Les Lada du Dakar, une histoire très française !

Publié le par Alexandre Pierquet

Les Lada du Dakar, une histoire très française !

La marque russe peut se targuer d’avoir un joli palmarès en rallye avec un modèle iconique la Niva ,accompagné de son cortège de célèbres pilotes tels Jean-Louis Schlesser, André Trossat ou Pierre Lartigue, le plus titré d’entre tous puisqu’il deviendra champion du monde. Même le légendaire Jacky Ickx a couru et gagné en Niva ! Plus tard sur la Lada Samara, une autre légende des routes de sable viendra compléter le tableau, Hubert Auriol.

La liste des succès est longue, dont le rallye de Tunisie, le rallye de l’Atlas, le rallye d’Algérie, le rallye des pharaons et de nombreuses « Baja » (dont la célèbre Montesblanco). Seul le Dakar se refusera aux Lada, non sans avoir pourtant signé de nombreuses belles victoires d’étapes…

Rappelons-nous l’histoire de Lada

Le premier constructeur automobile russe est plus connu dans son pays d’origine sous le nom d’AvtoVAZ, une marque qui est née d’une initiative politique en 1966, dont le plan quinquennal prévoyait une usine automobile.
Dans la foulée, un protocole de collaboration s’engage avec le constructeur italien Fiat et une usine sort du sol : la réplique identique de l’usine italienne de Turin.

Dès 1970, 6 modèles de voitures du peuple dérivés de la Fiat 124 et produites sous licence sont assemblés sur les chaînes de montages aux pays des Soviets.

En 1992 la marque est privatisée et elle se tourne vers General Motors pour l’aider dans la conception et la fabrication de la deuxième génération de son modèle de tout-terrain Niva, vendu sous la marque Chevrolet en Russie.

Vladimir Poutine au pouvoir, l’entreprise passe sous le giron de l’état pour un temps, mais le gouvernement jette très vite l’éponge et elle s’ouvre aux capitaux étrangers… C’est Renault qui rafle la mise en 2007.

La Niva, l’emblématique 4×4 de Lada

À la fin des années 70 le 4×4 Niva devient la voiture emblématique du constructeur et s’invite en Europe « de l’ouest ».

Dans un monde encore divisé en deux, les exemples de produits communistes exportés dans les pays capitalistes sont extrêmement rares. Imaginez les voitures arrivant à Haguenau (Bas-Rhin) au terme d’un voyage en train de trois semaines dans des conditions climatiques et géopolitiques difficiles.

Une quinzaine d’heures sont alors nécessaires pour les remettre en état (retouches de peinture), les dédouaner et les adapter aux normes françaises (ceintures de sécurité arrière).

Le Dakar pour promouvoir la Niva

L’engagement de la Niva en compétition fut immédiat. Cela, grâce notamment au dynamisme de l’importateur de véhicules AvtoVAZ en France, les établissements Poch installés à Argenteuil (95), et à son représentant passionné au point de co-piloter Jacky Ickx lors des éditions 1987 et 1988 du rallye des Pharaons.

Il ne recule devant aucun défi, pas même celui de confronter la piètre réputation des véhicules qu’il commercialise à l’intraitable jugement du plus difficile des rallyes raids : le Paris-Dakar.

Ainsi, à partir de 1978, la modeste Niva se transforme en bête de course avec une puissance qui passe progressivement de 80 à 215 ch. Elles iront même taquiner les fameuses Peugeot 205 turbo 16.

En 1979, juste un an après son lancement, la Niva est engagée en compétition sur le Paris-Dakar. Les Lada Niva seront uniquement équipées de moteurs 1800 cm³ préparés par Strakit.

En 1982, André Trossat s’octroie plusieurs victoires en rallyes raid mais au Paris-Alger-Dakar il cassa son moteur tandis que Papa Briavoine et son fidèle copilote André Deliaire montèrent sur la seconde marche du podium au lac Rose au terme d’une lutte à couteaux tirés face aux Frères Marreau et leur Renault R20…

La Niva a bien changé !

Dès 1983, on comprend qu’il sera impossible d’aller plus loin en conservant la base de série. Il faut rallonger l’empattement. La mission est confiée au carrossier Lebranchu, déjà connu pour sa version spéciale à pavillon découpé. En plus de la carrosserie, un travail est réalisé sur les moteurs par Maurelec de Marcel Morel. Le résultat est de 240 ch !
La Niva-Course est dotée d’une caisse rallongée, renforcée et allégée, avec l’apport d’éléments ouvrants en polyester. La suspension quant à elle possède deux amortisseurs « De Carbon » par roue.

Une voiture plus légère et plus puissante qu’elle ne l’a jamais été et qui se pose en favorite au départ de ce nouveau Paris-Alger-Dakar de 12000 km via le Niger.

Lors de cette édition qui fait aujourd’hui partie de la légende grâce à cette fameuse tempête qui s’abat sur le désert du Ténéré et sème la panique (50 équipages perdus durant plusieurs jours entre Chirfa, Dirkou et Agadès), André Trossat et Eric Briavoine tirent leur épingle du jeu. Face au Mercedes G de l’équipage J.Ickx/ C.Brasseur, la Niva d’André tient la distance alors que “Bribri“ connaît de sérieux problèmes mécaniques. Après 5 victoires d’étapes pour Ickx et autant pour André, c’est officiellement le Mercedes G qui remporte ce 4e Paris-Dakar. Mais, dans l’esprit de la caste des “Dakariens“, c’est bien la Lada qui méritait d’occuper la plus haute marche du podium.

Cette année-là, plus de 6000 Niva seront vendues rien qu’en France. Un record pour un 4×4 à l’époque.

Trossat Briavoine Dakar 1983-

Le succès médiatique de l’épreuve de Thierry Sabine attire désormais les constructeurs, la course à l’armement avait débuté, les stars du volant du sport auto comme du show business ne se comptent plus. Les artisans de la renommée de la petite Niva que sont Jean-Claude Briavoine, André Trossat et leur équipe commenceront à voir apparaitre sur les portes des Niva les noms de Jabouille, Sardou, Darniche, Giroux, Lartigue.

Ironie du sort on y lit bientôt ceux des frères Marreau et ce sera prochainement le tour du célèbre Jacky Ickx. L’esprit du team Lada Poch et son petit 4×4 populaire s’évapore peu à peu sous les sunlights médiatiques du désert. Porsche, Land Rover, Mitusbishi, Peugeot, Citroën occuperont les avant-postes et écriront à leur tour de beaux chapitres de cette épopée fantastique. Mais pour beaucoup de passionnés et de ceux qui ont rêvé… le “Dakar“ commençait à perdre son âme originelle.

Les années suivantes seront les années… hécatombes… Sur les Dakar 1984 et 1985, la concurrence se fait plus rude et malgré des Niva plus légères et plus puissantes les abandons s’enchaînent. Les séances d’essais se font trop rares autant par manque de vrais moyens mis en œuvre, que de temps. Les protos Lada disparaissent peu à peu du top 10 connaissant de trop nombreux problèmes de fiabilité. Si ce n’est pas nouveau comme le veut la légende de la Lada, qu’est ce qui a changé ? C’est certainement que ceux qui les piloteront désormais ne seront plus ceux qui les préparaient avec passion et les faisaient évoluer grâce à leur expérience sur les pistes… Et ça change tout.

Des Niva V6 !

Jean-Pierre Jabouille décide en 1985, de créer un prototype avec Jean-Claude Guénard, pour rouler avec Michel Sardou en tant que copilote. Il y aura en tout trois équipes non-officielles engagées. Elles seront sponsorisées par VSD et Pastis 51, équipées de V6 PRV en position centrale.
Elles prendront le départ, mais abandonneront très vite, toutes pour la même raison : amortisseurs cassés.

La performance en compétition se fait attendre, ce n’est qu’en 1986, mais surtout 1987 et 1988, années des protos usines officiels que les résultats sont au rendez vous.

La première épreuve de l’année 86 est bien évidemment le Dakar, avec deux voitures engagées : l’une confiée aux frères Marreaux ( n°197 ) et l’autre à Pierre Lartigue et son copilote Bernard Giroux ( n°198 ). La puissance est passée à 310 cv et Pierre Lartigue se classe 4ème du Paris-Dakar 1986. Impossible de faire mieux car, dans cette course à l’armement, Porsche et Peugeot sont allés plus loin, n’hésitant pas à développer des prototypes.

Les prototypes Samara

Expert en logistique, Jacques Poch imagine alors un programme équivalent à ceux de ses rivaux, articulé autour de quatre partenaires techniques : la maison mère russe (VAZ) qui finance une bonne partie du budget total de 25 millions de francs (équivalent de 6 millions d’euros), le bureau d’études parisien qui conçoit le châssis et le constructeur allemand Porsche fournit le moteur. Enfin, l’équipe varoise Oreca s’occupe de l’exploitation.

Quand arrivent les fameuses T3, les « Samaras », équipées d’un moteur Porsche, c’est la fin d’une époque car pour beaucoup la Niva VAZ reste le 4×4 du siècle.

La Lada Samara T3 fait ses premiers tours de roues sur circuit le 20 août 1989, puis sur terre le 4 septembre. Il ne reste que trois mois à la quinzaine de techniciens basés au Castellet pour préparer les trois voitures engagées sur le Dakar de 1990. C’est court, d’autant que ce retard dans la préparation s’accompagne d’une autre mauvaise nouvelle : la mise en application du nouveau règlement – qui devait bannir les moteurs turbos – vient d’être annulée. En conséquence, les Lada Samara T3 devront affronter les Peugeot 405 dont le 4 cylindres 2 litres turbo développe 400 cv, soit 100 de plus que le flat-6 atmosphérique de 3,5 litres Porsche.

Parmi les pilotes choisis par l’importateur français, on retrouve Jacky Ickx, Hubert Auriol et Patrick Tambay, le chef de file de l’équipe dirigée par Hugues de Chaunac.

Hubert Auriol a intégré l’équipe Lada-Poch au 9e Rallye des Pharaons et, d’emblée, lui a offert la victoire. Hubert «l’Africain» a été deux fois vainqueur en moto du Dakar (1981 et 1983) et il est l’un des rares concurrents à avoir participé aux douze éditions précédentes. Après la moto et le buggy, Auriol est passé au proto avec succès et figure parmi les favoris. Le souvenir de son accident en 1987, quand il avait dû renoncer, les deux chevilles brisées, lui permet de garder la tête froide.

Il se souvient dans sa biographie (TDSPP – Tout droit sur la piste principale) :

« À cette époque j’avais un restaurant « le Pont de Suresnes », qui était devenu l’endroit de toutes les célébrations, j’avais même fait rentrer la Lada des Pharaons dans le restaurant après la victoire. Je me retrouve alors sans voiture à six mois du « Dakar ». Seule solution possible, Oreca. Je me tourne alors vers Hughes de Chaunac, qui a construit et fait courir les Lada Samara a moteur Porsche, pour lui demander s’il n’a pas un volant pour moi chez Lada. Ce fut ma première victoire au scratch, il m’aura fallu 4 ans depuis que j’ai arrêté la moto. 
Le « Dakar » 1991 nous ramène de nouveau en Libye. Cette année-là, nous aurons la visite du Colonel Kadhafi lors du passage à Tripoli. Il soigne ces R.P, vu qu’il n’avait très bonne presse à cette époque ! »

Les ambitions du team Lada s’appuient sur une homogénéité parfaite, son point fort est l’esprit d’équipe qui anime le groupe Lada, «l’esprit commando».
Malheureusement l’épreuve créée par Thierry Sabine ne sourira jamais au petit 4×4 soviétique. Les Lada ont remporté tous les rallyes africains sauf justement le Dakar.

La marque est restée fidèle à l’épreuve de rallye raid la plus difficile au monde, et malgré les abandons tout près de la victoire en 1982 et 1987, sans évoquer la disqualification, en 1983, pour un motif non élucidé à ce jour.

Revu et corrigé par Hubert Auriol
Autres Sources : Dakardantan sur facebook

Alexandre Pierquet

Alexandre est un passionné de véhicules anciens et des belles routes de notre chère France. Il est auteur de plusieurs livres qui vous aideront à les découvrir : le Guide de Voyages en Voiture de Collection et les Belles Routes de France.

Commentaires

  1. Philippe

    Je me souviens du restaurant d’Hubert Auriol. Pendant un Dakar ses copains l’avaient déguisé en resto à couscous, était-ce pour lui faire une farce ? La Niva devenue 4×4 depuis le revente du nom à GM-Avtovaz a encore de longues années devant elle, un SUV viendra lui succéder sans pouvoir la remplacer dans les conditions extrêmes. Le nom Niva (Natalia Irina Vadim Andrei) vient des 2 filles de Pyotr Prusov l’ingénieur en chef et des 2 fils de son adjoint. Je connais personnellement Irina, elle travaille chez … AvtoVAZ naturellement. Le nom Niva a été racheté récemment en même temps que la filiale GM-Avtovaz, GM quittant la Russie (où il a a assemblé des Opel Astra). La Chevrolet Niva repose sur la plateforme de la Niva originelle avec sa motorisation mais surmontée d’une caisse Daewoo. Elle sera vendue sous la marque Lada, avec un autre nom. Le concept de remplaçant de la Niva sur plateforme Duster a été présenté au salon de Moscou 2019, ce sera l’instrument de la reconquête de l’Ouest par Avtovaz, équipée du fameux moteur HR13 Renault-Mercedes (et oui une culasse Mercedes dans une Lada qui l’aurait cru ?), pour l’instant limité à 163cv mais sans-doute avec un potentiel largement supérieur.

    Répondre · · 23 mai 2020 à 18 h 40 min

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