[Lexique de la voiture ancienne] #3 Couler une Bielle

Publié le par Benjamin

[Lexique de la voiture ancienne] #3 Couler une Bielle

Pas facile de s’y retrouver dans tous les termes qui ponctuent chaque texte dédié aux voitures anciennes. Alors on a lancé notre lexique, les précédents mots sont ici. Aujourd’hui on aborde une question un peu technique avec le terme « Couler une Bielle ».

Le contexte

Vous avez déjà entendu parler de ça. Généralement quand on vous dit « j’ai coulé une bielle » votre interlocuteur a une mine dépitée et sa voiture ne roule plus.

Couler une bielle c’est une des nombreuses défaillances qui peut se produire dans le moteur. Attention, contrairement à certaines qui sont spécifiques aux anciennes de par la technologie employée, ici on parle d’un terme généraliste. Vous pouvez couler une bielle sur une Renault 4CV ou sur votre Clio achetée neuve l’an dernier. Par contre c’est impossible de couler une bielle sur une voiture électrique.

Car il faut bien resituer le contexte propre aux moteurs à explosion (à l’exception des moteurs à piston rotatif). L’énergie provient de la combustion air-essence au dessus du piston. Celui-ci est poussé et transmet ce mouvement à une manivelle, le vilebrequin, qui la transmet alors vers l’embrayage, puis la boîte, puis le pont et enfin aux roues. Entre le piston et la manivelle, il y a la bielle, un organe qui assure le lien entre les deux organes.

Bielle Regulee- Couler une Bielle
Bielle régulée

Qu’est ce que veut dire Couler une Bielle ?

Maintenant qu’on a parlé du contexte, on va être plus précis. Dans la notion de « couler une bielle », vous aurez compris que « couler » renvoie directement à l’état liquide de la matière. Comme le moteur est principalement composé de métal, on pourrait imaginer que « couler une bielle » signifie « faire fondre la bielle ».

En réalité ce n’est pas toute la bielle que vous allez faire fondre mais ce qui se trouve au bout. La partie ronde qui vient se refermer autour du vilebrequin doit pouvoir tourner autour de celui-ci. Cela se fait sur un film d’huile de quelques centièmes de millimètres. Mais pour éviter tout problème lorsque ce film d’huile se rompt pour une raison ou pour une autre, on a toujours « garni » ces bielles.

Schématiquement, on dira qu’avant guerre c’est le fameux régule qui était situé ici. Constitué de plomb, d’étain et d’antimoine, cet alliage est dit « antifriction ». En fait, cela signifie qu’il va être suffisamment tendre pour ne pas abimer le vilebrequin en cas de coup dur. Ce coup dur, c’est donc la rupture totale du film d’huile, qui provoque un échauffement du régule et aboutit à sa fusion. À ce moment là, le régule s’échappe de la bielle et on a « coulé une bielle ».

L’expression n’étant pas « couler le régule », quand celui-ci a été remplacé par des coussinets minces sur la plupart des bielles, après-guerre donc, on a conservé l’expression.

Comment l’éviter ?

C’est la grande question. Comment éviter de couler une bielle ? Il suffit d’éviter l’échauffement du régule ou du coussinet. Vous l’aurez compris, cela dépend en grande partie de l’huile.

Pour bien garantir la lubrification de votre système, il faudra avoir une pression d’huile suffisante. C’est ce qui permettra de toujours délivrer la bonne quantité de lubrifiant à l’interface entre le régule / le coussinet et le vilebrequin. C’est pour cela que beaucoup d’autos sont dotées de manomètres ou de voyants permettant de mettre en évidence un problème.

Évidemment, la pression ne fait pas tout, il faudra aussi avoir de l’huile en bonne quantité mais on ne va pas vous expliquer comment faire vos niveaux.

Enfin, il faudra que votre huile soit « propre ». En effet, le film d’huile ne mesure que quelques centièmes de millimètre et peut être rompu par une impureté qui passerait par là. Si vous avez un doute à ce niveau, c’est le moment de demander un devis pour votre vidange auto. N’oubliez pas que le changement du filtre doit être fait tout aussi régulièrement que le changement du fluide.

Les conséquences

Dernier détail : que se passe-t-il quand on coule une bielle ? Âmes sensibles, s’abstenir puisqu’il est possible de s’en sortir sans trop de dégâts mais c’est un vrai coup de chance. Généralement quand on coule une bielle on s’en rend vite compte puisque ça devient, à minima, très bruyant sous le capot.

Si on parle du régule, celui-ci va donc couler au fond du carter et la bielle va entrer en contact avec le vilebrequin. Deux métaux durs l’un sur l’autre, ça n’augure rien de bon. Le vilebrequin va plus subir que la bielle. Si cette dernière peut se déformer, la plupart du temps c’est le vilebrequin qui morfle et se raye, voir se creuse.

Et comme il faut une surface parfaitement lisse pour créer le film d’huile dont on a tant parlé, il faudra par la case rectification qui donnera à nouveau une portée (le maneton) parfaitement lisse en usinant quelques centièmes de matière. Il faudra ensuite regarnir la bielle avec du régule tout neuf, usiné à la bonne cote, et on pourra remonter le moteur.

Pour ce qui est des coussinets, le principe restera le même. Si ces coussinets minces ne sont plus revêtus en régule depuis longtemps, à de rares exceptions prêt et quand on parle des refabrications uniquement, c’est autant pour des questions de coûts que d’évolution métallurgique. Les alliages employés sur les coussinets minces sont plus costauds et résistent plus. Par contre, quand ça lâche, on peut vite se retrouver avec encore plus de dégâts côté vilebrequin. Les deux demi-coussinets peuvent aussi se désolidariser de la bielle, se coller l’un à l’autre, bref, là aussi ça fait du bruit.

20180613 100420- Couler une Bielle

Dans les cas extrêmes, une bielle coulée pourra tout simplement détruire votre moteur ! Sous la force du vilebrequin (des autres bielles en fait), la bielle pourra passer au travers du carter inférieur… ou même traverser le capot !

Dans tous les cas, couler une bielle est une sérieuse avarie, mais on vous a expliqué comment y échapper.

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. BREZOUT-FERNANDEZ

    Août 1955. Le Sud marocain. J’ai 10 ans. Je fais rouler mes Dinky Toys sur la moquette à l’arrière de la Traction parentale. Soudain tout s’arrête. Le moteur fume. On a coulé les bielles ! Mes parents sont attérés. Je ne comprends pas ce qui se passe, dans ma famille on ne parle jamais de mécanique.
    Septembre 1968. Usine Simca Poissy. En attendant que les Facs rouvrent, je me fais engager comme Ouvrier Spécialisé niveau 1, à la mise en caisse des pièces détachées pour les concessionnaires. « Surtout pas de conneries » nous a-t-on asséné. Et là, patatras je hèle le chef :
    – Monsieur, il y a une difficulté ! Le listing indique « bielles » et ceci (8 petits croissants de métal) ne sont certainement pas des « bielles » !
    – Et qu’est-ce que tu veux que ça soit ?
    – Je ne sais pas. Mais si ce sont des « bielles » expliquez-moi comment ça coule . .
    Chez Simca ils en ont rigolé longtemps et c’est à partie de là que j’ai commencé à m’intéresser à la mécanique.

    Répondre · · 19 février 2022 à 18 h 05 min

  2. Francoes

    Bravo ! C’est clair et précis pour ceux qui ne connaissent pas ce terme !

    Répondre · · 19 février 2022 à 21 h 42 min

Répondre à BREZOUT-FERNANDEZAnnuler la réponse.

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