L’amortisseur Houdaille : il n’y a pas que le télescopique dans la vie !

Quand on parle des amortisseurs, on pense d’abord à ces grands tubes noirs. Mais si on se penche sur une voiture plus ancienne, on peut être étonné de retrouver une solution bien différente mais toute aussi efficace. Une solution qui se présente sous la forme d’une « boîte » cylindrique d’où sort un axe attaché à un levier. C’est l’amortisseur Houdaille et on vous explique son fonctionnement.

Du cristal à l’automobile

L’amortisseur Houdaille doit son nom à son créateur : Maurice Houdaille. Né en 1880, fils de cristalliers de Choisy-le-Roi, il ne veut pas être le 4e fils à travailler au sein de l’entreprise familiale. Même après un séjour en Tunisie, ou il devient tirailleur, il finit pourtant par être le représentant de « Houdaille et Trinquet, Cristallerie ».

Mais au bout de quelques temps il s’intéresse à l’automobile. Son ambition est simple : niveler la route ! En plein développement technique, le moyen de transport souffre encore de soucis de suspension. Les ressorts à lame sont, certes, complétés par des amortisseurs à friction, mais la solution n’est pas idéale pour permettre un amortissement différencié entre compression et détente.

Finalement, c’est en le 20 Avril 1909 qu’il dépose le dispositif d’un « Dispositif perfectionné de frein hydraulique applicable notamment à la suspension des véhicules automobiles ». Pour ce système, Maurice Houdaille s’est inspiré des freins de tir utilisés sur les canons de 75mm. Un système particulièrement efficace qui utilise de l’air comprimé et de l’huile et permet notamment à ce canon une bonne cadence de tir en assurant un retour rapide à sa position initiale.

L’amortisseur Houdaille n’utilise pas d’air mais uniquement de l’huile. Bien que l’amortisseur télescopique existe déjà, le système de l’amortisseur Houdaille est différent et fait appel à un bras de levier et un boîtier fixé sur la structure de la voiture (ou du camion d’ailleurs). Il est plus complexe, certes, mais offre une meilleure durabilité. Les réclame d’époque le vante comme étant inusable, indéréglable, bref, sans entretien.

Dans les faits, c’est un peu exagéré puisque l’amortisseur Houdaille peut être sujet à des fuites. C’est d’ailleurs en ce sens que son inventeur va travailler en améliorant énormément la qualité de l’usinage des différentes parties ou en le dotant d’une réserve d’huile lui permettant de « s’auto-recharger ».

En tout cas le système se fait remarquer. Le brevet, également déposé aux USA, donnera naissance à une société Houdaille Industries qui ne fera qu’utiliser le brevet. L’utilisation du système par Ford puis d’autres constructeurs permettra à cette société de diversifier pour devenir un équipementier qui ne se limite pas aux seuls amortisseurs. De notre côté de l’Atlantique, les Panhard, Renault et autres Citroën font appel à l’amortisseur Houdaille pour leurs autos mais on le propose également dans d’autres pays tandis que certains n’hésitent pas à le monter en accessoire.

Après guerre, la société continuera à se développer… si le brevet fait sa fortune, Maurice Houdaille dirige son entreprise « en bon père de famille » en se souciant du bien-être de ses ouvriers. La société se diversifiera, là aussi, mais avec des amortisseurs télescopiques. Quand il s’éteint en 1953, alors qu’il demande que la nouvelle ne soit annoncée qu’après sa mise en terre pour ne pas déranger, sa société lui survit.

On trouvera encore des utilisations de l’amortisseur Houdaille bien après la mort de son créateur… et pas que sur des populaires. Imaginez que ce boitier s’est retrouvé dans les trains roulants de voitures allant de la Hotchkiss Grégoire aux Ferrari 250 !

Attention à la réparation

Ce type d’amortisseur équipe donc de nombreuses voitures anciennes. Rien ne servira d’utiliser un comparateur de garage pour trouver comment réparer ce type d’amortisseur. Car, oui, c’est une des particularités de l’amortisseur Houdaille : il se répare. Oubliez les amortisseurs télescopiques que l’on doit changer à cause de fuites ou de plastique qui craque. L’amortisseur Houdaille est métallique et, comme on l’a dit, ce sont les usinages qui assurent son fonctionnement.

Mais évidemment, cela s’use avec les mêmes effets qu’un amortisseur « classique » : l’amortissement est moins bon voire la voiture commence carrément à rebondir ! Dans ce cas il faudra vous tourner vers des pros, spécialistes des voitures anciennes qui l’auront déjà fait… il semble en effet que tous les liens et autres adresses que l’on peut trouver sur le net ne pointent plus nulle part.

Par contre, si vous vous sentez d’attaque, on trouve également des tutos qui vous expliqueront comment réparer ces amortisseurs. Il faudra être un peu équipé et bien suivre les étapes pour ne pas endommager ces fameux usinages précis. Notez aussi que l’entretien et le remplissage se fait avec de l’huile de ricin et qu’il faut éviter de s’aventurer vers d’autres huiles puisque la viscosité de l’huile est importante dans le fonctionnement de l’ensemble.

Pour aller plus loin : comment fonctionne l’amortisseur Houdaille ?

Vous voulez vous lancer dans la réparation ? Dans ce cas, ce n’est pas plus mal de comprendre comment marche cet amortisseur Houdaille. Voici un premier schéma qui reprend tous les éléments constitutifs du corps de l’appareil :

D’abord le premier cas, quand le ressort va se comprimer (flèches 1 sur la figure ci-dessus). Une partie du boitier tourne et les volets vont comprimer l’huile de ricin dans les compartiments notés A et B. Cela va exercer une force sur les soupapes d’affaissement. Dans ce sens, elles jouent leur rôle et s’ouvrent, laissant passer le fluide plus ou moins rapidement selon sa viscosité.

Maintenant, au moment de la détente du ressort, il va falloir « retenir » le système. Dans ce sens le liquide est comprimé dans les parties C et D. Là il ne peut pas s’échapper par les soupapes et va donc suivre l’autre chemin en passant par le centre du dispositif. C’est là qu’est situé un piston de forme ovale qui obstrue plus ou moins les canaux. Ce piston est réglable ce qui permet de contrôler la « vitesse » d’écoulement du fluide. En le réglant bien, en fonction notamment du poids de la voiture, on va laisser passer juste ce qu’il faut de fluide pour vraiment amortir le retour du levier dans sa position initiale.

Notez d’ailleurs que l’amortisseur Houdaille, comme l’amortisseur télescopique, peut être utilisé avec des barres de torsion, des ressorts à lames ou même des ressorts hélicoïdaux (plus rares à l’époque).