utilisé sur les voiturettes et cyclecars a vu sa cylindrée évoluer de 972 à 1020 puis 1097 cm3 en 1927.

Voiture, voiturette ou cyclecar ?

Ce sont des dénominations d’automobiles que nous ne retrouvons plus aujourd’hui, ou dont le sens a évolué. En fait, ces différents types d’autos étaient distingués en fonction de leur poids et de leur cylindrée. Si l’on sait ce qu’est une voiture, un petit rappel de ce que sont les cyclecars et les voiturettes s’impose.

Les cyclecars

Leur poids ne doit pas excéder 350 kg et leur cylindrée doit être inférieur à 1100 cm3. Leur habitabilité est limitée à une ou deux places. Ce type d’automobile a été produit des années 1910 à la fin des années 1930. Voiture économique par excellence, beaucoup de cyclecars, surtout biplaces, roulaient sur 3 roues à jantes fines et à rayons. Côté moteur, la recherche d’un poids-plume, conduit les producteurs de cyclecars à les équiper essentiellement de moteurs mono ou bicylindres.

Leur raison d’être était liée à une niche réglementaire aux régimes juridique et fiscal spécifiques ayant existé dans l’entre-deux guerres. En France, la loi de finances du 30 juillet 1920 fixe une taxe fiscale forfaitaire de 100 francs par an pour les cyclecars, beaucoup plus avantageuse que pour une voiture. Ce régime fiscal particulier prend fin en 1925.

Les voiturettes

Le terme est inventé par Léon Bollée pour un tricycle sur pneus de son invention, en 1896. Jusqu’en 1925 et la fin des avantages fiscaux, les voiturettes sont difficiles à distinguer des cyclecars. Mais jusqu’en 1947, le terme aura tendance à désigner en Angleterre des voitures légères (moins de 400 kg) et dont la cylindrée ne dépasse pas 1500 cm3. Ces voiturettes sont souvent vendues en kit à monter par les soins du propriétaire sur le châssis fourni.

Plus globalement, les voiturettes désigneront plutôt des voitures légères aux châssis plus long que les cyclecars (pour proposer 3 ou 4 places) et des voitures de course dont auraient dérivé les Formule 2 en 1948.

Octo, un constructeur type des années 20

C’est la première de couverture du livre la « Maîtresse d’acier » qui met ce constructeur en avant (l’article est par là et le pitch par ici). A la vue du nom sur la calandre, une recherche s’est imposée.

Recherche difficile car la marque française dont les locaux étaient situés aux 106 et 108 de l’avenue Marceau à Courbevoie, n’a pas réellement marqué le paysage automobile entre 1921 et 1928… Alors même qu’Octo avait une marque sœur, du même créateur, qui n’a duré qu’un an : les Automobiles Carteret, autre marque tombée dans l’oubli.

Pourquoi Octo ? Aucune information quant à l’origine du nom, mais en y regardant de plus près, peut être en liaison avec Octobre, date du Salon de l’Auto de Paris, auquel toutes les évolutions de la marque furent présentées. La première voiture, l’Octo type A Torpédo, fut dévoilée au 15e Salon de l’Auto de Paris, en Octobre 1919.

Pourtant, Louis Vienne, son créateur, avait une idée intéressante en cette période où les solutions techniques étaient encore balbutiantes et chacun y allait de son idée. En effet, la marque Octo est basée sur l’exploitation du brevet de Domecq-Cazeaux, une transmission à friction à engrenages coniques. Mais ce système, pour ingénieux qu’il fut, se révélât peu fiable et les clients avaient tendance à préférer une classique boîte de vitesse manuelle à 3 rapports, également proposée.

Le premier moteur utilisé, pour la présentation de l’Octo Type A, était un 4 cylindres Ballot 10 CV de 1590 cm³. L’empâtement était de 2700 mm et le prix de l’auto de 13.600 Francs.

Pour rentrer dans la niche des cyclecars et des voiturettes, le moteur Ruby cubant 972 cm3 a été choisi par Louis Vienne, qui réduisit l’empâtement de cette 7 CV à 2500 mm. Le prix aussi était plus abordable sur ce modèle sorti pour le Salon de l’Auto, en Octobre 1924, puisqu’il était fixé à 12800 Francs. La carrosserie présentée était un torpédo, mais dans les ventes, elle était régulièrement développée en partenariat avec l’acheteur, notamment pour les véhicules de type roadsters grand-sport et pour les utilitaires légers dédiés à la livraison de marchandises. Ce sont essentiellement des modèles à 2 places qui ont été produits.

Au 20e Salon de l’Auto de Paris, en octobre 1926, pas moins de 2 modèles Octo furent dévoilés. La première était une Ruby 972 cm3, mais avec un empâtement encore raccourci pour ne mesurer que 2250 mm. La seconde portait sa puissance à 9 CV, grâce au moteur Ruby de 1097 cm3 posé sur un châssis dont l’empâtement montait à 2600 mm. Grâce à ces deux châssis et ces deux moteurs, la 7 CV offrait 2 places pour 18000 Francs, tandis que la 9CV permettait d’embarquer 4 personnes pour 30000 Francs.

Côté sécurité, cette même année 1926, a vu l’apparition de freins sur les 4 roues. Jusqu’alors en effet, seules les roues arrières, comme souvent sur les cyclecars et les voiturettes, étaient équipées de freins. Ce freinage renforcé permet d’expliquer en partie l’augmentation du prix des autos.

Conclusion

S’il paraît difficile aujourd’hui de retrouver une Octo, il est toujours intéressant de replonger dans l’histoire de l’automobile pour comprendre comment elle a évolué, et comment elle s’est démocratisée. Il est aussi fascinant de s’apercevoir de la myriade de constructeurs qu’il y avait à l’époque en France, quand aujourd’hui on les compte sur les doigts d’une main, main qui pourrait même s’offrir le luxe de se faire amputer de quelques doigts !

Fabien

Un lion et un cheval cabré m'ont fait aimer les voitures de mon enfance... Un livre, «La maîtresse d'acier» de Pierre Coutras, et des pilotes de légende m'ont conduit à me passionner pour des bolides plus anciens. A mon tour de partager avec vous.

Commentaires

  1. julien A

    que ce soit les amilcar, salmson ou Austin qui furent une bonne partie des cyclecars vendus en France, ce sont souvent de petits 4 cylindres qui furent employés. Pour les voiturettes (Citroen 5CV, Austin Seven Chummy, Peugeot 172/190), ce sont souvent des voitures vendues avec des carrosseries usine très simple (rappelons qu’à l’époque, la main d’oeuvre était moins chère que maintenant et les matières première très chères ce qui faisait que les berlines étaient plus chères que les torpédos)

    Répondre · · 11 février 2022 à 18 h 37 min

    1. Fabien

      Effectivement. Merci pour cette précision.

      Répondre · · 11 février 2022 à 18 h 56 min

  2. Régis V

    Excellent article sur une marque confidentielle.
    Une petite remarque orthographique: empattement plutôt qu’empâtement dont la signification est différente.
    Je viens de consulter le livre « Les marques d’automobiles françaises » de Jacques Rousseau et Philippe Charbonneaux édité en 1981 aux Editions SEDEC qui en recense plus de 1500 et dont voici les quelques lignes consacrées à Octo: « 1920-1927 Voitures légères. M. Vienne. Ets L.Vienne, Constructeur. 106 et 108, Avenue Marceau – COURBEVOIE 92.
    Petite marque artisanaledont la production fut toutefois connue durant les années 20. »
    C’est succint et l’on en apprend beaucoup plus de par vos recherches et écriture.

    Répondre · · 11 février 2022 à 18 h 42 min

    1. Fabien

      Merci !
      Concernant Carteret, la production est encore plus confidentielle puisque la durée de (sur)vie de la marque est extrêmement réduite.

      Répondre · · 11 février 2022 à 18 h 55 min

  3. Régis V

    J’ai envoyé trop vite. Recherche sur Carteret même source:
    1921-1922 Cyclecars à moteur 4 cylindres RUBY Chgt de vitessses à 4 rapports. 33, rue de Villiers- PARIS 17e. Ateliers à COURBEVOIE 92.
    Petits véhicules peu diffusés, mais bien conçus.

    Répondre · · 11 février 2022 à 18 h 49 min

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