Essai d’une Volvo P1800ES, audacieuse et classique à la fois

Publié le par Benjamin

Essai d’une Volvo P1800ES, audacieuse et classique à la fois

Le dessin du coupé Volvo P1800 a marqué beaucoup de monde, mais moins que son apparition dans une série télé bien connue. Pourtant, le constructeur suédois a réussi à aller encore plus loin, plus de 10 ans après l’apparition du coupé originel ! C’est avec cette auto, la Volvo P1800ES qui ne se contentait pas de faire évoluer l’auto mais proposait une nouvelle version avec un dessin très marquant… surtout à l’arrière. On parle tout simplement d’un break de chasse de série, une carrosserie très peu utilisée et toujours spectaculaire. Allez, on va la regarder mais aussi l’essayer.

Notre Volvo P1800ES du jour

Beaucoup se sont extasié devant le physique de la P1800. C’est vrai que ce coupé particulièrement effilé et fin propose une ligne originale avec son habitacle qui semble petit et avec des ailes marquées. Le souci, c’est que plus c’est mythique et remarqué, plus c’est difficile à faire évoluer !

Au début des années 70, Volvo envisage sérieusement de remanier la ligne. Et si, en même temps, on pouvait résoudre un des soucis de ce coupé à savoir son volume de chargement limité, ce serait tant mieux. Si on a déjà étudié des versions bicorps, c’est vers un break de chasse qu’on va se tourner. Frua, qui a dessiné la P1800 y va de son coup de crayon et crée le Raketen (photo en fin d’article) tandis que Coggiola, autre carrossier italien s’y met aussi. Finalement, c’est Jan Wilsgaard, directeur du style du constructeur de 1950 à 1990 qui signe le dessin de cette nouvelle version.

Le résultat ? À vous d’en juger en fait. La Volvo P1800ES est assurément originale. Surtout que contrairement aux autres breaks de chasse que l’on a pu trouver sur le marché à ce moment là, ce n’est pas une déclinaison. La 1800E s’est complètement effacée devant cette nouvelle forme.

On retrouve bien l’avant de la P1800 originelle. Enfin pas tout à fait puisqu’on n’opère pas de retour en arrière en reprenant les pare-chocs « banane » des premières autos et la Volvo P1800ES garde ceux apparus en 1965, en une seule pièce. La calandre est toujours proéminente, comme une grosse bouche entourée d’une lèvre chromée. Les ailes sont rebondies, marquées et terminées par des phares ronds. On trouve d’ailleurs des phares additionnels sur cet avant où il est impossible de manquer les clignotants oranges.

Le profil de la Volvo P1800ES, c’est toute une histoire. Là aussi on y retrouve les traits de la P1800 et on retrace aussi son histoire. Notre auto de 1973 est partie aux USA ce qui explique notamment les gros répétiteurs de clignotant rectangulaires qu’on retrouve à l’avant et à l’arrière. La baguette rectiligne s’arrête juste au-dessus des roues arrières, comme sur sa devancière et on note tout de même ce pli de carrosserie qui se poursuit pour s’élargir avec les feux. D’ailleurs, même avec le nouvel arrière, on a aussi conservé l’autre baguette qui surmontait les ailes.

Le profil permet bien de juger l’aspect break de chasse. La portière est restée identique, avec son pli qui remonte. Mais au-dessus, le pavillon ne retombe pas et part en ligne droite vers l’arrière. La vitre qui prolonge la portière est simplement énorme et les baguettes chromées qui l’entourent soulignent encore l’aspect original de ce break de chasse.

Côté détails, on ajoute les jantes légèrement dorées mais aussi ces grilles de chaque côté, celle de gauche étant prolongée par la trappe du réservoir.

L’arrière de la Volvo P1800ES, c’est toute une histoire. Parce que Volvo a réussi à faire d’une carrosserie qui était déjà originale, une carrosserie TRÈS originale. Ça tient à l’ouverture du hayon de ce break de chasse. Certains l’ont réalisée en deux parties, d’autres avec une petite lunette. Chez les suédois, on a osé la grande lunette. Pas d’entourage, c’est bien la vitre qui s’ouvre. Si ce n’est pas le top au niveau de la fragilité, faut bien avouer que ça en jette.

Les phares larges reprennent leur dessin de la précédente version. Le pare-chocs est également identique tout comme la sortie d’échappement, originale avec son virage effectué sur la fin. On note également que la plaque a été descendue sur cette Volvo P1800ES et qu’elle affiche bien son identité avec ses monogrammes.

Verdict ? C’est un beau tour de force qui a été réalisé. C’est la même… mais en différent. On a gardé l’avant, on a gardé une ligne originale mais on l’a complètement changée pour faire quelque chose d’inédit. À tel point que l’arrière de la Volvo P1800ES inspirera les 480 puis C30 !

Intérieur : timide évolution

On ouvre la porte de notre break de chasse du jour. Par rapport à la P1800, ça a évolué. Mais la Volvo P1800ES garde les grandes lignes et surchargeant un peu cet intérieur… et en le faisant entrer dans les années 70, on le note aussi plus austère et, surtout, beaucoup moins original que l’extérieur.

Le dessin des sièges a légèrement changé et offre certainement plus de maintien. Le volant est, lui, resté identique et sa taille trahit un peu l’âge de la P1800 d’origine. Derrière, on retrouve deux grands compteurs avec compte-tours à gauche et tachymètre/odomètre à droite. Au centre, ce sont les températures d’huile et d’eau qu’on surveille. Pression d’huile, jauge du réservoir et montre sont décalées au centre.

L’autoradio de la Volvo P1800ES trône fièrement et à droite on retrouve une poignée de maintien pour le passager. La suédoise serait donc si violente ? En tout cas elle ajoute du luxe avec un cendrier et l’allume-cigare mais également avec la clim’ dont le combiné est placé juste au-dessus du levier de vitesse qui est plus haut que sur les premières P1800.

Évidemment, il faut aussi parler de l’arrière. Etonnamment, le passage au break de chasse n’a eu d’effets positifs que pour le volume de chargement du coffre. Celui-ci est plat et il peut même se prolonger en abaissant les dossier des minuscules sièges arrières. Heureusement ceux-ci bénéficient de la hausse de garde au toit mais on y casera des enfants et certainement pas des adultes à moins de leur en vouloir vraiment.

Technique : rustique

Un beau et élégant coupé, mais sous le capot ne vous attendez pas à trouver de mécanique affolante. On reste chez Volvo quand même. Du coup la Volvo P1800ES se contentera de 4 cylindres.

Heureusement, depuis la P1800, il y a eu de l’évolution. Cette dernière devait son nom à son B18B de 1778cm³ (on arrondit à 1800 pour la bonne cause) qui sortait 100ch avant de gagner quelques équidés par-ci par-là. Elle évoluera en 1969 en recevant le B20B de 1986cm³… mais sans changer de nom ! L’année suivante, elle deviendra 1800E en recevant le B20E qui était passé à l’injection Bosch pour satisfaire les normes de pollution américaines (80% des autos s’y vendaient).

La Volvo P1800ES reprend donc ce moteur. En Europe, il développe 135ch, belle perf… mais la majeure partie des autos qu’on trouve chez nous sont des autos qui sont revenues des USA, avec le moteur local et ses 125ch. C’est déjà une belle cavalerie au final. On note qu’on a de la chance dans notre « malheur » puisque la boîte est ici manuelle, une boîte auto était disponible en option.

Sur le reste de la technique, la Volvo P1800ES a beau apparaître en 1971, elle n’a pas beaucoup évolué niveau plateforme. On reste basé sur celle de l’Amazon, raccourcie pour l’occasion, mais au moins elle n’est pas dépassée avec ses triangles superposés surtout que les freins avant à disque ont été complétés par d’autres disques à l’arrière en 1969.

Au volant de la Volvo P1800ES

Allez c’est parti. La suédoise a beau être basse, l’installation à bord se passe plutôt bien. Jusqu’au moment où il faut trouver sa position de conduite en fait. Parce que, là, ça se complique. Le grand volant est problématique puisqu’il ne se règle pas. Et puis les pédales sont situées loin devant. Donc je me retrouve près du volant avec les jambes bien tendues. Ça rappelle presque une Jaguar XK120, en moins pire, d’accord.

Ce petit souci d’installation va se confirmer après quelques tours de roue. Évidemment ils se font dans un village et il faut bien utiliser les pédales. Sauf qu’au moment de relever le pied gauche, on tape dans la mini platine qui a été installée pour deux interrupteurs type aviation tandis qu’à droite le genou heurte le bloc de clim. Ce qui est dommage, c’est que cela concerne tous les conducteurs, quelle que soit leur taille.

Heureusement, la Volvo P1800ES ce n’est pas qu’une question d’ergonomie (et généralement une ancienne ne l’est pas non plus sinon beaucoup resteraient au garage). En ville, on apprécie le couple du 4 cylindres et on n’a pas besoin de trop jouer avec le levier de vitesse. La direction est un poil lourde mais le grand volant lui confère une bonne précision. Le petit hic reviendra à la position de conduite, assez basse, qui fait qu’on a du mal à distinguer les ailes avant qui sont finalement positionnées bien loin de nous.

Le village se termine et nous voilà sur la route. Sans être un foudre de guerre, le moteur nous emmène à une vitesse très confortable en peu de temps. On passe alors la 5e et on profite d’un bon confort. Certes, c’est un peu bruyant mais on peut toujours actionner l’overdrive pour gagner quelques tours et autant de décibels. Le voyage se passe bien et la Volvo P1800ES se montre agréable. Les perfs ne sont pas folles mais permettent facilement de s’insérer dans la circulation actuelle. Le confort est bon, ce n’est pas une Rolls mais on ne se fait pas tasser les vertèbres à n’importe quelle bande rugueuse pour autant.

Une impression ressort tout de même de cet essai : il ne faut pas être claustrophobe. C’est étonnant puisque la surface vitrée a considérablement augmenté, mais ça ne concerne que l’arrière, tandis que la visibilité est bonne. Mais, comme on l’a vu de l’extérieur, la ligne de caisse est haute, le pavillon bas et on a finalement peu de place à l’intérieur.

Une fois la partie voyage abordée, on se rappelle quand même que la Volvo P1800ES est un coupé. Un break de chasse né coupé. Si elle voyage bien, on va quand même voir ce qu’elle a dans le ventre. Cette fois, plus question d’overdrive, on va pousser un peu les rapports. La mise en vitesse est très correcte et les perfs aussi. C’est une voiture qui peut rouler vite. Ça veut aussi dire qu’elle fait du bruit et j’avoue que la sonorité du 4 cylindres, assez rauque, ne justifie pas, à elle seule, l’envie d’appuyer sur l’accélérateur.

Côté châssis, en augmentant le rythme, il n’est pas largué. L’amortissement est bon. Le compromis réalisé entre maintien et confort est idéalement placé pour une voiture de ce genre. Le freinage de la Volvo P1800ES est certainement ce qui vous replongera le plus dans les années 70, mais on a bien dit 70, pas 50 et l’efficacité est bien là. Pour ce qui est de l’endurance, pas de souci notable mais on ne s’est pas non plus attaqué au Turini.

Est-ce qu’on reste sur notre faim ? Finalement, c’est une auto qui est exactement là où on l’attend. Suffisamment performante et confortable, sans être au top dans aucun de ces domaines, elle permet de voyager et même de se faire un peu plaisir à l’occasion. Mais il est vrai que la Volvo P1800ES plutôt avare de sensations mais c’est finalement le cas de beaucoup de coupés « classiques » de ce genre dont la mécanique est restée proche de la série. Et puis personne n’a jamais parlé de véhicule hautes performances.

On ne cessera, par contre, de se cogner les genoux et de râler à ce propos. Mais on se satisfera du regard des passants et des autres conducteurs quand ils découvrent notre suédoise.

Conclusion

Sans être totalement insipide, la Volvo P1800ES n’est pas une voiture qui vous ravira par ses qualités routières. Pour autant, vous ne pourrez pas lui reprocher grand chose à ce sujet et vous voyagerez bien et à bon rythme (avec une fiabilité qui pourra vous rassurer, d’ailleurs) sans pour autant ressortir avec la banane. Finalement ça arrive avec beaucoup de voitures et c’est par là qu’elle se montre très classique.

Sauf que là, vous ressortez et vous avez la ligne devant vous. La Volvo P1800ES serait une sculpture sur roues ? On ne peut pas aller jusque là non plus, on a connu beaucoup d’autos plus belles. Mais ce qui fait l’attrait de sa ligne, c’est ce mélange de parti pris et de bonnes idées pour la réalisation. La carrosserie break de chasse, c’est finalement facile à faire et beaucoup l’ont tenté… mais peu l’ont aussi bien réussi.

Les plus de la Volvo P1800ESLes moins de la Volvo P1800ES
Sa ligne inimitableErgonomie déplorable
Son habitabilitéL’intérieur tristounet
Sa robustesseSa rusticité
Ses performances globales
Les notes de la Volvo P1800ES
Fiche techniqueVolvo P1800ES
Années1971-1974
Mécanique
Architecture4 cylindres en ligne
Cylindrée1986 cm³
AlimentationInjection
Soupapes16
Puissance Max124ch à 6000 trs/min
Couple Max167Nm à 3500 trs/min
Boîte de VitesseManuelle 5 rapports
TransmissionPropulsion
Châssis
Position MoteurLongitudinale Avant
FreinageDisques AV et AR
VoiesAV 1310 mm / AR 1310 mm
Empattement2450 mm
Dimensions L x l x h4385 x 1700 x 1280 mm
Poids (relevé)1300 kg
Performances
Vmax Mesurée180 km/h
0 à 100 km/h10,2s
400m d.a17,1s
1000m d.a32,0s
Poids/Puissance10,48 kg/ch
Conso Mixte± 7 litres / 100km
Conso Sportive± 15 litres / 100 km
Prix± 30.000 €

Conduire une Volvo P1800ES

On a oublié de vous mentionner un « détail » : la Volvo P1800ES est une rareté ! Les première P1800 et P1800S sont plus rares. Mais alors qu’on a fabriqué presque 22.000 1800S (le modèle enfin abouti qui va jusque 1969) et 9414 1800E, la Volvo P1800ES n’a été produite que durant deux années et atteint 8078 exemplaires. Ça en fait une des séries les plus rares… mais on note aussi qu’avec 5008 autos en 1973, c’est l’année où en a produit le plus.

Ça en fait une voiture pas forcément facile à trouver. Une version européenne sera même très compliquée à trouver mais la différence de 10ch n’est pas forcément si intéressante et ne change pas les pare-chocs.

Côté prix, une Volvo P1800ES est une auto qui peut passer du simple au double. Les plus belles autos peuvent dépasser les 40.000€ mais on en trouvera à moins de 20.000€ en cherchant bien (et il y aura des travaux à entreprendre).
Notre voiture du jour, parfaitement fonctionnelle, sera proposée par Osenat lors de sa vente d’Automobiles de Collection du Dimanche 10 Novembre à Epoqu’Auto 2024. Elle est estimée entre 25 et 35.000€ et vous aurez toutes les infos par ici.

On note que c’est globalement plus cher que les coupés des années précédentes mais moins que les tout premiers coupés… pour lesquels il faudra viser des versions déjà restaurées, la qualité de fabrication chez Jensen ayant été suffisamment déplorable pour que Volvo rapatrie la production dans ses usines.

Ce qui est à surveiller ? Côté moteur la Volvo P1800ES embarque un bloc réputé increvable dont le seul souci pourra venir du réglage de l’injection… et encore, vous trouverez des spécialistes de plus en plus nombreux. Aucun souci côté freins ou trains roulants, tant qu’ils ont été bien entretenus. Reste la caisse. Même après le retour de la fabrication en Suède, c’est un point noir potentiel et le fait que les ailes soient soudés à la caisse n’augure rien de bon en cas d’apparition de la corrosion. Les bas de caisses sont également sensibles, et c’est surtout leur forme qui posera problème. Alors inspectez la bien !

Merci à Guillaume et Jeremy d’Osenat pour avoir permis cet essai.

Et comme promis, le concept Raketen de Frua :

Volvo Raketen- Volvo P1800ES

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Pascal

    Ayant eu une 1800ES, les commentaires sont juste; une remarque, la surface vitrée qui en fait vite un sauna les jours d’été dans le sud..

    Répondre · · 31 octobre 2024 à 17 h 57 min

  2. Paulet

    Ligne élégante et originale digne des autos de Michel Vaillant, mais côte beaucoup trop chère pour le résultat escompté et motorisation assez banale. Il eut été bien d’y caser un 6 cylindres.

    Répondre · · 9 février 2025 à 23 h 16 min

Répondre à PascalAnnuler la réponse.

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