Cela faisait bien longtemps qu’on avait envie d’essayer ce roadster. Oui, un roadster, allemand, dont la beauté est reconnue, forcément ça attire. En plus, il faut profiter de l’occasion puisque, cette année, il n’y a pas que la DS qui a 70 ans. La Mercedes 190 SL souffle également ses 70 bougies cette année et elle le fait sans avoir pris une ride. Par contre, est-ce que ses performances sont encore dans le coup et sont à la hauteur de sa ligne… et bien c’est là toute la question. Alors on se met au volant.
Au sommaire :
Notre Mercedes 190 SL du jour
Physique de star
Quelle beauté ! Le design de notre allemande est une partie de sa raison d’être. Car si Max Hoffman l’a demandée à Mercedes, c’est bien parce qu’il avait également demandé une 300 SL de route. Le coupé papillon naîtra ainsi tandis qu’il fallait aussi un roadster et une voiture moins chère. C’est comme ça qu’on a créé la Mercedes 190 SL.
La version présentée en 1954 est un copier-coller avec redimensionnement au programme. La version définitive, avec de gros changements majoritairement techniques, on en reparlera, est donc présentée en 1955 et c’est notre voiture du jour. Même si celle-ci est de 1962, il y a eu très peu d’évolutions stylistiques sur la Mercedes 190 SL. Elle a donc toujours été belle. Et ça tient à plusieurs facteurs différents.

(La Ferrari 365 GT 2+2 était aussi de la partie)
On débute par l’avant. Si vous reconnaissez la 300 SL, dites vous que cette itération s’en éloignait pourtant ! Par rapport au prototype du début 1954, la calandre a été redessinée, avec cet arrondi et cette simple ligne centrale qui vient se lier avec l’étoile qu’on ne peut pas rater. Le capot en profite pour être légèrement plus haut, moins plongeant en tout cas. Bon point, on a aussi supprimé la petite prise d’air sur le capot. Celui-ci arbore un bossage central au lieu des deux de la 300 SL.
Ce n’est pas un jeu des X erreurs puisque finalement la Mercedes 190 SL a sa propre identité. Le pare-chocs est une superbe pièce qui ondule pour épouser les traits de la carrosserie. On note un gain de finesse à la disparition des butoirs qui ornent normalement notre roadster du jour mais qui ont disparu de nombreux exemplaires.



Sur le profil on va retrouver une autre filiation stylistique avec le coupé papillon. Regardez au-dessus des roues, à l’avant comme à l’arrière. Ce petit bourrelet qu’on ne veut pas masquer et qu’on réhausse même avec une baguette, et bien c’est le même que celui de la 300 SL… en plus court quand même. Oui, la Mercedes 190 SL est plus petite mais n’est pas une petite voiture pour autant avec ses 4,29m de long et 1,74m de large. On ajoute quelques chromes bien visibles, des rétroviseurs au bas de caisse qui s’épaissit devant l’aile arrière et, même, au niveau des jantes.
Le profil permet aussi de bien voir la finesse de la ligne. Les roadsters ne sont pas toujours superbes quand on arrive sur la partie arrière. Ici, la capote est bien dissimulée. Et puis il n’y a pas de renflement après l’habitacle, la ligne redescend et va épouser la ligne (finalement épaisse) formée par l’aile arrière qui dessine également un gros porte-à-faux.

Vue de l’arrière, la Mercedes 190 SL enfonce le clou. La finesse vue sur le profil s’affirme. Pour rappeler la grosse étoile de la calandre, c’est le coffre qui en porte une autre, de bonne taille elle aussi. Le monogramme du modèle apparaît juste en-dessous. De ce côté, les butoirs sont en place mais ils ne choquent pas. Les feux arrière, même élargis en 1956 pour devenir similaire à ceux des « Ponton », restent de taille réduite et placés au bout d’ailes vraiment fines.
En bref, le dessin de l’allemande approche du sans-faute. On comprend pourquoi on n’a pas repris la ligne qui était réussie dès le départ. Ici on admire une Mercedes 190 SL roadster mais il faut signaler que les coupés (en fait la même voiture dotée d’un hard-top) étaient également élégants. Cette ligne est un gros atout pour notre voiture ancienne étoilée et c’est certainement un des points qui fait qu’elle est toujours aussi recherchée.



Technique : vraie petite sœur
Si la ligne renvoie toujours à une 300 SL en réduction, c’est particulièrement vrai pour la technique (même si on a bien travaillé sur ce point également). La preuve n°1 c’est ce moteur 4 cylindres. Il est directement dérivé de celui de la grande sœur et c’est à lui que la Mercedes 190 SL doit son appelation.

Forcément on n’allait pas faire une petite sœur à 6 cylindres surtout qu’il fallait que l’auto soit moins chère. On a donc créé un 4 cylindres en enlevant deux cylindres. Cela nous donne 1897cm³ de cylindrée et le nom de la voiture. On n’a pas non plus gardé l’injection et on se contente ici de carbus double-corps Solex qui permettent de sortir 105ch. Pour l’époque, c’est une belle cavalerie qui permet à l’auto de filer à 175km/h. La suprématie de la 300 SL est conservée mais la Mercedes 190 SL ne se traîne pas pour autant.
Sur le reste de la technique, on n’a pas TOUT copié non plus. Si le premier prototype reprenait le même châssis en le réduisant, c’était trop cher. Exit le châssis tubulaire, la Mercedes 190 SL repose finalement sur une base de W121 raccourcie. Toujours pour limiter les coûts, on débute avec des freins à tambours.
Chose assez rare à noter : l’évolution de la Mercedes 190 SL. Elle est notable parce qu’elle est quasiment absente ! Entre ses débuts en 1955 et son arrêt en 1963, la technique n’évolue pas. Pas de freins à disque au programme (quand les concurrentes s’en dotaient au tournant des années 60) et une seule évolution moteur en 1961 qui ne change pas grand chose aux performances.



Intérieur : la classe allemande
Il faut être sacrément ronchon pour ne pas apprécier l’intérieur de la Mercedes 190 SL. On sent facilement l’harmonie et le luxe en jetant un coup d’œil à l’intérieur. Ce n’est pas un intérieur anglais, il n’y a pas de bois, mais on retrouve une sellerie superbe et le rappel de la couleur de la carrosserie qui apporte, dans cette configuration, un magnifique contraste.

Même en se voulant moins chère que la 300, la Mercedes 190 SL se devait de rester… une Mercedes en fait. Ça se sent vite. Certes, notre auto du jour a été restaurée mais la qualité perçue est indéniable. Niveau dessin, par contre, on est vraiment proche de la 300 en reprenant les mêmes formes.
L’instrumentation est complète. Derrière le volant dont la couleur de la jante est assortie à celle de la sellerie on retrouve deux gros compteurs, le compte-tours à gauche et le tachymètre à droite. En-dessous, un peu moins visibles, on retrouve la pression d’huile, la température d’eau et la jauge de carburant. Ajoutez quelques voyants (trois),une montre déportée sur la boite à gant (après 1956), les aérations et on a fait le tour de cette planche de bord. Petit détail très vintage (et pas réservé aux cabriolets de l’époque), le rétroviseur central trône sur la planche de bord.
On notera que le levier de vitesse est bien seul au milieu de l’habitacle tandis que les portes sont parfaitement habillées dans le même ton que le reste de la sellerie. Petite particularité de la Mercedes 190 SL quand on évoque les sièges : elle n’existait pas en 4 places… mais en trois places ! On pouvait demander en option un troisième siège qui s’installait perpendiculairement aux autres, juste derrière ! Niveau confort… ça laissait certainement à désirer. Mais on va voir ce que donnent les deux autres.



Au volant de la Mercedes 190 SL
L’installation est facile. Le fait que la Mercedes 190 SL soit un roadster et qu’on ait d’emblée laissé la capote sous son cache joue énormément. Contact mis, c’est par un bouton poussoir qu’on lance le 4 cylindres. Il s’ébroue sans aucun problème. Niveau son ? Alors ne vous attendez pas à plus d’agrément qu’avec un 4 cylindres anglais d’une concurrente directe. C’est bien un 4 cylindres et ce n’est pas très chantant.
On démarre en ville. Il faut avouer que c’est rarement un terrain de jeu de prédilection pour une voiture des années 50 (tout du moins née dans les années 50). Mais ici on trouve peu de ralentisseurs donc on ne va pas se plaindre. On trouve un peu de monde et la Mercedes 190 SL est comme un ovni au milieu des citadines et autres SUVs. C’est bien elle qui attire les regards, malgré sa robe discrète. La ligne fait se lever pouces et smartphones et on devient vite la star du moment au feu rouge.
Quand il passe au vert, pas de panique, le démarrage est facile. La boîte répond bien et on se retrouve à rouler en 4e sur un filet de gaz jusqu’à ce que le panneau de sortie d’agglomération ne soit dépassé. À ce moment, on vous déconseille de relancer en 4e. Mieux vaut tomber un rapport pour accélérer. La Mercedes 190 SL le fait docilement. Si l’exercice est bien plus facile qu’avec une populaire des mêmes années (y compris une reine de la route française), on perçoit déjà que la fulgurance ne sera pas au programme.



Arrivé à vitesse de croisière, la Mercedes 190 SL se montre une bonne voyageuse. Le moteur n’a pas besoin d’être trop sollicité pour maintenir les 80km/h, même en montée. Ça joue sur l’ambiance sonore et on peut discuter sereinement sans s’égosiller. Cependant, la ligne de caisse est tout de même basse et comme le mercure est bas lui aussi, remonter les vitres peut être une bonne idée qui ne coupe pas du plaisir de rouler en roadster. La suspension est bonne et gomme pas mal d’imperfections des départementales. Ajouté au confort des sièges, on passe un moment très agréable.
Les kilomètres s’enchaînent. Chaque village permet de jauger les freins et la direction. Les premiers sont efficaces et font mieux que ralentir tandis que la direction est suffisamment précise. Je mets juste un peu de temps pour trouver les clignotants. Pas de bouton ou de commodo… il faut en fait tourner la couronne chromée sur le volant !
Pour le moment, tout se passe à rythme de sénateur. Des vitesses parfaitement adaptées à l’image d’une Mercedes de l’époque mais nous sommes quand même au volant d’une Mercedes 190 SL et le SL veut dire Sport Leicht. Alors on va hausser le ton. Sortant d’un village, on pousse le moteur dans les tours. Le moteur se fait plus présent dans nos oreilles mais la poussée est mesurée. Très mesurée en fait. Il y a 105ch mais le comportement n’a rien de très sportif. Le 0 à 100 est abattu en 14s et ça se sent.



Dans un (rare dans ce coin-là) enchaînement de virages, on pousse aussi. Côté freinage, ça reste très correct. Cependant, si le moteur était plus volontaire, les tambours pourraient vite être à la peine. La direction, elle, ne souffre pas et reste précise. Le châssis n’est pas tubulaire et issu de la compétition mais ça ne gêne pas le comportement. La Mercedes 190 SL est assez basse et équilibrée, les virages ne créent pas de gros mouvements de caisse. Par contre la relance est définitivement molle. Dommage, freins mis à part, le reste de la voiture gagnerait à avoir quelques chevaux de plus à disposition.
On a beau recommencer… on se rend vite compte que pousser la Mercedes 190 SL pour en faire une sportive ne sert pas à grand chose. Alors, oui, elle reste performante et laisse un bon nombre de roadster de la même époque dans ses rétroviseurs (plutôt bien implantés d’ailleurs), mais ça n’en fait pas une sportive, à moins de la préparer vraiment et certains l’ont fait avec succès.


Alors on repense à sa ligne, à son intérieur, à son agrément en fait. C’est peut-être réducteur pour la Mercedes 190 SL et ça la descend d’un piédestal sur lequel beaucoup pourraient l’installer avant de se mettre à son volant. Mais est-ce une mauvaise chose ? Voyager sereinement dans une voiture de cet âge, avec le plaisir d’avoir les cheveux au vent, c’est aussi carrément sympathique. Certes, d’autres voitures le permettent. Mais une Caravelle (par exemple) ne propose pas la même ligne, ni les mêmes performances. Alors on relativise, et on en conserve le meilleur.
Conclusion
La Mercedes 190 SL est typiquement le genre de voiture dont on attend beaucoup. Cela tient de son histoire puisqu’être la petite sœur de la 300 SL est une étiquette dont elle ne peut se défaire. Malgré cela, elle n’a rien à voir avec une sportive dérivée d’une voiture de course. C’est une voiture plus simple, plus rustique et elle a vraiment laissé le côté sportif à sa grande sœur. Beaucoup l’imaginent différente de ce qu’elle est réellement et on se doute que ça créera quelques frustrations au moment de se mettre au volant.
Ce qu’elle a conservé, par contre, c’est l’image d’une voiture sublime, d’agrément. Une voiture avec laquelle on se baladera avant de choisir une autre monture pour aller taquiner le chrono et une voiture avec laquelle on repartira les cheveux au vent… jusqu’à la garer sur un beau point de vue pour l’admirer. Est-ce que ce n’est pas déjà suffisant pour en faire une voiture ancienne ancienne désirable ?
Les plus de la Mercedes 190 SL | Les moins de la Mercedes 190 SL |
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Sa ligne somptueuse | Pas sportive |
Ses perfs (pour l’époque) | Cote élevée |
Son confort | |
Son aura |




Fiche technique | Mercedes 190 SL |
Années | 1955-1963 |
Mécanique | |
Architecture | 4 cylindres en ligne |
Cylindrée | 1897 cm³ |
Alimentation | 2 Carburateurs |
Soupapes | 8 |
Puissance Max | 105ch à 5700 trs/min |
Couple Max | 142Nm à 3200 trs/min |
Boîte de Vitesse | Manuelle 4 rapports |
Transmission | Propulsion |
Châssis | |
Position Moteur | Longitudinale Avant |
Freinage | Tambours AV et AR |
Voies | AV 1430 mm / AR 1475 mm |
Empattement | 2400 mm |
Dimensions L x l x h | 4290 x 1740 x 1320 mm |
Poids (relevé) | 1270 kg |
Performances | |
Vmax Mesurée | 171 km/h |
0 à 100 km/h | 14,1s |
400m d.a | 18,7s |
1000m d.a | 34,8s |
Poids/Puissance | 12,09 kg/ch |
Conso Mixte | ± 11 litres / 100km |
Conso Sportive | ± 17 litres / 100 km |
Prix | ± 130.000 € |
Rouler en Mercedes 190 SL
Beaucoup en rêvent, c’est vrai. La Mercedes 190 SL est une star de la collection et de nombreux collectionneurs aimeraient en avoir une au garage. On l’a dit, ça se comprend. Par contre, en acheter une n’est pas si facile.
Déjà, il faut se dire qu’elle n’est pas si courante. 25.881 exemplaires, ce n’est pas une rareté absolue mais la Mercedes 190 SL a été voulue par Max Hoffman et c’est effectivement le marché américain qui a absorbé une très grosse partie de la production : 80% des autos ont traversé l’Atlantique. Heureusement, certaines sont restées en Europe et, surtout, beaucoup prennent le bateau pour revenir par chez nous.
Côté prix, ça pique ! Heureusement, la Mercedes 190 SL reste une 300 SL très réduite à ce prix là. Quand les coupés papillon et autres roadsters dépassent allègrement le million, les Mercedes 190 SL sont plutôt à 10% de cette valeur. On trouvera des exemplaires dès 60.000€. À ce prix là, les kilométrages seront parfois élevés et les autos auront vécu. Pour un véhicule restauré dans le passé ou dans un bel état de préservation, on montera au-dessous des 100.000€. Vu que les prix ont augmenté, le nombre d’exemplaires complètement restauré a bondi. La cote est alors comprise entre 120 et 140.000€. Un exemplaire en état concours peut d’ailleurs approcher les 160.000€.
Attention cependant, l’achat est une chose mais l’entretien en est une autre. Si les pièces ne sont pas hors de prix, surtout pour une voiture ancienne à ces tarifs, la Mercedes 190 SL reste une auto qu’il faut bichonner et une auto technologique. Le système de rattrapage de l’usure des freins demandera de l’application sous peine de très mauvaises surprises tandis que le réglage de la carburation et de l’allumage pourra pousser certains à s’arracher les cheveux. Cela reste cependant à la portée des spécialistes de l’entretien des véhicules anciens tandis que la fiabilité d’une voiture bien réglée est globalement bonne pour une voiture de cet âge.
Merci à Sylvie pour avoir autorisé cet essai et à Julien de Retrograd pour l’avoir organisé. Merci également au Château de Droupt-st-Basle et à la mairie d’Arcis-sur-Aube pour le lieu de nos prises de vue.








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