Dans quelques jours la maison de vente aux enchères Gooding & Co proposera un sacré trio de Jaguar. Une Type D de 1957 sera accompagnée par une XKSS de 1959 et une Type E Lighweight de 1963. Très belle brochette, mais il y a un hic. Ces trois autos sont en fait des continuations. On vous explique ce que ça veut dire.
Le contexte
Attention, il ne faut pas confondre la réplique et la continuation. La réplique peut être vue comme un hommage, une auto construite sur une base X ou Y qui représente un modèle Z, désirable et cher.
La continuation est différente. Déjà parce qu’on ne part pas du châssis ou du moteur qu’on modifierait pour créer une nouvelle auto. Non, la continuation est bien une voiture construite de nos jours. Il ne s’agit pas d’un modèle néo-rétro qui remettrait au goût du jour des lignes anciennes sur une mécanique moderne, ni d’un restomod qui consisterait à améliorer une voiture ancienne au moment de sa restauration en y greffant des éléments plus modernes.
En fait la continuation, c’est tout simplement une fabrication à l’identique d’une voiture ancienne, de nos jours, mais avec des plans, des matériaux et des techniques d’époque. Évidemment il existera des différences, et tant mieux. Ainsi le moteur aura des tolérances plus serrées et les métaux seront de meilleure qualité qu’à l’époque.
Autre point important : si elles sont éligibles en courses historiques (respectant l’annexe K de la règlement FIA) la plupart de ces continuations sont bien datées de leur année de fabrication. Et doivent donc répondre aux normes d’homologation de cette année là. On comprend donc que ces continuation soient en fait fabriquées dans des pays permettant des homologations plus « light » quand il s’agit de très petites séries.
Quelques exemples de continuations
Là où la frontière entre réplique et continuation est ténue, c’est sur le fait que ça touche en fait… les mêmes autos. Les quelques exemples qui suivent vont vous parler.
Déjà donc chez Jaguar. Tout avait commencé avec la Type E. En 2014 la marque avait annoncé son envie de « finir la série » des Lighweight. En 1963 on avait prévu 18 autos mais seules 12 avaient été construites à l’époque. La marque a donc décidé de construire les 6 dernières moyennant un budget… conséquent.

L’idée fait son chemin et le département en SVO en profite pour faire rentrer du cash. Et si la recette marche, autant continuer. On enchaîne avec la célèbre XKSS. À l’époque on avait bien construit les 25 autos de la série mais 9 ont brûlé avec l’usine de Browns Lane en 1957 et n’ont pas été livrés. Les plans ne sont pas tous disponibles alors on ne rechigne devant aucune débauche de technologie et les scanners 3D sont utilisés en masse.

En 2017 on continue et on s’attaque à la Type D pour construire les 25 exemplaires qui étaient prévus pour arriver à 100 autos.



Dernière en date, à l’hiver 2021 avec la Type C. Là, pas de série à continuer mais 8 autos produites pour répondre à la demande… qui a un portefeuille suffisamment fourni pour se détourner des répliques !

Et Jaguar n’est pas le seul ! La mode est très anglo-saxonne et en 2016 c’est au tour d’Aston Martin d’y céder. L’auto choisie est donc la DB4 GT en version lighweight, uniquement produite en 1959. 25 autos et 1,8 millions d’euros le morceau !

Forcément après la GT, c’est la GT Zagato qui est continué. Nous sommes en 2019 et le prétexte pour la fabrication des 19 exemplaires est tout trouvé : les 100 ans de Zagato ! Bien joué.



Les anglais sont décidément bien forts ! À la fin de l’année 2020, on lance deux séries de continuations. En fait ce sont deux marques qui se relancent avec des continuation. Preuve qu’il y a de l’appétence, on parle ici de voitures anciennes strictement de course.
D’abord on fait renaître BRM. La voiture, c’est la fabuleuse V16. Fabuleuse pour le son qu’elle émet mais moins pour ses performances ou son palmarès. La continuation est l’œuvre du petit-fils d’Alfred Owen, le fondateur de BRM. D’ailleurs il gardera l’une des 3 autos produites pour faire perdurer l’héritage de la marque. Évidemment les deux autres sont vendues à prix d’or.

Autre renaissance, celle de Vanwall. On ne parle pas du prototype Hypercar de ByKolles mais bien d’une Vanwall de 1958, la VW5, celle qui amena la marque au premier titre mondial des constructeurs. 6 autos seront produite, 5 vendues à 1,65 million de £ hors taxes et une pour la marque.

La continuation serait donc un truc d’anglais ? Pas vraiment. En fait, les premiers à avoir mis le pied dedans sont des américains. D’accord, l’auto de base est anglaise. Oui, on parle de la Cobra. Dès 1986, Autokraft, qui a racheté l’outillage, obtient le droit d’acheter ses autos AC Cobra. Par la suite, c’est Shelby American qui s’y met. Les Cobra ainsi fabriquées reprennent les numéros de châssis officiels, comme les continuations d’Aston Martin ou de Jaguar. C’est d’ailleurs ce qui les distingue des répliques, nombreuses, de ces mêmes autos.

Voilà. Maintenant, il faut arriver une réplique d’une continuation. Et là, c’est plus compliqué voire impossible sans connaître le numéro de châssis !
Photos additionnelles : Jaguar, Aston Martin, Shelby American, Hall& Hall
gougnard
magnifique ces jaguar merci pour ce beau reportage
· · 30 juillet 2022 à 11 h 54 min