Partir en Road-Trip, mais est-ce que VOUS êtes prêts ?

Publié le par Mark

Partir en Road-Trip, mais est-ce que VOUS êtes prêts ?

Quand on parle road-trip et préparatifs, on évoque souvent la révision, le road book, ou encore les commodités et les aspects administratifs. Effectivement ça tombe sous le sens, par contre on parle moins souvent du bonhomme. Vous me direz, dans l’inconscient on a tendance à penser que c’est la voiture qui nous trimbale. Oui, sauf que ce n’est qu’un objet, il faut bien un homme derrière, aux commandes, pour lui faire prendre vie. Et un road-trip, ce n’est pas forcement de tout repos. Bref, j’avais envie de vous en parler car ce paramètre humain tellement évident est quasi systématiquement le grand absent des récits.

Le road-trip nécessite-t-il vraiment une préparation humaine ?

Voyant ce sujet, vous vous dites surement que j’en fais des tonnes, et que se contenter de rouler ne nécessite pas de préparation particulière? Je vous répondrais oui, si vous roulez sur vos horaires de confort et que vous passez plus de temps au restaurant que sur la route. C’est évident, qu’importe votre monture, il n’y a rien d’insurmontable à aligner 150-200km par journée en partant à 10 heures du matin. Mais vous vous en doutez, je ne suis pas là pour parler de ce type d’expérience.

Parce que chez les amateurs de road-trip, il existe une espèce plus radicale qui aime le pratiquer de la manière la plus pure qui soit, rouler pour rouler. Une espèce un peu barrée qui conçoit pratiquement le road-trip comme une quête initiatique. Une espèce pour qui, une fois que l’on a franchi nos propres limites nous sommes réellement libres. Une espèce pour qui atteindre son but a plus de saveur lorsque c’est le résultat d’un effort certain. Une espèce pour qui un voyage n’est pas nécessairement une destination mais un tout. Une espèce sur qui la trotteuse, la distance n’ont aucune emprise, et pour qui seule l’ivresse de la route compte.

Ici il est question d’orgies kilométriques, de contre la montre face au soleil, de marathons, d’enchaînements difficiles, de nuits blanches. Ici, l’imagination n’a pas de limites pourvue que l’on abandonne nos besoins sédentaires pour des horizons nomades. Sur le papier cette promesse de liberté et d’ivresse peut faire rêver. Dans la pratique, je vous dis immédiatement : ne le faites pas si vous n’y êtes pas un minimum préparé ou si vous ne comprenez pas l’essence d’agir de la sorte, en dépit de ce que beaucoup considèrent comme du bon sens.

Pourquoi ? Parce que dans le meilleur des cas vous aurez des regrets, et la sensation de ne pas avoir profité. Aujourd’hui on a tendance à croire qu’un road-trip est une quête exclusivement hédoniste face à laquelle on ne peut pas éprouver de difficulté ni connaitre de situations dangereuses. On estime faussement qu’un road-trip ne nécessite ni réflexion ni préparation, que n’importe qui peut faire n’importe quoi n’importe où. Finalement il n’y a qu’à faire la vidange, mettre le contact et kiffer. Dieu que c’est faux !

Pourquoi faut-il parfois se préparer physiquement et mentalement ?

Il arrive que l’expérience du road-trip soit réellement éprouvante. Que ce soit sur le plan mental ou physique, il existe sacré gap entre le papier et la pratique. C’est d’autant plus vrai lorsque l’expérience s’exécute de manière solitaire ou un peu extrême. Ce que l’on a tendance à trop vite occulter, c’est que rouler peut se transformer en un véritable combat. Un combat contre la route, mais avant tout contre nous-même. Ne l’oubliez jamais lorsque vous tracez votre itinéraire. Qu’importe la route, l’autoroute ou le chemin que vous prendrez, plus vous envisagerez des choses difficiles plus vous devrez vous préparer, car les écueils sont partout, à commencer par l’humain qui tient la barre.

Mais cela peut aussi être une expérience décevante à bien des égards. Déception de la destination évidement, mais aussi de la route, et du retour à la réalité. On peut aussi revenir avec les remords de ne pas avoir assez profité d’endroits grandioses que l’on ne reverra peut-être jamais. Un road-trip peut aller très vite, et malheureusement, lorsque l’on rentre, on peut avoir ce sentiment de n’avoir vécu qu’un rêve lointain. C’est déroutant mais rassurez-vous les souvenirs sont souvent bien gravés. Et puis profiter d’un lieu, ce n’est pas forcément y passer des plombes. C’est une équation bien plus complexe et personnelle qu’une simple question de temps.

Que faut-il appréhender ?

Qu’on se le dise, l’Homme n’est pas fait pour se déplacer aussi vite que les moyens modernes le lui permettent. Dès lors que l’on appréhende la chose de la sorte il n’est pas bien compliqué d’imaginer le fait que se mouvoir peut avoir des effets psychologiques mais aussi physiques. Sans aller jusqu’à évoquer le syndrome du voyageur, en partie lié à une rupture culturelle brutale, un simple trip en bagnole ou à moto engendre ses effets. Fatigue mentale, musculaire, stress, lassitude, hypnose, addiction, ascenseurs émotionnels, sont des phénomènes auxquels on peut se retrouver confronté lorsque l’on se déplace longtemps, loin, a des horaires improbables, ou sur de longues portions ardues. Et c’est particulièrement vrai lorsque l’on est inexpérimenté. Alors vu que le road-trip doit ne doit pas finir en chemin de croix, il est bon de ne pas faire n’importe quoi.

Les phases d’un road-trip

Bien souvent sur un road-trip vous passerez par de nombreux stades émotionnels et physiques. Evidemment, tout cela est variable suivant notre âge, notre expérience, notre état le jour J, nos capacités naturelles, les conditions de route etc… Mais à force de virées (un peu débiles parfois) j’ai pu dégrossir un semblant de chronologie sur un road-trip.

L’ambivalence du départ

Lorsque je sais que je vais me mettre le tarif, il y a cette période allant de la veille jusqu’aux premiers kilomètres pendant laquelle j’avoue ne pas en mener large. Et c’est normal ! Car c’est le moment où l’on s’apprête à sauter dans le vide, à embarquer dans un véhicule dont on ignore s’il va aller au bout et où l’on envisage ce qui peut nous arriver. Forcément cela donne un état « aigre doux » oscillant entre l’excitation de faire ce qu’on chérit le plus, mais aussi l’angoisse du pire. Je dois avouer qu’a 20 balais j’étais beaucoup moins anxieux avant de partir, mais voilà, plus on vieillit plus on a à perdre et plus on considère les risques réels.

C’est aussi à cet instant qu’on est confronté à l’ampleur de ce qui nous attend et ou on se dit « à ouais quand même ». Tout cela est particulièrement vrai lorsque l’on part en solitaire. À l’inverse, le fait d’être en groupe déleste la charge émotionnelle, et même si on garde toujours un peu d’appréhension, c’est l’excitation qui finit par primer. Une fois derrière le volant, forcément ça va mieux, mais pendant les premières minutes l’anxiété perdure. On est à l’affût du moindre bruit, de la moindre sensation douteuse, du moindre couac, et puis au bout de quelques kilomètres, on est dans le bain et on passe à la seconde étape.

Le plaisir et le calme des premiers kilomètres

50-100km après le tour de clé on commence à se laisser aller, et finalement c’est là qu’on prend le vrai départ. Le stress et la concentration laissent place au plaisir simple de faire défiler les bandes blanches. Les constantes mécaniques sont au beau fixe, c’est le moment où l’on s’évade, où l’on est confiant, et où tout nous semble possible. Faut dire qu’on est encore shooté par la montée d’adrénaline de la mise à feu. Alors attention, ce n’est vrai que lorsqu’il fait beau et que l’horizon est dégagé. Parce que si on déambule dans les bouchons, sous un rideau de flotte moralement on se pose quand même des questions et on est pas dans le même état d’esprit, là on galère juste.

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Les automatismes de la routine

Voilà plusieurs heures/jours que l’on roule, on ne s’en est pas rendu compte car le plaisir est toujours là, mais on commence à rentrer dans un espèce de routine. À ce moment-là d’un trip on est bien rodé, peut-être un peu trop d’ailleurs. La confiance règne, mais malgré tout la fatigue commence à pointer le bout de son nez. Notre conduite est moins affûtée, on est moins rigoureux, et notre discernement commence à s’altérer. C’est le moment, ou peu à peu, sans s’en rendre compte on va glisser vers un état plus instable. C’est aussi là que l’on peut commencer à devenir inutilement agressif, à somnoler ou à commettre des erreurs etc. S’il est impératif de ne pas se laisser embarquer dans cette dynamique, cet état conduit bien souvent à ce que j’appelle vulgairement le « mur du milieu ».

Le « mur du milieu »

Par cette expression je fais allusion à un état qui arrive bien souvent aux alentours de la mi-parcours. Quand la lassitude et la fatigue se sont installées, on peut assez rapidement se trouver prisonnier d’un cercle vicieux. On est loin de chez nous, on réalise tout ce que l’on vient de parcourir mais surtout qu’il nous en reste au moins autant. Partagé entre l’envie et l’amertume du retour on ne sait plus trop ou on en est. Le doute s’installe et l’on éprouve moins, voir plus de plaisir dans ce que l’on fait. Bref, si on pouvait jeter l’éponge, c’est là qu’on le ferait, mais il est trop tard pour faire machine arrière alors il faut continuer.

Le boost de la dernière moitié

À ce stade, on a réussi à dépasser le « mur du milieu », c’est aussi le moment où l’on sait que chaque kilomètre nous rapproche de la fin. À cet instant, la dynamique s’inverse, plus on avance, plus c’est facile, la fatigue semble plus légère, la confiance et le plaisir reviennent. En fait c’est pratiquement un état de grâce qui s’installe. Etat pendant lequel, quasi certain d’arriver au bout, on est aspiré. On ne s’en rend pas compte mais notre comportement se débride comme si nous étions ivres. Cela dit, attention car la fatigue s’accumule.

Le piège des derniers kilomètres

Ça fait déjà quelques temps que l’on compte à rebours et on sait que l’arrivée est proche. Suivant les caractères, on va savourer cette portion comme un tour d’honneur, ou bien la voir comme un ultime sprint. Ce qui est sûr, c’est qu’a moins de 50km du but, la tension monte et qu’il est rare d’avoir le sentiment de vivre un calvaire. En fait, on a juste hâte d’en finir et même si on trouve le temps long, tout nous semble facile. Après tout 50 bornes lorsqu’on vient d’en manger 1000,2000, 3000, ce n’est rien non ?

Cependant cette phase peut s’avérer vicieuse. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à ce moment d’un road-trip on peut commencer à être sérieusement cuit, et parce que l’on arrive sur des routes qui nous sont familières. S’il y a bien une portion sur laquelle on encoure les plus gros risques c’est celle-ci. Endormissement, blackout, excès… nous pendent au nez, et happé par l’euphorie de la fin on force davantage. Sauf que lorsque on tire sur nos dernières ressources, c’est perdu d’avance.

La béatitude de l’arrivée

Vient enfin ce moment où l’on coupe le contacte pour la dernière fois. Cette fois c’est fini, et suivant l’intensité de ce que l’on vient de faire un état de plénitude s’empare de nous.  Stress, fatigue, souvenirs, tout s’évapore. Lorsque tout s’arrête on est juste bien, soulagé, heureux, mais surtout, on ne réalise pas encore ce qui vient de se passer. Un peu comme si nous n’étions jamais vraiment partis.

Comment se préparer ?

Evaluer son niveau

Derrière un volant, nous ne sommes pas tous des machines capables de bouffer de la route en solo à n’importe quelle heure. Nous n’avons pas tous non plus les mêmes aptitudes de conduite, ni les mêmes appréhensions. Certains ont une peur bleue des virages, du vide des routes étroites quand d’autres n’y éprouvent que du plaisir.

Bref lorsqu’on veut se lancer il est bon d’évaluer son niveau d’être humble et de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre. Par exemple, si vous n’êtes pas habitués à rouler longtemps, ce n’est pas la peine de commencer votre premier trip avec des liaisons de 800 kilomètres sur départementales en partant à 21h. Il en va de même si vous n’avez pas l’habitude d’enchaîner les étapes avec peu de sommeil, accordez-vous des nuits décentes sur vos premières virées. C’est du bon sens mais on a toujours tendance à se croire plus fort qu’on ne l’est réellement. Et on sous-estime souvent nos routes bien enrobées.

C’est sûr qu’un trip dans les alpes ou dans la sierra Nevada ce n’est pas la Sibérie, m’enfin ce n’est pas non plus le 77 et si on a jamais pratiqué ça peut surprendre. Bref, quand je parle d’évaluer son niveau, je veux dire faire preuve de discernement et fixer une limite sur ce qu’on est capable de faire à l’instant T. Une fois celle-ci établie, libre à vous de broder votre trip.

Alors oui ça peut sembler castrateur ou disproportionné. Mais si je conseille aux débutants d’agir ainsi c’est tout simplement parce que lorsque l’on démarre, on ne se connait pas vraiment. On ne connait ni les fluctuations de notre corps, ni notre endurance ou notre niveau de technique et on a pas encore vaincu nos appréhensions. Comme toute pratique, à vouloir tabler trop fort dès le début, on risque tout simplement d’être dégoutté face à la réalité, de se cramer, ou de ne pas finir.

Bref quand on débute, rien ne vaut des virées pépères dans des endroits qui nous font rêver, avec si possible un lever/coucher de soleil. Histoire de mettre de la poésie et de s’acclimater aux sections nocturnes.

Apprendre à se connaitre

Si il y a bien une chose fondamentale lorsque l’on se lance dans des road-trips furieux c’est la connaissance de soi. Il ne faut pas oublier que c’est nous qui commandons la machine, et par conséquent qui dictons si, oui ou non, on va parvenir à la maison. Alors c’est un peu le chien qui se mord la queue, car si on n’essaye pas par peur du danger, on n’apprend jamais rien de soi, et on ne progresse jamais.

C’est en se dépassant qu’on apprend, mais sur la route cela implique un risque. Alors qu’est-ce qu’on peut faire dans ce cas ? Est-ce que l’on doit obéir au mantra « zéro risque » et rester dans notre zone de confort ? Evidemment non, mais il faut apprendre tout en minimisant ceux-ci. Essayer pas à pas, une expérience après l’autre, apprendre de soi, adapter nos trajets les fois suivantes, et monter en puissance.

Mais alors qu’est-ce que cela apporte de se connaitre sur le bout des doigts ? Sur le papier la liste est courte, mais sur la route, on y gagne énormément croyez-moi. Lorsque l’on se connait on est capable d’anticiper ses faiblesses et ses écarts. On devient capable d’adapter notre road-book au plus près de nos fluctuations ou de nos limites.

Et ça, ça peut faire la différence entre j’arrive au bout en bonnes conditions ou pas, entre risque inconsidéré ou minimisé, c’est énorme ! Cela permet aussi de savoir se gérer, prendre les bonnes décisions lorsque l’on tente une expérience sur laquelle on se dépasse réellement. Bref apprendre à se connaitre, c’est prendre des risques nécessaires mais contrôlés pour les minimiser et progresser par la suite. Cela revient à passer de fou à pragmatique.

La science du rythme

Pourquoi ?

Faire un road-trip c’est supporter l’abrasion du corps et de l’esprit par la route et sa machine. Info trafic ne s’y trompe pas l’ennemi numéro un, c’est la fatigue. La perte des performances cognitives et physiques qui y sont liées entraîne une forte augmentation du risque d’erreurs qui ont bien souvent pour conséquence l’accident.

En fait c’est surtout elle qui influe sur notre condition physique et sur notre état psychologique lorsque l’on roule. Et qu’on se le dise, la fatigue est inéluctable, même en augmentant notre endurance ou en roulant modérément à des heures confortables, elle finit toujours par arriver. Je ne vais pas vous faire de dessins, lorsque l’on pratique l’expérience de manière violente, elle peut venir très vite avec des effets assez sérieux si on s’obstine à vouloir dépasser cette barrière. Bref on ne déconne pas, qui dit fatigue dit danger imminent et je ne parle pas forcément du plus commun qui est l’endormissement. Non non je parle d’autres dangers plus insidieux, des effets qui s’installent sans même qu’on ne se rende compte et qui peuvent conduire jusqu’au malaise.

Je fais allusion à tous les états dissociatifs pendant lesquels on est physiquement éveillé mais inconscient de ce qui nous entoure, états liés à l’altération de nos facultés cognitives. On pourrait pratiquement les affilier à de l’hypnose ou du somnambulisme. Pour barbariser, on peut retrouver le mode « pilote automatique » pendant lequel on roule « lobotomisé », incapable d’analyser ou de réagir promptement à une situation.

Mais il y a aussi une autre forme plus effrayante : le blackout. Le principe est le même que lors d’une biture : vous oubliez tout un pan de votre trajet. Ça m’est déjà arrivé une fois. Croyez-moi ça fait froid dans le dos d’être incapable de se rappeler des dix derniers kilomètres de son trajet. Les seuls souvenirs qu’il me restaient étant un bout de campagne puis le portail qui s’ouvrait. Impossible de savoir comment j’avais fait pour arriver, ni par ou j’étais passé. Ce qui est d’autant plus fâcheux avec ces états, c’est qu’en plus d’être aussi dangereux que le sommeil, ils surviennent sans réellement prévenir. Autant sur un endormissement il y a des symptômes avant-coureurs autant dans ces cas là…

Je ne vais pas le nier, j’avais déconné sur cette session, dix kilomètres ce n’est pas rien et il n’est pas concevable de finir un trip dans cet état. Cependant au lieu de me contenter d’un blâme personnel, j’ai plutôt cherché à comprendre le pourquoi du comment pour en tirer parti. 1250 kilomètres en 21h, j’avais déjà vu pire, et niveau forme je semblais en bonne condition.

Où est-ce que j’avais pêché ? À l’évidence par ignorance. Ignorance de moi, mais aussi du fait qu’une situation de fatigue pouvait aller au-delà de l’endormissement. D’ailleurs celui-ci joue le rôle de soupape de sécurité entre le moment ou le cerveau peut gérer un flux d’information et le moment ou cela devient impossible. Peu à peu, on glisse dans un état de « veille » durant lequel on ne maintient qu’une vigilance minimale pour assurer la survie. Histoire de faire le parallèle avec la mécanique, j’avais tout simplement fais sauter le rupteur en résistant au sommeil, et les ressorts de soupapes commençaient à s’affoler. La suite logique, on la connait, c’est la perte de connaissance.

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J’avais aussi surestimé ma forme, mais surtout royalement foiré mon road book. En faisant le parallèle entre la carte, les heures, et mes fluctuations, rien ne matchait. Je m’étais tout simplement cramé sur la route m’abandonnant aux dynamiques vicieuses que l’on peut vivre sur un road-trip pensant que ma seule endurance suffirait pour me ramener.

Bref, à l’inverse des fois précédentes, je n’avais pas su m’arrêter mais surtout pas su casser les rythmes, j’avais été prétentieux. Ça ne vous évoque rien ? Bien sûr, la connaissance de soi, celle grâce à qui on va pouvoir appliquer une « science » du rythme. « Science » grâce à laquelle on va pouvoir encaisser davantage mais surtout de manière moins aléatoire et moins dangereuse. Alors de quoi il en retourne ?

Qu’est-ce que c’est la « science du rythme » ?

Partons du postulat dans lequel l’effort de rouler nous entraîne dans deux dynamiques liées et que celles si sont inéluctables, qu’importe la vitesse, le type de route ou l’heure. Je vous les mets en dessous, ce sera plus clair.

Avec un schéma c’est plus facile. Maintenant je vous pose une question : d’après vous quand faut-il casser le rythme ou s’arrêter ? Si vous me dites avant de basculer dans un état déclinant et bien vous avez tout compris. L’idée est simple, pour pouvoir continuer dans de bonnes conditions et retarder l’arrivée de la fatigue, il suffit de casser les cycles pour les remettre à zéro. Pour ça il faut changer le rythme auquel on évolue. Un rythme englobant l’intégralité des paramètres de la situation dans laquelle vous vous trouvez et pas seulement la vitesse ou l’intensité de conduite.

C’est là que la connaissance de soi intervient, car grâce à elle on parvient à identifier nos points et nos timings de basculement. Par conséquent au lieu d’insister bêtement on peut casser le rythme pour se maintenir dans une dynamique positive ou bien s’arrêter au bon moment (parce qu’il faut bien s’arrêter un jour). Si vous vous connaissez suffisamment vous devenez même capable d’identifier des créneaux horaires et des distances entre chaque bascule. Dès lors il ne reste plus qu’à tracer votre book en fonction de vos cycles.

Par exemple si je sais qu’à 3 heures du matin après X kilomètres sur le même rythme il m’est difficile de résister à la fatigue ou à la lassitude, je vais mettre une cassure sur la carte à l’endroit auquel je suis censé me trouver dans ce créneau. Si je ne fais pas de carte et que je roule à l’improviste, je serais aussi capable d’adapter mon trajet à mes sensations en temps réel. Bref calquer son rythme sur celui de son road-trip, c’est agir avec soi-même et non plus en lutte perpétuelle. Respecter sa mécanique, c’est bien, se respecter c’est encore mieux.

C’est aussi une approche beaucoup plus fine que s’imposer un arrêt toutes les deux heures. Parfois deux heures, c’est beaucoup trop long, mais parfois on peut être encore très frais et ne pas s’arrêter. Cela permet aussi de se passer des boissons énergisantes qui bien que parfois utiles sont malsaines et provoquent un contre coup assez puissant lorsque leur effet prend fin.

Comment ?

Alors c’est bien beau tout ça mais comment on casse un rythme ? C’est simple, il suffit de casser la « routine » dans laquelle on s’installe et pour se faire tous les moyens sont bons. Je ne vais pas vous en faire l’exhaustivité mais voici quelques exemples qui pourraient bien vous être utile que ce soit sur la route ou lors de votre planification.

– On peut commencer par casser la perception de la distance. C’est simple, il suffit de se fixer des check points/objectifs rapprochés. Ça peut sembler idiot mais mentalement il est plus facile de parcourir une distance X en la divisant en petits tronçons qu’en la considérant dans sa totalité. En faisant cela on a l’impression d’avancer et on multiplie les nouveaux départs, on casse aussi l’effet de mur infranchissable que peut produire une distance élevée. Et vue que vous savez que le mental influe sur le physique ce serait dommage de s’en priver.

– En s’arrêtant régulièrement. Faire une pause permet de casser et remettre les dynamiques à zéro dans une certaine limite. Si vous êtes trop fatigué piquez carrément un roupillon. Vingt minutes de sommeil peuvent régénérer vos facultés pour quelques heures. D’ailleurs pensez à intégrer d’éventuelles siestes dans votre road-book sur les créneaux critiques (2h-5h 13h/15h). D’une manière générale incluez un maximum de temps de repos dans votre timing, au pire si vous ne faites pas toutes les pauses prévues vous ne ferez qu’arriver en avance.

– Alterner les vitesses. Si vous avez pratiqué l’autobahn vous savez que même à 250 on s’acclimate, vous aurez aussi remarqué que les portions « no limits » alternent avec des portions limitées. D’une cela fait ralentir dans les zones de « danger » mais cela vient aussi casser l’accoutumance. Il ne vous reste plus qu’à appliquer le principe sur routes normales en alternant des phases de rythme soutenu (dans les limites légales) et des phases plus détendues.

– Varier les routes. Cela revient à faire varier la vitesse mais aussi le niveau de tension et de lassitude. N’hésitez pas à alterner nationales rectilignes, départementales sinueuses, villes, autoroutes. Sur ces dernières je pose cependant une réserve. L’autoroute est un véritable piège lorsque l’on fatigue car les possibilités d’arrêt sont réduites. Lorsque vous vous engagez sur l’autoroute faites une courte pause avant ou anticipez largement votre niveau de fatigue, car les autoroutes accélèrent le phénomène. Bref si vous vous sentez déclinant, et que vous arrivez sur une aire, ne déconnez pas faites une pause car vous n’atteindrez peut être pas la suivante.

– Multiplier les lieux d’intérêt. En plus de rendre votre périple beaucoup plus agréable, les points d’intérêt remettront vos pendules à l’heure régulièrement. Chaque merveille que vous verrez même sans vous arrêter, vous donnera un coup de fouet et vous maintiendra dans une bonne dynamique. Et puis de toute façon on est là pour se faire décoller la rétine par la beauté du monde non ?

– Jouer avec les heures. C’est tellement plus cool de partir au soleil couchant ou levant qu’en milieu de journée ! De plus le changement de luminosité vous permettra de casser la monotonie du jour ou de la nuit.

– Ouvrez et baissez vos fenêtres. Étonnement ce petit geste marche pas trop mal en voiture. En plus de vous rafraîchir, ouvrir une fenêtre permet de faire évoluer le niveau de bruit dans l’habitacle, ce qui aura pour effet de vous re-stimuler quelques instants. Alors ce n’est valable que si votre auto est bien insonorisée de base. Forcément en deuch ouvrir une fenêtre ne va pas changer grand-chose.

Soigner sa forme

Quand je parle de soigner sa forme il n’est pas question de se préparer comme pour un Iron Man. Quoique sur certains trips extrêmement difficiles ce ne serait pas forcément stupide. Je ne parle pas non plus uniquement de forme physique. Le corps et l’esprit étant liés, si l’un des deux est défaillant, très souvent le second suit. Alors qu’est-ce que l’on peut faire pour soigner sa forme ?

– Un peu d’activité physique. Ouais je sais c’est barbant et ça fait un peu « mangerbouger.fr ». Alors non, dans une très large proportion vous n’avez pas besoin d’être un athlète olympique pour arriver au bout d’un trip. Par contre le fait d’entretenir un fond via une activité physique régulière vous aidera à encaisser plus facilement et plus longtemps. Vous n’avez rien à perdre et tout à y gagner, endurance, mental, force, connaissance de soi etc. Bref que des choses utiles, particulièrement si vous êtes motard, que votre monture est rustre, ou que vous vous êtes concocté un menu gargantuesque.

– Travailler la confiance en soi. Bah oui plus on a confiance plus on a la niaque, moins on se laisse déstabiliser et moins on est sensibles aux rouages pervers que l’on peut rencontrer sur un road trip. Bref un mental en béton soviétique c’est la base. Mais attention il ne faut pas non plus que cela vire a l’arrogance.

– Pratiquer du plein air. Rouler est une activité extérieure, c’est encore plus vrai en moto ou dans un vieux roadster. Pratiquer moult activités extérieures vous rendra plus résistant et imperméable aux aléas climatiques qui croiseront votre route. À force de pratique, le froid, le vent, la pluie vous sembleront moins gênant et vous donneront le sentiment d’épisser votre périple. J’en parlais il y a peu avec un pote mais me faire poncer la face par une tempête à 2500m d’altitude, je trouve ça cool pourvu que la vue finisse quand même par se dégager.

– Soigner sa concentration. Là encore rien de compliqué, il suffit de s’adonner à des activités nécessitant de maintenir une concentration élevée pendant une longue période (lecture, sport, jeux, etc..). Plus vos facultés d’attention et de concentration seront solides plus vous serez efficace et résistant sur la route.

– Rouler. Quoi de mieux avant de rouler que de rouler ? Se refaire la main sur son destrier, réapprendre à le connaitre car c’est avec lui que vous devrez composer sur la route. Alors si vous ne l’utilisez pas régulièrement n’hésitez pas à vous remettre en jambes ensemble.

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– Partir reposé. L’idéal c’est quand même d’être reposé avant de mettre la clé dans le Niemann. Alors, cela ne veut pas forcément dire partir en avec la marque de l’oreiller sur la joue. Ça veut aussi dire prendre le temps de se détendre, de se couper de toute interférence extérieur, de se vider l’esprit.

Qu’est-ce que l’on gagne ?

Il y a peu je lisais un excellent article que vous retrouvez ici. Bien écrit, mais surtout excellent dans le sens ou, enfin je tombais sur quelqu’un partageant et exprimant la même passion pour les road-trips barrés. Sauf que voilà tandis qu’attablé sur ma terrasse, j’engloutissais ses mots tout en me remémorant mes coups de folies je me suis dit : « Ce garçon ne nous raconte pas tout et je n’ai pas tout raconté ».

Ce qu’il ne nous dit pas ouvertement, c’est que sa performance est un peu hors norme et qu’elle n’est pas donnée au premier débutant venu, que par moment il en a chié. Que sans s’en rendre compte, à force d’entrainement, d’expériences, il avait fini par être prêt mentalement et physiquement pour ce grand moment de délire. Et que sans cette même préparation, je ne serais pas capable aujourd’hui de m’enfiler deux nuits blanches d’affilées sur la route pour le plaisir de voir le soleil se lever puis se coucher sur les Alpes.  

Finalement, à l’instar des marchands de rêve, on voudrait que vous ne reteniez que ce que l’on gagne, le bonheur et les belles images de l’action accomplie. Que l’ivresse des moments forts, la béatitude et l’enrichissement que l’on éprouve sortie de l’effort. Parce que oui, faire un road-trip dans ces conditions est une expérience extrêmement intense, gratifiante et enrichissante. Parce qu’en s’arrachant des carcans d’une vie standard et sans risques, pour une expérience plus intime on entrevoit une forme de liberté qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.

Conclusion

Road-trip, cela veut dire voyage sur la route, au sens le plus pur du terme cela veut dire parcourir de longues distances avec pour personnage central la route.

Par définition, c’est une activité minimaliste, la route, votre monture, vous et rien d’autre. Aujourd’hui, le road-trip de par le sentiment de rêve, d’évasion et de « retour aux bases » qu’il évoque suscite l’intérêt.

Mais attention, le road-trip au sens minimaliste du terme n’a rien à voir avec les trucs sous édulcorants qu’on nous vend sur instagram ou dans les médias prônant l’hédonisme du sans risques. Cette espèce de plaisir conditionné par une absence totale de difficulté ou la jouissance n’est le fruit que d’une consommation abordable. Aujourd’hui la notion de road-trip est standardisée, adaptée, nivelée par le bas, de sorte à ce que le premier néophyte venu ne puisse prendre que le bon de l’expérience sans ne jamais en tirer la substance.

Un road-trip, ce n’est pas ça, c’est une expérience personnelle conçue par soi-même pour soi-même, c’est une quête par laquelle on se lance un défi, au cours de laquelle on doit puiser dans nos ressources, pour revenir plus fort, plus instruits que nous sommes partis. C’est un voyage d’introspection à travers nous-même via le monde qui nous entoure, cela englobe un tout et non une simple destination. Cela peut aussi impliquer de la souffrance et des dangers. De la souffrance tout simplement parce que l’expérience peut vraiment être terrible, et même si j’en garde du bon aujourd’hui j’ai eu des instants j’ai souffert derrière mon volant. Du danger car se déplacer est par nature dangereux, et que sur un road-trip vous allez partir loin, et parfois être proche voir au-delà de vos propres limites.

Si vous voulez pratiquer le road-trip au plus proche de sa définition, faites-le, n’hésitez pas une seconde. Mais n’oubliez pas que chaque moment magique, chaque merveille que vous apercevrez, chaque défi relevé, chaque rêve accomplit aura un coût envers vous-même. Pour encaisser, il faut savoir se préparer suivant un triptyque : humilité, respect de soi, respect de sa machine.

La prochaine fois que vous plancherez sur un trip, pensez-y.

Mark

Passionné de photo et de sa BMW E30, Mark a rejoint News d'Anciennes courant 2016. Essais, road-trip, reportages, tout l'intéresse du moment qu'il peut sortir son appareil photo.

Commentaires

  1. Vincent Hardy

    http://patita2cv.eklablog.com … Pour ceux qui veulent vivre un petit road-trip en 2cv tranquillou, sans trop se poser de questions : un petit livre aux éditions BoD : « La longue route de Patita »

    Répondre · · 30 août 2020 à 16 h 17 min

  2. Nephelus

    Depuis le temps que je cherchais de la documentation pour me préparer physiquement et mentalement pour un road trip avec les avantages, les inconvénients et les vrais tips de baroudeurs aguerris. ENFIN !! MERCI !!
    Le road trip m’a toujours attiré et je ne m’étais jamais lancer avant cette année (2023). Toutefois, sachant que la vie n’est pas comme ce qu’on voit sur les écrans. Je voulais vraiment me préparer et ajuster mon coup au plus proche de la réalité. Avant ton article j’étais dubitative sur tout les articles ventant QUE les mérites du road trip sans jamais aborder ce que j’ai pû lire ici. Grâce à toi j’ai une vue globale des risques et des erreurs à ne pas commettre pour la préparation de mon road book et surtout comment aborder mon trip avec sérénité et ne pas tomber dans les pièges de la gourmandise kilométriques.
    Milles merci !!

    Répondre · · 26 mai 2023 à 9 h 29 min

  3. Didier

    Bonjour et merci pour cet article. Comme Nephelus, ce que tu évoques est LE sujet qui me turlupine pour mon voyage d’un mois au cap nord en moto (juin 24). Je cherchais des recommandations sur la fréquence des jours off, sur les cycles enthousiasme – lassitude et tu donnes beaucoup de pistes à creuser selon sa perception personnelle de tel ou tel point. Très très facile de faire un chouette road-book, beaucoup moins de prévoir le mental et le physique du pilote. Surtout quand on est jamais parti plus d’une semaine / 10 jours. Comme tu le dis, il y a un côté initiatique et démarche personnelle mais c’est aussi pour ça qu’on entreprend des voyages, pas seulement pour la destination ou le parcours. Bonne continuation et merci pour tes réflexions !

    Répondre · · 5 janvier 2024 à 11 h 22 min

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