Hommage à Jean-Pierre Jabouille : une nouvelle page du sport auto se tourne

Publié le par Fabien

Hommage à Jean-Pierre Jabouille : une nouvelle page du sport auto se tourne

Décidément, ces deux derniers mois ont été difficiles pour la F1 française, après Patrick Tambay, parti début décembre 2022 et Philippe Streiff l’ayant rejoint 3 semaines plus tard, c’est au tour de Jean-Pierre Jabouille de s’éteindre en ce jeudi 2 février 2022. Il était âgé de 80 ans.

Le Pilote

Jean-Pierre Jabouille sera probablement a jamais associé à Renault et aux années V6 Turbo. C’est d’ailleurs au volant de d’une RS10 puis d’une RE20 qu’il remportera les deux victoires de sa carrière, toutes deux équipées du moteur EF1. Et c’est aussi au volant des Renault qu’il s’est élancé par 6 fois en pole position. Mais la carrière d’un pilote et l’empreinte qu’il laisse derrière lui n’est pas qu’une histoire de points et de victoires.

Ce qui reste dans l’histoire des sports mécaniques, ce sont les actes forts. Ainsi, pour celui que la presse de l’époque avait surnommé « Le grand Blond », ce fait marquant, c’est qu’il est l’homme qui a apporté à un constructeur généraliste français, Renault, sa première victoire en F1, et qui plus est sur le circuit de Dijon-Prenois lors du Grand-Prix de France 1979 (quelques images d’archives par ici). Pour l’anecdote, c’est aussi la première victoire d’un moteur Turbo en F1. Même si cette victoire a eu un goût amer : le duel Arnoux-Villeneuve pour la seconde place, éclipsant l’exploit de Jabouille.

Mais cet ingénieur de formation s’est aussi illustré comme étant un éternel chat noir. Simplement pour illustrer cela, cette même année 79, il a fini 8ème du Championnat malgré 10 abandons sur 15 courses ! En 1977, il n’aura pas vu une seule fois le drapeau à damier malgré 10 inscriptions en courses. Pas de ligne d’arrivée non plus lors de sa dernière année dans la discipline en 1981, sur la Ligier JS17 équipée du V12 Matra MS81.

Abandons aussi aux 24h du Mans. En 14 participations entre 1968 et 1993, il abandonne 8 fois. Mais contrairement à la F1 où il signe quelques coups d’éclats au milieu des défaites, les 24h du Mans, lui réussissent mieux puisque lorsqu’il voit la ligne d’arrivée, il voit également la troisième marche du podium par 4 fois. Les deux autres résultats étant une 4e place en 1978 et 5e en 1989. Sans compter ses deux pôles et un meilleur tour.

L’ingénieur

Des résultats inégaux dans sa carrière, mais Jean-Pierre Jabouille est aussi l’homme qui a participé à la naissance et au développement de ce moteur turbo. Et la « Yellow Tea-Pot » des débuts, performante en qualifs mais qui finissait ses courses dans un panache de fumée, a tout de même démontré son potentiel.

Il est ensuite directeur technique chez Ligier, suite à sa saison 1981 sur une JS17 et le terme mis à sa carrière en F1. Mais ce sont des années noires pour Ligier, qui doit faire avec des motorisations de second plan.

A partir de 1990, il est dans l’équipe de développement du programme Peugeot en Endurance et de la mise au point de la 905 avec Jean Todt. Un travail de l’ombre, mais peut-être l’un des plus beaux succès de sa carrière.

Jean-Pierre Jabouille, le lion

Avec sa crinière, quand j’étais gamin et que je le voyais à la télé, il me faisait penser à un lion. Une impression renforcée par son attitude au volant, toujours incisive… Parfois trop pour certains.

Mais c’est surtout cet accident au GP du Canada en 1980. Rupture de suspension sur la Renault, et Jean-Pierre Jabouille va embrasser le mur. Bilan, ses jambes sont brisées. A ce moment là, tous pensaient que la carrière du pilote était finie et que le seul véhicule à 4 roues qu’il conduirait serait un fauteuil roulant. Mais c’était sans compter sur la rage de cet homme, et sa combativité qui l’a amené à se glisser dans un baquet dès l’année suivante, avec la bénédiction de Guy Ligier.

Alors quand on a rendez-vous à 40 ans avec la mort, et qu’elle vous octroie un bonus, la chance est à saisir au vol. Et cette chance, Jean-Pierre Jabouille l’a saisie, pour s’offrir 40 autres années de vie.

Lorsque je l’avais croisé à Angoulême en 2018, il paraissait fatigué, mais il était bien présent aux côtés de Jaussaud, parti lui aussi et Vatanen.

Et quand on regarde ce parcours, on ne peut que se sentir humble devant la force de caractère du bonhomme. On ne peut que tirer son chapeau à cette passion. On ne peut qu’espérer que l’Histoire se souvienne de lui encore de longues années.

Adieu Monsieur Jabouille, et bravo !

Fabien

Un lion et un cheval cabré m'ont fait aimer les voitures de mon enfance... Un livre, «La maîtresse d'acier» de Pierre Coutras, et des pilotes de légende m'ont conduit à me passionner pour des bolides plus anciens. A mon tour de partager avec vous.

Commentaires

  1. Vincent

    Pilote et ingénieur de qualité.

    Répondre · · 4 février 2023 à 14 h 47 min

  2. Didier MONNET

    C’est avec émotion que j’ai appris la disparition du pilote qui m’a fait connaître la F1 alors que j’étais gamin. Je m’en souviens très bien : c’était à l’émission des Jeux de 20h00 sur FR3, Jean-Pierre Jabouille était la personne à reconnaître à travers des questions lors d’une séquence… Depuis ce soir-là, j’ai suivi de près les avancées de Renault en F1, et je me souviens très bien de cette victoire en 1979, la première d’une F1 Turbo. J’avais alors 13 ans. Au revoir Monsieur Jabouille, reposez en paix… Ou alors profitez-en pour amorcer de passionnantes discussions avec tous les grands noms du volant ayant quitté ce monde !

    Répondre · · 4 février 2023 à 20 h 27 min

    1. Fabien

      Merci pour ce témoignage. J’avais 9 ans en 79, je comprends aisément vos sentiments.

      Répondre · · 4 février 2023 à 20 h 38 min

  3. Wade

    Bel hommage, il restera dans les pages de l’histoire automobile.

    Répondre · · 4 février 2023 à 21 h 33 min

  4. JMG

    Merci pour ce bel hommage partagé, pour ce grand monsieur, et grand nom, de cette belle époque des courses autos. ils nous faisait rêver tous, en les admirant sur nos chaînes tv de ces années là..
    De fabuleux pilotes.

    Répondre · · 9 février 2023 à 17 h 54 min

  5. Dominique Ponthieu

    Merce pour ce bel hommage, bien documenté et ne se limitant pas, comme bien souvent, aux seuls faits d’armes.

    Répondre · · 10 février 2023 à 20 h 07 min

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