Concepts et Études, ép. 35 : Jaguar XJ41 et XJ42, celle qui aurait du être la F-Type

Publié le par Pierre

Concepts et Études, ép. 35 : Jaguar XJ41 et XJ42, celle qui aurait du être la F-Type

Parce que toutes les autos anciennes ne sont pas arrivées sur nos routes, on vous propose d’en découvrir régulièrement. Rendez-vous pour cela le 3e dimanche de chaque mois (les autres sont là). Une fois n’est pas coutume, nous abordons deux fois de suite des prototype liés au même constructeur. En effet, difficile de cacher une certaine filiation entre la XJ Spider et les voitures qui nous intéressent aujourd’hui : les Jaguar XJ41 et XJ42.

Une vraie remplaçante de la Type E

Comme nous l’avons évoqué dans l’épisode précédent, la XJ-S ne rencontre pas le succès escompté, tant elle diffère en tout point, ou presque, de sa devancière. Le projet proposé par Pininfarina inspire les équipes de Jaguar pour produire un modèle plus proche de la Type E, dans l’esprit, tout en étant une Jaguar moderne.

Les équipes de design et d’ingénierie reçoivent finalement le feu vert en 1980. N’oubliez pas qu’à l’époque Jaguar est partie intégrante de British Leyland, ce qui explique cette inertie affolante, la XJ-S est un bide depuis 5 ans, mais on commence seulement à travailler sur un modèle plus à même de séduire le client… des génies !

Les raisons sont d’abord politiques, le changement de directeur chez le félin a redonné à la marque une certaine indépendance, relançant tous les projets en suspens, à commencer par la XJ40, restée en suspens depuis 1973 ! Et surtout la nouveau timonier veut relancer la marque aux USA, il faut donc quelque chose de plus sexy au catalogue, et on sait où chercher.

Les XJ41 et XJ42 viennent étoffer la gamme

L’idée est simple. La nouvelle voiture existera en deux versions. D’un côté le coupé (XJ41) et de l’autre un cabriolet (XJ42) viendront s’ajouter à la gamme Jaguar, s’intercalant entre la XJ40 et la XJ-S. D’ailleurs le nouveau duo s’appuiera sur les éléments techniques de la berline, afin de limiter les couts. La voiture accueillera d’ailleurs le nouveau 6 en ligne de Coventry, l’AJ6 (qui finira quand même par trouver son chemin sous le capot de la XJ-S en 1983), renforçant encore la filiation avec la Type E.

Le développement est mené bon train. En juillet 1982, le duo XJ41/XJ42 est ajouté au plan produit de la marque. Dès 1983, les premières maquettes sont présentées à des panels de client afin d’affiner le design du nouveau produit, qui prendra le nom de Jaguar Type F lors de sa commercialisation.

Le vent tourne

Les choses ne se passent bien évidemment pas comme prévu. La XJ40 prend du retard, avec pour effet domino de retard la mise sur le marché des XJ41 et XJ42. La date de lancement passe de 1986 à fin 1988. Cerise sur le gâteau, la concurrence commence à multiplier les modèles à hautes performances.

Les XJ41 et XJ42 se voient donc glisser vers la version 4.0 litres, et une version bi-turbo est également envisagée, ainsi qu’une transmission à 4 roues motrices. Le tout amène a une belle prise embonpoint, nécessitant une sérieuse refonte des trains roulants. Du coup, la voiture devant se glisser sous la XJ-S s’avère plus large, tout en s’avérant moins logeable.

Pire encore, la XJ-S se trouve enfin une clientèle, avec l’arrivée du 6 cylindres et des nouvelles carrosseries découvrable et décapotable. L’urgence d’un nouveau modèle baisse, et avec la prise de poids conséquente au fur et à mesure du développement, les versions hautes performances deviennent en réalité… le modèle de base. On s’éloigne énormément de la directe remplaçante de la Type, n’est-ce pas ?

Le projet continue d’avancer bon train. Jaguar missionne même Karmann en 1988 pour concevoir trois prototypes (un coupé, un coupé Targa et le cabriolet), permettant les derniers tests et la conception des machines-outils nécessaires à la mise en production des XJ41 (qui a gagné un coffre à hayon, abandonnant la simple malle) et XJ42.

Ford entre en scène

Le développement est maintenant passé à pleine vitesse au propre comme au figuré. Une XJ41 Targa bi-turbo aurait même dépassé les 270 km/h en essai sur le circuit de Nardo, si on en croit CAR Magazine à l’époque. On sait maintenant qu’il ne faut pas espérer la future Type F avant le milieu des années 90, mais la presse est unanimement excitée par le nouveau modèle.

Mais voilà, une fois encore, un petit grain de sable vient se glisser dans l’engrenage. À la fin 1989, Ford se porte acquéreur de Jaguar. Comme à son habitude, la marque de Dearborn commence par auditer l’ensemble de l’entreprise. Elle glisse donc son nez dans le projet XJ4/XJ42, et là… c’est le drame.

Avec les 400 kg pris en 7 ans de développement, la bête approche les 1900 kg sur la balance, ruinant toute possibilité de se positionner en tant que sportive. À la limite, elle pourrait tout simplement remplacer la XJ-S dans quelques années. Cependant, les projections annoncent encore des retards supplémentaires, la voiture serait prête en même temps que la remplaçante de la XJ40, autrement plus prioritaire pour la marque.

Même pas 6 mois après leur prise de contrôle, les auditeurs de Ford jettent le projet à la benne. LA voiture est trop grosse, trop lourde, pas assez Jaguar dans le design. Il semble même que le nouveau directeur de Jaguar, installé par Ford, aurait interrompu la présentation du projet en disant : « On ne fera pas cette voiture telle qu’elle, retournez à la planche à dessin ».

Une filiation surprise

A la même époque, TWR est un des partenaires techniques privilégiés de Jaguar. Ayant eu vent de l’abandon du projet, Tom Walkinshaw qui ne veut pas perdre sa vache à l… pardon, son client favori, missionne son designer en chef, Ian Callum, pour dessiner une remplaçante convaincante à la XJ-S. Ce dernier connaissant la XJ41, il la remet au gout du jour en un temps record.

Une fois la maquette réalisée, portant le nom de XJR XX, Walkinshaw convie la direction de Jaguar dans son usine de Bloxham. La voiture est accueillie avec enthousiasme, mais Tom Walkinshaw force un peu trop la main de ses clients. En plus de leur annoncer qu’il va leur facturer le design du prototype, il explique également que la voiture ne peut pas être mise en conformité pour le marché américain.

Si Jaguar accepte de payer la facture, le projet est refusé. Walkinshaw va le glisser dans un coin, avant de le ressortir quelques semaines plus tard et de le refacturer, cette fois-ci à… Ford. En effet, les américains missionnent TWR pour développer une petite Aston Martin (dont l’ovale bleu s’était porté acquéreur en 1987) pour dynamiser la marque.

Avec quelques coups de bistouri savamment placés, la XJR XX est devenue… DB7. Ce qui fait que pour la première fois dans cette chronique, un concept connait la production, mais comme ce n’est pas la même marque, ça ne compte pas !

La Jaguar XJ41 de nos jours

La XJ41 a connu deux maquettes en argile et deux prototypes. De son côté la XJ42 a eu une maquette et un prototype. Les maquettes ont été laissées à l’abandon pendant quelques années au début des années 2000, avant d’être détruites.

Des trois prototypes, la XJ41 noire à toit Targa et la XJ42 font partie de la collection du Jaguar Heritage Trust, la troisième, le coupé XJ41 de développement, semble avoir été détruit.

Crédits photo : AROnline, Evo, Drive-My, Jag-Lovers


Pierre

Tombé dans la marmite automobile quand il était petit, il a rejoint l'équipe de News d'Anciennes en 2015. Expatrié en Angleterre depuis Mai 2016, il nous partage les évènements de là-bas. En dehors de ça, il partage une bonne partie de son temps sur la route entre une Opel Ascona et une Mazda RX-8.

Commentaires

  1. LE CHOPIER de HAN

    retraité après des années ö combien …mouvementées dans la fonction de responsable SAV Jaguar, dues pour l’essentiel à des multitudes de pannes diverses qui exaspéraient les clients, je garde néanmoins à Jaguar une place privilégiée dans mon coeur. C’est ainsi que créateur et président de l’association RL British Cars, qui prépare des jeunes an perte de repères sociaux aux métiers de l’automobile « classique » ce sont des Jaguar qui servent de base d’enseignements. J’ai donc vécu cette période d’incertitudes successives que vous évoquez et le regret de voir passer à la trappe des projets pourtant bien séduisants !…
    Nous recherchons d’ailleurs une XJ 40 afin de compléter notre matériel d’enseignement. Pour peu qu’elle soit roulante et cédée à un prix « cadeau » je suis preneur…

    Répondre · · 23 juin 2022 à 12 h 09 min

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