Panhard CD, deux cylindres pas besoin de plus !

Publié le par Benjamin

Panhard CD, deux cylindres pas besoin de plus !

Alors que je me dirigeais vers l’essai de cette Panhard CD, c’était une véritable tempête qui s’abattait sur la Bretagne. L’éclaircie finit par arriver et se transformer en une belle journée ensoleillée, parfaite pour essayer une petite sportive méconnue, car très, très, (très) rare et surtout intrigante. Deux cylindres, ultra profilée et légère. Bref, une auto qu’il vaut mieux conduire pour s’en faire une idée.

La Panhard CD en bref

Si vous ne le saviez pas, la CD doit son nom à son créateur. Charles Deutsch, le même qui fut associé à René Bonnet pour créer les fabuleuses D.B qui se firent connaître en raflant plusieurs victoires à l’indice aux 24h du Mans. Mais leur association va prendre fin au début des années 60 quand Bonnet est plus attiré par les mécaniques Renault quand Deutsch préfère rester fidèle au léger bicylindre Panhard.

La première apparition de la nouvelle Panhard CD se fait aux 24h du Mans 1962. Trois voitures prennent le départ avec une carrosserie alu particulièrement profilée et évidemment un bicylindre vendu du Quai d’Ivry de 702 cm³. Si la meilleur n’est « que » 16e à l’arrivée, elle remporte tout de même sa catégorie des moins de 850 cm³ !

Au salon de Paris l’automne suivant débarque sa version routière. La carrosserie plus routière est cette fois réalisée en fibre de verre, chez Chappe et Gessalin, alors la référence nationale. Très étudiée, elle affiche un Cx de 0,19 et sacrifie la beauté sur l’autel de l’aéro.

Le moteur est plus gros, c’est toujours le bicylindre mais il cube 848 cm³ et sort 60ch SAE et il est accolé à une boîte à 4 vitesses. Avec la finesse de l’auto et le poids à vide de 580 kg on se retrouve avec une puce filant à 160 km/h !

Panhard est alors en grande difficulté. Citroën est en train d’absorber la doyenne et la gamme se résume à la PL17 et à la toute nouvelle 24. Deutsch trouve quand même un accord pour faire diffuser l’auto dans le réseau.

Cela n’empêchera une carrière très courte et peu de ventes. 160 autos sont construite, handicapées par le prix, la réputation du moteur et le physique clivant. Fin 1964 la Panhard CD s’arrête.

Une seule autre CD verra le jour par la suite, c’est la SP66 qui partage quelques traits avec la Panhard.

Notre Panhard CD du jour

Non, on ne peut pas dire que la Panhard CD ne ressemble à aucune autre auto. De mon point de vue du moins, on retrouve des lignes de Citroën DS dans cette auto. La raison n’a rien à voir avec la future prise de contrôle de Panhard par les Chevrons. Non, c’est plutôt dû à l’aéro. La recherche a été forte sur la petite auto et on retrouve, surtout sur la partie arrière, quelques traits de la grande routière de Citroën. L’arrière fuyant mais rebondi, les roues arrières partiellement cachées et surtout la voie arrière plus étroite que l’avant de 10 cm.

À l’avant, là il y a moins de ressemblance. Les phares rectangulaires sans bulle sont originaux. Et sont aussi le point le plus clivant (ou le moins réussi comme vous voulez) dans le style de l’auto. D’autant que les clignotants sont intégrés dans un renfoncement juste à côté. Si on s’arrêtait à ces deux points, on trouverait presque une certaine lourdeur à la ligne.

Le capot est assez long et plongeant. Il se termine avec des feux additionnels et des butoirs qui font croire que la carrosserie en fibre de verre pourrait absorber un quelconque choc. Ce qui n’est pas vraiment le cas… Une bouche béante se charge non pas d’alimenter mais de refroidir le bicylindre. L’admission d’air étant confiée à la petite prise centrale. Une ligne aéro décriée mais que je trouve plutôt réussie. Peut-être à cause de son originalité ?

Les détails sont peu nombreux. On notera les attaches de capot, très racing, les roues pleines et délicieuses, ou encore le double bossage du toit. Rien à voir avec Zagato. Rien à voir avec un passage de casque puisque notre auto est (théoriquement) une routière. Rien à voir non plus avec un raccord entre deux parties de carrosserie puisque tout est moulé d’un coup. Non, on peut y voir un trait de style ou une astuce pour rigidifier la pièce. En tout cas c’est LE détail que je note das cette auto.

Pour ce qui est de notre auto du jour on admire son état. Jamais restaurée, avec 60.000 km au compteur, elle affiche fièrement son département puisqu’elle ne l’a jamais quitté ! La roue de secours est encore celle d’origine !

Un intérieur pas si dépouillé

Contrairement à bien d’autres autos la Panhard CD ne sacrifie pas la finition intérieure sur l’autel de la chasse au poids. Ne cherchez pas non plus un habillage cuir Connolly complet ou des moquettes de 5 cm d’épaisseur.

Pour la sellerie, le marron clair des sièges et des habillages de porte de notre Panhard CD du jour est simplement superbe. En bel état, bien dessiné, il est en plus bien pensé. Il tranche bien avec la planche de bord, noire, simple et élégante.

On y retrouve tout ce qu’on pourrait y chercher. Les compteurs ronds qui se trouvent derrière l’énorme volant bois sont particulièrement grands. La casquette n’a pas seulement un but de pare-soleil, elle est là pour leur laisser de la place. Ils regroupent toutes les informations. Dans la Panhard CD il n’y a pas de cadrans déportés. Tout est regroupé devant le conducteur/pilote pour faire place au sport !

La console regroupe les autres commandes, avec des boutons poussoir ou des actionneurs aviation. Bon, sans aucune information dessus, il est quand même mieux d’avoir eu le mode d’emploi avant de démarrer ! Enfin on retrouve un levier de vitesse vraiment petit planté dans un tunnel… qui lui est en fait dédié. Un intérieur que j’ai envie d’essayer, mais je vais encore attendre un peu.

Le fameux bicylindre est là

On ouvre le grand capot pour découvrir le cœur de cette auto. Si elle est étudiée pour l’aéro, c’est à cause de lui. Si elle est compacte, aussi. Petite surprise : l’implantation n’est pas du tout centrale. Les deux cylindres à plat sont bien placés à l’avant des roues ! Une cloche permet de canaliser l’air venant de la calandre vers leur refroidissement et les sorties d’échappement se font vers l’avant avant de repasser sous la mécanique.

Pour une fois la place autour du moteur n’est pas à l’avant de ce dernier mais bien à l’arrière, vers le tablier. Un moteur qui peut se montrer capricieux et qui devra être entretenu et réglé par un spécialiste. Ça tombe bien, c’en est un qui va m’accompagner. Alors il est temps de fermer le capot et de se mettre au volant.

Au volant de la Panhard CD

Je suis un géant, c’est bien connu. Du haut de mon mètre soixante-treize il est bien rare que j’ai du mal à rentrer dans une auto. La Panhard CD ménage pourtant une belle longueur d’ouverture de portière. Par contre pour ce qui est de la hauteur, c’est autre chose. Donc grande première, je me cogne en rentrant. Au moins je teste la solidité de la fibre, j’ai beau avoir la tête dure, rien n’a bougé.

Bernard est un peu plus petit que moi et je commence par reculer le siège pour être bien assis. La position est confortable, le grand volant est légèrement décalé sur la droite mais rien de bien méchant puisque les pédales le sont aussi. On m’avait demandé de prendre des chaussures fines, je comprend pourquoi. Freinez en Doc Martens et vous embarquerez les deux autres pédales au passage ! Leur toucher est agréable et il me tâte de les écraser. Dernière vérif, la boîte. Pas de mauvaise surprise puisque toutes les synchros sont là. Le levier est suffisamment haut pour me tomber sous la main.

La tempête est passée, le soleil est là presque tout le temps. Contact, démarreur, gaz et le bicylindre Panhard s’ébroue. J’avoue que même dans une Dyna ou une 24, il me tardait de l’essayer. On me le décrit comme « pas facile » avec une plage d’utilisation assez spéciale. Ce n’est pas la première fois que je reçoit cet avertissement en particulier, des fois ce n’est carrément pas justifié. Là… bah quand même un peu.

La pédale de droite s’enfonce allègrement et le moteur prend ses tours. La pédale de gauche remonte, on est partis. Devant moi les aiguilles des deux grands (ou énormes c’est au choix) cadrans commencent à tourner. Et il est quand même étonnant de voir à quel point celle de gauche, le compte-tour est plus prompte à gigoter que celle de droite. La première est courte et en plus le moteur prend bien ses tours. L’heure n’est pas encore au sport. Je passe la vitesse à l’oreille… et je suis déjà à près de 4000 tours !

Je me cale en troisième, ça suffira pour cette zone urbaine. Bon, c’est pas forcément la meilleur idée pour soigner un acouphène mais la 4e n’est pas vraiment compatible avec cette mécanique qui veut vraiment monter dans les tours et dont le couple est quand même très réduit. Pour un rythme normal, il faut rouler entre 2500 et 4500 tours. Et encore on est dans du normal pépère hein.

Voilà les premières virages qui approchent. Vous l’aurez deviné, ce ne sont que des ronds-points. Je teste le freinage de la bête. Je ne vais pas m’attarder dessus : rien à dire, ça freine, fort si besoin, longtemps, sans à coup. Avec une bestiole de moins d’une tonne, le contraire eut été dommage. Je teste aussi le comportement de la Panhard CD en virage. J’ai beau arriver un peu fort, elle ne bronche pas. Vive dans le changement de direction, bien aidée par l’accélérateur en sortie de courbe, cette traction est bien moins pataude qu’on pourrait le penser. Le poids joue, mais encore une fois, c’est une traction dont on peut avoir quelques craintes sur le papier.

La ville c’est fini, même si en Bretagne et particulièrement près de la cote, ce n’est pas pour très longtemps ! Alors je me permet d’enfoncer la pédale de droite. Et effectivement… ça n’a rien à voir. J’étais vraiment en mode très pépère et quand l’aiguille du compte tour dépasse la verticale et file vers la droite, la mise en vitesse est réelle. On a que deux cylindres mais c’est amplement suffisant. Pour en rajouter sur cette impression, il y a le son. Un son unique, qu’on ne retrouve dans aucun autre bicylindre, qu’il soit Fiat ou Citroën. Le châssis suit toujours impeccablement. On notera quand même une tendance logique au sous-virage.

Du coup ? Et bien je m’amuse. La Panhard CD reste une auto faite pour ça non. Ah oui, pour la course aussi. Mais bon, j’ai un exemplaire sur route alors j’en profite. Je ménage quand même la mécanique en ne montant pas trop dans les tours. Mais ça suffit. Quand ce n’est pas la vitesse qui est sympa, c’est l’accélération. Et du coup l’enfilade de lieux dits passe carrément mieux. Quand on décide de prendre des routes plus petites, je remarque enfin que notre auto du jour a tellement tendance à vouloir lire la route… qu’elle lit même le moindre trou. Oui, elle a quelques airs de DS. Non elle n’en a pas le confort.

Mais ce n’est pas grave. Déjà parce que ce n’est pas ce qu’on lui demande. Et ensuite parce que voyager au pas (à 80 km/h quoi) n’est du tout désagréable.

Allez c’est fini. Preuve que cette petite sportive m’a vidé la tête, j’en ai oublié de la baisser. Et je me cogne une seconde fois au moment de descendre !

Conclusion

C’est le genre d’auto que j’aime essayer. Une auto dont je ne sais pas quoi penser avant de partir. Une auto qui sait distiller des sensations sans forcément risquer votre permis dans l’histoire. Entre une mécanique qui ne demande qu’à jouer et un châssis qui le suivra dans ses idées les plus folles, on a là une auto parfaite pour se regreffer un sourire sur le visage.

Evidemment elle a ses points noirs, mais elle mérite d’être découverte. Et exploitée sur des routes plus appropriées !

Points forts Points faibles
Le moteur rageurSa rareté
Le châssis légerUn entretien pour spécialistes
Des perfs étonnantesInterdit aux grands
image 3- Panhard CD

Conduire une Panhard CD

Vous voulez acheter une Panhard CD ? Avec une production si confidentielle il sera très difficile de trouver une Panhard CD. Mais ce n’est pas impossible. Notez quand même que c’est une auto de spécialiste. Et si vous arrivez à en acheter une autour de 60.000 €, vous le ferez certainement auprès d’un spécialiste. Et on vous conseille d’en rester proche puisque l’entretien de cette auto, et en particulier du moteur ne s’improvise pas.

Un grand merci à Bernard Le Drogo, du Club Panhard France pour nous avoir accompagné pendant cet essai.

Fiche Technique de la Panhard CD
Mécanique Performances
Architecture 2 Cylindres à plat Vmax 160 km/h
Cylindrée 848 cm³ 0 à 100 km/h NC
Soupapes 4 400m da NC
Puissance Max 60 ch SAE à 5750 tr/min 1000m da NC
Couple Max 75 Nm à 3600 tr/min Poids / Puissance 9,6 kg/ch
Boîte de vitesse 4 rapports manuelle

Transmission Traction
Châssis Conso Mixte NC
Position Moteur Porte à faux avantConso Sportive NC
Freinage Tambours AV et Ar
Dimensions Lxlxh 406 x 160 x 118 cm Cote 202060.000 €
Poids 580 kg

Photos additionnelles : Panhard Racing Team

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Pascal

    Quelle histoire, bravo ça se lit comme une bande dessinée p, on s’y voit. J’en redemande. Merci.

    Répondre · · 29 juin 2020 à 19 h 34 min

    1. Benjamin

      Merci ! À partager sans modération alors !

      Répondre · · 29 juin 2020 à 20 h 43 min

  2. Cordeau

    Bonsoir j’ai l’intention de refaire une alpine 1600 berlinette en partant d’un châssis poutre aurait tu des adresse et des conseils pour moi merci pour tes reportages cordialement xavier

    Répondre · · 29 juin 2020 à 20 h 21 min

  3. Didier MONNET

    Un essai comme on les aime, bravo !
    J’ai eu la chance d’en voir une de près à un rasso à deux pas de chez moi.
    Une belle auto, qui nous replonge dans une époque où « l’auto-diversité » était fantastique. Chouette, ça veut dire encore de nombreux essais à venir !
    Didier

    Répondre · · 30 juin 2020 à 13 h 39 min

    1. Benjamin

      Oh oui, on devrait vous en proposer plusieurs dans les semaines à venir !

      Répondre · · 30 juin 2020 à 14 h 44 min

  4. CLAUDE FENIOU

    Bonjour cordeau ,
    j’ai un copain qui non seulement il connait l’A110 sur le bout des doigts mais en
    à fabriqué en dordogne on en n’a vu roulée au TDF .
    Je lui transmet ta question en espérant qu’il te réponde!
    Claude

    Répondre · · 6 septembre 2020 à 15 h 20 min

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