Il est des voitures que l’on voit peu. Très peu. C’est le cas de notre auto du jour. C’est sur le parking collectionneur des 48 Heures Automobiles de Troyes que le contact est pris afin d’essayer cette Simca-Fiat 11cv. Une auto qui ne parle pas beaucoup, même aux passionnés de la marque. Pourtant, c’est un vrai morceau d’histoire qui nous renvoie aux premières heures du constructeur.
Notre Simca-Fiat 11cv du jour
« C’est une Traction ». Le propriétaire ne cesse de l’entendre. Pas par des passionnés, mais par des amateurs qui voient bien en notre auto du jour une voiture ancienne des années 30. Là-dessus, ils ont raison. En plus, comme notre belle franco-italienne, les 7, 11 et 15 de l’époque étaient plutôt colorées.

Si la ligne de la Traction a quelque chose d’italien, merci Bertoni, celle de la Simca-Fiat 11cv est encore plus italienne. C’est normal puisqu’elle est née là bas.
Remettons-nous un instant dans le contexte. La diffusion des Fiat en France débute en 1916 mais c’est en 1926 que Ernest Loste lance la SAFAF (Société anonyme française des automobiles FIAT) avec un italien, Enrico Teodoro Pigozzi, né à Turin, en tant que directeur général. D’abord uniquement consacrée à la vente de Fiat en France, Pigozzi convainc Fiat de faire fabriquer les autos en France. La 6CV, basée sur la Fiat 508 est la première auto concernée en étant sous-traitée chez divers industriels. En 1934, débarque la Fiat 11cv F, fabriquée dans l’usine de Suresnes et basée sur la 518 Ardita.
Mais c’est la petite 6cv qui assure le succès et Manessius est vite dépassé. Pigozzi lance alors la Société Industrielle de Mécanique et de Carrosserie Automobile, Simca, le 2 Novembre 1934. L’usine Donnet est rachetée et la fabrication commence vite avec des autos sous licence Fiat. La Fiat 11cv F devient Simca-Fiat 11cv.
Son style est donc repris de la Fiat 518. Seul l’arrière, plus effilé et élégant sur la version française change vraiment. Évidemment, quand on rentre dans les détails, les changements sont plus visibles. Si la calandre est partagée entre la française et l’italienne, ce sont bien des feux Marchal, français, qui l’encadrent. La calandre arbore un monogramme Simca-Fiat (absent sur notre auto du jour) et le badge qui trône en haut barre le nom de Fiat par celui de Simca.
Notre auto du jour propose une élégante peinture biton. Élégante, son origine est plus discutable. Il faut quand même savoir que l’auto a été retrouvée dans un champs d’ortie. Le passionné qui l’a restaurée a même dû refabriquer les pare-chocs à la main !



La ligne est élégante. On lui trouve une forme racée. Malgré la petite taille du moteur, le capot est long et ses flancs sont ornés des « Comètes » apparues sur les modèles 1936. Les surfaces vitrées sont fines, ce qui accentue le côté racé avec un toit bas. La Simca-Fiat 11cv amorce la disparition des marchepieds, ici ils sont plus une jonction entre les ailes avant et arrières que de véritablement utiles pour monter dans l’auto.
L’arrière est simple avec une grande malle qui s’ouvre sur toute la hauteur. Petite coquetterie : la plaque située au milieu du bossage de la roue est assez fine, suffisamment pour être rétroéclairée !



La forme globale est élégante, peut-être plus que bien des autos proposées sur le marché français dans la même catégorie… et ayant eu beaucoup plus de succès ! D’ailleurs, si on note de grandes différences avec une Citroën Traction, par exemple, la Simca-Fiat 11cv en partage… les roues !





L’intérieur : simplicité et espace
L’accès à l’intérieur de la Simca-Fiat 11cv ne sera jamais un problème. Tout simplement parce que LA particularité de cette auto, ce sont ses portes antagonistes.

À l’intérieur, c’est simple. Dans les années 30, la planche de bord a une vraie signification… même quand ce n’est pas une planche. Ici la tôle est peinte dans la couleur dominante de la carrosserie, le rouge. Toutes les informations et les commandes se retrouvent ici.
Bon niveau informations, c’est chiche : pression d’huile, compteur de vitesse et odomètre, horloge et jauge à essence. On note des compteurs bien français : des Jaeger. Les commandes de la Simca-Fiat 11cv ? On commence par le volant dont la taille suffit à le replacer dans son époque. Plusieurs tirettes actionnent les phares et les clignotants sont actionnés par un basculeur.
La sellerie est en velours partout, des contre-portes aux sièges. À l’avant on note des sièges séparés, c’est du luxe à l’époque, fins mais qui paraissent confortables. À l’arrière, c’est une banquette mais les occupants sont choyés : leurs accoudoirs abritent chacun un cendrier, témoins d’une autre époque !





Sous le capot : dans la norme
On ouvre le capot, d’un côté seulement, et on découvre un moteur plutôt petit pour occuper un tel espace.
Il faut quand même se dire que ce moteur n’est pas si petit que ça. 1944 cm³, c’est une bonne cylindrée, qui classe d’ailleurs la voiture dans les 11cv, clairement pas une entrée de gamme de l’époque. De nos jours, on pourrait la qualifier de « premium ». Avec cette mécanique turinoise, la Simca-Fiat 11cv développe 54ch à 3800 tr/mins avec sa culasse alu. Pour la comparer à la Traction 11 de la même époque, son 1911 cm³ sortait 46ch au même régime !
Il permet à l’auto de tenir une bonne vitesse de pointe de 115 km/h. Évidemment la transmission se fait aux roues arrières, via une boîte avec 4 vitesses dont les deux plus grands sont synchronisés. Un avantage par rapport à la Citroën.


Autre « raffinement » technique de l’époque, les freins sont alloués à des tambours, c’est normal, mais ils sont ici commandés par un circuit hydraulique. Autant d’éléments techniques qui faisaient de la Simca-Fiat 11cv une auto appréciée de ses acheteurs… peu nombreux ! Entre 1934 et 1937 on a produit 2200 exemplaires.
Au volant de la Simca-Fiat 11cv
C’est l’heure de prendre le volant. La position de conduite reste étonnante. La Simca-Fiat 11cv est haute sur pattes, comme toutes les autos de l’époque. Pourtant, on se retrouve assis assez bas et, surtout, le capot est assez haut. Du coup, on voit loin mais ce capot sera notre guide !
C’est parti. Contact mis, le démarreur a 80 ans, mais encore toutes ses dents. Le régime se stabilise avec un ralenti assez bas. Là encore, c’est courant. Maintenant il va falloir y aller. Sans surprise, la commande de boîte est également d’époque. Le levier de vitesse est grand, bien placé, mais il faut avouer que le guidage est plutôt flou. La première est rentrée. J’accélère un peu fort pour ce premier démarrage, le point de patinage n’est pas si facile que ça à trouver.
Cette fois, on roule. Les rues de village sont un bon entrainement… enfin une belle séance de musculation. Le moteur est stabilisé en troisième, avec tout le soin qu’il faut apporter à la boîte, un double-débrayage obligatoire donc. Mais ce n’est pas ce maniement qui demande de la poigne, c’est bien le volant. Il est grand, ce qui permet d’avoir plus de force, mais il faut bien avouer qu’il faut quand même y aller pour passer un simple rond-point.
Le moteur relance, même si je dois appuyer bien fort sur l’accélérateur. Voici qu’apparaît le désormais incontournable ralentisseur. Le propriétaire de notre Simca-Fiat 11cv m’avouait chercher à les éviter. Pour moi, une auto de cet âge, avec une garde au sol confortable, ne devrait pas s’en soucier. Mais chaque auto a ses particularités. Et il faut avouer qu’après avoir franchi le premier, je le comprend. La Simca-Fiat 11cv est plutôt sèche sur ses suspensions. Autant le train avant passe sans trop de problème, autant l’arrière est particulièrement secoué.


Heureusement, la ville n’est qu’une étape. La Simca-Fiat 11cv attaque maintenant une belle départementale. Le moteur monte en régime et me voilà déjà en 4e. Je suis à 60… La vitesse de pointe est donnée pour 115 km/h mais je me rend bien compte que je vais éviter. Déjà parce que le moteur de notre vénérable Simca des premières heures reste quand même limité en puissance. Chaque dizaine de km/h gagné est une victoire. Dès 70, on a l’impression de filer bien vite. Aux 80 réglementaires, on se prend pour un Go Fast !
Apparaît alors un comportement… étrange. Vous connaissez la sensation de tapis volant de certaines autos bien amorties ? Et bien là c’est pareil, tout se fait léger. Seulement, je parlerais plutôt d’une feuille morte. Certes, le boitier de direction a peut-être pris du jeu et n’est pas dans une forme olympique. Mais chaque aspérité de la route, bosse, jointure, etc, fait dévier la Simca-Fiat 11cv de sa trajectoire. Et avec une précision en berne, cela oblige à de constantes corrections de direction.



Cela dit, on s’y fait. Petit à petit les corrections sont moins nombreuses. Il faut aussi laisser la voiture faire et ne corriger qu’à un certain point et de façon douce. La vitesse se stabilise, l’auto aussi… jusqu’au prochain trou ou à la prochaine bourrasque. C’est un coup à prendre, mais ça permet aussi de se rappeler qu’on conduit une auto de 1936. La Simca-Fait 11cv, c’est le genre d’auto qui offre des sensations à tous les régimes, dans tous les modes de fonctionnement. Bref, le dépaysement total.
Dans les virages, il faut bien penser que les pneus n’ont pas l’adhérence de pneus de modernes, que le boitier a du jeu, donc on anticipe et on gère au mieux la trajectoire. Le freinage ? C’est clairement le fort de notre auto. D’accord je ne file pas comme une balle, mais le circuit de freinage hydraulique permet d’avoir un toucher de pédale largement supérieur à de nombreuses autos de l’époque… voir même d’autos qui ont 20 ans de moins. L’efficacité reste moyenne, avec des tambours et sans assistance, mais vous ne prendrez la franco-italienne par surprise sur ce point.


Notre tour se poursuit. Les villages alternent aux axes plus grands. En plafonnant à 80 en rase-campagne, il faut quand même éviter ces grands axes, par ici les camions roulent un peu fort. Surtout, les passages urbains sont compliqués. Ce n’est ni la direction, ni le maniement de la boîte, ni l’élasticité du moteur qui sont en cause. Non, c’est bien la sècheresse de l’amortissement arrière sur les ralentisseurs qui vous fera réfléchir… alors que le confort est bon dans toutes les autres situations. Le moteur peut se montrer un peu bruyant à vitesse stabilisée, mais ça fait partie du charme de l’auto.
Allez, sans aucun souci mécanique ni vraie frayeur, notre essai se termine. La belle Simca-Fiat 11cv se laisse encore admirer au soleil.

Conclusion :
La Simca-Fiat 11cv, c’est l’originalité pure. Son comportement, sa conduite, son style sont originaux, même si votre ancienne n’est que des années 50 ou 60. Là où elle est vraiment intéressante, c’est qu’elle est aussi plus originale que les populaires françaises équivalentes. Des 202, 302, Traction (qui ne sont pas toujours de la même gamme, d’accord) sont courantes par rapport à la franco-italienne. Et puis elle reste un morceau d’histoire en illustrant parfaitement les début d’un constructeur français qui mettra quelques années à ne plus être italien.
Les plus | Les moins |
Son originalité | Sa tenue de route |
Sa ligne | Sa rareté |
Ses freins | |
Son histoire |






Conduire une Simca-Fiat 11cv
Vous voulez ajouter une Simca-Fiat 11cv à votre collection ? Armez-vous de patience ! Cette auto était déjà rare à sa sortie, 2200 exemplaires on le rappelle, et c’est encore pire maintenant. On compte 28 autos recensées (il y en a peut-être un peu plus, mais pas beaucoup) et c’est vraiment peu !
Côté prix, la cote LVA est la seule à s’intéresser à l’auto et affiche 17.500€. C’est grosso-modo le prix de celle-ci puisqu’elle est en vente. Si elle vous intéresse, vous trouverez toutes les infos ici ! Évidemment, ce prix est celui d’une des berlines, les cabriolets (5 recensés) valent aux alentours des 55.000 € !
Une fois une Simca-Fiat 11cv achetée… n’hésitez pas à mettre un peu plus pour acheter le stock de pièces qui va avec. Certaines sont tout bonnement introuvables, d’où le fait que notre auto du jour ait mis 8 ans à être restaurée et que les pare-chocs aient été fabriqués à la main. Notez que certaines pièces seront trouvables en Italie mais que tout ce qui vient d’une 518 Ardita ne se monte pas. La fiabilité est celle d’une auto d’avant-guerre : tout peut tomber en panne mais presque tout est réparable. Avoir des notions de mécanique sera un vrai plus.
En tout cas, pour rouler original et en avant-guerre plutôt moderne, la Simca-Fiat 11cv sera un bon choix !
Un grand merci à Xavier pour cet essai !
Fiche technique | Simca-Fiat 11cv |
Années | 1934-1937 |
Mécanique | |
Architecture | 4 cylindres en ligne |
Cylindrée | 1944 cm³ |
Alimentation | Carburateur |
Soupapes | 8 |
Puissance Max | 54 ch à 3800 trs/min |
Couple Max | NC |
Boîte de Vitesse | Manuelle 4 rapports |
Transmission | Propulsion |
Châssis | |
Poisition Moteur | Longitudinale avant |
Freinage | Tambours AV et AR |
Voies | AV 1410 mm / AR 1430 mm |
Empattement | 3000 mm |
Dimensions L x l x h | 4335 x 1670 x 1680 mm |
Poids (à vide) | 1250 kg |
Performances | |
Vmax Mesurée | 115 km/h |
0 à 100 km/h | NC |
400m d.a | NC |
1000m d.a | NC |
Poids/Puissance | 23,15 kg/ch |
Conso Mixte | NC |
Conso Sportive | NC |
Prix | ± 17.500 € |







Philippe Gegout
Sympa d’avoir déniché cette rareté ! Néanmoins, une petite relecture du texte (et de la fiche technique) rendrait la lecture encore plus agréable.
Passionnément
· · 10 octobre 2022 à 18 h 10 min