[Dossier] L’investissement dans la voiture ancienne

Publié le par Benjamin

[Dossier] L’investissement dans la voiture ancienne

Il est rare de ne pas passer une semaine sans qu’on voit des messages passer sur nos réseaux sociaux dénonçant la hausse des prix des voitures anciennes. C’est un fait qu’on ne peut pas nier, beaucoup d’autos prennent de la valeur et deviennent inaccessibles à certains. Du coup on (entendez par « on » : les collectionneurs qui se plaignent) pointe du doigt des investisseurs qui font flamber les prix en achetant au prix fort sans se soucier de ce qu’ils achètent. Est-ce pour autant une vérité ? C’est ce qu’on a cherché à savoir.

Investir dans les voitures anciennes… mais pourquoi ?

L’idée serait donc que certains viennent se faire de l’argent sur le dos des collectionneurs en achetant des voitures anciennes avant de les revendre quelques années plus tard en empochant une plus-value. C’est vrai que l’idée est belle et il est certain qu’elle est appliquée par quelques uns, avec probablement des résultats intéressants d’ailleurs.

L’investissement dans les voitures anciennes : une question de rentabilité

Même si cette activité est marginale, elle repose donc sur le fait que les voitures anciennes prennent de la valeur au fil des années. On peut déjà vous dire que cela ne repose pas QUE sur cette question d’investisseurs. On avait déjà traité la question avec le phénomène d’aspiration qui peut se résumer sur le « report » de l’acheteur mais la question de l’offre et de la demande est également au centre des débats.

Le fait est que les prix montent. C’est quelque chose qu’on ne peut pas nier et, finalement, peu d’autos voient leur cote stagner quand on regarde sur une période de 5 ans. Celles qui sont concernées sont généralement arrivées à leur cote maximum, celle qui fait que les acheteurs potentiels s’amenuisent car dépasser ce palier signifierait un gros risque de perte d’argent à la revente ou empêcherait d’engager des travaux avant de revendre l’auto. Cela touche autant des populaires que des autos très chères.

Quand on parle d’un investissement il faut donc viser juste et miser sur des autos qui vont monter. Et oui, pour investir, il va falloir faire un pari et miser sur la bonne voiture ancienne, celle qui permettra de faire une bonne plus-value à la revente.

Certaines autos s’y prêtent bien. On parle de monstres sacrés, de voitures construites par des constructeurs renommés, des sportives, des autos luxueuses ou des autos de course (mais dans ce cas, il y a des choses à éviter). Par contre, elles sont chères. Pour trouver des autos plus abordable, il faudra faire le pari que leur cote montera. On pense alors à des autos qui ont plus le profil bombinette et dont on sait qu’un jour ou l’autre, elles devraient s’arracher.

En tout cas, si on choisit bien sa « cible », il n’est pas impossible de réussir à faire une belle opération. 20% sur cinq ans ? C’est possible. Et ça peut même monter au-dessus dans certains cas. En tout cas, comme dans tout commerce (puisque dans le cas précis, c’en est un), avant de bien vendre, il faudra bien acheter.

Investissement = risques !

Attention cependant, la pratique n’est pas sans risque. Comme au PMU le dimanche matin, il arrive de parier sur le mauvais cheval ! Un exemple ? Évoquons par exemple deux autos avec un cheval cabré à l’avant. Il y a quelques années, la Ferrari Daytona voyait sa cote monter en flèche et approcher le million pour les plus beaux modèles ! Sauf que la cote est redescendue pour se stabiliser autour des 600.000€. Même chose, à une autre échelle, pour la Testarossa qui visait les 130 voire 150.000€ avant qu’elle ne se stabilise autour des 100.000€.

En fait, investir dans une voiture ancienne peut s’apparenter à l’investissement dans des actions. Il faut bien choisir la voiture ancienne en question (comme l’entreprise) et identifier à l’avance ce qui pourrait faire monter sa cote dans les prochaines années (et il n’y a pas de bilans comptable de dispo, juste des cotes qui donnent une tendance). Encore une fois, c’est un pari !

Ça, c’était pour le côté purement spéculateur. Car même en misant sur une voiture ancienne pour gagner de l’argent, certains ne peuvent s’empêcher de laisser l’auto au garage et on les comprend. De fait, rouler présente un risque. Un risque quand la valeur de l’auto repose en partie sur son faible kilométrage (d’où le côté « pièce de musée » de ces voitures anciennes particulières) mais également un risque d’avoir un accident tout simplement. Hors, il faut absolument protéger sa voiture ancienne avec une bonne assurance et on sait que certains (notamment ceux qui ne sont pas connaisseurs) négligent leur assurance pourtant différente celle d’une voiture « de tous les jours », de l’usage au stockage, sans parler du vol !

Les entreprises s’y mettent

Si investir dans l’art ou dans les bijoux n’a jamais soulevé de questions, l’investissement dans les voitures anciennes a longtemps été méconnu. Pourtant, certains le font depuis très longtemps, qu’ils en soient conscients ou non (on en reparle plus bas). Finalement, les résultats sont là et certains n’ont pas échappé à l’idée de commercialiser les voitures anciennes comme des placements, bien aidés par ceux qui ont alors pensé à de véritables produits financiers.

Si la pratique n’est pas répandue en France, certaines banques proposent des services de financement entièrement dédiées et adaptées au marché des voitures anciennes. Là, on entre dans l’investissement pur et le risque est d’autant plus grand qu’il faut rembourser l’emprunt en plus de penser à la revente de la voiture.

Par contre commencent à apparaître en France des société qui permettent l’achat d’une voiture ancienne dans un but de plus-value. En gros, vous pouvez acheter une voiture, seul ou à plusieurs, une voiture dont la cote grimpera probablement dans les années à venir. Ces autos sont ensuite proposées à la location et permettent de générer des revenus et vous « sortez » de votre investissement ensuite et empochez votre plus-value. En bonus ? Vous pouvez évidemment rouler avec un certain nombre de week-end dans l’année et vous ne vous souciez pas de l’entretien !

Un profil d’investisseur ?

D’abord est-ce que ce profil existe ? L’an dernier, Gautier Rossignol, directeur du département Automobile de Collection et Automobilia de la maison de vente aux enchères Aguttes nous avait répondu sur l’existence même de ces investisseurs.

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« Les investisseurs dans la voiture ancienne existent. En fait les investisseurs sont partout, ils investissent dans l’art, dans les vins, dans les montres, les bijoux, qui sont d’autres objets passions à forte valeur. »

« Néanmoins, ce n’est pas parce qu’on est investisseur que l’on n’aime pas ce dans quoi on investit. Nous avons des clients qui ont investi dans une voiture en choisissant bien la voiture parce que celle-ci leur parlait et qui veulent rouler avec, l’admirer, bref, être heureux d’en être propriétaire sans perdre d’argent. Mais il en existe aussi qui achètent « froidement » en choisissant les modèles qui vont monter et qui cherchent donc à gagner de l’argent. »

Il ne faut donc pas forcément voir celui investit dans la voiture ancienne comme on pourrait voir un trader agressif qui vendrait à découvert quitte à saboter la valeur qu’il a acheté. Non, beaucoup de ceux qui investissent dans la voiture ancienne aiment également l’objet, le bichonnent et ne se contentent pas de le laisser au garage en attendant la revente. Si l’aspect pécunier est présent, l’aspect passion n’en est pas dissocié.

Les voitures anciennes : plutôt une valeur refuge

C’est finalement ce qui apparaît. Si pour certains la voiture ancienne est un investissement spéculatif permettant de gagner de l’argent plus ou moins rapidement, ils sont finalement marginaux. Ce que beaucoup cherchent finalement avec une voiture ancienne, c’est une valeur refuge. Donc ce n’est pas tant un investissement qu’un placement et cela rejoint les propos de Gautier Rossignol avec ceux qui achèteraient de l’art voire des bijoux (plus que de l’or).

Et finalement ce profil… et bien c’est aussi celui du collectionneur lambda. On vous explique en se détachant volontairement de la valeur d’achat de la voiture pour en revenir à l’usage et à la finalité.

Prenons d’un côté l’investisseur dont on parle depuis le début de cet article. Cet investisseur qui veut en fait utiliser son argent, quel qu’en soit le montant, pour s’acheter une voiture ancienne qui lui fera plaisir. Une fois entrée dans son garage, il va s’en servir, l’engager sur des rallyes, partir en week-end ou en vacances avec, bref, l’utiliser comme tout collectionneur. Avec cela vient toute la partie entretien puisqu’il est autant nécessaire pour rouler que pour pouvoir maintenir la voiture en bonne condition avant de la revendre dans le futur.

Le fait est que, quand il sera lassé, quand il aura besoin de retrouver du budget pour un autre projet automobile, ou totalement différent, il va revendre sa voiture et faire en sorte de la revendre à minima en gagnant un peu d’argent et en amortissant les frais qu’il a pu faire sur la voiture ancienne en question.

De l’autre côté, on prend le pur passionné qui va acheter une voiture dont il a envie sans même penser, dans un premier temps, à l’argent que ça va lui coûter et encore moins à l’argent que cela va lui rapporter. Son usage sera globalement le même avec des balades, des week-ends, des rassos, etc. Lui aussi devra l’entretenir, qu’il le fasse avec ses mains ou qu’il délègue à un mécano. Et cela coûte de l’argent.

Le fait est que ce même collectionneur voudra peut-être changer de voiture à un moment ou partir sur un autre projet et finalement il aura de l’argent qui dort (plus ou moins souvent) dans son garage. Au moment de la vente, ce collectionneur remettra-t-il en vente la voiture au prix d’achat ou bien s’alignera-t-il sur la cote actuelle de la voiture (qui a de grandes chances d’avoir grimpé) tout en cherchant à amortir les travaux qu’il a entrepris pour rendre la voiture encore meilleure (ou simplement roulante) ? En tout cas il a des chances de gagner un peu d’argent dans l’opération.

Finalement ces deux cas de figure amènent au même point… même si l’un est plus réfléchi que l’autre. Qu’on le sache ou non, qu’on le veuille ou non, la voiture ancienne est une valeur refuge tout en étant un objet plaisir.

Ne pas oublier… la fiscalité !

Dans tous les calculs que va faire un investisseur, ou un simple vendeur, il ne faudra cependant pas oublier la fiscalité dans l’équation. La vente d’une voiture de collection est en effet soumise à une fiscalité particulière.

Toutes les voitures anciennes ne sont pas concernées. Il faudra que l’auto en question réponde à ces critères :

  • elle a plus de 30 ans
  • la production du modèle a cessé
  • elle est en état d’origine ou restaurée conformément à l’origine
  • elle est vendue plus de 5000€

Si elle rentre dans ces critères, alors une fiscalité s’appliquera à l’équation. Le vendeur aura le choix entre deux solutions :

  • la Taxe Forfaitaire sur les objets précieux : 6% du montant de la vente + 0,5% de CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale)
  • La taxe sur les plus-values avec 19% et 17,2% de prélèvements sociaux (soit 36,2% de la plus-value)

Notez que la taxe sur la plus-value est soumise à un abattement de 5% par an au-delà de la deuxième année… et donc au bout de 22 ans le véhicule est exonéré de cette taxe. Il faut donc investir sur le long terme pour y échapper !

Conclusion : un « investissement » pas si marginal

Vous l’avez compris, finalement, l’investissement est souvent un bien grand mot pour qualifier l’achat d’une voiture ancienne avec une visée pécuniaire à la sortie. La voiture ancienne est quelques fois un investissement mais c’est quasiment toujours, qu’on le veuille, qu’on le sache ou non, une valeur refuge.

Parler d’argent n’est pas vraiment quelque chose qu’on aime en France. Pourtant, de l’achat à la revente en passant par la restauration, la voiture ancienne est souvent une passion et un plaisir mais on peut rarement la déconnecter du côté pécunier. Cela ne sera pas un sacrilège, et finalement tout le monde le fait, de bien réfléchir au montant d’achat en éventualisant déjà la revente.

Dans tous les cas, il sera compliqué d’expliquer que la hausse des prix du marché est uniquement due à ces investissements qui restent très marginaux… mais surfent justement sur la hausse des prix !

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Pierre

    Lors de la revente la plus-value s’applique à tous les coûts, incluant le prix d’achat mais aussi les frais de restauration, de réparation et d’entretien ! En pratique dans la plupart des cas si on peut produire les factures on n’a pas de plus-value à déclarer et on ne paie donc pas d’impôt. La vraie plus-value étant tous les moments de plaisir qu’on aura eu avec… Si on peut la revendre à un tarif approchant ce qu’elle nous aura coûté au total, c’est déjà bien !

    Répondre · · 21 février 2024 à 12 h 09 min

  2. Ramade pierre

    C’est bien ce que l’on penser ce capitale plaisir si l’on fait quite a la revente c’est une super affaire plaisir

    Répondre · · 22 février 2024 à 0 h 16 min

  3. alexfanget

    Très bonne synthèse.
    Le véhicule de collection c’est un peu moins de 100000 transactions par an, dont 29215 en certificat d’immatriculation collection. Aussi remarquables soient t’elles, les ventes avec réalisation de vraies plus-values restent marginales ; en effet il ne faut pas oublier de déduire les frais et charges. En revanche la notion de valeur refuge est bien adaptée. La plupart des collectionneurs sont avant tout des passionnés, la motivation première reste le plaisir de posséder un modèle qui répond à leurs attentes. La mutation que vit actuellement l’automobile, l’évolution des modes de mobilités sont les vecteurs essentiels de la progression des prix sur le marché, le collectionneur cherche la voiture plaisir, mais attention seuls les beaux exemplaires en configuration d’origine conserveront leur valeur.

    Répondre · · 22 février 2024 à 9 h 30 min

  4. Robert

    Nous sommes d’ accord : à part des modèles bien spécifiques où l’ on peut espérer une plus-value significative, la voiture de collection est d’ abord un achat-plaisir. Les frais d’ entretien et réparations diverses peuvent peser lourd au bout de quelques années et amputer sévèrement une éventuelle plus-value…

    Répondre · · 8 mars 2024 à 5 h 04 min

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