L’Alpine A310 du Dakar 81, une antilope normande dans le désert !

Publié le par bertrand

L’Alpine A310 du Dakar 81, une antilope normande dans le désert !

Il y a quarante ans, deux hommes vont entreprendre de faire le Paris-Dakar avec une Alpine A310 ! Plus connue pour ses victoires en rallyes, la marque dieppoise n’a jamais été engagée officiellement dans cette épreuve légendaire. Mais c’était sans compter sur la ténacité du pilote Thierry Reverchon, et son co-pilote Georges Vaills, qui cherche une voiture sûre pour participer à cette édition 1981. On revient sur l’histoire méconnue de cette A310 pas comme les autres !

Une Alpine A310 dans les dunes, pourquoi pas !

Alors certes, les Alpines A310, sont largement plus connues pour leurs exploits en rallyes. Ça, on ne peut pas le renier et on n’y revient pas. Mais comme avec le fameux Poisson Dieppois lors des 24H du Mans 77 dont on parle ici, on va voir que le rôle d’une 310 ne se cantonne pas qu’au rallye.

Thierry Reverchon n’est pas un novice, il connait l’Afrique comme sa poche et il a participé à la logistique de l’épreuve du Dakar 80 dans l’équipe de Thierry Sabine. Nous somme dans les débuts du rallye raid et c’est encore une sacrée aventure. Du coup, dans son camion qui transporte de quoi nourrir tout le monde sur le Dakar, notre ami ronge son frein, sans jeu de mots ! Il se dit,en voyant les voitures des concurrents, mais pourquoi pas moi ? Sa décision est prise, il fera le Dakar 1981 !

Son sponsor principal est rapidement trouvé, ce sera les chaussures André. Ce dernier avait comme marotte de monter une carrosserie en polyester en forme de chaussure sur un châssis. L’idée est heureusement très vite abandonnée. Fort de son expérience, Thierry veut une voiture plutôt petite, légère, et en deux roues motrices. Car l’année précédente au volant de son Berliet 4X4, il s’était aperçu qu’il n’utilisait que très peu ce mode de traction.

Il s’adresse à la société Polytechnic de Saint-Nazaire. Cette dernière lui prépare une Peugeot 505 Gr 5. Le développement de voiture avance bien, mais hélas, elle est fortement accidentée lors des essais. Polytechnic propose donc à Thierry une Alpine A310 Gr5. Cette dernière est déjà bien aguerrie, car c’est l’une d’une série de trois qui ont participé au Championnat de France des Rallyes.

L’Alpine A310 en mode rose des sables

Au départ, notre pilote n’est pas très chaud pour ce choix. Polytechnic affute ses arguments. Elle lui explique que la voiture est basse avec seulement 28cm de garde au sol que le planché est plat et démontable. La carrosserie est également démontable en trois parties. L’argument final, et qui lui fera remporter la décision, portera sur le châssis tubulaire rendant la voiture très légère avec seulement 850 kg sur la balance.

L’affaire est donc faite et Thierry qui aime les défit, achète cette auto pour 80.000 Frs début décembre 1980. Oui, vous avez bien lu, on en décembre, sachant que l’Alpine est attendue sur la ligne de départ le 1er janvier suivant, ça va être tendu !

La société va maintenant s’occuper de la préparer pour la course. Le moteur n’est pas le V6 d’origine, mais un quatre cylindres en alu, celui-ci développe 180 ch pour 1800 cm³. Suffisamment costaud pour propulser les 850 kg de l’A310 avec son arbre à cames spécifique et ses deux carbus doubles corps Weber.

L’intérieur est dépouillé à souhait et derrière les sièges de R5 Turbo on greffe deux réservoirs de R20, pour les longues étapes de désert. Sur le toit est ajouté une galerie accueillant, un coffre, les plaques de désensablage, des roues de secours entre autres. La voiture est chargée comme un mulet, il ne reste que le, petit, coffre avant pour les affaires perso des deux coéquipiers. Sur le devant du capot est installée une rampe de quatre énormes projecteurs Cibié. Les jantes 15″ viennent de la Renault 30 et sont montées en Michelin.

Une Alpine dans le désert !

Thierry Reverchon découvre sa voiture, avec maintenant son n° de course le 139, quelques jours avant sa présentation aux contrôles techniques. Et premier problème… il ne rentre pas dedans ! Car notre homme mesure 1,90m, qu’à cela ne tienne on rehausse le toit de 15cm en le coupant !

Ce premier souci sera le début d’une belle série d’autres, dont une sévère fuite d’huile provenant de la boite de vitesse. Après plusieurs nuits sans sommeil, mais de réparations divers, l’Alpine sera prête pour le contrôle, qu’elle passera sans autres anicroches.

C’est Georges Vaills qui pilotera sur les deux chronos de prologues avant l’Afrique. Lors de la première, il réalise un bon temps, et le duo doit faire route vers le sud. Mais nos camarades connaissent encore des soucis sur la route de Sète, où ils doivent embarquer pour l’Algérie. Cette fois c’est l’alternateur qui leur joue des tours. Ils sont contraints de rouler sans phares et essuie-glace en se plaçant dans le sillage d’autres concurrents. Hélas, en pleine nuit la 139 s’arrête complètement à court de jus.

On imagine que l’ambiance ne devait pas être à la fête pour nos deux compagnons. Un spectateur providentiel viendra les dépanner et leur donnant sa propre batterie de son véhicule…autre temps, autres mœurs ! Un dernier chrono de prologue est avalée, où Georges se place encore très bien. Et enfin, c’est le départ en bateau pour l’Afrique tant attendue !

L’Afrique terre d’aventures et de galères

Si la première centaine de kilomètres se passent bien, ce sera de courte durée. Les problèmes s’accumulent. Déjà Thierry, du fait de sa haute taille, est fort handicapé pour bien voir la piste, un des arceaux lui bloquant la vue. Puis vient s’ajouter une cascade de problèmes technique, la poussière s’infiltre partout et bloque l’accélérateur, le filtre à air se bouche régulièrement. Surgissent également des problèmes de température d’eau, qui s’élève anormalement. L’addition commence à être salée pour nos deux amis.

L’équipage alterne les tours de conduite en fonction des états de fatigue. Mais la piste commence à devenir une sacrée galère. C’est Georges qui fait la mécanique, car nos compères sont venus sans aucune équipe d’assistance, leur budget ne leur permettant pas. Heureusement que c’est encore l’époque, bénie, où la solidarité existe encore entre les participants. Beaucoup les dépannent ou leur prêtent main-forte sur leurs nombreuses galères, notamment lors d’un changement de joint de culasse.

Mais le 6 janvier, après 3500 km parcourus, le second joint de culasse rend l’âme et c’est la tuile de trop pour la paire Georges et Thierry. Ils sont arrivés à leurs limites d’épuisement. De plus les soucis de chauffe persistent toujours, le co-pilote roule avec un jerrycan sur les genoux. Leurs arrivées aux bivouacs se font de plus en plus tard et ils ne font que dégringoler dans les abimes du classement. Surtout il leur faut préserver leur monture, car ils n’ont pas le budget pour le rapatriement de l’Alpine.

Il leur restait encore 5000 km avant Dakar, difficile dans ces conditions. Le plus triste c’est que le problème de chauffe sera résolu en moins de deux avec de la pâte à joint, tout ça à cause d’une culasse poreuse qui posait des soucis avec la pompe à eau. Voilà, avec cette réparation, l’Alpine ne chauffe plus, mais malheureusement leur abandon a été prononcé. C’est la mort dans l’âme que l’équipage triste rejoint Alger et de là, la France. Voilà la belle aventure est finie.

L’Alpine A310 et l’après-Dakar

Après ce Dakar, l’Alpine reste quelque temps chez Thierry. Puis il la prête à son copain Georges pour qu’il puisse courir quelques rallyes et la faire vivre. Mais hélas, l’ami Georges se tue en 97 dans un banal accident de la route. Thierry décide de donner la voiture à son père en souvenir. Ce dernier décide quelques années plus tard de la restaurer en intégralité pour la remettre en mode Dakar 1981.

C’est dans cet état que l’auto est présentée lors de la vente Leclerc en octobre 2016. C’est à cette occasion que j’ai pu rencontrer cette voiture et qu’un monsieur très gentil m’a raconté son histoire, peut-être Louis, le père de Georges. Cette Alpine A310 était estimée entre 60.000 et 8. 000€, et est finalement adjugée 72.000€ sous le marteau !

Reste la formidable aventure en forme de pari un peu fou qu’ont tenté Thierry Reverchon et Georges Vaills. Partis sans assistance et sans le soutien de l’usine de Dieppe, ils ont échoué sur pas grand-chose, dommage ! Mais cette histoire devait être racontée.

Crédit photos : news d’anciennes, leclercmotorcars, dakardantan.com que je recommande pour tout connaitre sur l’histoire du Dakar.

bertrand

rédacteur et photographe à news d'anciennes. Passionné d'histoire et de véhicules anciens, il rejoint la rédaction de news d'anciennes en 2015. Armé de son fidèle Nikon, il écume les rasso et salons pour vous les faire découvrir.

Commentaires

  1. Antoine Lannoo

    Très intéressant
    J aimerai savoir comment ils ont pu mettre des barres de toit sur cette auto car j aimerai faire de même sur la mienne

    Répondre · · 29 mars 2021 à 12 h 39 min

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