Non, une Alpine de F1 n’est pas bleue et rose… ni même récente. D’accord, il n’existe qu’une seule exception à cela et c’est celle qui nous intéresse aujourd’hui. L’Alpine A500 est une auto des années 70 et, si on la connaît peu, c’est qu’elle n’a jamais roulée, prise dans la valse à trois entre Alpine, Gordini et Renault.
Alpine et la F1 : quand l’histoire se répète
Non, Alpine n’a pas fait courir que ses voitures de route en rallye. Ce serait oublier tout un pan de son histoire, quand la marque courrait en endurance. Nous sommes dans les années 60 et les M63 puis M64 et M65 vont chercher des victoires de classe. L’Alpine A210 qui prend le relai vise la même chose mais pourrait aller chercher plus haut. La réglementation change et les voitures reines en prototype sont alors limitées à 3 litres, clouant au garage les GT40 MkIV notamment (en tout cas c’est le but).
Amédée Gordini développe alors un moteur V8 de 3 litres de cylindrée. C’est dans l’Alpine A220 qu’il va rouler en endurance à partir de 1968. Que ce soit cette année là ou l’année suivante, aucune auto ne voit l’arrivée dans la course phare du calendrier, évidemment les 24h du Mans. D’ailleurs, à la suite de ce programme, Alpine se retire de l’endurance pour se concentrer sur le rallye avec le succès qu’on connaît.





Sauf que l’endurance n’est pas la seule catégorie à utiliser des moteurs de 3 litres (et c’est d’ailleurs le but). En F1, c’est redevenu la norme depuis 1966 et dès 1968 Alpine travaille sur un projet de F1. On sait qu’on aura un débouché potentiel puisque Elf (qui n’est pas encore engagé avec Matra) veut sponsoriser une écurie avec un budget conséquent.
Ce n’est pas encore notre Alpine A500, c’est l’A350. Créée avec une coque en polyester très classique mais on travaille surtout sur des suspensions originales. Ah, il faut quand même savoir que ce projet… est secret chez Renault ! Le losange a mis la main sur Alpine en 1965 et n’en entend pas parler avant que l’auto ne soit prête et qu’on envisage de l’engager au Grand Prix de France 1968 prévu le 7 Juillet sur le circuit de Rouen-les-Essarts. Pour Alpine, c’est quasiment à domicile et puis le tracé est un de ceux qui conviendraient le mieux à la nouvelle auto.
En effet, le V8 Gordini d’endurance plafonne à 310ch. Le gros souci, c’est que c’est très loin des 420ch du fameux DFV qui commence à faire des merveilles. Vue la différence de puissance, Renault, qui a enfin été prévenu du projet et de son avancement prend peur de paraître ridicule en course. Même devant le fait accompli et à la vue du travail déjà effectué, on reste inflexible. Pas de course avec cette machine ! L’A350 est mise au placard derechef et on entend pas parler de F1 avant quelques années.


Années 1970, le retour de l’idée
On retrouve un acteur au début du projet. Mais des débuts lointains. En 1970 Elf est largué par Matra qui convole avec Shell. Le pétrolier français n’a plus de programme d’endurance. Pour motiver Renault revenir en endurance, c’est le pétrolier qui règle la note du développement du V6 à 90° qui va se retrouver à partir de 1973 dans l’Alpine A440. Cette auto vise le Championnat d’Europe des Sports 2 Litres. Bien loin de la F1, mais on y vient.
L’année suivante, place à l’A441 qui va finir avec le titre de cet éphémère Championnat d’Europe. Et pour 1975 ? Et bien l’A441 reçoit un inédit moteur Turbo ! Le V6 sort alors 490ch mais il n’est plus dans la classe des 2 litres puisqu’avec l’équivalence on se retrouve dans les 3 litres. La catégorie reine de l’endurance en fait ! La voiture est bien née et remporte sa première course au Mugello… mais passe vite la main.


L’A442 est engagée sur le reste de la saison. Elle commence une belle arrière, prometteuse. Elle débarque au Mans en 1976 pour un galop d’essai dont on apprend beaucoup. Suffisamment en tout cas pour la voir en 1977 avec plusieurs voitures au départ et même la nouvelle A443. Pourtant c’est bien l’A442 qui l’emporte devant les Porsche. Le moteur turbo triomphe. Ce serait le déclencheur du projet de F1. On a, pour cela, plein d’ingrédients mais qu’il en manque un.



L’Alpine A500 : laboratoire roulant ET innovant
En ce milieu des années 70, Alpine et Gordini sont dans un bateau mais c’est bien Renault qui est à la barre. Deux structures, c’est trop. On sent le vent de la fusion obligatoire arriver. Si bien qu’à Dieppe on va se lancer dans une sorte de fuite en avant. Il faut marquer les esprits pour se rendre indispensable. Le programme d’endurance avance bien, comment faire mieux ?
Une seule catégorie permet encore plus d’exposition que l’endurance et c’est évidemment la F1. Vu qu’on maîtrise correctement le Turbo, on décide d’en faire une pièce maîtresse du projet de la future F1, pour bien marquer les esprits vu que c’est du jamais vu en F1. Pas question de garder le 2 litres cependant, les règles ne sont pas les mêmes en F1 et il faut abaisser la cylindrée à 1,5 litres.
Ce moteur est testé dans une A441 dès Novembre 1975. Le temps de réponse du turbo, l’éternel, est problématique mais surtout le moteur chauffe et entraine même des casses du moteur. Alors autant y aller franco.
André de Cortanze, qui a piloté les Alpine au Mans dix ans plus tôt et qui est déjà l’ingénieur des A440/A441 et A442 conçoit donc la deuxième F1 de la marque : l’Alpine A500.



On a connu des F1 plus élégantes, c’est surtout la cellule autour du pilote qui fait ça. L’Alpine A500 utilise un aileron avant « posé » sur le nez de la monoplace, comme le fait Ferrari. Les flancs de la monoplace dessinent une « bouteille de Coca » et sont plus hauts que les autres F1 contemporaines. À l’arrière, l’aileron est en porte-à-faux, rattaché à la transmission qui, avec la batterie, renvoie du poids à l’arrière.
Le moteur badgé Renault et Gordini est bien visible sur l’Alpine A500. Ferrari ne le fait plus mais McLaren si. Son turbo se voit bien, avec sa taille énorme ne participe certainement pas à l’abaissement du centre de gravité. Les radiateurs sont parallèles à l’axe de la voiture et situé très en arrière. Pour alimenter le moteur en air, contrairement aux autres F1 avec leurs hautes cheminées, deux entrées encadrent le pilote. Une troisième entrée d’air ne sert qu’au turbo.



On termine le tour du propriétaire avec les freins inboard et surtout avec l’intérieur de cette Alpine A500. Si la commande de boîte est situé à droite, elle a disparu. Le volant est toujours là, entouré de manomètres qui doivent être bien difficile à lire dans le cœur de l’action. De même les rétroviseurs situés très bas et intégrés à la coque ne doivent pas être d’une efficacité folle. Sur ce point encore l’Alpine A500 est novatrice puisque peu d’écuries ont tenté ce genre d’implantation.
En tout cas l’Alpine A500 est prête à rouler et est surtout une voiture de développement. D’ailleurs elle ne gagne pas de peintures de guerre et reste noire avec quelques autocollants blancs, ceux des sponsors et de la maison mère, quand même ! Lors des premiers roulages, notamment en Espagne à Jarama, on l’équipe de pneus Goodyear, une des « normes » de la F1 d’alors. Mais finalement l’Alpine A500 passera aux Michelin radiaux, histoire d’ajouter une autre innovation dans l’équation.





Une aventure qui n’ira pas au bout (comme ça en tout cas)
L’Alpine A500 enchaîne les test mais le couperet tombe, comme on s’y attendait. Fini Alpine et Gordini et place à Renault Sport en 1976 avec Gérard Larousse à sa tête. Et l’Alpine A500 est récupérée par la nouvelle structure… qui s’oriente peu à peu vers la F1. On va attendre d’obtenir les lauriers en F1 avant d’aller plus loin, l’Alpine A500 est donc rangée au placard quelques mois. On anticipe quand même avec le développement de la Renault RS01.
Celle-ci doit beaucoup à l’Alpine A500. Elle sera affinée et, finalement, quelques semaines à peine après la victoire mancelle et la célèbre descente des Champs Elysées, Renault débarque au Grand Prix de Grande Bretagne avec sa « Yellow Tea Pot »… qui va mettre longtemps à être réellement au point mais va lancer une belle histoire du losange en F1.
Cette histoire sera faite de hauts et de bas et de plusieurs périodes où Renault se concentrera sur l’activité de motoriste. Après le Turbo on passera au V10. On attendra finalement les années 2000 pour retrouver des châssis aux losanges et deux titres des constructeurs à la clé. Il faut aussi ajouter les titres motoristes avec Williams, Benetton et Red Bull. Mais c’est une histoire qui prend fin, malheureusement, avec l’arrêt de l’activité F1 de Viry-Chatillon. Une sorte de pied de nez à l’histoire, puisque c’est bien Alpine qui va rester en F1. Sans Renault.
L’Alpine A500, elle, est peu visible. Si elle est sortie à Lohéac, rares sont les occasions de l’admirer.





Source principale : les Alpinistes
Photos : News d’Anciennes à l’Autobrocante de Lohéac (pour l’Alpine A500) & archives








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