Oui, la « Citroën 3CV » est dans l’ombre de la 2CV. Oui, la Citroën Ami 6 est boudée par certains, avec des arguments tout à fait valables. Elle n’en reste pas moins une étape importante dans l’histoire des chevrons, que ce soit techniquement mais finalement stylistiquement aussi. Car, oui, c’est le style qui interroge quand on a une Citroën Ami 6 sous les yeux. Est-ce qu’on peut pour autant arrêter toute notre idée d’une voiture sur sa seule ligne ? Absolument pas, parce que c’est avant tout en tant que Superdeuche qu’elle a été présentée. On va donc se mettre au volant.
Notre Citroën Ami 6 du jour
Rares sont les voitures anciennes à avoir à ce point un trait distinctif niveau stylistique. Un trait ? Trois traits qui forment un Z à l’arrière. On pourrait retrouver plusieurs exemples concrets et plusieurs concepts-cars aussi. Mais nous sommes en France et la Ford Anglia et autres Mazda Carol sont bien rares par chez nous. Non pas que la Citroën Ami 6 soit beaucoup plus répandue, mais on la reconnaît.
Un trait stylistique, oui. Une silhouette distinctive, c’est certain. Mais Flaminio Bertoni n’a pas tout misé sur l’arrière de cette Citroën « moyenne » (oui, AMI signifie Automobile de Milieu de gamme) pour réaliser une ligne originale. On va la détailler.

Une fois n’est pas coutume, on va commencer par l’arrière et ce fameux Z de la Citroën Ami 6. Un arrière vraiment distinctif qui est autant une signature stylistique qu’un besoin né du cahier des charges de l’auto. La voiture de milieu de gamme devait s’intercaler entre les deux mythes que sont les Deuches et DS et ne pas dépasser les 4m de long (notamment pour garder la technique de la 2CV). Et puis Citroën n’est pas Renault et veut laisser aux seuls losanges le hayon. On doit donc retrouver une malle.
Le souci de la malle, c’est que la lunette arrière recule forcément son ouverture. Ensuite on ajoute un pavillon qui doit retomber pour rejoindre la malle. Bertoni va donc utiliser cette lunette en Z (déjà vue sur la Ford Anglia depuis 1959) qui permet de s’affranchir de ces soucis tout en évitant à la pluie voire la neige de se déposer à cet endroit.
En dehors de cet arrière (haut, on y reviendra) on retrouve un pare-chocs avec de minuscule butoirs qui délimitent le bas de la carrosserie. Au-dessus, renfoncée et coincée entre pare-chocs et malle on retrouve un panneau vertical avec les quatre feux typiquement Citroën, la plaque, les catadioptres et une barre portant l’inscription Citroën. Pas une trace d’un monogramme Ami 6 !





La ligne étonnante de la Citroën Ami 6 ce n’est pas que cet arrière. On le voit bien sur le profil si particulier de l’auto mais c’est une autre chose qui me frappe de ce côté là : la ligne vraiment plongeante. C’est à la fois vérifiable et une impression. Une impression parce que la ligne de caisse formée entre le haut des ailes avant, le haut du couvercle de malle et, dans l’autre sens, le bas des vitrages est presque horizontale… mais un peu plongeante. Même chose pour le pavillon, plutôt horizontal même s’il est légèrement bombé.
Non, cette impression de ligne plongeante, c’est surtout la ligne inférieure de l’auto qui les donne. On ne parle pas de ce côté largement structuré mais de la ligne tout en bas, qui remonte dans une légère courbe. Au passage, on retrouve une roue arrière en partie cachée par la carrosserie, un gimmick stylistique des Citroën de l’époque.

Maintenant qu’on arrive à l’avant… et bien on s’étonne encore du style de la Citroën Ami 6. Le capote largement creusé est en effet peu courant. Ce n’est pas la seule voiture à proposer cela mais il faut bien dire qu’on l’a rarement vu avec une forme si ronde. Cela dessine bien les ailes de la voiture tout en laissant la place à une vraie calandre pour alimenter en air un moteur qui en a bien besoin.
Mais l’avant de la Citroën Ami 6 se distinguait encore plus à l’époque. De nos jours, ce n’est pas forcément évident mais en 1961, des phares rectangulaires, c’était novateur, surtout qu’ils sont encadrés par un gros enjoliveur. Quand la majeure partie des voitures de l’époque se paraient de phares ronds, la 3CV de chez Citroën « inventait » le principe de la signature lumineuse.
En bref ? Impossible de confondre la Citroën Ami 6 avec une autre voiture de la même époque. C’est un avantage… mais c’était aussi un inconvénient. Les partis-pris sont osés et certains acheteurs ont boudé l’auto à cause de cela. Pour l’arrière, c’est la version break qui viendra au secours de la Citroën Ami 6 et lui permettra de terminer en tête des ventes en France en 1964.
Sinon, la Citroën Ami 8 qui débarque en 1969 à la fois un arrière et un avant plus conventionnels.



Technique : la Superdeuche
La voiture de milieu de gamme voulue par Citroën devait se caler entre la Deuche et la DS. Sauf que niveau technique, c’était compliqué. Le gabarit était plus proche de la deuche mais le 425cm³ qui équipe à l’époque la 2CV est vraiment juste. On va donc rester fidèle au bicylindre tout en passant sur un moteur plus gros. C’est ainsi que l’Ami 6 va recevoir le tout nouveau 602cm³.

À la sortie de l’auto en 1961, le moteur ne sort que 22ch. C’est néanmoins suffisant pour emmener la Citroën Ami 6 à 100 km/h. La voiture connaissant des soucis de jeunesse, notamment à cause des cardans qui cassent et quand les freins sont « inboard », cela pose de vrais soucis, on va faire évoluer la technique. Ainsi, à partir de 1964 les Ami 6 auront un moteur de 26ch. Si ça peut toujours paraître juste, il ne faut pas oublier que la Citroën Ami 6 reste un poids plume : moins de 800kg sur la balance.
Pour le reste, la Citroën Ami 6 est vraiment une superdeuche. Le châssis est étroitement dérivé de celui de la petite sœur et, niveau trains roulants, la principale différence se retrouve au niveau des tambours avant au diamètre majoré. Au départ en tout cas. En effet, si les premières autos conservent les amortisseurs à friction, ils sont remplacés par des amortisseurs hydrauliques à partir de 1964.


Intérieur : Citroën sans badge
Si on vous met au volant de la Citroën Ami 6 en vous ayant préalablement bandé les yeux, vous n’allez pas forcément reconnaître de suite la voiture dans laquelle vous êtes. Un peu comme sur la carrosserie extérieure, pas un signe de la marque ou du modèle. Néanmoins cet intérieur simple porte finalement les « marques » rattachées au constructeur aux chevrons.

De quoi parle-t-on ? D’indices qui viennent des deux autres modèles de la gamme. D’un côté on retrouve le levier de vitesse. Au tableau de bord, coudé, avec une boule blanche, c’est le même que dans une deuche. Par contre, le volant ne fait pas penser à la deuche mais à la DS. Une branche, une jante texturée, il tente de ramener de l’originalité et de l’agrément dans un intérieur finalement très simple.
Cette simplicité on la retrouve côté instrumentation. Tachymètre, odomètre, jauge de carburant et témoin de charge… c’est léger et c’est tout ! Côté commandes, c’est pareil, on ne croule pas sous les commandes, avec deux commodos et peu de boutons. On note que notre exemplaire du jour est doté d’un autoradio et ça, c’est du luxe ! La sellerie est simple et les sièges sont plus épais que ceux d’une deuche mais ne sont pas des fauteuils haut de gamme pour autant.
En bref, on respecte complètement le positionnement de l’auto avec cet intérieur. On note, au passage, que cet intérieur très propre est totalement d’origine sur notre auto du jour.





Au volant de la Citroën Ami 6
Superdeuche ? Alors en s’installant à bord, oui, on sent qu’on est pas loin de la deuche. L’ouverture et la fermeture de la porte font penser aux sons entendus avec une deuche. Et puis on retrouve cette sensation que la voiture va basculer dès que le conducteur s’installe puisque la voiture bouge vraiment sur ses suspensions. La position de conduite est facile à trouver et on peut ensuite démarrer le moteur. Ce n’est pas sa sonorité qui va nous enlever de la tête que c’est dans une deuche qu’on s’installe. Même avec sa plus grosse cylindrée, la sonorité reste celle… d’une deuche.
Levier incliné sur la gauche, tiré vers moi, la première est mise et le frein à main est enlevé. La Citroën Ami 6 va s’élancer. Enfin pas tout de suite. Faut quand même accélérer fort pour que le point de patinage soit correct. Une belle montée dans les tours et on décolle. La première ? On dirait qu’elle ne sert qu’à démarrer tellement il faut vite passer la seconde… mais ce serait une erreur. Oui, ce « gros » bicylindre n’est pas plus coupleux (en tout cas ça ne se ressent pas) que le 425 et il faut donc le pousser dans les tours.


Allez, petit périple urbain. Ce n’est qu’un gros bourg, pas une grande ville et la Citroën Ami 6 y est à l’aise. Pas de tracas avec les limitations de vitesse, même si on arrive vite aux 30/50 réglementaires, le « compte tour auditif » nous dit qu’on roule bien assez vite. Et avec le nombre de stops, ralentisseurs et autres obstacles qui se présentent sur la chaussée, le temps de relancer et d’arriver à la vitesse maxi, on est déjà obligé de freiner. La conduite urbaine quoi.
Sans être une DS, la Citroën Ami 6 est parfaite pour les chaussées actuelles. Comme une deuche, elle avale les ralentisseurs sans sourciller. Alors ça secoue, certes, l’obstacle n’est pas avalé mais absorbé. C’est peut-être un poil moins souple que sa petite sœur et on bouge beaucoup mais il n’y a rien de cassant. C’est une bonne nouvelle. Côté freins, à ces vitesses et avec un poids réduit, on n’est pas prêts de se faire surprendre. Dernier point agréable : le gabarit et la visibilité vers l’avant permettent de bien viser entre les SUV garés à peu près sur leur place de stationnement et ceux qui arrivent en face.



C’est bien beau tout ça… mais la Citroën Ami 6 n’est pas QUE une citadine. Certes, au moment de sa sortie on commençait déjà à concevoir des voitures adaptées aux villes mais, comme la deuche, l’Ami 6 devait aussi être à l’aise à la campagne. Une belle départementale s’ouvre. Pied tôle et on accélère. Cette accélération ferait rigoler le plus poussif des 3 cylindres des citadines actuelles mais on arrive bien aux 90 réglementaires. Certes, il faut s’employer.
On vous l’a dit, le moteur demande à monter dans les tours. Alors on conduit comme on conduirait une sportive en attaquant. Les rapports sont poussés et, surtout, on en met le dernier rapport que quand on est à peu près à la vitesse de croisière… sous peine de ne jamais l’atteindre. Si ce sont vos tympans qui le demandent, va falloir les faire patienter. Car, oui, la Citroën Ami 6 est bruyante. Ce n’est pas qu’une question de tours/minutes puisqu’on ne monte qu’un peu après les 4500 tours lors de cette accélération mais ça fait quand même du bruit. Moins que dans une deuche, certes, mais c’est ténu.
À cette vitesse de croisière, la Citroën Ami 6 reste confortable une fois qu’on s’est habitué au bruit. Niveau suspension, il n’y a pas grand monde qui puisse rivaliser avec une Citroën. Par contre, on est dans un comportement qui colle aux petites autos de la marque. Tout virage s’accompagne de mouvements de caisse énormes. Les mêmes qui voudraient dire « tonneau » dans une sportive ne sont finalement qu’une banalité au volant de notre populaire du jour. Et puis on ajoute que la voiture pique du nez au freinage pour parfaire le tableau. Mais le principal, c’est que le cap est conservé et la petite populaire file.



La conduire à fond ? La Citroën Ami 6 n’est certainement pas une sportive. Vous pouvez cravacher tant que vous voulez, les performances restent les mêmes et on vous rappelle que vous allez plafonner à 110km/h… pour peu que vous ayez vidé l’auto et soyez seul à bord. Mais ce n’est pas cela ça qu’on lui demandait à l’époque, et encore moins maintenant.
Notre auto du jour est une voiture ancienne qui fait ce pourquoi elle est conçue. Elle roule sans trop se trainer, elle reste confortable et elle est assez habitable pour emmener toute une famille. Voyageuse ? Si vous prenez votre temps, elle fera des bornes, oui. Mais n’oubliez pas de la faire se reposer un coup de temps en temps. Et vous reposer les oreilles par la même occasion !
Conclusion
La Citroën Ami 6 ne sera probablement jamais une icône. Et ne comptez pas sur l’image actuelle du nom Ami pour l’aider, c’est même l’inverse. Néanmoins, elle ne mérite pas vraiment l’oubli dans lequel elle est tombé, coincée entre les stars que sont les deuches et DS. On parle quand même d’une auto qui est montée sur la plus haute marche du podium des ventes en France (elle a été aidée, d’accord) et dont l’originalité de la ligne est quasiment incomparable.
Et puis il ne faut pas oublier ses qualités routières. Pour un prix inférieur à celui d’une deuche à état comparable, elle en offre plus. Plus de perfs, plus d’espace. Bref, c’est bien une superdeuche !
Les plus de la Citroën Ami 6 | Les moins de la Citroën Ami 6 |
---|---|
Sa ligne originale | Sa ligne originale |
Des perfs supérieures à la deuche | Des perfs modestes malgré tout |
Moins courante que la deuche | Manque d’aura |
Bonne habitabilité | Bruyante |
Bon confort pour une populaire |







Fiche technique | Citroën Ami 6 Berline |
Années | 1961-1969 |
Mécanique | |
Architecture | 2 cylindres à plat |
Cylindrée | 602 cm³ |
Alimentation | Carburateur Simple Corps |
Soupapes | 4 |
Puissance Max | 26ch à 4750 trs/min |
Couple Max | 42Nm à 3000 trs/min |
Boîte de Vitesse | Manuelle 4 rapports |
Transmission | Traction |
Châssis | |
Poisition Moteur | Longitudinale Avant |
Freinage | Tambours AV et AR |
Voies | AV 1260 mm / AR 1220 mm |
Empattement | 2400 mm |
Dimensions L x l x h | 3960 x 1520 x 1480 mm |
Poids (relevé) | 775kg |
Performances | |
Vmax Mesurée | 112 km/h |
0 à 100 km/h | 38,6s |
400m d.a | 24,1s |
1000m d.a | 47s |
Poids/Puissance | 29,8 kg/ch |
Conso Mixte | ± 6,3 litres / 100km |
Conso Sportive | ± 8 litres / 100 km |
Prix | ± 9000 € |
Conduire une Citroën Ami 6
Avec 1 million d’exemplaires, une Citroën Ami 6 n’est pas une voiture introuvable. Par contre, attention, si c’est l’originalité de la berline avec sa lunette en Z qui vous a tapé dans l’œil, elle est moins courante que la version break. Il n’en reste pas moins qu’on en trouve beaucoup en annonce. Côté prix, dans l’aspiration de la deuche, elle est montée, c’est certain. Mais elle n’est pas aussi chère qu’une deuche, loin de là. On pourra trouver de modèles roulants à partir des 6000€. Pour de très beaux modèles on se rapprochera par contre des 10.000 et on visera même les 15.000€ voire au-dessus pour des modèles irréprochables.
Notre auto du jour est clairement dans la fourchette très haute de la cote. Elle est en vente chez TBR Auto, spécialiste des voitures anciennes populaires mais en parfait état et c’est le cas avec cette Citroën Ami 6 peu kilométrée avec un intérieur d’origine et sans être atteinte par la rouille. Toutes les infos sont ici.
Justement, la rouille est un gros problème de la Citroën Ami 6. S’il y a un point sur lequel elle est inférieure à la deuche, en dehors de l’image, c’est bien ça. La baie de pare-brise notamment, avec des corps creux est particulièrement sensible. Les montants seront aussi à surveiller et si la porte ne bouge pas au moment de l’ouverture, ce sera bon signe. Passages de roues, bas de caisse, tout sera à surveiller ! Côté mécanique, c’est la bonne nouvelle, avec une mécanique produite en grand nombre, les pièces sont globalement disponibles.
Un grand merci à toute l’équipe de TBR Auto pour cet essai.




LEONARD
Ayant possédé un break AMI 6 de 1967 je garde un excellent souvenir de cette voiture sans problèmes, confortable et très spacieuse dans cette carrosserie. Sur la fin la corrosion était galopante et je me souviens avoir fait chuter une glace coulissante avant en claquant la porte. OFL
· · 13 juin 2024 à 15 h 37 min