J’aime les moutons à 5 pattes. J’aime les anciennes qu’on voit peu, qu’elles soient des raretés qui vivent cachées ou simplement des autos peu produites et originales. Sauf que là, c’est un mouton à 4 pattes dont je prends le volant. 4 pattes ? Dans une SM ? Oui, le nombre de cylindre est un début et déjà une hérésie pour certains et le pire, c’est que c’est une Citroën SM Diesel dont je parle là ! De quoi en faire tomber à la renverse plus d’un. Justement, est-ce qu’il y a de quoi ? C’est ce qu’on va voir ensemble.
Les Citroën SM Regembeau
Je ne vais pas vous faire toute l’histoire, elle est longue. Pour résumer, tout commence dans les années 30 quand un jeune adolescent, Georges Regembeau (prononcer Regimbeau, c’était d’ailleurs l’orthographe initiale) montre ses premières aptitudes à la mécanique sur des engins agricoles et de travaux public. Sa première création automobile : une 15-Six dopée avec l’injection directe (carrément) qui prend 210 km/h à Montlhéry !

Quand l’homme s’installe du côté de Crèches sur Saône, il ouvre un garage où ses créations peuvent naître. Il se fait d’abord connaître en montant des boîtes 5, qu’il a conçu, sur des DS, qui seront même utilisées en course par le constructeur, il dope également les mécaniques avec des chevaux supplémentaires. Naissent ensuite les Citroën SM Regembeau, des avions de la route dont le V6 a été modifié pour gagner en performance et en fiabilité.
Mais surtout l’homme va s’intéresser aux moteurs Gazole. Ce carburant est encore moins cher qu’aujourd’hui et Georges Regembeau transforme ses modèles de prédilection. Naissent ainsi des Citroën DS Diesel rejointes quelques années plus tard par des Citroën SM Diesel… voire Turbodiesel, certaines étant même équipées d’une boîte 6 !
Voilà pour la rapide introduction. Maintenant on va rentrer dans les détails avec notre spécimen du jour.
La Citroën SM Diesel par Regembeau
Qu’est ce qui ressemble à une Citroën SM ? Une autre Citroën SM et rien d’autre. La ligne de la grande GT des chevrons, signée par Robert Opron et son équipe n’a jamais été copiée et certains afficionados diront même qu’elle n’a jamais été égalée. Là-dessus, je laisse le débat ouvert puisque les goûts et les couleurs feront que certains préfèrent une Ford Anglia à ces lignes et on peut l’entendre à défaut de comprendre.

Maintenant, comment reconnaît-on une Citroën SM Diesel ? De loin et de l’avant, je vous le dis de suite : c’est absolument impossible. Si les Citroën SM Regembeau équipées du Turbodiesel affichent une face avant avec une calandre particulière, notamment avec des barrettes sur la partie centrale entre les phares, ici on est face à une SM tout à fait normale. Même face avant vitrée, même entrée d’air sous le pare-chocs, même capot long et plongeant percé d’une aération reprenant les chevrons (les seuls présents à l’avant), mêmes roues… bref, une Citroën SM.
On peut néanmoins voir que notre Citroën SM Diesel pourrait paraître négligée aux yeux de certains. En fait c’est juste qu’ils ne sont pas habitués. La patine qu’on trouve sur cette voiture, c’est celle d’une auto qui roule quasi tous les jours, même quand il ne fait pas beau et qui n’a jamais été repeinte. D’ailleurs, si vous la pensez en mauvais état, dites-vous que l’auto était déjà arrêtée depuis de nombreuses minutes au moment de prendre les photos et qu’elle n’est toujours pas redescendue !



Retour à la carrosserie. En fait c’est à l’arrière qu’on va trouver LA distinction entre notre Citroën DS Diesel Regembeau et une SM classique : le gros autocollant qui affiche clairement, et fièrement, que l’auto est mue par un moteur Diesel. Par contre, il faut savoir que RG signifie Georges Regembeau sinon peut se demander pendant longtemps qui a eu l’idée de mettre un autocollant comme ça sur une SM pour faire une blague. Sauf que ce n’en est pas une !




Sous le capot de la Citroën SM Diesel
C’est là que ça se passe. On ouvre l’énorme capot pour y découvrir le monstre. Le monstre ? Oui, car il y a un peu du monstre de Frankeinstein dans ce moteur.

Quatre cylindres de 2300 cm³, diesel, injection. Une bête qui sort entre 85 et 90 chevaux. Bien loin des 165 de la version turbocompressée et de la version V6 annoncée pour 170ch ! Mais pour en arriver là, il y a eu du travail, beaucoup de travail et pas du bricolage.
Le moteur de la Citroën SM Regembeau n’est pas un moteur diesel d’un quelconque constructeur qui aurait été logé sous le capot de la grosse GT. Non, en fait il n’y a que le bloc qui soit Citroën. Tout le reste, des pistons à la culasse, du vilebrequin aux soupapes, c’est du fait-maison, du moins dans la conception ! De la sacrée cuisine en tout cas. Pour Georges Regembeau c’était la seule façon d’obtenir un moteur convenable et d’ailleurs, l’œuvre est signée avec plusieurs « chiffres » RG sur des éléments de fonderie.
La contrepartie était un coût de transformation élevé, approchant en fait du prix de la voiture. Le moteur est ici accouplé à une boîte 5 « classique » de Citroën SM. Il a juste fallu changer le couple conique pour lier les deux organes.
Pour le reste, la Citroën SM Diesel conserve toute la technique propre à une SM, notamment et c’est le plus important, tout le système hydropneumatique qui gère… beaucoup de choses en fait, de la suspension à l’assistance de freinage.





À l’intérieur de la Citroën SM Regembeau
On ouvre la porte et on découvre un intérieur de Citroën SM. Un peu comme l’extérieur, pas de grosse surprise quand on ouvre la grande et lourde porte du coupé chevronné.

On retrouve donc les éléments typiques de la SM. Ils sont finalement nombreux, de la forme des sièges, épais mais au dessin original (eux aussi ont vécu), à celui du volant dont on peut dire la même chose. L’instrumentation, la grille de levier de vitesse, les aérations, rien n’a bougé. Ce n’était pas le cas de toutes les Citroën SM Regembeau : la version turbocompressée ajoutait des manomètres, servant à suivre la température et la pression d’huile notamment, au dessus et au centre du volant.
Dans notre Citroën SM Diesel du jour, il n’y a en fait qu’une seule différence à l’intérieur. Elle se trouve sous le tableau de bord, à gauche : une mystérieuse lampe rouge…





Au volant de la Citroën SM Diesel
L’installation est facile. La Citroën SM n’a rien d’une berlinette et tous les gabarits s’y installeront confortablement. Je boucle la ceinture et le mystère de la Lampe Rouge ne tarde pas à s’éclaircir. On ne cesse de vous le répéter, on conduit là une Citroën SM Diesel. Et que se passe-t-il avec un moteur diesel (surtout une mécanique qui approche doucement de ses 50 ans) ? Il faut que ça préchauffe ! Du coup, quand on met le contact, la lampe rouge s’allume. Quand elle s’éteint, c’est chaud et prêt à déguster.

Vroum (je ne suis pas bon en imitation de moteur, encore mois à l’écrit) et le moteur démarre. Désolé pour les fans des vocalises italiennes, fussent-elles issues d’un V6 à 90° frappé par un trident, certains trouvent qu’il y a bien mieux, mais là vous pourrez faire un concours avec le voisin et son SUV Coréen. Et vous gagnerez quand même pour ce qui est du volume sonore, la Citroën SM Diesel reste une ancienne avec un vrai bruit de camion. Oui, ça ne fait pas rêver de le voir écrit comme ça… mais vous deviez vous en douter dès le titre de l’article non ?
Allez, c’est parti. On peut toujours compter sur la boîte Citroën pour assurer les passages. Le guidage, le verrouillage, tout est bon dans cet ensemble de tringles et de pignons. Le moteur ? On y reviendra. Parce qu’il faut d’abord que vous vous remémoriez ce que ça fait de conduire une SM. Parce qu’il y a conduire une voiture, ensuite conduire une Citroën et enfin conduire une SM.
Déjà, par miracle, j’ai quelques vieux restes de mes précédentes expériences et je ne pile pas au premier ralentissement. Le champignon reste violent à l’attaque du freinage et son dosage est encore pire. Pour autant, je m’en sors bien et les freinages ne sont pas trop caricaturaux. Le reste du châssis est parfait, la suspension fait son boulot avec un bon verrouillage, toujours un brin de roulis rassurant, mais une tenue de route qui reste supérieure à la moyenne (vous pourrez faire le test contre votre voisin).
Dernière chose, qui peut encore plus dérouter le néophyte de la SM : la Diravi. Là, j’avoue que j’avais un peu oublié et dans un rond-point ça fait bizarre. Non, on ne desserre pas sa main pour laisser la direction revenir dans l’axe. Vu qu’elle le fait vite et toute seule, il faut bien cramponner le volant pour garder la SM sur la trajectoire qu’on a prévu et le ramener vers le point milieu. Jusque là, je ne pense pas vous avoir appris grand chose.



Alors, qu’est ce qui change avec la Citroën SM Regembeau ? Bah le moteur, quand même. Alors déjà, oubliez le plaisir que vous auriez à pousser le moteur dans les tours pour écouter la mécanique. C’est un des plaisirs que vous aurez perdu lors de la transformation de la SM. D’ailleurs, qui le faisait ? Généralement de très gros rouleurs, dissuadés par le prix du sans-plomb et la voracité du V6 (les transformations ont été réalisées jusqu’au début des années 80, après le 2e choc pétrolier) ou tout simplement des rouleurs qui comptaient garder la sculpture roulante qu’est la SM dans le garage mais qui avaient cassé leur moteur !
Alors ce moteur ? Clairement, cette fois on ne vous parle pas d’une auto surmotorisée. Le châssis encaisse largement la cavalerie de la Citroën SM Diesel. Très largement même. Il faut bien dire que la puissance est limitée et qu’un test à l’aveugle réalisé par un connaisseur de SM révélerait vite qu’il y a un souci au niveau de la cavalerie de l’auto. Le moteur prend des tours et il est volontaire, mais vraiment comme un diesel. Ça ne monte pas haut, ça fait du bruit (mais ça ne vibre pas trop, on sent que le moulin est bien étudié) et ça s’essouffle vite.

Pour autant, est-ce qu’on se traîne ? Non. La Citroën SM Regembeau est bien dans la circulation actuelle. Simplement, ce n’est pas avec celle-ci que vous pourrez perdre des points bêtement… mais avec les limitations actuelles, c’est largement possible. Sans taper le 200, vous pouvez quand même atteindre de grosses vitesses (ce qu’on a pas fait) au volant de cet engin.
Du coup, je sens bien que le tableau s’assombrit. Mais il y a quand même des points positifs. Déjà, la conso. C’est assez rare qu’on en parle sur News d’Anciennes mais pour le coup c’est donc un vrai argument. La conso d’une SM V6 ? Autour des 10 litres, sur route, en roulant pépère. Et si vous vouliez « respecter votre moyenne » vous avaliez plutôt autour des 15 et vous aviez des chances de prendre quelques prunes. La Citroën SM Diesel tourne plutôt autour des 6 litres. Quand je me dis que c’est le « score » de mon Scenic, ça fait bizarre !
L’autre avantage du moteur « mazout » ? Le couple ! C’est le propre de tous les moteurs diesel qui nécessitent un taux de compression plus élevé pour chauffer l’air et enflammer le mélange sans bougie. Du coup la détente est plus forte. Passée l’explication technique, dans les faits, c’est vrai. Autant le V6 de la SM n’est pas non plus creux en bas, autant il est mieux dans les tours. L’inverse de notre 4 pattes maison. Avec lui, vous pouvez prendre un rond-point en 3e sans peine et évoluer en ville en 4e avant de relancer en sortie. Pas de souci… mais comme la boîte est bonne, vous pouvez aussi rouler « normalement ».
C’est sur le couple et à rythme pépère qu’on retourne là où cette Citroën SM Diesel est née, dans les ateliers Regembeau à Crèches sur Saône. L’essai touche à sa fin. On aura vu plus sympa niveau sensations mais niveau exotisme, ça se pose là !



Conclusion :
Contrairement à SM2 et aux créations avec V6 de Georges Regembeau, la Citroën SM Diesel n’est pas vraiment une amélioration de l’auto… à moins que vous ne soyez un gros rouleur. En tout cas c’est une modification qui peut paraître aberrante en 2023 mais, n’en déplaise à certains, qui reste historique et une preuve de l’esprit technique de certains inventeurs et ingénieurs français.
Alors on ne va pas vous dire que c’est une SM géniale, mais c’est en tout cas une SM qui change, qui sera assurément originale au moment de rejoindre le rassemblement du club et qui restera dans les mémoires ! Et puis si vous aimez faire hurler les adeptes du boulon d’origine, vous aurez là la parfaite auto !
Les plus | Les moins |
---|---|
La ligne de la SM | La sonorité |
Le châssis de la SM | Les perfs en baisse |
Le feeling de la SM | L’image du diesel |
L’aura de la SM |






Fiche technique | Citroën SM Diesel |
Années | 1974-1981 |
Mécanique | |
Architecture | 4 cylindres en ligne |
Cylindrée | 2400 cm³ |
Alimentation | Injection |
Soupapes | 8 |
Puissance Max | ±90 ch à 4000 trs/min |
Couple Max | XXX Nm à XXXX trs/min |
Boîte de Vitesse | Manuelle 5 rapports |
Transmission | Traction |
Châssis | |
Position Moteur | Longitudinale avant |
Freinage | Disques AV et AR |
Voies | AV 1526 mm / AR 1326 mm |
Empattement | 2950 mm |
Dimensions L x l x h | 4893 x 1836 x 1324 mm |
Poids | ±1400 kg |
Performances | |
Vmax Mesurée | ±180 km/h |
0 à 100 km/h | NC |
400m d.a | NC |
1000m d.a | NC |
Poids/Puissance | 15,6 kg/ch |
Conso Mixte | ± 6 litres / 100km |
Conso Sportive | ± 10 litres / 100 km |
Prix | NC |
Conduire une Citroën SM Regembeau
Là, on rentre dans le pas facile du tout. Si certains avancent le chiffre de 200 à 250 voitures, il est largement surestimé. En fait les transformations en diesel n’ont concerné qu’une cinquantaine de Citroën SM. Entre celles qui ont disparu et celles qui ont retrouvé un V6 par la suite, autant vous dire que vous cherchez une aiguille dans une botte de foin si vous souhaitez conduire une Citroën SM Diesel. Le prix ? Impossible de donner une cote.
Pour ce qui est de l’aspect pratique, on parlera surtout de la SM, la corrosion possible et le soin à apporter au système hydropneumatique. Parce que pour le moteur diesel, si les pièces spécifiques ne sont pas toutes existantes, ce sont des moteurs ultra-fiables. Une Citroën SM Diesel tourne en région parisienne avec plus de 200.000 bornes au compteur sans que le moteur n’ait jamais été ouvert !
Enfin, pour ceux qui se demandent « comment ça a le droit de rouler ? », sachez que c’est parfaitement en règle. Si la transformation coûtait si cher, c’est que le passage aux mines était au programme. Pas de souci d’énergie au moment du contrôle technique !
En tout cas, un grand merci à Patrick Regembeau, le fils de Georges pour cet essai. Il est toujours spécialiste de la SM, toujours dans le même atelier, vous trouverez les infos par ici.








Pascal
Et la 15-six à injection directe, existe t’elle encore ?
· · 27 mars 2023 à 22 h 17 min
charles
la 15six, a été selon mr Regeimbeau volée, donc disparue… il laissait entendre d ‘ailleurs que Mercedes l’avait copié pour faire la 300SL et son moteur injection directe… donc peut être volée par Mercedes pour être étudiée et désossée ? qui sait ?
· · 23 septembre 2024 à 16 h 18 min
Silvio Martin
Faut arrêter de délirer sur ce personnage ! L’injection des 300SL par exemple, elle vient en droite ligne des moteurs d’avions (Messerschmitt entre autres) Daimler Benz à partir du DB601 de 1936 quand lui était encore en culotte courte. Autre exemple, cette version de Sm Diesel a été testée par l’Argus en 1980. Résultat : elle plafonne à 160km/h et parcours le kilomètre départ arrêté moins vite qu’une Gs 1015 😉
· · 12 octobre 2024 à 15 h 05 min
Rémy
Bien!
· · 28 mars 2023 à 11 h 17 min
reg
J’en avais vu une avec un moteur de CX diesel aussi. Le propriétaire m’avait dit que ce type de transformation n’était pas rare à l’époque.
· · 29 mars 2023 à 8 h 41 min
FREDERIC FOUCART
Bonjour , sur la SM , beaucoup d’adjectifs qualificatifs à connotation positive , même si ce n’est pas ma voiture préférée faisant mieux en Angleterre en Italie ou en Allemagne . Pour les lignes de l’Anglia que je conduis depuis 1974 ; celle de mon père acquise en 1962 ; je l’adore bien sûr , et trouve ses lignes bien plus jolies que bon nombre de ses contemporaines . Aujourd’hui sur la route entre les monospaces ou SUV mazoutés et les piles chinoises : : il n’y a photo . Merci pour ces reportages & bonne continuation . Frédéric .
· · 6 avril 2023 à 15 h 06 min