5 Ans Après, entretien avec Céline Baillon, petite-fille de Roger Baillon

Publié le par Benjamin

5 Ans Après, entretien avec Céline Baillon, petite-fille de Roger Baillon

On a tous en mémoire la fabuleuse vente de la collection Baillon lors de Rétromobile 2015. Des autos qui ont fait entrer les sorties de grange dans une autre dimension. Cinq ans plus tard, quel est l’héritage de cette vente ? C’est ce qu’on a voulu savoir en s’entretenant avec Céline Baillon, petite fille de Roger Baillon.

Céline Baillon 1- Baillon

Première partie, les Baillon et leur collection

News d’Anciennes :
Bonjour Céline Baillon, on a eu des présentations de Roger Baillon, mais est-ce que vous pouvez nous le présenter avec vos yeux de petite-fille ?

Céline Baillon :
Alors je suis la fille de Jacques Baillon et Roger Baillon était donc mon grand-père. Pour moi ils sont tous les deux au même niveau pour leur rôle dans la création de la collection. La collection n’aurait pas pû se faire avec uniquement l’un ou l’autre. L’un était amoureux des belles lignes, l’autre des belles motorisations. En fin de compte c’est quelque chose qu’ils ont construit ensemble, père et fils.

News d’Anciennes :
En fin de compte dire que c’est la collection Roger Baillon, ce n’est pas vrai, c’est la collection DES Baillon.

Céline Baillon :
Voilà, c’est la collection des deux. Mon grand-père était dans le transport. Et il n’a commencé la collection que quand son fils a eu 18-20 ans, quand il pouvait conduire. Lui a toujours été passionné par les voitures de sport et le sport automobile.

News d’Anciennes :
Et quel a été le déclencheur ?

Céline Baillon :
De ce que je sais, c’est en fait suite à la récupération de véhicules après la guerre. Au départ c’étaient des véhicules laissés sur le bord des routes ou en fourrière. Les gens repartaient sur les trente glorieuses et partaient sur des véhicules plus modernes. Par contre, les Baillon restaient sur ce qu’ils aimaient et ce que les autres ne voulaient plus. Pour beaucoup ils étaient utopiques cependant leur passion a eu raison des opinons malheureuses de certains à leur égard.

News d’Anciennes :
En fait vous avez toujours connu cette collection. On a une image de voitures en mauvais état, vous en avez vu rouler, vous avez vous-même roulé dans certaines autos ?

Céline Baillon :
Non, je les ai toujours connues rangées et stockées là où elles étaient.

Deuxième partie, LES ventes Baillon

News d’Anciennes :
Une partie souvent oubliée, c’est les premières ventes…

Céline Baillon :
Il y a eu deux ventes auparavant, oui. La vente de 2015 était la troisième !

News d’Anciennes :
Les autos de ces deux premières ventes étaient aussi prestigieuses que celles de 2015 ?

Céline Baillon :
C’était même plus. C’étaient des véhicules roulants. C’étaient des véhicules prestigieux, il y avait des Rolls… Disons que c’étaient les plus belles, elles étaient dans des garages, ils ont ouverts les portes et les autos sont parties. Il n’y avait pas besoin de les déplacer comme on a pu le faire pour Artcurial.

News d’Anciennes :
La vente Artcurial, comment est-elle venue ? Vous êtes allé chercher le meilleur vendeur possible ?

Céline Baillon :
Non, ça ne s’est pas fait comme ça. Dans notre domaine professionnel, nous avions une connaissance qui travaillait avec Artcurial.

News d’Anciennes :
Ça a mis longtemps à se décanter ou ils ont tout de suite été emballés, ils sont tout de suite venus voir ?

Céline Baillon :
Et bien, on va dire que quand on les a eu au téléphone ils ne nous croyaient pas au départ. Quand on leur a expliqué ce qu’on avait, ils nous disaient « Vous êtes sûrs ? Vous en avez pas aussi une comme ça ? Une autre ? » et on leur répondait que si ! Ils nous ont dit « Mais vous êtes vraiment sûrs de ce que vous avez ? » ce à quoi on a répondu « Si vous ne nous croyez pas, c’est pas grave, on appellera quelqu’un d’autre plus compréhensif ». 48h après ils étaient là et le reste s’est fait rapidement.

News d’Anciennes :
Vous vous attendiez à ce que ça ait autant de retentissement ?

Céline Baillon :
Pas vraiment non. En fait je ne me rendais pas vraiment compte des montants. D’ailleurs, les montants n’ont jamais été ma quelconque motivation. Pour moi ces véhicules qu’ils soient d’un « petit » modèle ou que ce soit des véhicules plus prestigieux, ils avaient la même valeur puisque mon père et mon grand-père avaient dépensé autant de sueur pour les récupérer.

Après que certaines aient fait les montant qu’on connaît, c’est une belle révérence et un beau pied de nez à tous les gens qui ont pu tourner le dos aux Baillon quand c’était compliqué. Finalement ça remet leur nom en haut de l’affiche.

Troisième partie, l’héritage de la collection Baillon

News d’Anciennes :
Vous même avez la passion des véhicules anciens, depuis toujours ?

Céline Baillon :
Oui depuis toujours. J’ai toujours été baigné dedans. Le premier véhicule que l’on ait acheté avec mon mari c’était une Traction. On partait avec voiture et nos enfants en bas âge. Et puis de fil en aiguille on en a eu une autre, une 2CV, une autre, etc…

News d’Anciennes :
En fait vous avez constitué une autre collection Baillon… Vous n’avez pas récupéré d’autos qui étaient dans la collection de votre père et de votre grand-père ?

Céline Baillon :
Si bien sûr. Même ma tante, la sœur de mon père, a toujours été dans la voiture, elle en a toujours eu une ou deux chez elle, elle faisait des sorties de club, etc… C’est dans l’ADN familial.

News d’Anciennes :
Est-ce que vous suivez les voitures qui ont été vendues en 2015 par Artcurial, ou même lors des deux premières ?

Céline Baillon :
Non les deux premières ventes sont beaucoup trop anciennes, j’étais beaucoup trop jeune et je ne sais pas du tout ce qu’elles sont devenues. Et depuis elles ont été vendues et revendues. Surtout que certains acheteurs veulent rester anonymes.

Pour la vente de 2015, juste après la vente j’ai eu beaucoup de nouvelles des voitures. Depuis un peu moins, et puis il y a déjà eu des reventes. La Facel Vega a été vendue à un garage suisse en 2015 et elle est revenue en vente chez Artcurial cet hiver. Je ne leur ai pas demandé où elle était partie, si elle était restée en France ou partie à l’étranger, ça je ne sais pas. Il y en a eu d’autres, des autos un peu plus « petites » qui ont été revendues.

Il y en a quand même pas mal qui sont aux Etats-Unis. En 2015, neuf ont été vendues en France. Une est en Charente, pas très loin, je connais bien le propriétaire et il a fait refaire la motorisation. C’est comparable à de l’horlogerie : magnifique. D’ailleurs je le salue au passage.
Certaines sont en Europe de l’Est. Une auto est partie en Nouvelle-Zélande. On en trouve aussi en Inde. Un maharadja en avait acheté dix ! Un monsieur adorable que j’ai revu depuis. Pour la petite histoire il m’a même demandé de quelle couleur je voulais que la camionnette Delahaye qu’il restaurait soit peinte !

News d’Anciennes :
Est-ce que vous envisagez de les re-réunir, au moins certaines ?

Céline Baillon :
C’est marrant parce que cette année j’avais l’intention de pouvoir faire une exposition bénévolement avec certaines autos. La Maserati qui est partie aux USA par exemple. Si je demande aux propriétaires, si je m’y prend à l’avance, ils ramèneront certainement la voiture par gentillesse et par passion. Je sais qu’ils l’ont emmenée en Italie chez le carrossier Frua, qui est un vieux monsieur maintenant. Ce sont des personnes qui aiment faire partager. J’avais ce projet là, qui ne s’est pas fait pour diverses raisons.

Peut-être sur un futur salon. À voir pour en intégrer dans d’autres expositions…

News d’Anciennes :
Est-ce qu’il y a toujours un héritage à conserver autour de cette collection ? Maintenant que les autos ont disparu, est-ce que vous essayez de garder un œil sur le nom Baillon, vous regardez s’il est toujours cité ?

Céline Baillon :
De toute façon la collection d’automobiles, aujourd’hui a changé. Depuis la vente notamment. Ceux qui ont une Baillon dans leur garage, c’est pour eux une marque à part entière. On ne parle pas de Roger ou Jacques Baillon, on parle d’UNE Baillon. Pour ma famille c’est une fabuleuse reconnaissance. Pour des hommes comme mon père et mon grand-père, qui vivaient pour la passion automobile, même s’ils ne sont plus là pour le voir, c’est merveilleux en leur mémoire.

News d’Anciennes :
Ces différentes ventes sont plutôt des choses douloureuses ou est-ce que ce sont de bonnes choses pour leur héritage ?

Céline Baillon :
Les deux premières ventes, d’après ce que ma famille m’a retranscrit, ça a été très douloureux parce que ça a été subi, ça n’a pas été choisi. Et puis c’était clairement injuste.

Après la vente de 2015, c’était entre les deux. J’étais partagée entre le fait que les voitures se vendent. C’était tout l’amour de ma famille, ils ont tellement travailler, pris des risques sur les routes de jour comme de nuit pendant des années pour avoir tout ça. Mais l’administration ne nous permettait pas de les garder. Il faut faire face à des montants trop importants et on a fait ce choix-là, de se séparer d’une partie de la collection pour pouvoir faire face.

Le plus triste dans une histoire comme la mienne est que l’administration a un regard exclusivement pécunier ; les modèles présentés en 2015 étaient des œuvres d’Art au même titre que la Mona Lisa de Léonard de Vinci et malheureusement seulement 9 sont restées en France et uniquement une d’elle va intégrer un musée français après restauration.

Le jour de la vente j’étais en pleurs. Des pleurs négatifs parce que les voitures partaient. Mais aussi positifs parce qu’une nouvelle vie s’ouvrait à elles, et qu’elles allaient vivre de belles choses, que je ne pouvait pas leur offrir. Avec cette quantité de voitures ce n’était pas possible.

News d’Anciennes :
L’héritage continue en tous cas.

Céline Baillon :
Les voitures oui. Ce sont des œuvres d’art. Et l’art ça perdure !

Pour en savoir encore plus, rendez-vous cet automne. Céline Baillon est actuellement en train de finaliser un livre rempli de souvenir personnel et de photos d’époque. On a hâte, et on vous en parlera évidemment plus en détail.

On en profite pour se remémorer cette exposition, parfaitement scénographiée avec ces photos :

Et on termine avec l’exemple d’une des autos vendues en 2015 dont la restauration est achevée :

Pour les plus curieux, tous les résultats sont par ici.

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Laversanne

    Magnifique reportage plein d’émotions & de justesse de ton, merci Benjamin !!

    Répondre · · 12 mai 2020 à 22 h 11 min

  2. Jeanmarch2005

    Bravo pour ce magnifique reportage qui nous redonne de l »espoir…dans tous les domaines .
    Juste une interrogation : la voiture restaurée parait nettement différente de la voiture photographiée pour la vente Baillon en 2015 .

    Répondre · · 12 mai 2020 à 22 h 24 min

    1. Benjamin

      Ce n’est pas impossible vu qu’une restauration ne permet pas toujours de garder beaucoup d’éléments…

      Répondre · · 13 mai 2020 à 7 h 46 min

    2. Benjamin

      En fait Antoine a trouvé… on s’était emmêlé les pinceaux. C’est réparé !

      Répondre · · 13 mai 2020 à 10 h 38 min

  3. Antoine

    Il y a une erreur sur les photos.L’épave est une Talbot et la restaurée est une Delahaye!

    Répondre · · 13 mai 2020 à 10 h 24 min

    1. Benjamin

      Effectivement, on s’est emmêlé les pinceaux. C’est modifié, merci !

      Répondre · · 13 mai 2020 à 10 h 39 min

  4. Robert

    Une interview très intéressante, loin de l’aspect exclusivement pécunier de la vente de 2015 !

    Répondre · · 14 mai 2020 à 11 h 38 min

  5. MOUREAUX Lionel

    Bonjour,
    Merci pour ce témoignage; le livre de Mme Cécile Baillon est-il paru?
    Passionné par la marque Unic, j’ai gardé en mémoire la photo de camions anciens garés sur de l’herbe (peut-être à côté des hangars?), dont un Unic à cabine Genève (type Vincennes?) de dos; que sont devenus ces véhicules? Possesseur d’une Panhard PL 17 de 1963, type L6, je reste admiratif des Facel-Véga, marque trop tôt disparue.
    J’habite à quelques kilomètres de la frontière suisse et la famille Baillon habite dans les Deux-Sèvres, sauf erreur de ma part. C’est très loin, surtout en ces circonstances actuelles. Merci.
    Continuez à bien vivre votre passion, et prenez bien soin de vous.
    Très cordialement. Lionel

    Répondre · · 14 mai 2020 à 12 h 21 min

    1. Benjamin

      Bonjour,
      Comme indiqué, le livre paraîtra à l’automne. On en reparlera.
      Cordialement.

      Répondre · · 14 mai 2020 à 14 h 49 min

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