3500 Bornes en e30, deuxième partie, de Guillestre à Menton par la Route des Grandes Alpes

Publié le par Mark

3500 Bornes en e30, deuxième partie, de Guillestre à Menton par la Route des Grandes Alpes

Après une 1ère journée longue et difficile, à lire ici, il est temps de repartir en direction de la Méditerranée. Aujourd’hui le programme sera plus court avec seulement 360km. Mais la route des grandes Alpes est pleine de surprises, bonnes ou mauvaises ! Alors il ne va pas falloir se reposer sur ses lauriers, le plus dur n’est pas forcement derrière nous.

De Guillestre à Jaussiers par le col de Vars une belle mise en bouche.

2eme jour, 7h30, le soleil brille déjà par-dessus les Queyras. Je sens que l’on va passer une bonne journée. Lunettes de soleil, t-shirt, carreaux ouvert, routes de folie et le ronron du 6 en lignes seront les ingrédients principaux de cette seconde étape. Cela dit à 8h du matin, alors que je quitte Guillestre il ne fait pas super chaud, donc carreaux ouverts et vue de folie certes, mais ce sera en pull. En parlant de ça il fait si frais que lorsque j’attaque le col de Vars, le M20 n’est même pas arrivé à température. Pour l’ascension ce sera donc 3000 tours max, pas de pied au plancher et de longues attentes entre les virages.


Remarque cela permet de profiter de la vue. Et la cuvette de Guillestre sous la lumière de la golden hour avec en toile de fond le massif des écrins, ça se pose là. La première portion du tracé de 19.5km propose de nombreux lacets, mais aussi une forte inclinaison. Par moment on flirt avec les 10% et le pauvre 320 amputé de ses tours minutes est complètement à la ramasse. Heureusement plus haut ça se calme, mais la route devient plus rectiligne et moins amusante. Au sommet rien de bien transcendant. On retrouve le refuge Napoléon construit en 1858 ainsi qu’une petite chapelle perdue au milieu des Alpages. Après une courte pause, j’attaque la descente vers Barcelonnette. La vache, elle est raide. Pour la première fois depuis le départ les freins fatiguent en commencent à couiner. Ah oui c’est vrai pour ses 320 français, BMW a collé des tambours. Une fois la vallée de l’Ubaye atteinte il est temps de faire un crochet en direction d’un autre monstre sacré des Alpes : La bonnette !

Détour Lunaire par la Bonnette

Alors que j’arrive sur Jaussiers je commence à réaliser que c’est un sacré morceau qu’on va se faire. 23.8Km, 2802m d’altitude pour une pente moyenne de 6,7%. En fait ce n’est ni plus ni moins que la plus haute route d’Europe, le 320 va devoir s’accrocher ! Il est encore tôt, personne sur la route, les conditions sont optimales et, comme à mon habitude, c’est sur une deuxième à 4000 trs que je quitte Jaussiers. Les premiers kilomètres se font en forêt, ils sont étroits hyper techniques, et inclinés à 8%. C’est le genre de route ou on n’a pas besoin de rouler vite pour se faire des frayeurs. D’ailleurs il m’est presque impossible de maintenir le 90 légal, et pourtant les trajectoires sont déjà bien tendues. La concentration est de mise, mon regard scrute la route en permanence, l’auto se place avec une relative précision.

Après plusieurs séries d’épingles ardues la végétation commence à disparaître pour laisser place aux alpages. La route enchaîne sur plusieurs pif-paf avec un replat. 4000, 5000, 6000 trs/min, j’enchaîne sur la 3eme. Pour l’instant le 2.0 relance honorablement dans une sonorité qui déchire le calme ambiant. Bercé par les montées en régime, c’est le sourire aux lèvres que je dévore cet enchaînement de virages. Une nouvelle série d’épingles surgit, talon pointe, retour en seconde. 5000 trs, le 320 est assez à l’aise sur cette ascension et son conducteur aussi. Le châssis n’est pas ultra sportif, dans les enchaînements on sent bien les mouvements de caisse ainsi que les transferts de masses, mais l’auto reste assez précise pour son âge et conserve ce qu’il faut de tonus pour rester fun. La route, quant à elle, c’est du bonheur. Au détour d’une épingle un photographe nous surprend en pleine action. L’idée est sympa !

2300m je franchis le lac d’Essaupres, le paysage change complètement. Après la foret et les Alpages, on se retrouve dans un cirque de rocailles. A partir de maintenant c’est dans un panorama désertique que l’on va évoluer. La dernière grosse difficulté du col surgit en même temps que la caserne de Restefond. Il s’agit d’une série d’épingles ultra serrées inclinées à 11%. A 2500m ça commence à être dur pour notre 6 en ligne. L’altitude se ressent, je suis obligé de retomber la 1ère, et le moteur a du mal à emmener la seconde. En fait à cette altitude il doit tout juste me rester 80ch sous le capot. Le paysage est quant à lui assez incroyable, on se croirait en Jordanie, bien loin des Alpes verdoyantes du nord. 2700m, les relances deviennent franchement difficiles alors que je franchis les blockhaus vestiges de la ligne Maginot des Alpes. 2715m, le 320 passe le col de la Bonnette, direction la cime et ses 2802m. Autant dire qu’il ne reste plus rien en terme de puissance et que sur les 5.5% de l’ascension finale le M20 ne parvient pas à emmener la seconde à fond. En fait on grimpe en mode train à crémaillère.


2802m, ce n’est pas peu fier que je stationne notre héroïne du jour au pied de la stèle sommitale. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de grimper la plus haute route d’Europe au volant d’une vieille dame ! Le panorama, vous l’aurez deviné est incroyable et à 360°. Si vous prenez le temps de monter à pied au sommet de la cime, vous vous retrouverez avec une vue lunaire sur des dizaines de kilomètres. Un tableau déchiré, désolé, mais hypnotisant comme bien souvent en haute montagne. Trêve de bavardage il faut redescendre car mine de rien Menton n’est pas toute proche. Au démarrage le 2.0L broute du fait de l’altitude et la sonorité bien grave témoigne d’une mauvaise carburation. C’est reparti direction Barcelonnette et le col de la Cayolle.

Barcelonnette Valberg via la Cayolle comme un sentiment d’overdose.

La Bonnette derrière nous, je rejoins Barcelonnette avant d’entamer le col de la Cayolle et ses 2326m. Pour cette montée je suis confiant, j’ai passé un excellent moment sur la Bonnette, l’auto semble tenir le coup et le châssis est vraiment plaisant. Assez rapidement la Cayolle met dans le bain, quelques kilomètres après avoir bifurqué je me retrouve au fond des gorges du Bachelard. L’endroit est sublime mais peu à peu la route devient mauvaise, gondolée, jonchée de pierres et très étroites. Pour l’instant deux autos parviennent à se croiser mais la prudence est de mise et je me retrouve coincé à 50 à l’heure. Ce sont les signes avant-coureurs d’une montée particulièrement difficile.

Les kilomètres filent, pour l’instant l’inclinaison n’est pas bien élevée en dehors de quelques coups de culs. En revanche la route se rétrécit de plus en plus. Tant est si bien que l’on finit par ne plus se croiser à deux voitures. Et il faut savoir que ce n’est pas la courtoisie qui étouffe les sudistes. Malgré le fait que je sois prioritaire, il m’arrive régulièrement de devoir faire des marches arrière au raz du ravin. Et bien évidement ces gens mal aimables ne vous remercient pas. Qu’est-ce que les Français sont c*** au volant ! Le coup de gueule passé je fini par me retrouver seul ce qui n’est pas plus mal. Cela dit je dois rester extrêmement prudent car la visibilité est très mauvaise. Forcement la vitesse en pâtie et je suis tout juste entre 20 et 30 à l’heure au premier tiers du parcours.

Peu à peu le plaisir laisse place à la lassitude. Parcourir le moindre hectomètre prend une éternité, les bornes kilométriques sont sans pitié et confirment bien un tout petit 20km/h de vitesse moyenne. Pour vaincre la Cayolle il faut s’armer de patience et de concentration. Les minutes défilent inéluctablement, peu à peu on se retrouve perdu en montagne déconnecté de tout. Le réseau nous abandonne, et je me retrouve un peu déboussolé. Quand est ce que l’on arrive au sommet ? Le tracé est tellement sinueux que je n’entrevois même pas où la route peut bien nous mener. Tic Tac Tic Tac, comment 30 malheureux kilomètres peuvent être aussi long ? La lassitude laisse place à l’agacement, la route est de plus en plus défoncée, jonchée de pierres. Sur la fin du tracé je finis par slalomer entre celles-ci pour ne pas y laisser mon carter.


Pfiou, enfin un replat et de la visibilité. Par la même occasion j’aperçois le sommet. Il était temps ! Là haut tout n’est qu’herbes séchées et blocs rocheux. La vue est belle, la nature complètement sauvage mais je ne suis pas subjugué par le spectacle qui se déroule sous mes yeux. En fait le sommet ne parvient pas à effacer dans mon esprit les 1h30 d’ascension et la difficulté de la route. De plus le fait d’être totalement isolé, de ne pas savoir ou je suis ni combien de temps il me reste avant Menton, vraiment ça me met mal à l’aise. Il me tarde de redescendre pour en finir avec cette route et arriver au bord de la mer. A cet instant je suis presque blasé par la route des grandes Alpes. Tout juste le temps de manger et c’est parti pour la descente.

Nous voici désormais dans le Mercantour, la descente de la Cayolle est assez longue avec 21km mais la route est plus large et bien mieux carrossée. Il ne me reste plus qu’à prendre mon mal en patience et me laisser glisser vers la vallée du Vars. La nature a bien changée depuis le verdoyant Roselend. En fait depuis la Bonnette les Alpes sont devenues quelques peu arides. Et malgré la beauté évidente des paysages que je traverse je m’extasie de moins en moins. A l’image de ce pan de montagne entièrement calciné sur lequel serpente la route. Le spectacle est invraisemblable mais je n’y prête pas plus attention que ça. Etraunes, Guillaume, les kilomètres passent lentement mais surement. La lassitude est de plus en plus poignante. A bord pas un mot, juste l’enchaînement du jukebox et des paysages, les bandes blanches défilent, les virages se suivent. Pas de villes connues à l’horizon, les villages sont très espacés, je suis complètement déconnecté. Cette dernière portion de la route des grandes Alpes est franchement cassante. Valberg enfin ! J’ai l’impression d’avoir parcouru la moitié de la France pourtant je n’ai fait que 80km depuis Barcelonnette et il en reste plus d’une centaine jusqu’à Menton.

Derniers kilomètres jusqu’à Menton : La méditerranée ça se mérite.

Sorti de Valberg, j’enchaine sur les gorges du Cyans. Depuis la Cayolle je ressentais comme un sentiment de monotonie, un défilé de montagnes toutes aussi semblables les unes que les autres et puis me voilà happé dans le canyon ! La route est large, roulante et le paysage spectaculaire. Me voilà traçant dans une gorge étroite aux falaises rouges vif ! Oui oui vous avez bien lu ! Pendant plus d’une dizaine de kilomètres c’est un défilé de roches rouges, de tunnels et de pif pafs ! Complètement lassé j’avais presque perdu de vue le sacro-saint « Lunettes de soleil, t-shirt, carreaux ouvert, routes de folie et le ronron du 6 en ligne ».

Rappelé à l’ordre par la route et le 320, me voilà comme un gamin, toutes fenêtres ouvertes à faire brailler le 6 en ligne entre les parois rocheuses ! Plus je m’enfonce dans les gorges plus le paysage et le tracé sont déments. Au détour d’un tunnel, la route qui était au fond de la gorge se retrouve suspendue au-dessus d’une impressionnante vallée, suivant le contour des falaises ! Qu’est-ce que c’est beau ! Malheureusement j’ai avalé trop rapidement ces quelques kilomètres de bonheur. Et me voilà longeant ce qu’il reste du Vars sur la nationale de Nice.


Le plus Mythique des cols de Rallye

La circulation est de nouveau dense, autant dire que sur cet axe on ne roule pas bien vite ni même de façon fluide. C’est donc entre 40 et 80 km/h au gré des virages et suivant le désir de la Citroën C3 blanche qui me précède que je poursuis ma route jusqu’aux gorges de la Vésubie. La Bollène-Vésubie, je suis de nouveau seul sur la route et ce n’est pas plus mal car j’attaque un autre monstre sacré des Alpes : le col de Turini. Cette route est mondialement connue pour le passage du Monte-Carlo et son tracé extrêmement exigeant. En fait, tout passionné d’automobile doit y faire au moins un pèlerinage ! Long de 32km, culminant à 1604m avec une pente de 7% et 34 épingles. Voici des chiffres assez musclés ! Et sur la route c’est du trash de chez trash !

Premiers hectomètres et première faute ! J’arrive un peu vite dans un virage qui se resserre, en fait au bout, c’est une épingle et me voilà sanctionné par le 320 d’un sous virage digne d’une Toyota Prius. Je suis en deuxième et en sous régime : « ah quel cancre ! », pas grave je relance la première, bonjour l’à-coup ! Remarque ça réveille ! 3000, 6000, 2eme, j’y vais un peu fort sur cette route que je ne connais pas ! Mais on ne vit qu’une fois. Les épingles s’enchaînent, les bras tricotent dans tous les sens et les pieds aussi ! Purée je suis à 80 et je suis bombardé de virages, d’épingles et de devers diaboliquement techniques ! Le châssis du 320 fait ce qu’il peut, en fait sur cette route il est totalement dans les choux !

Le train avant n’est pas assez dynamique pour encaisser les enchaînements hyper serrés, le train arrière fait ce qu’il peut et la boite de vitesse est bien trop longue. Au final ça tangue de tous les côtés, ça sous-vire, parfois une amorce de survirage, les freins n’en parlons pas ! Les platanes le long de la montée ne sont surement pas là par hasard ! Mais ce n’est pas grave, dans cette confusion totale avec le râle du 6 en ligne je m’éclate ! En fait la route est tellement difficile que je n’ai pas le temps de penser à autre chose ! Enfin si, la seule chose qui me passe à l’esprit est : « comment les gars comme Ragnotti font pour enquiller à 180 ?! ». La connaissance et le talent vous me direz. Malheureusement, je n’ai ni l’un ni l’autre alors je me contente de mon 60-80 ! Et puis c’est suffisant pour rattraper mon pire cauchemar !

Je suis seulement à 3 épingles en contrebas d’un Renault Scénic et d’un camping-car ! Dans ma tête j’implore de ne pas rester coincé derrière car leur avance fond comme neige au soleil. Très rapidement je me retrouve derrière, par chance j’ai une fenêtre alors je me fais les deux sans hésiter, avant de poursuivre ma course effrénée jusqu’au sommet. D’ailleurs en parlant de ça nous y arrivons ! En haut, oubliez le coté nu et sauvage des hauts cols, le Turini se fait en forêt de bout en bout avec quelques passages le long de falaises. Au sommet ça grouille, Hôtels, restaurants, cafet’, défilé permanent d’amateurs, on aime ou on n’aime pas, personnellement j’ai été un peu déçu de l’aspect paysager de ce col. En revanche sur le plan routier, quel monstre ! Pour la descente je n’aurais malheureusement pas la même chance, elle se fera coincée derrière un Kangoo. Il me faudra en tout 45min pour rallier Sospel. Les freins du 320 me remercient, mais quel dommage quand on voit la qualité du tracé, mais aussi des paysages qui sont beaucoup plus spectaculaires de ce côté !

Au fil de la descente, la lassitude et la fatigue m’ont rattrapé. Les 1300km, la nuit blanche, les conditions extrêmes ont fait leur office, et c’est sur les rotules que notre équipage finit par rallier la méditerranée à hauteur de Menton. D’ailleurs c’est pratiquement une déception. Je me fais toujours une image glamour et romanesque de la côte d’azur. Mais à chaque fois que j’y arrive je me retrouve face à un spectacle qui ne m’enchante guère. Le littoral est complètement urbanisé, hormis le vieux centre, Menton est une ville sale, les abords et la cote ne sont pas chouettes. Guillestre, le col d’Agnel et leurs quiétudes me manquent. La route des grandes Alpes mérite mieux que ça comme ligne d’arrivée. Malheureusement avec la méditerranée à mes pieds je crois bien qu’on est réellement au bout des Alpes. Les valises à peine posées qu’il me tarde d’être demain matin en route vers l’Italie !

A suivre…

Bilan de la route des grandes Alpes

L’arrivée sur Menton signifie la fin de la première grosse aventure de ce trip : la route des grandes Alpes. En un mot : Fabuleux ! C’est un trip à faire au moins une fois dans sa vie ! Mais attention comme toute aventure, elle est à prendre avec ses moments forts mais aussi ces instants ou l’on veut jeter l’éponge ! 700km de montagne c’est long, c’est difficile, mais quand je repense aux contrastes, aux coins traversés, la peine vaut bien d’être endurée ! Quant au 320 il s’est montré à la hauteur du défi, confortable et fun quand il le fallait.


Mark

Passionné de photo et de sa BMW E30, Mark a rejoint News d'Anciennes courant 2016. Essais, road-trip, reportages, tout l'intéresse du moment qu'il peut sortir son appareil photo.

Commentaires

  1. lannoo

    toujours aussi tentant !
    au pire, pour eviter la Mediterrannée, les Alpes ont un autre « bout » : la Slovénie ! Pour y être passé lors d’un tour dans les Alpes (justement), c est très sympa, bien plus sauvage que notre Côte d’Azur

    Répondre · · 11 décembre 2017 à 13 h 10 min

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