Nous sommes en 2024, et toute la production automobile mondiale vise à se standardiser… Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles anglais résiste encore et toujours à l’envahisseur. Je vous emmène aujourd’hui dans le Worcestershire, et plus précisément à Pickersleigh Road, Malvern, fief séculaire de la vénérable Morgan Motor Company.
Arrivé sur le parking vous faites face aux autos du Morgan Experience Center, garées sous un préau, ainsi qu’à un petit showroom vitré sur la gauche, contenant un des modèles de la gamme actuelle. Dans mon cas un irrésistible Super 3, un tricycle comme son nom l’indique, à moteur 3 cylindres Ford. Face à vous, la porte du bâtiment d’accueil des visiteurs, et vous allez voir que chez Morgan, on sait recevoir !



Cette visite je l’attendais depuis des lustres, je savais qu’un jour je viendrais ici, avec ou sans « ma » Morgan. Alors ne cherchez pas une once d’objectivité dans ce qui va suivre, imaginez-vous plutôt un gamin de 5 ans partant visiter l’atelier du père Noël ou la chocolaterie de Willy Wonka. Maintenant vous avez une vague idée de l’état dans lequel je me trouve en garant Moggie, ma fidèle Morgan 4/4 essayée par les copains de l’équipe ici, devant l’entrée de l’usine qui l’a vu naître. Je vous emmène à la découverte l’usine qui a fabriqué mon rêve de gosse …
Embarquement immédiat
Le point de départ de la visite se situe au fond du bâtiment, au sein d’un espace détente et restauration où trône des tables et des fauteuils club, une des dernières Morgan +8 et des cadres accrochés sur les murs retraçant le passé de la marque. On vous rappelle dès le début avec quelques chiffres, qu’ici on fait les choses un peu différemment des autres constructeurs.


Si une voiture normale demande 18 à 30 heures pour être produite, chez Morgan il faut à minima 206 heures de travail manuel pour en construire une. Et les chiffres s’enchaînent : 7 heures pour fabriquer un capot en aluminium, 38 heures pour un intérieur en cuir ou bien encore 13 heures pour les célèbres structures en frêne. Car non, les Morgan n’ont pas de châssis en bois ! Dernier chiffre de mise en bouche : il faut 5 ans à un apprenti pour avoir le savoir-faire requis pour devenir employé. Et ça dure depuis 1909… vous voilà prévenu !
Le petit film de présentation passé, vous voici parti à la découverte de l’histoire de la marque et du fonctionnement actuel de l’usine en déambulant au beau milieu de cette dernière. On commence dehors avec les châssis des derniers modèles Cx-generation produit depuis 2019. Exit le traditionnel châssis échelle et le train avant rudimentaire, place à une structure complète en aluminium avec train roulants modernes.

Le modèle Super 3 à 3 roues étant même la première Morgan de l’histoire ne comprenant aucune pièce structurelle en bois ! La fabrication des châssis et caisses complètes des Super 3 est sous traitées à une entreprise locale spécialisée dans les structures en aluminium. En arrivant à l’usine, ces éléments sont stockés sur de grandes étagères extérieures.


Surprise lors du cheminement à l’extérieur avec le passage d’un prototype de trois électrique sur lequel travaille actuellement la marque, à savoir le XP1. À Malvern on a la culture du partage avec les visiteurs : tradition et modernité !

Passage ensuite par un espace d’exposition où se mêlent modèles actuels, prototype et modèle ancien. Un Super 3 tenant ici compagnie à une Morgan +8 Drophead Coupe, modèle unique avec cette carrosserie cabriolet et non roadster, ayant appartenu à la femme du PDG de la marque, Peter Morgan, dans les années 1970. Cette voiture ayant en plus la particularité d’être la première Morgan de l’histoire équipée d’une boîte automatique.




Sur les murs les cadres et leurs photos en noir et blanc mettent eux aussi en avant le lien si cher à la Morgan entre le passé et le présent. On y retrouve le fondateur de la marque Henry Frederick Stanley Morgan (dit H.F.S. Morgan), l’usine des débuts et ses employés, ou bien encore un châssis roulant du premier modèle à 4 roues produit par la marque, la 4/4.




Une usine à taille humaine
Un peu de marche plus tard vous vous retrouvez face à une évocation moderne de la plus belle page de l’histoire de la marque en compétition : la 13ème place au classement général et surtout la victoire de classe (2 litres) aux 24h du Mans 1962. Ce résultat fût obtenu par TOK 258, la désormais légendaire Morgan +4 Super Sports, British Racing Green à hard-top beige, arborant le numéro 29 et qui fait aujourd’hui l’objet d’un véritable culte chez les amateurs de marque !

Vous voilà désormais dans le bâtiment d’assemblage, car « l’usine » se compose de plusieurs bâtiments entre lesquels les voitures en cours de fabrication vont et viennent. C’est ici que les structures en aluminium reçoivent leur ensemble moteur/boîte et leurs trains roulants.



Ne cherchez aucun robot ou aucune ligne d’assemblage, ici tout est fait à l’ancienne, par des ouvriers qualifiés.






Le choix des jantes a son importance chez Morgan, l’actuel modèle Plus Four délivrant 255 chevaux et 350 Nm de couple, il est encore dans les tolérances des jantes à rayons. Mais pour la Plus Six de 335 chevaux et 500 Nm de couple, c’est niet. Jantes en aluminium obligatoires car les rayons ne supporteraient pas la puissance de la voiture…

Bois et aluminium, légèreté et tradition
Comme dit précédemment, les Morgan à 4 roues conservent la particularité d’avoir une carrosserie entièrement en aluminium depuis 1997, posée sur une structure en frêne. On trouve donc un pôle menuiserie au sein de la production, toujours sous le regard des anciens employés avec les nombreuses photos accrochées aux murs.







En parallèle, d’autres ouvriers fabriquent, toujours en aluminium et à la main, capots, tour de calandre, ailes avant et arrières. Pouvoir les voir à l’œuvre est un véritable privilège pour les visiteurs car se sont les années d’expérience qui parlent à travers leur maîtrise. Chaque ouvrier reçoit une formation continue aux métiers d’artisanat de l’Automobile, en fin de carrière, un ouvrier de chez Morgan est capable d’intervenir à presque tous les postes au sein de la production : mécanique, menuiserie, tôlerie, sellerie, etc. …







Il faudra ensuite 7h30 pour assembler toutes les pièces d’une carrosserie, excepté le capot, à la voiture.






La partie bois des ateliers gère aussi la marqueterie avec les différents choix d’essences et de teintes proposés aux clients, les plaquages étant réalisés avec un système de mise sous vide assurant la parfaite qualité du produit final. À la sortie du bâtiment un message vous rappelle les points clés de la confection de carrosserie au 21ème siècle, chaque Morgan étant un mélange intriguant d’artisanat et de technologie.




Les finitions ne sont pas un détail
Vous poursuivez ensuite votre visite vers le bâtiment des dernières étapes de construction : peinture, assemblage définitif et sellerie. Rien n’est laissé au hasard, les ouvriers peignent, assemblent et cousent avec le plus grand soin afin de ne pas risquer de compromettre le travail des collègues qui les ont précédés.






On croise ici aussi un prototype, en l’occurrence le Midsummer présenté en mai 2024. Cet incroyable speedster sans pare-brise a été créé en collaboration avec Pininfarina sur base de Plus Six avec une production limitée à 50 exemplaires. Ces modèles numérotés sont déjà tous vendus et commencent tout juste à être fabriqués.





Une fois sortie des chaînes, tous les exemplaires passent par l’atelier de préparation pré-livraison, seul endroit de l’usine où les visiteurs n’ont pas accès physiquement pour limiter les risques sur les véhicules prêts à être livrés. Ici les voitures sont lavées, lustrées et préparées avant d’être livrées à leurs propriétaires. Une grande baie vitrée permet toutefois de voir ce qu’il s’y passe, avec ici l’exemple de nouvelles Morgan Plus Four 2024 reconnaissable à leurs optiques arrière simples et non doubles comme par le passé.


L’héritage d’une marque
La visite se termine ensuite par la salle des archives, mettant en scène le riche passé de la marque à travers quelques modèles rare et documents. On y trouve notamment une rare Morgan Plus 4 Plus produite à seulement 26 exemplaires dans les années 1960, une Morgan +4 Drophead Coupe à radiateur plat ou bien encore une Aero 8 ayant participé aux 24h du mans. Tout ces éléments rappelant le lien très fort existant entre la marque et la compétition et ce dés les débuts de l’entreprise au début du XXème siècle.





Ainsi s’achève ce « Factory Tour », vous ramenant au milieu du Morgan Experience Cafe et d’une alléchante boutique de souvenirs proposant de nombreux ouvrages et autres goodies aux couleurs de la marque.
C’est un endroit hors du temps faisant partie intégrante de l’histoire de l’Automobile qui vous est ouvert à travers cette visite commentée par un guide passionné de la marque. Ce tour d’horizon vous laissant contempler pendant environ 2 heures un savoir-faire incroyable porté et transmis de génération en génération depuis plus de 115 ans par des ouvriers qui sont l’ADN même de la marque. Une chose est sûre, il y a bien longtemps qu’on ne se contente plus de construire des voitures à Malvern. Non, là-bas, on fabrique des rêves…
Morgan Factory Tour (visite en anglais uniquement), réservation en ligne, 32,5 £ par adulte ou 16,5 £ pour les enfants de moins de 12 ans.























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