Au volant d’une Daimler SP 250, le ramage ou le plumage ?

Publié le par Benjamin

Au volant d’une Daimler SP 250, le ramage ou le plumage ?

Cette auto là, pas ce modèle hein, cette auto verte, on la connaît. Tout part d’une grosse demi-heure de bouchons lors de la Traversée de Paris 2015 quand nous sommes à ses côtés. Fabien la recroise ensuite à la Route des Châteaux 2018 et je finis par écrire un article sur le modèle. Les années passent et voilà que je me retrouve au CNVA pour réaliser un reportage sur ce centre de formation dédié aux métiers de l’automobile ancienne. Et justement, la Daimler SP 250 est là, aux petits soins. Parce que l’après-midi, j’en prend le volant !

La Daimler SP 250 en bref

Si vous ne connaissez pas son histoire, on ne vous en voudra pas. Pourtant c’est une véritable épopée… ponctuée d’échecs. On vous la raconte en détail par ici :

Pour la faire courte : à la fin des années 50 Daimler ne va pas bien du tout. On lance une étude de la dernière chance, un roadster réalisé autour d’un tout nouveau V8. L’auto se pare d’une ligne originale et doit changer de nom avant même d’être commercialisée. Quand cela arrive enfin, l’auto est calamité, pas assez rigide, les portes s’ouvre en virage !

Les ventes ne seront jamais à la hauteur malgré trois séries distinctes qui améliorent peu à peu la qualité.

Après 6 ans de carrière on a vendu 2654 autos… le score espéré la première année. Jaguar oublie l’auto, mais pas en entier. Le moteur est conservé et fera les beaux jours des Daimler suivantes.

Notre Daimler SP 250 du jour

Nous voilà devant la belle. Pour le coup, c’est une formule typiquement littéraire que j’utilise pour parler de n’importe quelle automobile. Et pour notre Daimler SP 250, je ne m’aventurerai pas à trancher si elle est belle ou pas, je vous laisse maître de votre décision. Par contre on peut parler d’une « originale » sans que personne n’ait quoi que ce soit à répondre !

C’est simple, la Daimler SP 250 ne ressemble à aucune autre auto. Sa calandre forme une bouche et la forme de l’avancée qui l’entoure ne fait que renforcer cette impression. Celle-ci servait aussi de pare-chocs, ceux-ci étant dévolu à des plaques placées dans chaque coin sur la série 1 puis un véritable pare-chocs… qui n’embellit pas la ligne, loin de là. Aucuns de ces éléments n’est présent sur notre auto du jour et ça allège considérablement la ligne.

Les deux phares ne sont pas intégrés aux ailes mais au bout de deux « tubes » qui renforcent l’impression d’yeux exorbités. Le capot bombé forme une tête. Ici, pas de Frogeye, mais un air de poisson des profondeurs. Bref, l’avant de notre anglaise semble tout droit sorti d’un cabinet de curiosité.

Le profil est plus convaincant et consensuel. On retrouve, certes, des formes torturées qui dessinent les arches de roue mais le profil est lisse. Après la porte, bien intégrée, la carrosserie remonte pour former une ligne jusqu’à l’extrême arrière. Évidemment les roues à fil et les pneus à flancs blancs ajoutent à l’ambiance.

En passant à l’arrière on découvre un arrière tronqué et même en pointe. Les deux feux au bout de leurs ailerons font clairement de l’œil au marché américain qui boudera pourtant l’auto, anticipant son échec commercial. Là encore, le pare-chocs est absent mais deux butoirs sont là pour protéger la carrosserie et les deux sorties d’échappement.

Ah tiens, on a oublié un détail d’importance à propos de la robe verte de notre anglaise. Ce n’est pas de la tôle qui habille la Daimler SP 250 mais bien de la fibre de verre, la matière tendance à la fin des années 50 pour les sportives légères (merci la Corvette).

Maintenant qu’on a passé la partie la plus compliquée de notre auto du jour, passons à deux étapes plus réjouissantes.

L’intérieur : pas si british

Si l’extérieur est torturé et original, ce n’est clairement pas le cas de l’intérieur de la Daimler SP 250. L’habitacle est on ne peut plus classique.

Le gros volant bois Moto Lita à trois branches est l’élément le plus clair. Tout le reste est habillé d’un cuir chocolat, lisse et parfaitement tendu. Par contre, la « british touch », à savoir les inserts de bois, est totalement absente. La planche de bord n’en est que plus simple avec ses deux compteurs principaux derrière le volant. Le reste de l’instrumentation est au centre avec jauge de carburant, température d’eau, pression d’huile et témoin de charge.

En dessous on retrouve des boutons « aviation » entourant l’orifice de la clé. Les dernières commandes sont en dessous de la planche de bord, notamment la commande de chauffage. C’est simplissime mais ça fait parfaitement le job !

Les sièges baquets sont de la même couleur et en les voyant on peut avoir un doute sur leur moelleux mais pas sur leur maintien… évidemment en se replaçant à l’époque de l’auto. Derrière eux on remarque même une banquette arrière qui permet d’emmener des adultes sans trop les torturer… si le voyage est rapide. Et pour ça, on passe au prochain atout de l’auto.

Le moteur : la pièce maîtresse

Elle devait s’appeler Dart, mais on l’a appelée SP 250, du nom de code du projet, directement issu de la cylindrée du moteur.

Car c’est bien lui qui a motivé la marque moribonde à proposer une nouvelle auto à vocation sportive. Ce V8 de 2548 cm³ c’est quelque chose. Bloc en fonte, culasse en alu avec chambres hémisphériques, arbre à came central, deux carbus SU, si ce n’est sa cylindrée, c’est l’amérique ! Il en sort une puissance de 140 ch à 5800 tours (pas mal) et un couple de 210 N.m.

Le moteur est moderne, performant, mais il lui faut un châssis à la hauteur. Chez Daimler on a rien en stock qui puisse faire le travail. Du coup, on ne manque pas de bonnes idées, on prend le châssis de la Triumph TR3 et on s’en « inspire » largement. D’ailleurs c’est la même chose qui va se passer avec la boîte 4 (les trois rapports supérieurs sont synchronisés). Autre raffinement technologique : la Daimler SP 250 est dotée de quatre freins à disques Girling.

On a donc une auto qui pèse moins d’une tonne, est plutôt puissante et file à 199 km/h. Et bein ça promet tout ça !

Au volant de la Daimler SP 250

Je commence par un tour en passager. On est en ville et tant qu’à faire, je préfère laisser cette partie à Stéphane. Très vite je comprends que cette anglaise n’a rien de compliqué. Elle marche bien, les centres commerciaux de la périphérie sont dépassés, les routes de campagne sont là, c’est mon tour.

Je m’installe sans aucun souci. Pour le coup le siège est bien avancé, on pourrait mettre un adulte derrière ou quelqu’un de bien plus grand à ma place. Pour autant la position de conduite est parfaite pour moi, pas besoin d’autre réglage et puis de toute façon il n’y en a pas.

Le moteur de la Daimler SP 250 démarre et j’ai le sourire. Oui, j’ai oublié de préciser que sa sonorité est très, mais alors très, sympathique. Ça change des concurrentes anglaises avec 4 ou même le meilleur des 6 en ligne (celui avec le félin, vous savez). Et encore, je suis à l’arrêt ! Rien que le ralenti est évocateur et ça, peu d’autos peuvent en dire autant.

La première rentre sans encombre et le démarrage est parfait. Je n’appuie pas fort, c’est une prise en main pour le moment. D’ailleurs arrive la deuxième étape : le test de freinage. Moins d’une tonne et quatre freins à disque dans une auto du début des années 60, c’est très efficace. La Daimler SP 250 freine fort et freine droit. Double victoire !

Très vite je repasse la seconde, puis la troisième, puis la quatrième et le couple fait le reste. Il n’est pas camionesque, la cylindrée reste faible, mais il est largement suffisant pour relancer après la plupart des courbes. Et sinon, vu que son guidage et le verrouillage de la boîte sont bons, on ne se prive pas pour redescendre un rapport et offrir un peu de dynamisme à notre anglaise.

Les kilomètres s’enchainent à petit train et notre auto du jour ne bronche pas. Les routes les plus petites ne lui font pas peur et si on ressent un léger manque de rigidité, rien de bien méchant. En tout cas le confort est appréciable. L’assise est bonne et le siège bien plus accueillant qu’il n’y paraît. Sans surprise le maintien est bon. Les suspensions font leur travail et la direction place bien l’auto. En tout cas rien de choquant pour une voiture ancienne.

Tout ça c’est bien, mais la Daimler SP 250 a été pensée comme une sportive. Son châssis est copié sur une sportive, son moteur est performant. Alors on va arrêter de le faire ronronner et on va le pousser un peu.

Personne devant, au lieu de relancer en troisième, elle aurait été largement suffisante, je tombe un rapport de plus et j’enfonce le pied droit. Même en lisant bien les caractéristiques de l’auto je ne l’aurais pas cru capable de ça. La poussée est franche et plutôt linéaire. Ça commence à 2500 tours, ça se précise à 3000 et ça pousse jusque 5500 quand je passe la troisième. Le compteur de vitesse commence à s’affoler (déjà il marche) mais il ne faudrait pas que j’en fasse autant. Parce qu’on est loin des sueurs froides et proche des limites légales.

La Dailmer SP 250 est très saine. Les freins ont un mordant largement suffisant pour placer l’auto correctement en entrée de courbe, la direction est toujours parfaite et les relances sont de plus en plus vives à mesure que je prend le pouls de l’anglaise. Arrivé à un certain rythme, on commence cependant à cerner les limites de l’auto. Le manque de rigidité qui faisait s’ouvrir les portes des premiers modèles a beau avoir et été repris, on est toujours loin des standards de la concurrence. Si on était sur circuit après quelques heures au volant, je pourrais même la mettre en glisse sans souci.

Mais on va garder un rythme adapté aux départementales franciliennes, bien assez fréquentées. Le moteur est toujours présent, sa sonorité se réveille encore dans les tours et je ne sais plus si je joue du pied droit pour aller plus vite ou juste pour flatter mes oreilles. Les virages et les lignes droites s’enchaînent sans soucis de vitesse. Je n’aurais pas cru passer un aussi bon moment dans cette anglaise.

Je ralentis un peu sur la fin, histoire de laisser le moteur se refroidir un peu avant que Ludovic ne s’y attaque. Je passe au volant de notre seconde auto du jour… mais c’est vraiment à contrecœur !

Conclusion :

J’aime les vilains petits canards. C’est pour ça que j’étais venu essayer cette Daimler SP 250. Pour son originalité, pour sa plastique décriée, pour sa rareté. Mais je ne pensais pas que c’est la conduite qui m’enchanterait.

C’est un vrai atout pour cette auto méconnue. En plus de vous attirer tous les regards au rasso du dimanche matin, elle saura vous y amener en vous collant la banane.

Les plusLes moins
Un physique atypiqueUn physique atypique
Un moteur vivantUne fiabilité désastreuse
Des performances réellesUne vraie rareté
Une auto originaleUne cote soutenue
CritèreNote
Budget Achat10/20
Entretien12/20
Fiabilité8/20
Qualité de fabrication12/20
Confort15/20
Polyvalence13/20
Image12/20
Plaisir de conduite18/20
Facilité de conduite17/20
Ergonomie15/20
Total13,2/20

Conduire une Daimler SP 250

Si vous êtes tentés rappelez vous d’un chiffre : 2564 exemplaires. Et encore on parle là de ceux sortis d’usine, pas de ceux qui roulent encore. Et on devrait même dire « existent » encore car ils ne roulent pas tous.

La Daimler SP 250 a toujours eu des soucis de fiabilité mais c’est plus dû à des soucis d’assemblage et au système électrique made in UK qu’à son moteur qui ne souffre pas de trop de défauts. Ajoutez une carrosserie plastique et fibre de verre qui ne vieillit pas toujours très bien et dont les ajustements n’ont rien à envier à des citadines chinoises des années 2000 et vous vous retrouvez avec une auto exquise mais seulement quand elle roule.

L’autre problème c’est que l’auto, même avec ces quelques défauts, reste chère : autour des 50.000 € pour un exemplaire en état de marche. C’est cher payé surtout qu’il faudra composer avec des pièces difficile à trouver… Mais, on se répète, vous oublierez tout ça une fois au volant.

Merci à Stéphane et Arthur, tous deux membres de l’équipe du CNVA, pour ce super moment !

Fiche Technique de la Daimler SP 250
MécaniquePerformances
Architecture8 cylindres en VVmax199 km/h
Cylindrée2548 cm³0 à 100 km/h11,1 s
Soupapes16400m da17s
Puissance Max140 ch à 5800 tr/min1000m da
Couple Max210 Nm à 3600 trs/minPoids / Puissance6,71 kg/ch
Boîte de vitesse4 rapports manuelle

TransmissionPropulsion
ChâssisConso Mixte
Position MoteurLongitudinale avantConso Sportive
FreinageDisques AV et AR
Dimensions Lxlxh408 x 154 x 128 cmCote 2021± 50.000 €
Poids940 kg

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Thibaut

    Une auto que je trouve vraiment sympa, et un réel plaisir (un honneur même) d’avoir pu l’accueillir sur la Route des Châteaux ! Amitiés à Arthur ! 😉

    Répondre · · 13 septembre 2021 à 17 h 47 min

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