Parce que toutes les autos anciennes ne sont pas arrivées sur nos routes, on vous propose d’en découvrir régulièrement. Rendez-vous le deuxième dimanche de chaque mois (les épisodes précédents sont là). Ce mois-ci, penchons-nous sur une italienne qui va devoir attendre presque quinze ans pour que son concept aboutisse, la Lamborghini P140.
Lamborghini, retour aux affaires, sauce américaine
La fin des années 1970 a été rude pour le constructeur italien. La Countach, bien que se vendant plutôt bien, ne suffit à maintenir le constructeur à flot, et ce ne sont pas les Uracco et Jalpa qui aident à faire monter les bénéfices.
En août 1978, l’entreprise est mise sous procédure de sauvegarde, notamment à cause de l’annulation de leur contrat concernant le développement de la BMW M1 (détail assez surprenant, puisque BMW quelques années plutôt avait aidé au développement du prototype AMC AMX/3), et ce sont des importateurs allemands de Lamborghini qui finissent à la tête de la marque au taureau au début 1980.
Quelques mois plus tard, ce sont les frères Mimran, entrepreneurs dans l’agroalimentaire passionnés d’automobile, qui en deviennent administrateurs, avant d’en prendre possession en 1981. Il lancent notamment la production de la Jalpa en 1982, grosse evolution de la Silhouette. Malheureusement poour eux, cela ne suffit pas à relancer la marque, et les évolutions de la Countach tiennent plus du mauvais tuning et du bricolage que du développement (je vous invite à regarder l’épisode des Anciennes à la Manette qui y est consacré).
C’est dans ce contexte morose qu’arrive Chrysler, qui s’est refait une santé après s’être débarrassé des ses actifs européens à la fin des années 70. Le Pentastar prend les commandes de Lamborghini en 1987, pour 33 millions de dollars. La première étape est d’injecter 50 millions supplémentaires afin d’achever le développement de la remplaçante de la Countach, dont le projet s’éternise, et de se pencher sur la mise en production d’une remplaçante à la Jalpa vieillissante.



Une nouvelle baby Lambo
Malgré les relations plus que glaciales entre Gandini et Chrysler, qui a modifié lourdement le dessin du designer italien pour la future Diablo, c’est bien lui qui revient signer la Lamborghini P140. La filiation entre les deux voitures est évidente dans son allure générale, et on peut même, avec le recul, voir quelques indices de ce qui sera l’EB110, elle aussi en partie dessinée par Gandini.
La voiture, présentée en 1989, propose une configuration proche de celle de la Jalpa, avec son toit amovible. Cependant, les choix techniques, eux sont assez radicalement différents. La Lamborghini P140 fait appel massivement à l’aluminium et surtout le V8 laisse place à une architecture encore inédite pour une voiture de route, un moteur V10.
Le nouveau bloc tout alliage de 4 litres de cylindrée développe la bagatelle de 365 chevaux, envoyés aux roues arrières via une boite de vitesse à 6 rapports, et il était même envisagé une version à 4 roues motrices, histoire de compléter la gamme. Les premiers essais sur le circuit de Nardo donnent une vitesse de pointe de plus de 290 km/h, de quoi aller chasser sereinement sur les terres de la Ferrari 348, la cible de notre petit taureau.





Malheureusement pour la Lamborghini P140, Chrysler, qui a acheté la marque sans trop savoir qu’en faire, voit que la Diablo consume tout le cash injecté, et laisse le projet dans les étagères, le temps que le vaisseau amiral n’entre en production. L’histoire va finir de sceller son sort, la Guerre du Golfe, qui entraîne une flambée des prix du pétrole, et l’éclatement de la bulle financière japonaise font chuter violemment les ventes de supercars, mettant à nouveau Sant’Agata dans le rouge.
Chrysler décide alors de se séparer de la marque en 1994. Elle passe alors sous pavillon indonésien, avec MegaTech, une entité ayant à sa tête, entre autres, le fils du président Suharto. Ici aussi, les finances sont serrées, et il faudra attendre la prise de contrôle par Audi, pour qu’une petite Lamborghini, qui reprend les caractéristiques de la P140, n’apparaisse.
La Lamborghini P140 de nos jours
Trois ou quatre prototypes de la Lamborghini P140 auraient été produits. On arrive avec certitude à en identifier trois, en tout cas. Le premier est une maquette à l’échelle 1 rouge, qui a servi à la présenter en interne, qui a depuis été détruit.
Le deuxième est le prototype qui a servi aux essais des performance, notamment à Nardo. De couleur orange, on l’a surtout vu lourdement camouflé. Il servira aussi à quelques séances photo, et je n’ai pas réussi à retrouver sa trace.
Le dernier est un prototype complet, qui à un moment, a été accidenté, sans qu’on connaisse les détails. Il a depuis été reconstruit, et il est exposé au Musée Lamborghini. On a également pu le voir dans quelques concours d’élégance.





Crédits photo : Lamborghini, Ronan Glon
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