Essai d’une Traction 15 Six H, digne fin de règne

Publié le par Ludovic

Essai d’une Traction 15 Six H, digne fin de règne

J’avais déjà eu la chance il y a quelque temps de m’installer au volant du mythe de l’automobile française qu’est la Citroën Traction, c’était une 11 BL (l’article est à voir ici), alors quand on nous propose la Rolls-Royce des Traction c’est ma curiosité qui s’éveille pour comparer cet essai avec ma précédente expérience. Attention, ici on rajoute 2 cylindres et une suspension arrière hydropneumatique, vous l’aurez peut-être compris, il s’agit bien là d’une rarissime Citroën Traction 15 Six H.

La Traction 15 en bref

On ne va pas vous re(re)faire tout l’historique de la Traction, vu que vous le retrouvez ici :

Mais intéressons-nous à la Traction 15 Six. À défaut du V8 de la fameuse 22, c’est elle qui sera l’étendard de la gamme à partir de 1938. Avec un 6 en ligne de 2867 cm³ et 77ch c’est elle la reine de la route avec ses 135 km/h en pointe. Comme les 11 on en trouve en cabriolet (ultra rare), berline, rallongée et familiale.

Relancée après la Seconde Guerre mondiale, elle devient 15 Six « D » en 1947. Ce n’est pas une version mais simplement une indication : son moteur tourne à droite comme les versions 4 cylindres. En 1952, elles reçoivent une malle bombée et des pare-chocs droits et massifs.

Mais celle qui nous intéresse c’est bien la Traction 15 Six H. Dévoilée le 15 avril 1954 elle reprend la mécanique de la 15 Six mais ajoute une dimension particulière. Car c’est en fait une voiture laboratoire. Le H renvoie à la suspension arrière : l’hydropneumatique qui fera la particularité de la DS qui apparaîtra 18 mois plus tard. C’est bien une voiture laboratoire que Citroën met sur la route.

Produite jusqu’en juin 1956, ce sont 3077 Traction 15 Six H qui seront verront le jour. Une vraie rareté.

Notre Citroën Traction 15 Six H du jour

À première vue, et surtout quand on ne connaît pas bien le modèle, on pourrait tout à fait se dire « ouais c’est une Traction quoi ! » : long capot, noire, classe à la française…

Au final les particularités de cette auto que je vais vous dévoiler tout au long de cet article sont plutôt discrètes. C’est grâce à Guy, propriétaire de cette Citroën Traction 15 Six H et amateur de longue date du modèle, (et fidèle lecteur qui nous a proposé sa voiture, vous pouvez le faire aussi, c’est par là) que j’ai appris de multiples particularités sur cette grand-mère de 1954.

La carrosserie de la Traction 15 Six H : à première vue similaire aux autres Traction

La Citroën Traction est l’une des voitures que tout le monde connait mais à moins d’être incollable sur le modèle, il peut être difficile de trouver des différences visuelles en comparaison avec les différentes Tractions… disons plus traditionnelles.

J’aurais sans doute été plus doué au jeu des sept différences si une autre Traction était placée à côté de celle-ci mais ce n’était pas le cas, heureusement que le propriétaire était à mes côtés pour me dévoiler les secrets de cette Traction 15 Six. Et je vais m’empresser de tout vous dévoiler.

Bien entendu, pour les plus néophytes d’entre nous (et j’en fait partie !), la calandre nous aide à distinguer ce modèle d’exception. Le « 15-6 » annonce fièrement les six cylindres en étant présent sur la calandre, ces mêmes chiffres sont présent sur la malle située à l’arrière de la voiture.

Deux ouvertures supplémentaires apparaissent à l’avant de l’ouverture. Il faut bien les refroidir ces deux cylindres supplémentaires !

Et si vous avez l’œil, vous verrez même la prolongation des barres de torsion de suspension avant qui dépassent de la calandre. C’est l’une des particularités de la Traction 15 Six H.

L’habitacle de le Traction 15 Six : nuances

Comme pour l’extérieur, la 15 Six renferme bien des secrets qui ne vous sauterons pas aux yeux lorsque vous ouvrirez la portière.

Pour améliorer le confort de chaque voyage, l’aménagement intérieur de la Traction 15 Six H est modifié avec l’ajout de fauteuils mieux rembourrés, de quoi renforcer le confort de l’auto malgré sa belle réputation de reine de la route.

Autre détail : les tapis de sol sont plus épais. Je n’ai pas assez de recul pour en juger, mais ces nouveaux tapis sembleraient améliorer le confort phonique de l’auto.

Enfin, si vous souhaitez décorer l’habitacle, sachez que deux vases fixés sur chaque montant de porte vous permettront d’y intégrer de jolies fleurs trouvées lors de vos différentes escapades dans nos contrées françaises (et c’est ce qu’on a fait durant l’essai !).

Sous le capot : six cylindres et une sphère

Sous le capot de la Traction 15 Six H, on retrouve donc le moteur 6 cylindres dont la cylindrée n’a pas évolué. Plus long que le quatre cylindres on remarque tout de suite que ce n’est pas le bloc habituel d’une Traction. Avec ses 80ch, ses 19,5 mkg de couple à 1500 tours/min ce moteur fait vraiment toute la différence entre une 15 Six et une 11.

Mais ici ce n’est pas « que » une 15 Six, c’est une Traction 15 Six H. Et ce H se symbolise déjà sous le capot avec une sphère présente du côté gauche et entraînée par une courroie. Elle n’est pas encore verte mais noire et c’est elle qui va commander le circuit hydropneumatique.

Contrairement à la DS qui sortira plus tard le système ne joue ici que sur les roues arrière. Bien sûr, il a fallu quelques aménagements. L’essieu arrière cruciforme est avec barres de torsion transversales et amortisseurs télescopiques disparaît. Les roues arrières sont montées sur des bras indépendants reliés à un piston coulissant dans la sphère qui contient de l’azote et qui assurera la suspension. Toujours côté suspension on notera la présence de barres antiroulis à l’avant et à l’arrière.

Au volant d’une Citroën Traction 15 Six

A la place du pilote

Hop, on referme la porte suicide et on commence à prendre ses repères avant de lancer le moteur. Ici ça ressemble beaucoup à ce que j’avais déjà vu dans la Traction précédente. J’y retrouve un immense capot bien visible devant moi avec toujours ces impressionnants feux si typiques de ce genre de véhicule. Le grand volant est plutôt bien positionné et parfaitement proportionné pour piloter cet engin d’une autre époque… et pourtant si en avance sur son temps.

J’y retrouve également des pédales excentrées par rapport à l’assise ainsi que la fameuse petite pédale d’accélérateur que j’avais qualifié de pédale de piano très proche du logement de la boîte de vitesses, ce qui pouvait devenir très compliqué avec de grandes chaussures de ville par exemple. Il va presque falloir jouer des doigts de pied pour lancer le 6 cylindres !

Le levier de vitesses est aussi spécifique à ce genre d’auto car le passage des rapports se fait verticalement. Vous retrouverez ainsi la première en bas à droite, la deuxième en haut à gauche et la troisième et dernière vitesse en bas à gauche. La marche arrière est en haut à droite. Au final c’est simple mais attention aux reflexes pour ne pas vous retrouver sur le genou gauche de votre passager.

Petit changement sur ce modèle par rapport à ma dernière expérience : le clignotant se trouve à gauche du volant !

Bien installé ? C’est parti !

Bon, il est temps de réveiller la bête. Au moyen de la petite tirette située sur le tableau de bord, il n’aura fallu qu’un instant pour que le moteur se lance. Le bruit est plus que sympa et plutôt calfeutré pour une ancienne, c’est parfait pour les longs voyages et c’est très bien puisqu’elle est faite pour ça ! Le frein à main est placé sous le tableau de bord, un quart de tour vers la droite et voilà la Citroën Traction 15 Six H libérée de ses tambours.

Première accélération et je suis surpris que le moteur s’emballe si vite, il va falloir presser moins fort la petite pédale car ça m’a l’air bien sensible ! Me voilà parti dans la circulation à bord d’une des plus célèbres des routières à côtoyer les voitures modernes, qui ne prêtent pas vraiment attention au code de la route pour certaines, les routes sur le lieu de l’essai sont assez fréquentés. Il va falloir rester très vigilant et anticiper.

Arrive ensuite le premier rond-point dont j’aperçois au loin le panneau de signalisation. Guy n’hésite pas un instant à me conseiller de ralentir, il connaît très bien sa voiture et il est vrai que le freinage me surprend toujours sur cette auto. Enfin le freinage… j’aurais plus tendance à parler de ralentissement car il en faut de la place loin devant pour que notre Traction de 66 ans puisse s’immobiliser !

Au niveau du passage des rapports, la première vitesse ne sert qu’à lancer l’auto, la deuxième est tout de suite passée pour ne pas faire monter le moteur en haut régime. Guy me fit d’ailleurs plusieurs fois le test de démarrer en seconde pour montrer la souplesse de la boîte et effectivement s’il n’y avait pas la première (sauf en cas de dénivelé !) ça serait presque pareil. La troisième et dernier rapport permet aisément de rouler à « haute vitesse » sans que la boîte soit bruyante.

Coté moteur, ça répond plutôt bien et c’est là que je constate la différence avec une Traction quatre cylindres, c’est plus réactif et beaucoup plus mélodieux. Comme précisé plus haut, c’est assez calfeutré, pour l’époque, mais on entend juste ce qu’il faut pour prendre du plaisir sans pour autant avoir les oreilles qui sifflent après trois heures de route.

Pour finir en beauté : la suspension hydraulique. L’élément qui fait la différence et qui fera par la suite le succès de Citroën est un réel plus même s’il ne concerne que la partie arrière du véhicule. Le confort de conduite est très nettement amélioré, les défauts de la route se font moins ressentir et la tenue de route en est grandement améliorée. Attention, le système Citroën en est encore à ses débuts. On aura pas franchement l’impression de tapis volant d’une DS. Mais l’assiette est quand même bien mieux vérouillée.

Le confort est donc multiplié pour tous les occupants. Enfin pas pour tous visiblement puisque Guillaume, mon collègue photographe situé sur la banquette arrière ne se sentait pas très bien après une heure de trajet (on comprend mieux maintenant pourquoi nos parents avaient le mal de mer en Citroën étant petits !).

Pour régler la hauteur, il faudra descendre du véhicule puisque le levier se trouve dans le coffre.

Ma conclusion

Pour conclure sur cette curiosité, j’avais un peu peur de retrouver une Traction similaire à la 11 que j’avais essayé ultérieurement mais on y retrouve au final de belles modifications qui en font toute la différence.

La Citroën Traction 15 Six H est une Traction à part entière, rare et très convoitée des amateurs de Traction. C’est une auto qui saute aux yeux des connaisseurs sans pour autant parler à tous les amateurs d’anciennes, mais c’est un plaisir à conduire tout en sachant qu’elle a participé à la prouesse technologique dont s’est doté Citroën durant ces années d’évolution.

Les plusLes moins
2 cylindres qui changent beaucoup de choseune rareté qui se paye
un confort en hausseun système complexe à entretenir
tout un symbole
CritèreNote
Budget Achat12/20
Entretien12/20
Fiabilité15/20
Qualité de fabrication17/20
Confort16/20
Polyvalence14/20
Image20/20
Plaisir de conduite14/20
Facilité de conduite12/20
Ergonomie11/20
Total14,3/20

Rouler différemment en Traction 15 Six H

Rouler en Traction 15 Six H ce n’est pas pour tout le monde. Déjà vous devrez en trouver une. Avec plus de 900.000 frs en prix catalogue cela a forcément limité sa diffusion. Et forcément en 65 ans beaucoup ont disparu !

Côté tarif, vous trouverez des autos à partir de 15 à 20.000 € mais les beaux exemplaires sur lesquels vous n’aurez pas beaucoup de frais à prévoir se négocieront au-dessus des 40.000 €. Étonnamment c’est plutôt moins cher qu’une 15 Six « normale ».

L’explication se trouve peut-être dans les ennuis que peuvent apporter la suspension hydropneumatique. Car en plus d’avoir un bon mécano sachant s’occuper de ces mécaniques d’un autre âge, il faudra qu’il touche sa bille pour résoudre d’éventuels problèmes à ce niveau. Du coup avant d’acheter une Traction 15 Six H on vérifiera bien que le système marche bien. Simplement en vérifiant que l’arrière ne retombe pas au ralenti ou pas trop vite une fois le moteur coupé ce qui serait signe d’une fuite dans le circuit.

On contrôlera bien évidemment la rouille et l’état général de la voiture avant de passer à la caisse. Et pour le reste, comme pour chaque Traction, vous pourrez demander des conseils aux clubs spécialisés, Traction Universelle en tête.

Fiche Technique de la Traction 15 Six H
MécaniquePerformances
Architecture6 cylindres en ligneVmax130 km/h
Cylindrée2867 cm³0 à 100 km/h± 9s
Soupapes12400m da
Puissance Max80 ch à 4000 tr/min1000m da
Couple Max19,5 mkg à 1500 trs/minPoids / Puissance16,5 kg/ch
Boîte de vitesse3 rapports manuelle

TransmissionTraction
ChâssisConso Mixte
Position MoteurLongitudinale avantConso Sportive
FreinageTambours AV et ARPrix 1955930.600 frs
Dimensions Lxlxh476 x 179 x 156 cmCote 202040.000 €
Poids1320 kg à vide

Ludovic

Ayant rejoint News d'Anciennes courant 2017, Ludovic et sa fidèle Coccinelle parcourent les rassemblements à la conquête de reportages photos.

Commentaires

  1. Paul Barbary

    J’en ai eu une pendant des années, vendue pour acheter un cabriolet.
    La tenue de route était époustouflante pour l’époque.
    Amusante aussi sur la neige dans le Doubs et le Jura avec le moteur sur les roues.
    Un très bon souvenir, sauf quand les étés étaient chauds.

    Répondre · · 1 janvier 2021 à 19 h 25 min

  2. magicsenna34

    Très belle voiture… ☺️

    Répondre · · 10 mai 2023 à 7 h 30 min

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