Un tour en Mathis Torpédo M

Publié le par Benjamin

Un tour en Mathis Torpédo M

Alors que j’avais essayé une Ford A peu de temps auparavant, c’est à relire ici, je m’apprêtais à prendre le volant d’une Mathis Torpédo M. Une autre avant-guerre, plus petite, bien française, bref une nouvelle expérience. Mais voilà, la pluie déjà bien présente au moment d’essayer la MG A, combiné au mode d’emploi de l’auto un peu particulier, m’a gentiment dirigée vers le siège passager.

Mathis, un grand constructeur tombé dans l’oubli

Mais il y a quand même beaucoup de chose à dire sur cette auto. Ne serait-ce que pour vous présenter la marques des Automobiles Mathis.

Emile Mathis en 1921 Photo BNF- Mathis Torpédo M

Son fondateur, Emile Mathis naît à Strasbourg… mais allemand. Nous sommes en 1880 et l’Alsace et la Lorraine sont passés à l’est après la défaite française de 1870. Fils d’un hôtelier, il part faire un apprentissage en Angleterre dès ses 12 ans. En 1898 le voilà de retour et il fonde une concession qui a l’exclusivité de la revente des De Dietrich – Niederbronn, sous licence Amédée Bollée.

En 1904 quand cette marque cesse, il lance sa société Mathis & Co. qui produit une Mathis – Hermes sous licence Bugatti. Les deux hommes sont en effet très liés et travaillent ensemble. Si ils se séparent en 1906, Mathis n’est pas démuni. Son Auto Mathis Palace est le plus grand garage d’Allemagne, l’un des trois plus grands du monde et a le monopole ou la concession des marques De Dietrich, Panhard et Levassor, Rochet-Schneider, Minerva ou Fiat !

Après s’être brièvement intéressé à l’aviation, les Automobiles Mathis naissent en 1911 dans une usine située dans la banlieue de Strasbourg. La gamme est complète avec des grosses cylindrées et des autos plus petites et populaires. La guerre met évidemment l’entreprise entre parenthèses et Emile Mathis, d’abord enrôlé dans l’armée impériale arrive à fuir et rejoindre l’armée française.

Après guerre la production reprend, et de nouvelles autos sont lancées en 1921 et 1922. Des autos à 6 cylindres côtoient les autos à 4 cylindres. Les ventes suivent et en 1924 on produit 100 autos par jour ! À la fin des années 20 les Emysix s’invitent dans le haut de gamme.

Dans les années 30 Mathis est devenu une énorme usine. Elle emploie, sous-traitants compris, près du quart de la population active de Strasbourg ! La chaîne d’assemblage fait 850 mètres de long !
La gamme est très diverse, allant d’une petite 5CV à la grosse Emyhuit et autant de cylindres. Les Emy 4 sont lancées en 1933, peu de temps avant que Mathis ne signe un partenariat avec Ford qui crée Matford qui produit des autos embarquant un V8 américain.

La guerre passe et l’usine strasbourgeoise, ou du moins ce qu’il en reste après un bombardement ciblé et renseigné par Emile Mathis lui-même, est reconvertie pour la réparation des matériels des alliés. Malgré des études d’après-guerre, aucune nouvelle Mathis ne sera relancée, son fondateur n’a plus la motivation nécessaire et le Plan Pons restreindrait trop la production.

La Mathis Torpédo M

Si certains se demandent encore pourquoi les autos des années 20 ont le surnom de « caisse carrée », je les invite simplement à regarder la Mathis Torpédo M.

Pourtant la calandre de la voiture n’est pas carrée, mais elle est résolument verticale. On retrouve aussi un autre trait de ces autos, la hauteur est plus importante que la largeur. Et ça fait un autre effet que sur un SUV Coréen, puisque là on peut parler de finesse.

À l’avant on notera le dessin des ailes, qui portent bien leur nom, et alternent plats, arrondis et quelques angles vifs. Du beau travail de carrossier. Au dessus on retrouve les deux phares et entre leurs fixation une barre transversale qui rigidifie l’ensemble. Le capot n’est pas démesuré et devance un pare-brise en deux parties (haute et basse) lui aussi très vertical.

L’habitacle de la Mathis Torpédo M va rester évidemment fermé pendant cette pluvieuse après-midi bretonne. La capote est haut perchée et se termine de façon inversée, dans le prolongement de l’arrière de la caisse. Non, les Ford Anglia et Ami 6 n’ont rien inventé ! En porte à faux arrière on retrouve la roue de secours, cachée derrière une malle. Du côté gauche on retrouve le seul feu arrière d’origine, celui de droite ayant été rajouté par la suite.

Comme pour toutes les autos de cette époque, les détails ne manquent pas sur la Mathis Torpédo M. On notera par exemple les roues pleines ou encore la belle visibilité qu’on a sur le train avant. Deux accessoires méritent le détour, le klaxon à droite (côté conducteur) et le phare à acétylène, avec son réservoir, de marque Ducellier. On termine ce tour avec la plongeuse qui orne le bouchon de radiateur.

À l’intérieur de la Mathis Torpédo M

Parler de l’intérieur de la Mathis Torpédo M c’est comme dire qu’on est à l’intérieur sous un préau. On est abrité uniquement par la capote, qui restera en place tout l’après-midi. Cette dernière doit être manœuvrée par deux personnes afin de lever les compas qui se situent de chaque côté de façon simultanée. Et ensuite pour nous abriter ? Le pare-brise, et c’est tout ! Pas de vitres latérales, on est dans un torpédo, pas une conduite intérieure !

Ensuite la Mathis Torpédo M c’est le genre d’auto dans laquelle on monte, littéralement. L’accès se fait uniquement du côté gauche et permet d’accéder aux 3 places… et demi. En fait la forme de la carrosserie fait que l’arrière est moins large et que par conséquent, la place est comptée.

La planche de bord est métallique et comporte peu de compteur. On ne trouve pas de compteur de vitesse par exemple mais une montre « 8 jours ». Au niveau des commandes il faut connaître : l’accélérateur est au centre, entre l’embrayage et le frein. On retrouve aussi deux grands leviers, le premier pour la boîte, le second pour le frein à main !

Technique : modernité d’époque

Sous le capot de la Mathis Torpédo M on retrouve le moteur 1200 cm³. Un petit moteur, sans pompe à essence (qui arrive au carburateur par gravité) ni pompe à eau (le circuit fonctionne avec un thermosiphon). Ce petit moteur (pour l’époque) plaçait quand même notre auto du jour dans la catégorie des 8/10 cv fiscaux ! Niveau performances, il permet d’emmener l’auto jusqu’à 80 km/h, mais la vitesse maxi plus « normale » se situe plutôt autour des 65 km/h (sans compteur de toute façon).

On complétera en notant que la Mathis embarque une boîte 4 avec marche arrière, en 1925 sur une petite voiture c’est pas mal du tout, et que niveau freinage… c’est d’époque. Ils fonctionnent avec une tringle et sont présents uniquement sur l’essieu moteur, à l’arrière donc.

Un tour en Mathis Torpédo M

À la lecture de la première partie, vous l’avez compris : la Mathis Torpédo M est une auto moderne mais de son temps. Seules quelques années la séparent de la Ford A, pourtant le maniement promet d’être totalement différent. Et avec la météo du jour (alerte orange sur le secteur), j’avoue que je ne fais pas le fier ! Du coup, à peine séché du tour en MG A, je laisse volontiers le volant à son propriétaire, c’est plus sûr.

Il monte en premier, vu qu’il n’y a qu’une porte et une fois installé, démarre l’auto. Car si elle a une manivelle, un démarreur électrique est également monté. Et la Mathis Torpédo M démarre au quart de tour. Jean manœuvre alors le grand volant et déjà je perçois que le rayon de braquage est très important. Rien que pour sortir de chez lui, il faut s’y reprendre à plusieurs fois.

Mais une fois sur la route, que dire. Je ne suis pas au volant et Jean connaît sa voiture. Et ça se sent. La Mathis Torpédo M est bien emmenée et gagne vite une vitesse qu’on qualifiera de raisonnable, convenant parfaitement à la route de campagne sur laquelle on se trouve. Les vitesses passent bien, évidemment en adoptant le double débrayage.

Côté confort, il n’y a trop rien à dire. Les ressorts à lames font leur job en nous préservant des irrégularités sans pour autant nous faire danser. J’avoue être curieux des sensations renvoyées par la direction, qu’il ne faut pas lâcher une seconde, mais j’avoue aussi que je suis bien sur le siège de gauche. Oui, le siège passager. Au passage l’absence de vitres latérales ne se fait pas ressentir en marche. Le pare-brise, même en partie ouvert, ne laisse pas passer d’eau et rien n’arrive par le côté. On ne va pas ressortir totalement sec, mais la Mathis Torpédo M n’a rien d’une baignoire.

C’est encore plus vrai quand je vois comment se gère le freinage. Attention, décomposition. D’abord on ralentit, on ne peut pas utiliser d’autre mot, en actionnant la pédale de droite. Ça c’est très bien pour passer un virage, même si en anticipant bien le frein moteur évitera souvent d’avoir à toucher aux freins. Mais pour s’arrêter c’est une autre paire de manches. D’abord lever le pied, ensuite rentrer la vitesse inférieure pour le frein moteur, tout en actionnant régulièrement le frein. Et ensuite quand il faut vraiment aider le frein, on actionne le frein à main. Non, Jean ne se prend pas pour Didier Auriol dans le Turini, c’est comme ça que ça marche.

Alors que l’on est sur le chemin du retour, nous voilà dans une première descente. Et elle offre un cruel dilemme puisqu’il faut suffisamment ralentir, en s’aidant pour le coup du frein à pied comme du frein à main, mais pas trop. Parce qu’après le virage d’en bas, il faudra remonter. Et le 1200 cm³ n’est pas spécialement coupleux. Alors on prend notre temps. La montée exige de repasser en seconde et Jean m’avoue que c’est quand même rare puisqu’on roule normalement sur les deux rapports supérieurs presque tout le temps.

Nous voilà rentrés. Est-ce que je veux prendre le volant ? Pas tout de suite. Mais maintenant que j’ai vu comment ça marche… je suis tenté. Une autre fois peut-être.

La Mathis Torpédo M de nos jours

La Type M a été construite par Mathis d’Octobre 1923 à Juillet 1925. Moins de deux ans durant lesquels 4535 autos seront construites. La plupart sont carrossées en torpédos, deux places ou trois places. De nos jours il n’y a plus que 45 Mathis Type M recensées dont 5 Torpédos !

Jean est le quatrième propriétaire de Mathis Torpédo M de 1925. Si elle a reçu un entretien régulier (sur les autos de cette époque rappelons qu’on est proche d’une heure d’entretien pour une heure de roulage), elle n’a reçu qu’une restauration de carrosserie. Et quand on la regarde bien, on a du mal à croire qu’elle date de 1983 !

On le remercie pour la balade en tout cas. Et pour d’autres infos sur Mathis, on vous invite à visiter ce site.

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

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