Panhard, la doyenne qu’on ne voit pas assez en collection

Publié le par Benjamin

Panhard, la doyenne qu’on ne voit pas assez en collection

En rédigeant l’article « Simca, une marque oubliée de la collection », je me suis dit que j’aurais pu faire un quasi copier-coller en remplaçant la marque à l’hirondelle par la doyenne. Panhard, précisément Panhard et Levassor est une marque ancienne, qui a produit des autos extraordinaires et parfois révolutionnaires. Pour autant, on en voit peu sur les rassemblements et les autos sont rarement mises à l’honneur des différents rassemblements. Alors, comme pour Simca, on s’est demandé pourquoi.

Une marque enterrée

Vous l’aurez certainement remarqué, les marques les plus présentes, les plus visibles dans le monde de la collection sont au final des marques qui existent encore de nos jours ! Mieux les trois constructeurs qui sont arrivés jusque nous continuent d’alimenter la flamme avec des expositions diverses… du moins avant que le covid ne sape les budgets.

Le parallèle avait été fait avec Simca, mais là encore il faut bien trouver des différences. Déjà, la marque à l’hirondelle a disparu plus près de nous. Et dans le monde du véhicule ancien, ça compte, puisque de nombreux collectionneurs ne font que « retrouver » des autos qu’ils ont connu plus jeune. Pour ce qui est du patrimoine, Simca est très très peu mise en avant par l’Aventure Peugeot Citroën DS et le musée de la marque dépend(ait) d’une autre association. Concernant Panhard… il n’y a tout simplement pas de musée !

Un point commun entre les deux marques cependant : elles n’ont pas résisté à l’absorption par un plus gros constructeur. Simca a laissé sa place à Talbot tandis que Panhard s’est éteinte purement et simplement.

Le rapprochement avec Citroën, datant de 1955, a fait beaucoup de mal, mais la doyenne était déjà mal en point au moment du rachat. Certes, un nouveau projet aurait pu relancer la marque, les chevrons ont notamment interdit à Panhard de développer un 4 cylindres qui aurait trop concurrencé la DS, mais la situation de Citroën à l’époque ne l’aurait pas franchement permis !

Un héritage pas très visible

Il faut bien le dire, la marque est rarement commémorée. Encore une fois on va faire un parallèle avec Simca puisque, ces dernières années, sur les grands événements qui jalonnent nos années de passionnés de voitures anciennes, seul le salon Epoqu’Auto 2018 a pu proposer une vraie exposition large et détaillée de Panhard.

En dehors de cela, pas grand chose. Certes, les passionnés se rassemblent pour fêter la marque, comme dernièrement avec les 130 ans. Pour autant les modèles ne sont que peu célébrés. On se doute que les événements qui mettront en avant les 60 ans de la Panhard 24 en 2023 seront moins nombreux que ceux qui vont fêter la Renault 5 cette année ! Et ce n’est pas la faute des clubs qui se démènent pour être visibles.

Pour autant on en voit des mécaniques Panhard lors de grands événements, particulièrement les courses historiques. Malheureusement pour la marque, on parle souvent de Coach D.B en oubliant parfois de citer la marque du moteur, nous les premiers ! Ces mécaniques ont un beau passé ce qui permet de les voir à l’œuvre en compétition historique, du Tour Auto au Mans Classic en passant par quelques aventuriers au Monte-Carlo Historique.

Allez, une raison de se réjouir : au mois de Septembre prochain le concours d’élégance Chantilly Arts et Élégance aura une classe dédiée aux autos qui ont brillé aux 24h du Mans avec l’indice de performance. Nul doute que les bicylindres seront bien représentés !

Collectionner des Panhard ? Faut le vouloir !

Après cette première partie en forme d’état des lieux, on va tenter de savoir pourquoi Panhard n’est pas plus représentée en collection. Une partie des réponses vont se trouver directement dans l’histoire de Panhard et Levassor, ou dans la nature même des productions de la marque.

Et si le volume était le problème ?

Un souci est vite mis en lumière : celui du volume.

Jamais la doyenne n’a été une marque aux gros chiffres de production. Avant-guerre, c’est la définition même des autos qui en faisait des autos peu vendues : luxueuses, massives, les Panhard étaient des autos d’apparat. Pas au niveau d’une Delahaye ou d’une Hispano, mais au niveau des plus belles Renault ou Hotchkiss, qui tenaient leurs performances de moteurs de camions, bien plus gros.

Forcément, ça limite la diffusion des autos, qui restaient de toute façon hors de portée des ménages moyens, même pour les autos les plus abordables.

Pour autant, après-guerre, Panhard a opéré un changement radical à la suite de sa Dyna X, imposée par le plan Pons. Les autos étaient plus petites, plus abordables… mais toujours plus chères que la concurrence. Ces autos étaient techniques et performantes. Elles sont encore capables de rouler des heures à plus de 100 km/h de moyenne et, pour l’anecdote, c’est une Dyna X qui a remporté les 1000 Lacs en 1954 !

Ces autos étaient également plus sûres que les concurrentes, mais c’étaient des autos de connaisseurs et le volume restait faible.

Un exemple ? On va reprendre Simca (qui était alors 2e constructeur français derrière Renault). En 1958 la marque à l’hirondelle va produire 200.000 autos. La Dyna Z qui tire sa révérence peu de temps après s’est écoulé à 139.632 exemplaires… en 5 ans !

Avec beaucoup moins d’autos produites, il n’est pas étonnant qu’il y en ai moins qui soient arrivées jusque nous. Ce constat n’est pas valable pour toutes les autos, mais n’est pas Ferrari 250 GTO qui veut.

Moins d’autos jusque nous = moins d’autos à collectionner. Faisons un comparatif rapide du nombre d’annonces qu’on peut trouver sur différents sites (autos d’avant 1970 uniquement).

MarqueLBCSite Spé 1Site Spé 2Total
Citroën513225196934
Renault335161101597
Peugeot30613086522
Simca1256319207
Panhard2916348

Notez par exemple que sur Le Bon Coin, les marques Panhard et Simca ne sont pas répertoriées ! En tout cas cela fait une sacré différence. On trouve presque 5 fois plus de Simca à vendre que de Panhard et Levassor ! Un sacré frein pour qui voudrait se lancer sans bons contacts !

Des mécaniques très (trop ?) techniques

Au delà du problème du volume, il faut regarder d’autres paramètres.

La technique des Panhard et Levassor a été novatrice, peut-être trop. Et ce n’est pas un souci qui affecte seulement quelques autos. Non, malgré les générations, les différences techniques entre les Panhard et les autres automobiles ont toujours existé.

Prenez la période d’avant-guerre par exemple. Les moteurs sans-soupapes avec système Knight sont, sur le papier, de bonnes idées en réduisant les pièces en mouvement. Il n’y a pas que Panhard qui ait se soit lancé dans l’aventure : Avion-Voisin, Peugeot, Minerva ou Daimler l’ont aussi monté.

La différence c’est que la doyenne employait des chemises en acier et pas en fonte. Sortie d’usine, c’était une bonne idée. Pour autant, une fois ces autos arrivées en collection, ce système est complexe à restaurer. On a du mal à trouver des réguleurs de qualité pour les bielles, alors imaginez sur les chemises de ces moteurs !

Après-guerre le système change. On repasse à une mécanique plus traditionnelle… mais il faut le dire vite ! Pour compenser la petite cylindrée des moteurs Panhard, les ingénieurs ont usé de diverses techniques pour augmenter le rendement. Les ajustements sont particulièrement serrés, le démontage ne sera pas facile, le remontage ne pourra être effectué que par un spécialiste, à minima un connaisseur !

L’exemple du vilebrequin est intéressant puisque l’emploi de roulements en lieu et place des paliers lisses est déjà spécifique, le galet inverseur l’est encore plus. Il nécessite des ajustements serrés mais aussi des vilebrequins qu’on doit pouvoir démonter !

Côté pièces, c’est pas chez Norauto qu’on se dépanne ! Le panhardiste doit se constituer un réseau de fournisseurs sitôt son auto rentrée au garage. Si les clubs proposent des refabrications, du côté des pros, c’est beaucoup plus compliqué car ils sont bien rares à s’intéresser à la marque (ce qui renvoie peut-être à la problématique du volume). Par contre, on retrouve à peu près toutes les pièces, grâce aux outillages développés par ceux-ci.

Une fois les pièces trouvées, la suite sera peut-être plus compliquée puisqu’il faudra également acquérir les connaissances techniques nécessaires pour se lancer dans ces restaurations.

Banniere Panhardis copie 1- Panhard

Pourtant Panhard a ses fans

Une chose est sûre : on ne peut pas imputer la discrétion des Panhard lors des différents événements à un manque d’implication des clubs et des passionnés !

Côté clubs, on ne trouvera pas de clubs spécialisés dans tel ou tel modèle mais on retrouvera deux clubs « rivaux » principaux le Dynamic Club Panhard & Levassor et le Club Panhard et Levassor France. On complètera avec les Doyennes de Panhard et Levassor qui s’intéresse aux avant-guerre et la Fédération des Clubs Panhard et Levassor (directement créée par Jean Panhard).

Ces clubs sont particulièrement actifs. Ils contribuent pleinement à la préservation des autos. Ils relancent des fabrications quand certaines pièces deviennent difficile à trouver, avec ou sans le support des pros du secteur.

Un bon exemple de préservation, c’est le remplacement des pignons de distribution en Céloron par du Dural. Cette technique a été développée par l’usine, jamais commercialisée et Joël Brunel l’a proposé, après l’arrêt de la production, en partenariat avec les clubs. Certains ont aussi essayé de monter des paliers lisses (opération difficile en raison de la conception des pièces mais surtout de la pression d’huile de ces moteurs).

On note aussi d’autres initiatives comme les ateliers mécaniques proposés par chacun des deux clubs principaux.

Revers de la médaille, la communauté panhardiste s’est aussi coupé l’herbe sous le pied à plusieurs reprises. D’abord avec le fait que les deux clubs n’ont pas toujours tiré dans le même sens.

Et puis un autre critère, qu’on retrouve aussi chez les citroënistes par exemple, c’est le trop gros attachement à l’origine. Vouloir modifier sa Panhard devrait vous envoyer devant la Cour Pénale Internationale si on écoute certains ! Et attention, on ne limite pas ces modifications aux mécaniques (qui supportent mal les modifications), on parle aussi de l’emploi d’une pièce de 55 sur une auto de 57 par exemple. Les remarques blessantes ont eu raison de certaines bonnes volontés même si la mentalité change peu à peu.

Les clubs de la marque sont en effet plus ouverts qu’il y a encore quelques années. Le côté puriste est toujours présent mais la tolérance s’est installée. Et c’est tant mieux ! Comme tous les autres clubs, le vieillissement est une vraie problématique et on essaye d’attirer des jeunes via des cotisations réduites… mais encore faut-il avoir une Panhard au garage !

Celui qui voudrait rouler différemment pourra en effet trouver quelques modèles forts intéressants (mais il aura du mal à les acheter, comme on l’a dit précédemment). Les 24, PL 17 et autres Dyna Z étant des autos qu’on ne peut que recommander !

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Max

    Petite erreur me semble t’il….
    La marque Panhard n’a pas disparu tout simplement….
    Elle a bel et bien été engloutie également,
    par Citroën , entre 66/67 , elle même déjà rachetée par Michelin depuis le milieu des années 30.
    Ce rachat de la marque Panhard , a permis de récupérer quelques idées techniques , comme les doubles optiques, les rehausses de sièges ajustables , et de les appliquer directement sur id et ds en option dès 67 pour les rehausses ,et 68 pour les optiques.
    Le projet G plus tard ,aurait également bénéficié du savoir faire de quelques motoristes ex Panhard intégrés ,pour la motorisation de la GS.

    Répondre · · 23 février 2022 à 17 h 37 min

  2. Florian

    Concernant la mise en lumière de la marque récemment, en 2020 (et également 2021 cause COVID) le thème de l’exposition temporaire au musée de l’automobile de Valençay était Panhard.

    Répondre · · 23 février 2022 à 22 h 37 min

  3. Luc

    Ah les belles Panhard. Profilées et techniques. Parfois denigrées mais si originales.
    De beaux racers et j’ai toujours adoré les 24 CT ou BT… Peu importe affirmatif.

    Répondre · · 24 février 2022 à 12 h 16 min

  4. Francis

    Concernant les expositions des plateaux d’anciennes aux salons Epoqu’auto, c’est le Club Lyonnais des 3A qui crée chaque année une exposition d’autos avec un thème principal et deux thèmes secondaires. Pour le plateau Panhard, tout comme pour le plateau Simca la recette est simple, un cahier des charges assez rigoureux, Pas de doublons, état de présentation très bon et d’origine, présentation de la marque de ses début jusqu’à la fin. Nous nous associons avec le ou les clubs représentatif de la marque sans discrimination et nous recherchons les modéles partout, que ce soit chez les particuliers, les collections privées ou les musées. Cela a un coût que nous assumons mais la qualité est au rendez-vous.

    Répondre · · 25 février 2022 à 9 h 51 min

  5. elbaresi

    En 94, jeune permis j’ai voulu remplacé ma Fiat 500 par un Panpan 24CT. Mon père, qui avait eu une Dyna au début des années 60, m’avait refroidi : tu ne vas pas acheter ça, déjà à mon époque on ne trouvait pas les pièces alors imagine aujourd’hui !

    Répondre · · 3 mars 2022 à 15 h 00 min

    1. Francis

      Si je peut me permettre , le mode de la collection automobile a céer un microcosme éconique autour de l’auto ancienne. Il y a un nombre important d’industriels qui en vivent avec les refabrications de piéces, les prestataires de services, les assurances, etc…voir l’enquête de la FFVE. Pour Panhard j’ai vendu la mienne il y a deux ans parce que coté confort je me fait vieux pour les longues distances. Cette auto une 24 B que j’avais acheté en 1985 je l’avais refaite entiérement et j’ai roulé avec pendant de longues années. Les clubs pourvoient aux refabrications de piéces ce qui m’a permit de remplacer les piéces d’usures tout au long de cette utilisation.

      Répondre · · 3 mars 2022 à 23 h 19 min

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