Parce que toutes les autos anciennes ne sont pas arrivées sur nos routes, on vous propose d’en découvrir régulièrement. Rendez-vous tous les mois (les épisodes précédents sont là). Aujourd’hui, je suis de bonne humeur, je ne vais pas vous offrir un, ni deux, mais bel et bien trois concepts d’un coup, car il est difficile de les séparer, les concepts Asso di Picche, Asso di Fiori et Asso di Quadri.
Asso di Picche, le point de départ
C’est Karmann qui approche Giugiaro au début des années 70, pour concevoir un petit coupé facilement industrialisable. Le résultat sera l’Asso di Picche (As de Pique, en français, même si le logo vous l’aurait fait deviner sans mon intervention), présentée en 1973 au Salon de Francfort.
Ne le nions pas, sans aller jusqu’à dire que le designer italien ne s’est pas foulé, il reste ancré dans ses idées du moment, en produisant une voiture aux lignes tendues, laissant pour seules courbes les passages de roues. Le concept est une extrapolation quasi directe de la Maserati Boomerang, malgré une architecture radicalement différente.
La voiture est basée sur l’Audi 80, dont elle reprend l’architecture technique. Cependant, avec sont porte-à-faux avant rallongé et son arrière tronqué, l’Asso di Picche ne laisse poindre aucune filiation avec sa donneuse. On retrouve sur la voiture quelques détails qui apparaitront dans des modèles postérieurs, comme le montant arrière qui n’est pas sans préfigurer celui de la Lancia Delta.
L’un des autres points marquants d’Asso di Picche, c’est le tableau de bord. Giugiaro continue à explorer les possibles, en essayant de faire abstraction des traditionnels tableaux de bord rectangulaires. Ici, c’est un grand cylindre qui court sur la planche de bord, accueillant les différents instruments. Petit truc en plus, des sacs en cuir sont intégrés aux contreportes, pour pouvoir faciliter vos emplettes.





Asso di Quadri, l’évolution dans la continuité
Petit saut dans le temps, on arrive en 1976. Karmann, toujours, missionne Ital Design pour un nouveau coupé de petite série facilement industrialisable. Cette fois-ci, c’est pour un autre client potentiel du carrossier allemand : BMW.
Les lignes sont un petit peu moins radicales, mais reprennent une bonne partie des éléments de son prédécesseur. L’Asso di Quadri (As de Carreaux) est dérivée de la 320i, dont elle reprend, là aussi, l’architecture et les éléments mécaniques. La volonté d’industrialisation transparait vraiment, on voit un modèle prêt à rouler, plus qu’une étude de style.
Toutefois, l’Asso di Quadri tente quelques petites innovations. Aucune gouttière n’est apparente et les vitrages sont affleurants des panneaux de carrosserie, afin de favoriser l’aérodynamique de la voiture. En résumé, un projet un peu timide, bridé par les contraintes de production.




Asso di Fiori, la version finale
Et surtout, celle qui va vous filer une belle migraine ! La légende voudrait que ce soit le nom initial de celle qui a été présentée comme Hyundai Pony Coupé au Salon de Turin 1974. Ce n’est toutefois pas d’elle dont nous allons parler, puisque nous l’avons déjà fait, mais, de fait, la filiation stylistique de la coréenne avec les concepts évoqués aujourd’hui devient plutôt évidente.
Troisième as, troisième constructeur différent. Cette fois, l’Asso di Fiori (As de trèfle) repose sur une plateforme japonaise, l’Isuzu Gemini (même si on garde un petit peu d’allemand dans l’histoire, puisqu’elle dérive de la Kadett !). Le but est d’offrir une remplaçante au coupé 117 apparu la décennie précédente, né du crayon de Giugiaro lui-même, alors qu’il travaillait chez Ghia.
Là aussi, il s’agit d’offrir un véhicule rapidement industrialisable. Les japonais n’y vont pas par quatre chemins, Giugiaro a carte blanche. Il présente ses premières esquisses et obtient l’val de ses commanditaires sous 48 heures, il faut maintenant présenter un prototype le plus rapidement possible.
Le résultat final est présenté au Salon de Genève 1979. L’Asso di Fiori est encore un peu plus douce que le modèle précédent, mais intègre des ouvrants autoclaves (intégrant la gouttière dans le joint de portière, une véritable révolution à l’époque). C’est aussi le premier modèle à hayon présenté par Ital Design. La réception du public est enthousiaste, tout comme celle d’Isuzu.





Asso di Picche, Asso di Quadri et Asso di Fiori de nos jours
L’Asso di Picche restera sans suite, sans grande surprise, à cause de la politique du groupe VAG à l’époque. Volkswagen était en train de reconstruire sa gamme, en faisant peu à peu abstraction des moteurs refroidis par air (amenant notamment à des projets comme l’EA266, que nous avons déjà abordé il y a quelques années), et Giugiaro était déjà missionné sur le Scirocco. Ce concept Audi serait entré en concurrence directe, et décision a été prise de mettre le projet au placard. Il reste toujours visible à l’Autostadt de Wolfsburg.
Cependant l’histoire ne s’arrête pas tout à fait là. Ital Design, depuis entré dans le giron du groupe VW, a présenté en 2023 le concept Asso di Picche in Movimento, interprétation contemporaine de son ainé, pour fêter ses 50 ans.


De son côté, Asso di Quadri sera aussi classé sans suite, par manque de volonté de BMW, qui continuait lui aussi, la réforme de sa gamme.
La petite dernière fait un peu office d’exception. Asso di Fiori va devenir, quasi telle quelle, l’Isuzu Piazza, produite à partir de 1981, ce qui en fait une des rares voitures présentées ici à avoir atteint le stade de la production. Le prototype est entreposé à l’Isuzu Plaza à Fujisawa.


Crédits image : Ital Design, Isuzu, Wheelsage
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