Les huiles moteurs : un consommable nécessaire qu’on décrypte pour vous

Publié le par Fabien

Les huiles moteurs : un consommable nécessaire qu’on décrypte pour vous

« Huggy les bon tuyaux ». C’est un peu l’image que j’ai d’internet quand il s’agit de savoir quelles huiles moteurs utiliser… Beaucoup d’infos, beaucoup de « légendes urbaines » mais au final, peu de données fiables et factuelles. Donc essayons de faire un tri dans tout ça, et de la manière la plus digeste possible!

Quelques bases :

Comme vous le savez, la fonction principale des huiles moteurs est de limiter les frottements entre les pièces et, de fait, protéger le moteur en en limitant un échauffement excessif. Cette recherche d’amélioration de rendement et de fiabilité des organes mécaniques est issue d’une science, affiliée à la mécanique, qui a pour nom la tribologie.

Pas de stress… Cet article n’a pas pour vocation d’aborder cette science dans son ensemble. Ça a été déjà fait pour le sujet qui nous concerne dans l’ouvrage « la tribologie dans les transports », de Denape, Paris et Stempflé.

De manière plus pragmatique et probablement plus abordable encore, je vous recommande le site du technologuepro.com, et ses cours de lubrification-graissage des systèmes mécaniques, en téléchargement gratuit… C’est toujours bien de mettre la culture à portée de tous !

L’objectif est donc ici plus modeste et vise à, d’une part cibler les huiles moteurs, et d’autre part expliquer aussi simplement que possible ce qu’il y a derrière tout le ‘charabia’ écrit sur les bidons. Dans un prochain article, nous chercherons à savoir comment mettre à profit ces éléments pour assurer la bonne lubrification de nos anciennes.

Ceci dit, la première question à laquelle il nous faut répondre est :

A quoi servent les huiles moteurs

L’huile moteur doit assurer a minima 5 fonctions :

  1. Maintenir l’espace suffisant entre 2 pièces en mouvement (le film d’huile) tout en assurant l’étanchéité entre les 2,
  2. Limiter les frottements et autres résistances passives, autrement dit, lubrifier,
  3. Évacuer la chaleur générée par ces mouvements à tous les régimes,
  4. Évacuer les déchets qui se forment lors du fonctionnement normal du moteur, résidus qui se forment naturellement du fait de l’usure du moteur et de l’huile elle-même,
  5. Protéger les surfaces de ces mêmes résidus.

Quelques termes à connaître pour parler des huiles moteurs

La viscosité : physico-chimie des huiles moteurs. Pour assurer ces fonctions, une huile va être caractérisée par sa viscosité et sa plage de fonctionnement, qui devra impérativement se situer entre une valeur de température minimale ou point d’écoulement, et une valeur de température maximale ou point éclair.

Le point d’écoulement est défini comme la température à laquelle le lubrifiant passe d’un état solide à un état liquide. Lorsque le point d’écoulement est trop bas, on entend souvent dire que l’huile « fige » et perd ses propriétés…

Le point éclair est la température à partir de laquelle le liquide devient inflammable, c’est-à-dire qu’il s’enflamme en présence d’une flamme (à ne pas confondre avec le point d’auto-ignition qui est la température à laquelle le liquide entre spontanément en combustion en l’absence de source incandescente)..

Sans rentrer dans les détails pour physiciens et chimistes qui vous rebuteront à aller plus loin, ce que l’on peut dire, c’est que la viscosité est la propriété d’un fluide à résister à l’écoulement.

Plus on se rapproche du point d’écoulement, plus la viscosité augmente, et à l’inverse, plus on se rapproche du point éclair, plus la fluidité augmente.

La viscosité diminue donc entre le point d’écoulement et le point éclair.

L’Indice (index) de viscosité [I.V.]

Afin de pouvoir comparer simplement les huiles entre elles, la norme NF ISO 2909 permet de définir un indice (ou index) de viscosité (I.V.). « L’indice de viscosité d’une huile donnée est obtenu par comparaison avec ces deux séries d’huiles de référence, notées L et H pour les indices 0 et 100 respectivement » [ source. « Lubrification et Graissage » chapitre 2 p8/14].

Dans le cas qui nous intéresse, ces 2 huiles de référence sont choisies de telle manière qu’elles aient la même viscosité à 100°C que l’huile testée. « L’indice de viscosité » résulte d’un ratio entre les viscosités de ces 3 huiles à 40°C.

image 3- huiles moteurs

Formule de calcul de l’indice de viscosité

Cet indice est satisfaisant pour caractériser les huiles monogrades dont la viscosité n’est pas maîtrisée sous les 100°C et décroit progressivement avec la température. Ces huiles monogrades sont bien adaptées aux moteurs qui tournent lentement et/ou qui chauffent peu.

Mais pour protéger les moteurs plus « pointus », il a été nécessaire de maîtriser la viscosité entre 2 températures de fonctionnement. Ainsi, la Society of Automotive Engineers (S.A.E.), fondée en 1911 aux USA, a développé un système de classification des huiles moteurs en fonction de leur viscosité à froid (au démarrage), et à chaud : le « grade SAE » :

  • Le grade de viscosité à froid, associé à la lettre W (qui signifie Winter – hiver en anglais), est déterminé à -18°C (0°F)
  • Le grade de viscosité à chaud est déterminé à 99°C (210°F).

Selon cette classification, les huiles monogrades seront caractérisées par leur viscosité dominante, à chaud (ex. SAE 30) ou à froid (ex. SAE 5W). L’intérêt d’encoder ainsi la température d’utilisation permet de combiner la valeur à basse température avec la valeur à haute température. Son expression suit alors la convention d’écriture suivante :

[I.V. C] W [I.V. H]

où l’I.V. C est l’indice de viscosité à froid (C pour cold – froid en anglais), et l’I.V. H est l’indice de viscosité à chaud (H pour Hot, chaud en anglais).
Par exemple : huile SAE 15W50.
Ces huiles sont dites multigrades. Le graphique suivant permet de s’y repérer plus simplement :

Grades SAE- huiles moteurs

Vous voilà armés pour décrypter le bidon ! Enfin, non, juste la viscosité sur le bidon… Car, associé au grade SAE, apparaissent les mentions : Minérale, Semi-synthèse et Synthétique… Retour de la perplexité la plus totale face au rayon! Et nouveau décryptage obligatoire !

Les huiles moteurs minérales ou synthétiques ?

Comme vous le savez, les huiles moteur sont aujourd’hui toutes composées par des dérivés d’hydrocarbures. Mais cela n’a pas toujours été le cas et certaines ont des origines animales ou végétales : elles sont dites organiques.

Ainsi, en fonction de leur origine, l’API (American Petroleum Institute) a défini 5 Groupes d’huiles :

  • Les Groupes 1 et 2 réunissent des huiles issues du raffinage du pétrole : ce sont les huiles dites minérales. Aujourd’hui, ce sont quasi exclusivement des huiles moteur du Groupe 2 que l’on trouve sur le marché, le groupe 1 étant excessivement réduit.
  • Le Groupe 3 regroupe des huiles de synthèses issues d’un hydrocraquage du pétrole brut. Elles sont donc d’origines minérales, mais ont subi des traitements élaborés qui permettent de maîtriser la composition en hydrocarbures, comme pour une huile synthétique
  • Le Groupe 4 correspond aux huiles élaborées en laboratoire dont la formulation est maîtrisée par assemblage de fractions d’hydrocarbures : ce sont les huiles synthétiques.
  • Le Groupe 5 regroupe tout ce qui n’est pas affecté aux groupes 1 à 4. Pour l’anecdote, l’huile Castrol originale fait partie de cette catégorie puisque issue d’une graisse végétale : l’huile de ricin. De Castor oil à Castrol! Tout le monde a entendu parler de cette huile souvent appelée en France  «huile de castor». (Merci aux lecteurs pour leur vigilance : beaver est le castor en anglais, alors que castor est traduit en français par ricin).

Enfin, en fonction des propriétés attendues, et pour des motifs bassement économiques, un mélange minéral et synthétique permet d’obtenir des huiles semi-synthétiques dont les tarifs seront adoucis par rapport aux huiles synthétiques, tout en proposant des performances supérieures aux huiles minérales.

Les Additifs

Mais dans un bidon de lubrifiant, l’huile ne représente en moyenne que 60 à 85% du volume total. Pour le reste, ce sont des additifs qui permettent de renforcer les propriétés de l’huile de base, et/ou d’apporter des propriétés complémentaires que cette huile n’a pas.

Propriétés principales de ces additifs, de manière non exhaustive :

Additif Propriété
Anti-oxydant Supprimer, ou tout au moins ralentir les phénomènes d’oxydation du lubrifiant. Contribuer à l’espacement des vidanges par une meilleure tenue aux hautes températures.
Anti-corrosion Empêcher l’attaque des métaux ferreux, attaque due à l’action conjuguée de l’eau, de l’oxygène de l’air et de certains oxydes formés lors de la combustion.
Anti-friction (usure) Renforcer l’action anti-usure qu’exerce un lubrifiant vis-à-vis des organes qu’il lubrifie.
Anti-congelant
(jusqu’à 0.5 %)
Permettre au lubrifiant de garder une bonne fluidité à basse température (de -15°C à -45°C).
Anti-mousse Le moussage de l’huile peut être dû :
1. A la présence d’autres additifs. Les additifs détergents agissent dans l’huile comme du savon dans l’eau : ils nettoient le moteur mais ont tendance à mousser.
2. Au dessin du circuit de graissage qui provoque des turbulences lors de l’écoulement du lubrifiant, facilitant ainsi le brassage air-huile et la formation des bulles.
Anti-émulsion Evite le mélange de fluides étrangers (de l’eau par exemple) avec l’huile et favorise la décantation (séparation) de l’ensemble.
Détergent (utilisés à raison de 3 à 15 %) Eviter la formation de dépôts ou de vernis sur les parties les plus chaudes du moteur telles que les gorges des pistons.
Dispersants (utilisés à raison de 3 à 15 %) Contrairement aux précédents, ils agissent essentiellement à basse température en retardant la formation de dépôts ou de boues.   Son rôle est de maintenir en suspension toutes les impuretés solides formées au cours de fonctionnement du moteur : imbrûlés, gommes, boues, suies diesel, dépôts nettoyés par les détergents.
Désaérant Favorise la séparation des gaz de l’huile.
Amélioration d’indice de viscosité. (utilisés à raison de 5 à 10 %) Permettre à l’huile d’être :   1. Suffisamment fluide à froid (faciliter le démarrage en abaissant le point d’écoulement entre -15 et -45°C suivant les huiles). 2. Visqueuse à chaud (éviter le contact des pièces en mouvement).
Additif extrême pression Permettre à l’huile de :   1. Réduire les couples de frottement et par conséquence économiser l’énergie. 2. Protéger les surfaces des fortes charges.
De basicité Neutraliser les résidus acides de combustion des carburants, principalement sur moteur diesel.

Tableau intégralement extrait du Chapitre 2 du cours de lubrification-graissage du TechnologuePro.com – pages 5 et 6/14

Bref, en résumé, il existe ou existera un additif pour toute propriété recherchée afin d’améliorer les performances d’une huile donnée. Ce sont souvent ces additifs qui vont faire la différence entre une huile premier-prix et une huile de qualité premium.

On s’arrête là… pour le moment !

Vous pouvez donc maintenant décrypter les huiles moteur sereinement. Ou presque… Tout ce qui a été dit, nécessite quelques petites mises au point pour les véhicules d’avant les années 90 (pour schématiser), époque à partir de laquelle les joints (et notamment les joints spi) ont été réalisés en matériaux résistants à la plupart des additifs, et où la qualité des alliages métalliques utilisés a suivi l’évolution des lubrifiants (et réciproquement)…

Mais ceci nécessite un article spécifique sur les règles pour bien lubrifier le moteur de son ancienne. Rassurez-vous, il arrive.

Merci à Motul Classic pour certaines images d’illustration.

Fabien

Un lion et un cheval cabré m'ont fait aimer les voitures de mon enfance... Un livre, «La maîtresse d'acier» de Pierre Coutras, et des pilotes de légende m'ont conduit à me passionner pour des bolides plus anciens. A mon tour de partager avec vous.

Commentaires

  1. Antoine Lannoo

    Sujet hyper intéressant, vivement la suite

    Répondre · · 5 avril 2019 à 15 h 53 min

  2. Sutter

    Castor oil=huile de ricin

    Répondre · · 6 avril 2019 à 9 h 44 min

    1. Fabien

      Oui, effectivement, merci! La correction a été apportée.
      Castor… un faux ami!

      Répondre · · 11 avril 2019 à 14 h 52 min

  3. Daniel DUCHEMIN

    Merci pour cette intéressante synthèse. L’huile de ricin a une odeur qui lui est « propre », et qui rappelle mes jeunes années au bord des routes et des circuits. A beaucoup d’autres lecteurs aussi sans aucun doute. Article partagé sur ma page « Amizautos ». Je ne le dis pas systématiquement mais je le fais souvent. Félicitations à toute l’équipe !

    Répondre · · 6 avril 2019 à 17 h 36 min

    1. Fabien

      Merci! J’ai d’ailleurs apporté une modification concernant l’huile de ricin et Castor Oil.

      Répondre · · 11 avril 2019 à 14 h 51 min

  4. David Reichnitzer

    Vos explications pour vous mettre à la portée de tous sont très bien faites mais vous avez oublié les huiles de dernière génération dites Filmogènes qui font tourner les mécaniques film contre film au lieu de métal contre métal comme le font les monogrades et les multigrades. Il s’agit de la Technologie A9 et vous devriez en parler pour informer les passionnés qui veulent conserver en parfait état les véhicules qu’ils restaurent à grand frais. Dans ce cas, rien de telle que l’huile multigrade filmogène car elle réduit les émissions polluantes, la friction mécanique et la consommation de carburant de ce fait tout en permettant au moteur de rester indéfiniment protégé par le film qui s’use à sa place. Pensez y dans vos mises a jour. Allez voir le site http://www.technologie-a9.com qui est très bien fait. Bien a vous – [email protected]

    Répondre · · 6 avril 2019 à 19 h 00 min

    1. Fabien

      Merci David pour ces éléments. Je viens d’aller sur le site, mais il semble en maintenance. Quoi qu’il en soit, je regarderai effectivement cela pour les mises à jour, car la technologie est récente et pour le moment de diffusion limitée.

      Répondre · · 6 avril 2019 à 19 h 12 min

  5. martini

    Effectivement, Castor Oil a donné Castrol et un de leurs concurrents utilisait de l’huile de baleine, ou tout au moins le laissait entendre , c’était PolarOil !

    Répondre · · 8 avril 2019 à 14 h 23 min

  6. Pierre Jammes

    Merci pour cette page. C’est vrai qu’on peut passer des heures sur le www pour trouver une info correcte… Mais pour « castor » je crois bien que vous faites erreur: le mot anglais « castor » se traduit par « ricin » en français, alors que le mot français « castor » se traduit par « beaver » en anglais ! J’ai donc toujours pensé que « castor oil » était de l’huile de ricin, et en regardant la fiche Wikipedia de Castrol (bon OK ce n’est pas sûr à 100% mais bon…), l’origine du nom de la compagnie vient bien du ricin… sans parler du fait qu’il semble quand même plus facile de cultiver la plante que d’élever et dépiauter le bestiau ! Mais j’ai hâte à la suite, sur le grade à utiliser…

    Répondre · · 11 avril 2019 à 14 h 07 min

    1. Fabien

      Merci pour ce commentaire et le fait de rappeler que Beaver est la traduction de Castor m’a permis de réaliser mon erreur. Je ne dirai plus «castor, mon bon ami» mais «castor mon faux ami»! Une mise à jour permettra de corriger cela.

      Répondre · · 11 avril 2019 à 14 h 19 min

      1. Fabien

        Correction effectuée. Merci!

        Répondre · · 11 avril 2019 à 14 h 48 min

  7. Huile voiture ancienne

    Jeune, j’avais tendance à toujours vouloir mettre l’huile la plus chère dans mes moteurs. Ainsi, ma vieille Mini de 1989 roulait avec de la Castrol synthétique de supercar.

    Bien entendu, c’est débile. Forts de la lecture de cet article, essayez de respecter au maximum les préconisations d’origine, ou des forums auto, pour l’huile de votre voiture ancienne.

    Une huile trop fluide, ou même une huile synthétique dans un moteur trop vieux, et c’est votre pression d’huile qui fout le camp!

    Répondre · · 12 juin 2021 à 11 h 01 min

    1. Fabien

      Merci pour ce témoignage

      Répondre · · 22 juin 2021 à 20 h 52 min

Répondre à Pierre JammesAnnuler la réponse.

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