Au volant d’une Morgan 4/4, l’essentiel en une auto

Morgan, voilà une marque que j’adore. Déjà, peu assument à ce point un look suranné qui a pourtant son charme et sa signature. Celle de la marque tout simplement. Et puis j’avais adoré mon essai de la Morgan Plus 8, à voir ici. Il fallait essayer autre chose, une voiture encore plus historique pour la marque. Pourtant, je vous le dit de suite, je vous emmène au volant d’une voiture de… 1999 ! C’est donc une Morgan 4/4, LE modèle central de la gamme et le plus produit.

L’histoire de la Morgan 4/4 en bref

Cela fait longtemps que je n’avais pas fait d’historique dans un essai. Mais là, on ne peut pas passer à côté. Tout simplement parce que l’histoire de la Morgan 4/4 commence en 1937… et qu’elle a été produite jusqu’en 2018 !

C’est le premier véhicule à 4 roues de la marque, tournée avant ça vers les tricyclecars. D’ailleurs 4/4 signifie 4 roues et 4 cylindres. Le moteur d’origine est un Coventry Climax de 1172 cm³ qui sort 38ch ! Cette motorisation sera amenée à changer à de multiples reprise. Le Standard qui l’équipe à partir de 1945 est arrêté en 1949 et la Morgan 4/4 disparaît du catalogue.

Elle revient dès 1955 avec un moteur Ford et abandonne, l’année suivante, sa calandre droite pour la calandre arrondie qu’on lui connaît. Spoiler : c’est le dernier restylage de la Morgan 4/4 ! Les moteurs se succèdent, la puissance augmente. Les Séries aussi et la Série V, celle qui concerne notre auto commence en 1963… pour certains, même si d’autres l’arrêtent en 1968 quand la voiture reçoit un 1600. D’autres moteurs suivront dont un 1800 et un retour au 1600 pour les 10 dernières années.

Notre Morgan 4/4 du jour

Impossible de ne pas reconnaître une Morgan. De loin, l’amateur non éclairé pourra même confondre n’importe quelle auto d’avant-guerre avec une auto de la marque tant elle est répandue. Calandre arrondie, ailes avant séparées qui courent jusqu’aux ailes arrières, porte échancrée et habitacle rejeté en arrière, cette Morgan 4/4 est une icône. Et c’est bien elle qui a donné son style à toutes les autres Morgan, les Aero 8 ne faisant que les réinterpréter.

Les amateurs avertis remarqueront que notre Morgan 4/4 est un peu « grosse ». En fait cette auto de 1999 est équipée de l’option Low Line apparue en 1997. En plus des pneus plus gros pneus (195 au lieu des 165), c’est surtout la caisse qui change : on a repris celle des Plus 4, apparues comme dérivées des 4/4 en 1950 avec une caisse plus large.

Pour autant, ça ne dénature pas le style. À l’avant on retrouve toujours le pare-chocs rectiligne, chromé et bombé, surmonté des phares additionnels (optionnels). Les ailes, séparées donc, viennent mourir juste derrière. Les phares sont carénés et logés entre ailes et capot. Le capot se termine donc par LA calandre des Morgan, celle qui s’est répandue malgré le fait que les premières aient été droites. Derrière, le capot est bombé et marqué de deux Union Jack (en option également) lui aussi et percé de multiples louvres et s’ouvre en deux parties.

Le profil permet de bien admirer la ligne. Un grand capot qui rejette l’habitacle tout à l’arrière. Les portes sont donc échancrées et juste devant les ailes arrière. En dessous, ce n’est pas un marche-pied, pas besoin vue la hauteur de la Morgan 4/4, mais le prolongement de l’aile avant. L’aile arrière suit un profil à peu près similaire.

L’arrière de la Morgan 4/4 est moins simple. Pas de coffre ou d’ouverture de malle, on y accède derrière les sièges. Par contre on retrouve la roue de secours, logée au seul endroit où on a assez de place pour la fixer. Sur notre auto du jour, Morgan, son propriétaire et pas la marque, a installé un porte bagages fort utile. Il est entouré des feux intégrés de façon peu discrète. Le pare-chocs arrière est tout aussi simple et sert de fixation au feu de recul et à l’antibrouillard (grand luxe).

En bref : un look à l’ancienne, tellement sympa et distinctif avec une couleur Indigo Blue qui lui va à ravir. J’adore !

Intérieur : concentré british

Pas besoin d’ouvrir la portière cette fois-ci. En fait, vu la taille de l’habitacle de notre anglaise du jour, vous serez plus à l’aise pour l’admirer en restant à l’extérieur. Et contrairement à certaines anglaises sportives et au ras du sol, là, vous avez des choses à regarder.

L’habitacle de la Morgan 4/4 est en fait plutôt bien conçu et fini. Attention par contre, il faut faire appel aux options. Cela ne se voit pas sur nos photos mais ça commence avec la capote et quelques autres touches de Mohair. Ensuite, et là ça se voit bien, avec le tableau de bord en véritable ronce de noyer. On est pas chez Rolls, on est dans une sportive, mais on s’en fiche parce que ça claque !

L’instrumentation est riche avec un compte-tours, un tachymètre qui couple les indications en mph et kmh et quatre autres cadrans au centre avec température d’eau, témoin de charge (quand vous connaissez la fiabilité légendaire des anglaises niveau batteries électrique ce n’est pas de trop), jauge de carburant et pression d’huile. Ajoutez aussi quelques voyants situés entre les deux compteurs principaux et vous avez un vrai concentré d’infos.

Par contre, pour ce qui est du visuel, le noir des compteurs et des différents boutons et commodos tranche avec la ronce de noyer de notre Morgan 4/4. Même avec le cuir d’ailleurs qu’on retrouve sur les sièges, les portes mais aussi sur le bourrelet qui fait le tour de l’habitacle. D’ailleurs, je ne l’ai pas encore relevé mais notre Morgan est une voiture en conduite à gauche. Même pour les autos qui roulent par chez nous, ça ne coule pas de source !

Dernière particularité notable : notre Morgan 4/4 est un modèle « long doors », plus accessible. Par contre, cela entraîne une modification au niveau du pare-brise qui troque son désambuage et devient chauffant dans l’histoire !

Technique : d’hier mais pas trop non plus

Parler de la technique d’une Morgan, c’est toujours l’occasion de rappeler un détail : leur châssis n’est pas en bois ! Pourtant, elles ont un châssis en bois, mais un faux-châssis, celui qui supporte la carrosserie ! Le châssis structurel, lui, il est bien en acier.

Aller plus loin :
Les Morgan n’ont pas un châssis en bois !

Sinon, côté technique, notre Morgan embarque un moteur Ford Zetec. Avec 115ch et 160Nm ce n’est pas un monstre mais c’est un moteur vaillant, fiable et pas compliqué à obtenir, chose importante pour un artisan tel que Morgan. Et si les chiffres sont peu impressionnants, niveau performances, ils font largement le job puisque la bête est légère avec une tonne sur la balance, une fois que les occupants sont à bord ! D’ailleurs c’est ce qu’on va faire !

Au volant de la Morgan 4/4

C’est parti, je m’installe. C’est fou à quel point l’habitacle ouvert n’est pourtant pas facile d’accès. Il faut d’abord glisser une jambe, de l’autre côté du grand volant puis se laisser descendre. Et dans l’histoire vous ne trouverez pas vraiment d’appui digne de ce nom. Et n’oubliez pas de ramener la jambe gauche assez tôt sinon il va falloir une belle contorsion pour la glisser dans l’auto… et c’est pourtant une long doors ! Une fois en place, les réglages sont minimes. Le siège est reculé au max. Sur les côtés j’ai un coude sur le tunnel, l’autre à la portière. Et dire que notre Morgan 4/4 est une caisse large !

Le moteur démarre. Le 1800 Ford est étonnamment sonore. Il faut dire que la ligne n’est pas celle de base mais une ligne inox. Autant vous dire que l’accessoire est bien plus à sa place et utile dans notre petit roadster découvert que dans un Golf V TDi reprog. Allez, c’est parti, première. Je lève le pied gauche en enfonçant le pied droit et c’est parti. J’ai plus de 100 bornes pour me familiariser avec notre Morgan 4/4, royal ! En plus, Thibaut nous a concocté un road-book qui évite les grands axes.

La boîte se manie très bien. Les débattements sont courts et le guidage aussi. Le fait que la commande soit placée sur la boîte, bah ça aide ! Il n’y a pas que les débattements qui soient courts, les premiers rapports aussi. Combiné à la pèche du moteur et au poids riquiqui, la Morgan 4/4 est dynamique sans qu’on y prenne gare ! Très vite les routes différentes s’enchaînent et je peux me faire un avis global sur l’auto.

Côté ville, déjà, elle est plutôt à l’aise, maniable avec son petit gabarit même si le rayon de braquage est étonnamment grand. Les relances sonores permettent à l’échappement de trouver de l’écho dans les murs alentours, ce n’est pas un tunnel, mais c’est marrant ! Ajoutez une visibilité excellente, même si on est assis très bas et vous avez une auto qui ne sera pas un canard boiteux dès qu’une agglomération se présente.

Côté route, la Morgan 4/4 est impériale. Son comportement à rythme normal ne souffre d’aucun reproche. On arrive vite aux 80 règlementaires, sans forcer. Par contre, on force un peu sur les freins qui doivent avoir gardé en tête la ligne de l’auto plutôt que son année de fabrication réelle… dont des tambours à l’arrière. Pas de quoi se faire peur mais je ferais attention.

Et la vie à bord ? En campagne, l’échappement se fait toujours entendre, il n’est pas impossible que la carrosserie et son support en frêne soient de bonnes caisses de résonnance. Par contre, forcément, avec un habitacle si ouvert, on a des bruits d’air, mais ce n’est pas non plus énorme et le filet anti-remous n’est pas obligatoire. Par contre, si le châssis n’est pas en bois, la rigidité de notre Morgan 4/4 est celle d’un sacré bout de bois. Toute déformation de la route vous sera retransmise sans filtre. L’amortissement est dur et les sièges sont fins. Gare à vos lombaires !

Après un arrêt obligatoire, pour attendre le reste de la compagnie, et une autre séance de gymnastique, la route reprend. On file, on file… mais la Morgan 4/4 est un roadster suggestif et j’ai bien envie de taper dedans. Je tourne à gauche et je relance. Plutôt que de passer le rapport supérieur, je pousse un peu le Ford Zetec. Attention, ce n’est pas un monstre et s’il prend bien les tours, en poussant régulièrement, il reste linéaire et finalement assez peu puissant. En tout cas pour une auto de 1999.

Arrivé près de la zone rouge, je passe la troisième et je continue mon arsouille. La Morgan 4/4 vire à plat, l’amortissement dur est finalement une bonne chose. La direction est précise et permet de viser la corde facilement. Le freinage n’est toujours pas au top mais on s’y habitue. Seul point noir, un sous-virage dû non pas à la conception de l’auto mais aux pneus un peu anciens que Morgan n’a pas encore eu le temps de changer vu que la belle a déjà passé quelques temps au garage !

Les vitesses atteintes semblent folles. Pourtant, un coup d’œil au compteur dans une petite ligne droite permet de voir qu’on ne risque rien côté papier rose. Finalement les performances pures de la Morgan 4/4 sont sportives mais sans plus. Comme une GTI, et pas une affutée ! C’est le fait qu’on soit assis au raz du bitume et à l’air libre qui donne cette impression. Sur autoroute (on l’a prise au retour) par exemple, oubliez le 130 sinon vous allez passer un sale moment.

La route se poursuit sans encombre. Je me calme un peu, n’hésitant pas à relancer énergiquement un coup de temps en temps, histoire de réveiller le moteur ou quelques vaches dans les prés. La Morgan 4/4 est une bonne compagne de route. Elle la rend agréable et tout bout de bitume semble être un terrain de jeu potentiel… mais c’est bien vous qui décidez si vous voulez jouer, avec votre pied droit.

En bref, on retrouve des sensations qui détonnent dans une auto de 1999. Par contre, c’est bien en rapport avec avec la ligne de l’auto. On s’amuse, on s’amuse, mais finalement, après 100 bornes sur des petites routes, vous êtes finalement contents d’arriver au bout. C’est aussi ça le bonheur avec une Morgan !

Conclusion

Elle n’a rien d’une sportive, en performances pures en tout cas. Pour autant la Morgan 4/4 est une excellente machine à sensations. On s’amuse à son volant, on profite de chaque mètre ou presque (on en subit quelques uns, notamment les ralentisseurs). Et il faut bien se concentrer sur ces sensations et sur la ligne antique de l’auto pour l’appréciser.

En effet, la Morgan 4/4 n’est pas sans défauts. Mais avec une production si longue et peu de changements profonds, ces défauts sont connus… et font partie de l’ensemble !

Acheter une Morgan 4/4

Les Morgan 4/4 ne sont pas si rares, vu le nombre de séries différentes, vous devriez pouvoir trouver celle qu’il vous faut. Et si vous ne vous attachez qu’à l’image exceptionnelle que renvoie cette voiture ancienne, vous pourrez même ouvrir votre champs des possibles à toutes les motorisations. Sachez d’ailleurs que les plus anciennes ne sont pas forcément les plus chères, là, les performances jouent.

Pour ce qui est de notre auto de 1999, les exemplaires de cette série se trouvent à partir de 40/45.000 € mais vous n’aurez quasi pas d’option pour ce prix là et vous avez vu que pour avoir un bel exemplaire comme celui de notre essai, ces options sont finalement quasi obligatoires. Le kilométrage n’est pas un gros problème car il est rare que ces roadster, peu pratiques il faut bien l’avouer, ne servent pas tous les jours. Enfin, sachez que la conversion RHD/LHD coûte environ 6000 €, soit la différence de prix à l’achat. Donc acheter une Morgan 4/4 anglaise pour la convertir ne sera pas forcément une bonne idée.

Finalement, tout mis bout à bout, vous pourrez trouver des 4/4 dont les prix approchent les 60.000 € !

Pour ce qui est à surveiller : plein de choses ! Déjà le refroidissement, le moteur produit beaucoup de chaleur et un radiateur alu, plus efficace sera une bonne idée. Les King Pines, les amortisseurs avant doivent être graissés tous les 1000 à 1500 km, pensez-y sinon la tenue de route sera affectée. Là aussi, ces pièces se changent. Les pièces mécaniques Ford se trouvent sans souci mais le principal point noir sera en fait le châssis. On ne parle pas de corrosion mais de sa fragilité et beaucoup d’autos ont un châssis fendu. Le passage par un pont est quasi obligatoire avant l’achat.

Merci à Morgan pour la mise à disposition de sa Morgan !