Dans la galaxie des Renault anciennes, la Renault 6 n’est pas la plus évidente. On en voit assez peu et ce n’est pas vraiment vers elle que semble se tourner les regards ni l’attention au moment de se lancer en collection. C’est vrai que la régie a, bien avant ses concurrents français, accumulé les modèles au tournant des années 60. Et la Renault 6, malgré un certain succès n’est pas la plus évidente. Du coup, quand Guillaume a rejoint l’équipe News d’Anciennes avec deux de ces R6 dans le garage paternel, c’était l’occasion de tâter de cette voiture ancienne.
Article du 16/08/2019 reformaté et enrichi
Notre Renault 6 du jour
Style : ascendant R16
La Renault 6 a clairement voulu la jouer entre deux. Quand elle apparaît au salon de Paris 1968, elle vise plus haut que la R4 (dont elle reprend la technique) et on serait tenté de penser qu’on va faire comme avec la R10 : allonger devant, derrière et c’est bouclé. Mais la nouvelle auto est aussi en-dessous de la R16. C’est le style de cette dernière qui sera repris (on laisse la R8 de côté puisqu’elle est sur la fin) sur la 6 chevaux fiscaux (Renault utilise encore ces puissances pour ses noms de modèles) sans que ce ne soit un copier-coller.
De toute façon, on ne peut pas non plus confondre les deux, ne serait-ce qu’au niveau du gabarit. Heureusement, le style s’est affiné depuis les premières études du projet 118 en 1965 et on aboutit à cette voiture là. En fait, pas tout à fait puisque notre voiture du jour est en fait une série 2 de 1976 et qu’elle s’est écartée de la R16 en cours de carrière.

Le plus visible des changements ? L’avant bien sûr. Les premières Renault 6 reprennent une calandre très proche de la R16 avec ces baguettes qui plongent du haut de la calandre et viennent encadrer le losange. La phase 2 de 1974 est bien différente. La Renault 6 a beaucoup évolué en 6 ans et niveau style ça se voit vraiment.
La meilleure signature des années 70 ? La profusion de plastique que l’on retrouve bien matérialisée avec la calandre noire. Seul le pare-chocs reste ancré dans le passé parce qu’on n’ose pas totalement le plastique. Autre changement apparu avec le restylage, les feux qui passent des ronds, classiques des années 60, aux carrés typiques des années 70. Par contre, on conserve la forme du capot et ce léger creux en haut des ailes avant.



De profil, impossible de ne pas voir dans la Renault 6 une petite R16. Une « grosse » R4 façon R10 aurait été bien différente. Là on a repris les codes de la R16… peut-être même en plus moderne. En tout cas on retrouve bien ce profil bi-corps qui était dans le cahier des charges de l’auto tout en étant une vraie signature de la régie, seul constructeur à vraiment oser et revendiquer des hayons sur des voitures qui n’avaient rien d’utilitaire.
Si les arches de roue sont toujours « carrés », si les poignées et rétros sont toujours chromés, la Renault 6 a gagné une fine baguette latérale (sur la version TL que nous avons sous les yeux) tandis que la plus large baguette de bas de caisse des Série 1, chromée, a disparu.



Si l’arrière évoque la R16, c’est surtout par ses proportions parce qu’en fait la Renault 6 est beaucoup plus simple. La lunette arrière est « à plat » sur le hayon. Pas de grosse baguette qui traverse l’arrière mais un prolongement de celle qui fait le tour de la caisse. La plaque est entourée de ses gros éclairages noirs tandis que les feux verticaux, simples, n’apportent pas une vraie signature. Le pare-chocs est de nouveau de bonne taille et massif.
En bref, la Renault 6 est une petite R16 mais elle ne la copie pas pour autant. Elle l’évoque tout au plus en proposant un style simple qui colle à la philosophie de la voiture : une vraie voiture populaire mais plus cossue qu’une R4.



Technique : R4 copié-collé
Si l’extérieur s’inspire donc de la R16, la Renault 6 ne laisse pas de mystère concernant sa technique : c’est une Renault 4 ! En tout cas la plateforme est la même avec ce fameux écart d’empattement entre les deux côtés nécessaire pour caser les barres de torsion à l’arrière. Sous le capot ? C’était pareil… mais ça l’est moins.

Ce n’est pas clair ? C’est normal. On récapitule. Quand la Renault 6 apparaît en 1968, elle se dote du Billancourt 845cm³. Petite originalité, avec ce moteur, c’est une 5CV et pas une 6CV ! Par contre, la Renault 6 va évoluer dès 1971, avant le restylage, quand apparaît la R6 TL (à contrario de la R6 « tout court » qui se nommera aussi R6 L entre 1976 et 1978) et adopter le Cléon 1108cm³ (l’histoire complète de la Renault 6 est ici si ça vous tente)
Avec ce moteur de 47ch et 76Nm, elle devient une 6CV tandis que les performances font un bon en avant. La Renault 6 atteint alors 134 km/h tout en gardant une consommation raisonnable. C’est un sacré plus et ça la différencie vraiment de la Renault 4 puisque cette dernière n’aura droit au cléon qu’en 1978 avec sa GTL qui reprend l’idée de la R5 de même appellation.


Intérieur : Renault 6
Si l’extérieur est inspiré d’une R16 et collé sur une base de R4, l’intérieur est propre à la Renault 6. Là aussi, on ne va pas se mentir, ça trahit totalement les ambitions et la position dans la gamme de l’auto puisque c’est simple, plutôt robuste et efficace.

Le programme est simple : un grand volant, un tachymètre dans l’axe avec quelques aiguilles pour donner des infos, une planche de bord sans casquette, plate et en alu brossé, une boîte à gants (grand luxe de l’époque) et des commandes de chauffage. Un commodo est présent à gauche du volant puisqu’à droite on retrouve le levier de vitesse qui trahit les origines R4 de l’auto. Les accoudoirs sur les portes montrent par contre qu’on est mieux traité que dans une R4.
Allez, on trouvera quand même quelques originalités dont ces boutons situés à gauche qui actionnent les feux de détresse, le dégivrage arrière et la ventilation. Moins original, notre Renault 6 Série 2 s’équipe de sièges en simili, noirs, de série 1, plus faciles à trouver.







Au volant de la Renault 6
Au moment de m’asseoir dans notre Renault 6 aucune appréhension. Il y a la place pour passer et pas de colonne de direction à contourner. L’absence de commandes au plancher rend l’intérieur très large et seul le moteur, légèrement reculé dans l’habitacle, créée une petite séparation avec le passager.
La température est clémente et la voiture démarre sans que j’ai besoin de toucher au starter. Je boucle ma ceinture, puisqu’elle en est dotée, et je passe la première. Pas de remarque sur le maniement du levier de vitesse ? À force, il faut s’habituer hein. Oui, la Renault 6 est dotée du fameux levier au tableau de bord. Ce n’est pas plus compliqué qu’un levier eu volant une fois qu’on en connaît le fonctionnement… et puis ma première fut une 4L qui a bravement affronté le désert marocain. Autant dire que c’est comme le vélo, ça s’oublie pas et le fait que je ne sois pas dans une Renault 4 mais dans une Renault 6 n’a aucune importance.
Je pousse et première. Le point de patinage est on ne peut plus normal et c’est parti. La douce mélodie du cléon monte dans l’habitacle à mesure qu’on prend de la vitesse. Ce n’est pas tapageur, il y a quand même un peu d’isolant et on peut discuter sans soucis. Heureusement parce qu’en plus on a ouvert les fenêtre pour profiter du bon air aubois et de ce parfum de blé fraîchement moissonné. Je suis habitué à ce moteur et j’en retrouve la « signature ». Ce n’est pas aussi marqué qu’une 2CV mais le cléon fait un bruit particulier, celui que les amateurs reconnaîtront, même quand c’est une Twingo de première génération qui déboule devant eux.
Ce moteur n’est pas un foudre de guerre. Pas de pièces Gordini là-dessus et une puissance qui paraît d’ailleurs optimiste avec ses 47ch mais qui est bien suffisante pour rouler dans un village puis en sortir sans se trainer et vite atteindre la limite légale. On pourrait avoir une petite appréhension puisque voilà une belle montée qui se profile. Mais la 3e grimpe facile. Je met donc la 4e. Et bien ça monte toujours. Le cléon est suffisamment souple pour l’accepter et cette montée ne se transforme pas en chemin de croix. Même pas besoin de retomber la 3 pour relancer en sortie de virage. Ça grimpe. Ça grimpe.



Je ne vais pas mentir en disant que je ressens un potentiel sportif dans notre auto du jour. Non, la Renault 6 est une populaire pure souche et hausser le rythme ne sert à rien. Si j’avais voulu essayer une sportive je ne serais pas venu voir cette auto-là. Allez, je vais quand même pousser un peu. Le comportement est sain, on peut rouler relativement vite, c’est à dire taquiner les limitations entre deux virages et pousser un peu dans ceux-ci.
Si on est trop optimiste ? Bah elle freine plutôt bien. On peut attaquer un virage un peu fort, elle tourne. La Renault 6 se montre d’une facilité déconcertante. Il faut parfois retomber un ou deux rapports pour avoir une relance énergique mais, là encore, ce n’est pas trop le but de notre auto du jour. Alors on conduit plus qu’on ne pilote.
Attention cependant aux enchaînements de virage. Le premier ça passe, le second moins. La R6 élargit quand même pas mal la trajectoire, prend du roulis et il faudra vraiment freiner pour ne pas rater le virage suivant. La vélocité se heurtera alors au maniement du levier de vitesse. Ce n’est pas un problème de prise en main, mais juste de conception qui le rend intrinsèquement plus lent à manier qu’un levier au plancher « classique »… et encore, on a de la chance que notre Renault 6 du jour soit en très bon état puisque ce levier au tableau de bord a la fâcheuse tendance à détruire sa « bague de canne » ce qui crée un jeu pas évident à rattraper sans avoir l’habitude.



On calme donc le jeu. La Renault 6, comme la R4 d’ailleurs, n’a jamais été faite Gordini (sauf dans les garages de certains apprentis sorciers qui ont pu, à l’occasion, concocter des cocktails assez explosifs) et ce n’est pas aujourd’hui qu’on va la réinventer. La R6 redevient une auto populaire. Une auto calme et classique, fidèle à l’image extérieure qu’elle véhicule en fait.
On a le temps de se concentrer sur la vie à bord du coup. Comment la juger ? J’ai vu bien pire. Il faut vraiment approcher les 100 km/h pour qu’on ait besoin de fermer un peu les fenêtres pour protéger son audition. Sinon le bruit est tout à fait correct. Les sièges sont confortables et l’amortissement qui peut être pointé du doigt au moment de faire virevolter mais la réciproque logique c’est que la Renault 6 se montre suffisamment prévenant pour que ces put***s de ralentisseurs qui fleurissent plus vite que les coquelicots ne soient pas aussi des tasses vertèbres.
La route défile donc, qu’elle soit bonne ou moins bonne, la R6 s’en accommode et nous aussi. On retrouve dans cette voiture les accents de la R4 et le bonheur d’une voiture qui ne se prend pas la tête. Pourquoi est-ce qu’on le ferait dans ce cas ?



Conclusion :
La Renault 6 est une voiture qui sait s’apprécier tant on ne la prend pas pour ce qu’elle n’est pas. Du coup elle n’est pas :
- une sportive
- une petite Renault 16
Et oui, définitivement la Renault 6 est une grosse Renault 4. Et encore, l’habitabilité n’est pas si différente, le comportement routier non plus. Par contre, quand on se remet en 1976, la R6 était quand même plus performante que la R4 qui n’avait pas eu droit à son moteur cléon et ça fait une sacrée différence. En bref, la Renault 6 est une bonne idée pour changer de la 4L et pour… tous les usages. La R6 saura être un daily tout à fait convenable, comme une parfaite ancienne pour aller sur les rassos. En bref : une voiture à ne pas oublier si facilement.
Les plus de la Renault 6 | Les moins de la Renault 6 |
---|---|
Une belle homogénéité | Manque cruel d’image |
Populaire | Pas très dynamique |
Originale | Ligne simple |






Fiche technique | Renault 6 |
Années | 1968-1980 |
Mécanique | |
Architecture | 4 cylindres en ligne |
Cylindrée | 1108cm³ |
Alimentation | Carburateur |
Soupapes | 8 |
Puissance Max | 47ch à 6750 trs/min |
Couple Max | 76Nm à 4000 trs/min |
Boîte de Vitesse | Manuelle 4 rapports |
Transmission | Traction |
Châssis | |
Position Moteur | Longitudinale avant |
Freinage | Disques AV et Tambours AR |
Voies | AV 1286 mm / AR 1248 mm |
Empattement | 2425 mm en moyenne (2401à gauche, 2449 à droite) |
Dimensions L x l x h | 3858 x 1537 x 1475 mm |
Poids (relevé) | 915 kg |
Performances | |
Vmax Mesurée | 134 km/h |
0 à 100 km/h | 19,7s |
400m d.a | 20,6s |
1000m d.a | 39,9s |
Poids/Puissance | 19,5 kg/ch |
Conso Mixte | ± 7 litres / 100km |
Conso Sportive | ± 12 litres / 100 km |
Prix | ± 5.000 € |
Rouler en Renault 6
La production de la R6 a été bien moindre que la 4L. 1.7 million d’exemplaires contre plus de 8 millions ! Quand même ! Du coup les annonces pour les Renault 6 ne sont pas légion. Attention, ce n’est pas non plus une rareté, mais pour en voir une passer en bon état vous demandera d’être attentif.
Le problème vient ici du fait qu’il ne faut pas vouloir répercuter l’investissement fait en pièces et main d’oeuvre éventuelle (même si on peut presque tout faire tout seul) dans le prix de l’auto. Parce que « de base » une Renault 6 se négocie… aux alentours des 3500 €. La version TL et son Cléon est légèrement plus cher que la version Billancourt, mais la différence de performance est réelle.
Avant l’achat on vérifiera les planchers qui ont tendance à se trouer ainsi que les longerons, véritables nids à rouille…
Côté entretien : c’est une 4L. Donc presque toutes les pièces se retrouvent en refabrication chez les spécialistes du genre du style Melun Rétro Passion ou Ichard. Il faut parfois attendre un peu mais les éléments techniques ne sont pas un souci. Les pièces d’intérieur et de carrosserie seront plus problématiques en raison notamment du manque d’amour pour cette auto.
Un énorme merci à Guillaume et son père pour l’organisation de cet essai.












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