Sur les Routes du Vercors : Vertige en Viper

Publié le par Mark

Sur les Routes du Vercors : Vertige en Viper

Ahh mes premières Vacances à la montagne. Voilà qui remonte à la fin des années 90 alors que je n’avais même pas 10 ans. Cette année-là, c’est dans le Vercors que nous avions atterri, et je crois que mon amour pour la montagne vient de là. Hormis la beauté des paysages, ce que j’ai surtout retenu de ces vacances, ce sont les routes à encorbellements, et les sueurs froides de ma mère lorsque nous y croisions des campings cars. De la m’est venue une idée stupide. Maintenant que je suis grand et que j’ai le permis, pourquoi ne pas faire ces routes entrées dans la mythologie familiale au volant d’une Dodge Viper ? Est-ce vraiment si terrible ? C’est ce que l’on va vérifier, alors en route.

Première étape : Rallier le lieu de rendez-vous depuis Troyes

Dimanche, 1h du matin. Le scénario est classique, comme à mon habitude, je me retrouve seul, dans le noir à touiller mon café. Pour moi, c’est une étape indispensable et indissociable de chaque longue virée. C’est le moment où je me concentre, mémorise mon trajet, et reagrde la météo. Et dieu seul sait que celle-ci m’a donné des sueurs froides les jours qui ont précédé cet instant. Pluie, orages, soleil, on se serait cru dans la roue de la fortune. Au final il semblerait qu’il fasse beau, alors en voiture, direction Valence!

Tonnerre, Avallon, Saulieu, me voici en plein cœur de la diagonale du vide. Les kilomètres filent sans trop de lassitude, mais, arrivé à hauteur de Chalon sur Saône je me rends compte que j’ai perdu beaucoup de temps sur le planning. Alors, pour être sûr de ne pas manquer mon rendez-vous avec la belle, je file sur l’autoroute. Bon sang ce qu’on s’emmerde ! Mais au moins je finis par rattraper le temps perdu et arriver dans les clous. 8H du matin le soleil réchauffe la campagne drômoise, au loin le Vercors semble dégagé et notre Viper est bien là. Ce n’est pas une inconnue, je l’avais déjà essayée avec Pierre comme compère, et déjà en montagne. Vous retrouvez l’essai ici : Au Volant de LA Viper GTS, A la Croisée des Mondes. Bref, tous les voyants sont au vert et l’adrénaline commence à monter.

De Valence au col de rousset : mise en bouche

9H, le temps de prendre place sur le siège passager, de boucler ma ceinture et c’est parti, direction Crest pour faire le plein. Premier démarrage, purée ce que c’est viril ! Les vibrations, le vacarme et l’odeur d’essence dégagés par l’énorme V10 me collent le frisson et me font vite oublier la nuit blanche. Ce qui n’est pas plus mal car connaissant la bête, je pense qu’une fois au volant j’aurais besoin de toutes mes facultés. Enfin, pour l’instant, c’est en passager que je savoure la remontée de la vallée de la Drôme. Et, je dois admettre qu’en passager, la Viper n’est pas si inconfortable que ça. Les sièges sont excellents, l’amortissement assez confortable et l’auto se laisse conduire avec une certaine souplesse.

En fait pour l’instant les seules choses qui me rappellent que je suis dans une super car, ce sont les trois bosses sur le long capot, le regard médusé des riverains, le bruit démentiel du V10 qui résonne dans les rues, et les coups dans les reins au moment de fuir chaque agglomération. Cette virée commence bien ! D’autant que peu à peu, la plaine laisse place aux contreforts Alpins. Enfin, la vallée finie par se resserrer, et les cultures laissent place aux reliefs escarpés couverts de forêts luxuriantes. Les paysages sont superbes, et je me croirais presque sur Honolulu, enfin l’image que j’en ai… Die, Chamaloc, nous voici au pied du col de Rousset. Sur la route pas un chat, le serpent va pouvoir s’exprimer un peu…

Seconde, pied dedans, mon chauffeur ne fait pas semblant. L’an dernier j’avais été sidéré par le visuel de l’accélération, cette année, et bien, c’est pareil… Tassé dans le siège, le paysage vient nous embrasser, la route s’étire, et le temps s’arrête. 4000trs/min, le V10 s’énerve, et ça dépote méchant ! C’était déjà violent avant, mais là, il y a de quoi faire fermer les yeux de n’importe quel passager un peu sensible. D’autant que cette première phase de l’ascension du Rousset virevolte pas mal ! Les pifs, les pafs, les épingles sautent à la figure, la Viper s’accroche fermement, avant de nous coller les tripes dans le bac à roue de secours au moindre bout de droit !

Tout se passe très vite, et j’ai l’impression que ma tête va finir par exploser tant je suis bombardé d’informations et de sensations ! Le cocktail est nerveusement insoutenable sur route ouverte, mais tellement enivrant ! Ça va trop vite pour nous, pour la route, à bord c’est ultra bruyant, on est assailli par les G, il fait chaud et ça pue l’essence et les gaz d’échappement ! Mais pourtant, à chaque épingle, à chaque sortie de virage, à chaque ligne droite on en redemande !

Cela dit il faut calmer le jeu, déjà 60km et un quart du plein envolé. Remarque, ce retour au calme relatif nous laisse le temps d’admirer le paysage. Et celui-ci a bien changé depuis le bas du col. La végétation se fait moins dense et peu à peu la vue apparaît. Et quelle vue ! Le panorama sur la vallée de la Drôme, les monts boisés, ainsi que le sommet et les falaises abruptes du col est imprenable, et de toute beauté. Tant est si bien que l’on finit par poser la Viper sur une corniche pour prendre le temps d’admirer le paysage qui s’offre à nous.

Cet arrêt signifie aussi que je vais devoir prendre le volant. D’ailleurs, je suis tellement pressé que je bâcle le réglage de ma position de conduite. Contact, c’est parti le V10 secoue la caisse et me fait remballer ma confiance. La position de conduite est atroce mais je m’élance quand même.

En fait non, ça ne va vraiment pas il faut que je m’arrête ! Je n’aimerais pas que la fin du Rousset se transforme en ascension du Golgotha. Cette fois c’est la bonne ! Pour les 8.0 litres du V10, avaler le dernier tiers du col est un jeu d’enfant. Pour moi, c’est un peu plus compliqué, il faut que je reprenne mes repères. Les commandes sont brutales, la direction très lourde, et le gabarit pas évident. Cela dit la route se montre plutôt rassurante, large, et dotée d’un enrobé encore correct. Le tracé quant à lui est assez technique avec de beaux enchaînements rapides qui débouchent tout droit sur des épingles. Pour ceux qui n’ont jamais fait de cols alpins, celui de Rousset est idéal pour débuter. Bref, le temps de reprendre mes marques et me voici désormais au sommet à 1.254m d’altitude.

Devant moi, un tunnel de 769m de long. Je pense que vous imaginez la suite… Ouverture des fenêtres, 3eme, 2eme, et pied dans la tôle ! La Viper reprend violement, l’éclairage du tunnel se met à filer comme si nous étions à bord du faucon millenium. La bande son… Monstrueuse et douloureuse. Le V10 ne crache pas une belle mélodie, mais plutôt un vacarme assourdissant, bestial et qui prend aux tripes. Ce qui n’est pas pour me déplaire. 3eme, j’enchaîne, purée ce que ça pousse ! Tout comme le large sourire que j’esquisse. Pris dans l’action je n’ai pas eu le temps de regarder le compteur, mais à la vue du défilement, je vais me calmer. Je ne sais pas ce qui peut nous attendre à la sortie. C’est l’air de rien à 1200 trs/min que je sors du tunnel et fais mes premiers tours de roues sur le plateau du Vercors.

De Rousset à Saint jean en Royans : Sensations fortes sur les balcons !

Il est temps de partir en quête de ces fameuses routes du vertige. Ces voies entrées dans la légende familiale, et taillées à flancs de falaises au XIXeme siècle par la main de l’homme. Autrefois vitales pour l’économie locale, elles sont aujourd’hui menacées de disparition. Inadaptées au trafic moderne, dangereuses et trop onéreuses à sécuriser, certaines ont déjà fermé. Je parle de la mythique route des grands goulets fermée depuis 2008, et dont la simple évocation suffit à faire dresser les cheveux de ma mère. Ou encore une partie descendante de la route du Canyon des Ecouges, là encore fermée suite à de nombreux éboulements dans les années 2000. Mais rassurez-vous, une grande partie de ces fameuses routes est encore ouverte et fait résistance à l’époque du tout lisse et tout facile. Je fais allusion aux routes de Combe Laval, des gorges de la Bourne, ou encore celles du Nan pour les plus connues.

Vassieux en Vercors, Col de la Chau, le panorama entre plateau et crêtes enneigées est formidable. La route elle, s’avère cahoteuse mais plus rectiligne. Le V10 ronronne, le long capot fend le paysage, à cet instant la Viper semble presque docile et civilisée. Enfin pas pour longtemps, la descente du col de la Chau en direction du col de la Machine est assez fun ! Il est temps de claquer la seconde et de s’octroyer 16km de plaisir coupable. Et dieu seul sait que la Dodge en a à revendre ! Au volant la tenue de route et le comportement sont impressionnants pour une ricaine. Le train avant accroche, la direction est précise et le comportement globalement neutre. Un peu de sous virage en entrée de courbe et une tendance au survirage à la sortie. Cela dit il faut rester lucide, 450ch, pas d’aides à la conduite ça cause ! Et, je sens que si je deviens vraiment stupide le serpent n’hésitera pas à m’envoyer valser ! Même si elle est globalement neutre, la Viper ne pardonne rien, et gare aux réactions car il n’y a pas besoin d’être à la limite pour se faire rappeler à l’ordre. Et…ça peut faire peur.

En sortie de courbe il faut y aller progressivement ! Vu qu’on est en descente l’arrière est fortement délesté à l’entrée des virages. Une fois négociés je peux me permettre d’envoyer la purée jusqu’au prochain. A peine le temps de savourer la seconde qu’il faut que j’enclenche la 3. L’instant est sauvage, jouissif ! Le V10 me recolle au fond du siège, dans une sonorité qui déchire le calme ambiant ! Tout juste le temps de regarder le compteur et de lâcher un « oh merde ! » qu’il faut écraser les freins. Heureusement ils sont présents à condition de bien aller les chercher. Coté endurance ils font le taf pour de la conduite sur route ouverte.

A ce rythme j’arrive vite sur le col de la machine et au même moment, le spectacle me saute à la figure. Le cirque de combe Laval. 4km de long pour une profondeur de 600m, c’est juste vertigineux ! D’ailleurs je garde mes distances avec le muret qui nous sépare du vite. La route quant à elle s’engouffre dans un tunnel étroit.

Le temps d’une courte pause pour admirer le panorama ainsi que la carrosserie de notre star, et me voilà reparti en direction du tunnel. Immédiatement la route pose les bases des 3 prochains kilomètres. Va falloir être très prudent car avec à peine 3m de large, autant dire que les 2m de la Viper ne laissent pas beaucoup de marge. D’ailleurs j’en fais directement les frais au moment de croiser un motard un peu gourmand. De quoi se crisper un bon coup et prier pour que le tunnel ne soit pas trop long. Ouf, il se termine rapidement et la route s’élargit de nouveau. Je profite d’un bout de droit pour remettre les gaz.

L’accélération du paysage était impressionnante dans le Rousset, mais sur ce défilé de Combe Laval ça fout carrément les jetons ! Le son, je vous laisse imaginer… De nouveau, je n’ai plus de visibilité, cette route met les nerfs à rude épreuve mais pas de quoi faire une attaque non plus. La chaussée est sécurisée et la végétation bouche la vue du vide. Tant mieux car j’ai un vertige maladif.

En fait je retire ce que je viens de dire. Au détour d’un virage la voie se rétrécit de nouveau. Là c’est sûr, impossible de se croiser. Et me voici désormais suspendu à la falaise. Impressionnant ! J’ai un mur de pierre au-dessus de la tête et à ma droite un précipice de bien 500m. Et, évidemment, aucune visibilité sur les virages qui arrivent. Heureusement le muret de sécurité masque un peu la vue du vide. Du coup j’ai juste l’impression d’être dans les airs, ce qui n’est pas plus mal pour mon vertige. Et puis honnêtement je suis trop concentré à gérer la Viper en mode funambule pour laisser place à l’angoisse. Mais je comprends l’appréhension d’un passager sans contrôle et suspendu dans le vide à l’idée de croiser un camping-car.

Coté ambiance, c’est dément le V10 raisonne contre les parois, la vue est folle et l’auto n’est pas évidente à mener dans ces méandres. Il faut faire attention de tous les côtés pour ne pas frotter ni faire peurs aux nombreux touristes. Je ne vois guère plus que les 3 bosses de l’énorme capot, l’embrayage est très dur, et la direction camionesque. Sans compter qu’il faut être très doux avec les gaz. A chaque virage, il faut se tenir prêt à pouvoir s’arrêter sec au cas où. Sans ABS évidement…En conséquence, je ne roule pas très vite, à peine 50 de moyenne. Physiquement la Viper tire sur les bras, les jambes, et me fracasse les chevilles. Et, j’admets que lorsque je croise ces motards klaxonnant sur la fin de la portion, j’ai le cœur qui se lève un peu. Enfin, la corniche se termine ! Sur le coup de l’adrénaline, ce n’était pas si terrible ! En y repensant, si, quand même !

L’étroitesse de la voie, la crispation provoquée par le vide ainsi que les rochers sur nos têtes, l’absence totale de visibilité, et la surprise de voir une voiture débouler en face, forment un mélange assez éprouvant sur le plan nerveux et qui peut vite mener à la panique. Par chance sur cette portion je n’ai croisé personne mais les sensations fortes étaient bien au rendez-vous ! Et même si la Viper était un choix stupide pour cette route, j’ai adoré l’expérience de ce mélange incongru ! Enfin on peut se détendre et avoiner un peu jusqu’à Saint Jean en Royans !

De Saint Jean en Royans aux gorges de la Bourne : La magie opère malgré l’arrivée de la pluie !

Saint Jean en Royans ! Il est temps de faire une pause pour déjeuner. Au menu, passants médusés, terrasses pleines et fin d’une nuit de sommeil pour les amateurs de grasses matinées. Rien qu’en repensant au bordel que le V10 mettait dans les rues étroites de la bourgade j’ai le sourire. Et au final on ne nous en a même pas voulu tant le spectacle sortait de l’ordinaire. Faut dire que les riverains sont surement plus habitués à croiser des Porsches que des grosses Dodges. Enfin, trêve de plaisanteries, il reste encore pas mal de route et le ciel se couvre ! Alors on va faire fissa pour manger !

13H c’est reparti ! Direction Saint Laurent en Royans. En fait non, car on se plante totalement de direction avant de finir par se perdre. Se paumer dans une bourgade de 3000 âmes il faut le faire ! Mais bon sans petits contres temps un road trip ne serait pas aussi amusant. C’est finalement grâce à la 4G que nous finissons enfin par repartir sur la bonne route. Saint Laurent, Sainte Eulalie en Royans, la route longe les flancs du Vercors. Magnifique ! L’arrivée sur Saint jean en Royans l’est encore plus. Le village est niché sur les falaises qui se resserrent ne laissant la place qu’à l’entrée d’une gorge. Malheureusement je n’aurais pas l’occasion d’immortaliser le lieu. Impossible de se stationner. Ah les weekends prolongés !

Et ces gorges qui se profilent devant nous ? Ce sont celles de la Bourne. 20 kilomètres de routes suspendues, de tunnels et de passages très étroits ouverts en 1872. Voilà qui promet d’être méchant d’autant que le ciel est désormais bien couvert. Après Combe Laval ce n’est pas ça qui va nous faire peur. D’autant que la portion qui succède Choranche est particulièrement jouissive. De larges pifs pafs, un enrobé impeccable, et un paysage fabuleux entre falaises et cascades. Bien que tenté, la vue est tellement belle que l’on oublie un peu le sport, on finit même par poser la Viper le long du gouffre. Juste le temps de profiter de la vue que nous offre ce cirque duquel jaillit une cascade vertigineuse à l’aplomb d’un lac. J’ai vu de beaux paysages au cours de mes virées Alpines, celui-ci en fait désormais partie !

Je reprends ma place sur le siège passager, en route pour faire raisonner les 8000 centimètres cubes de la Dodge. Pour le coup je ne suis pas déçu, la route permet encore d’exploiter un peu le serpent et mon chauffeur s’en donne à cœur joie. Les falaises se resserrent comme un étau, plaqué dans nos sièges, on est comme aspiré dans la gorge ! Oh bon sang ! La falaise en face de nous se rapproche brutalement, le capot dévore les bandes blanches le tout avec la bande son d’un bombardier de la seconde guerre mondiale. Ça y est on s’engouffre dans le tunnel. Oh la vache le vacarme est terrible ! Ce n’est pas large, mais ça passe encore à deux alors pas question de lâcher ! C’est encore plus impressionnant que dans le Rousset ! Tout devient tellement étroit et se rapproche tellement vite qu’il y a de quoi se taper une bonne chiée. D’autant que la chaussée est désormais humide et défoncée! Personnellement je suis accroc !

La fête sera de courte durée, la route se resserre façon Combe Laval et devant nous une Polo. Même avec 450ch sous le pied droit impossible de doubler, les gorges l’ont décidé ainsi. Fin du game ! Remarque est ce qu’on aurait osé envoyer sur ce boyau défoncé creusé entre le vide et la paroi ? Pas sûr ! Cette partie historique des gorges de la Bourne est largement aussi impressionnante que Combe Laval et requière le même sang-froid.

C’est peut-être moins haut, mais il y a plus de trafic et le sentiment de claustrophobie est bien plus présent. Cela dit je suis encore shooté par l’adrénaline que le V10 distribue en pagaille. Alors je ne m’en fais pas au moment de croiser ce 2008. Un peu de courtoisie de sa part, et, grâce au parking sécurisé sur notre droite ça passe ! La route continue ! Quelle merveille! Les balcons, les tunnels, les portions entre ciel et roches se succèdent au tempo de cette mécanique de malade. Ce serait tellement dommage que ces routes folles soient sacrifiées sur l’autel de la sécurité routière et de la rentabilité! Même si cette fichue Polo nous bride je savoure chaque instants de ce moment hors normes.

Non, ces routes ne sont pas abominables! Elles sont audacieuses, magiques, difficiles, effrayantes mais tellement gratifiantes! Un peu comme notre gros serpent noir et l’orage qui plane sur notre équipage. Quand on en a fini on se dit: « wouha on l’a fait, sacrée expérience ! » et on se sent un peu à part.

La remontée sur Saint martin en Vercors se fait sur une chaussée trempée par une averse fraîchement tombée. Les litres de sans plomb filent et cette portion s’avère tout aussi enivrante que la gorge. On retrouve un savant mélange d’encorbellements vertigineux, de forêts verdoyantes avec en toile de fond un paysage de carte postale! Cette route distille atmosphère que je n’ai encore trouvé nul part ailleurs. Habituellement je ne suis pas un mordu des gorges, je les trouve toutes similaires, pénibles, longue et trop obstruée par le trafic.

Mais maintenant que nous avons le champ libre je trouve celles du Vercors magiques, presque féeriques ! Peut-être est-ce en partie dû à notre Viper, qui malgré son incompatibilité avec ces axes, rend l’expérience plus exaltante et plus intense.

A la sortie du Canyon c’est à moi de reprendre les commandes. Sur route mouillée qu’est-ce que ça donne ? Eh bien, j’ai les pétoches, et dans ma tête ressassent tous les écrits que j’ai pu lire sur cette dangereuse Viper. Dans les faits, en restant prudent, il ne se passera rien. Si je ne la provoque pas, la Viper ne me tuera pas, c’est comme ça que ça marche ! Alors j’enroule gentiment les virages, je réaccélère en douceur et je décompose bien les étapes sans gestes brusques.

Bon d’accord même en m’y prenant de la sorte l’expérience reste délicate. L’appréhension est très difficile à combattre, et j’ai un peu l’impression de jouer les équilibristes avec une épée de Damoclès sur la tête. Les freins ne demandent qu’à bloquer, et le V10 n’attend qu’un excès d’optimisme pour me sanctionner d’une bonne valse. Remarque ça tombe bien, mon optimisme est parti avec le soleil. Saint Julien en Vercors puis Saint Martin, la route sèche enfin! Étonnement je retrouve mon optimisme, et c’est avec la discrétion d’un éléphant que je quitte Saint Martin en Vercors.

Seconde pied dans la tôle, la Viper réveille tout ce qui dormait à 2 kilomètres à la ronde. Elle me colle aussi un méchant sourire. Ce tempérament de feu est addictif au possible, tout comme la montée du tachymètre. J’enclenche la 3 avec la brutalité propre à cette boite, olala c’est tellement bon. Le V10 reprend en crachant son kilo de C02 par kilomètres et nous voici à quelques lacets du Rousset. Oh non pas déjà !? Et si ! Alors que je brutalise nos cervicales dans les lacets, le parking du col surgit de nul part. Zut, c’était trop court, mais la boucle est bouclée et nous attaquons le retour.

Du col de Rousset à Valence en pleine tempête.

Devant nous se profile le tunnel sommital, comme à l’aller celui-ci est franchi dans un vrombissement dantesque. 6000 tours/min, notre cerveau est resté à l’entrée du tunnel, on s’en fout, on n’a pas tous les jours l’occasion de faire ça ! A peine entrés, déjà sortis… Face à nous, la vue est magnifique, tout comme l’orage qui arrive. Cette fois, on ne va pas y échapper. Les nuages prêts à craquer s’entassent contre les reliefs, et ce n’est qu’une question de minutes avant de s’en prendre une bonne. Ah qu’est-ce que j’aime quand les éléments se déchaînent en montagne. Ça fait toujours quelques bons souvenirs à raconter et de bons shoots de sensations fortes. Le temps de faire quelques photos et le calme plat qui précède chaque orage s’installe. L’atmosphère devient lourde, pas un poil d’air, et le silence est absolu.

Sur ce signal d’alerte, il nous faut reprendre la route ! Et en descente on attaque fort. Purée ce que ça tient le pavé cette caisse ! A ce rythme je ne sais pas si le quart de plein restant sera suffisant pour rallier l’arrivée. Mais on profite au maximum de ce bouquet final. A peine à la moitié du col, les premiers éclairs font leur apparition, ce qui augmente encore un peu la tension. Quelle ambiance ! Je n’aurais pas pu espérer mieux pour clore cette balade ! Les pifs les pafs s’enchainent avec une conduite passionnée, le long capot engloutit littéralement la route, à chaque épingle les freins répondent présents. La vue sur les sommets bouchés par un ciel de peintre, le rugissement du moteur, la tension pour essayer de passer entre les gouttes offrent un bouquet final explosif ! Chamaloc, ça y est, il pleut. Et pas qu’un peu ! Alors que l’orage dispense ses éclairs, le déluge s’abat sur nous. Les essuies glaces peinent à évacuer l’ondée et on serre le cul. On a perdu notre contre la montre et il va falloir affronter la tempête…

Die, puis la vallée de la Drôme, il pleut tellement que la chaussée est inondée. L’aquaplaning est omniprésent et toute cette flotte a tendance à embarquer le train avant. Pas franchement rassurant quand on sait que l’on n’a ni ABS, ni ESP, ni contrôle de traction, et 665nm de couple aux roues arrière. Dans ces conditions, avec cette visibilité presque nulle il est difficile de dépasser les 70 à l’heure. Et même si on essayait, l’accident que l’on croise en plein cœur de la vallée fait office de piqure de rappel. 10, 20, 30 kilomètres sous ce déluge c’est long, mais peu à peu le relief s’estompe et le ciel semble se déboucher. La pluie finit par cesser aussi rapidement qu’elle est arrivée. Ca y est nous sommes dans la plaine et le soleil rayonne. Crest, derniers kilomètres, à peine le temps de profiter d’une dernière morsure que nous sommes arrivés.

Fiou c’était intense ! 240km en montagne, c’est à la fois long et trop court. Le contact se coupe, laissant un vide dans l’atmosphère. Enfin, la tension redescend et il ne me reste plus qu’à admirer une dernière fois la gueule de ce gros serpent, avant que les portes de son box ne se referment. La Viper en plus d’un caractère bien trempé, c’est aussi une sacrée belle gueule, toute en courbes et en agressivité. Maintenant, il ne nous reste plus qu’à apprécier un bon verre d’ice-tea assis au soleil, avec la douce sensation du devoir accompli, avant de remonter sur Troyes. Bon sang encore 500kilomètres, je ne suis pas couché !

Conclusion

J’avais déjà adoré la Viper l’an dernier sur le Semnoz. Cette année, je n’ai pas eu l’effet de surprise, mais purée, quel pied ! Je suis définitivement fan et mordu. Des caisses comme ça on en fait plus, et on n’est pas à la veille d’en revoir. Belle, brutale, mal foutue, inexploitable, sensationnelle, complètement débile, mais tellement intense à mener, tellement jouissive !

Un peu comme les dernières routes suspendues du Vercors. D’ailleurs sont-elles si terribles ? Eh bien, oui, je dois bien admettre avoir eu quelques levées de cœur et beaucoup d’appréhensions à certains passages. Il faut dire qu’elles ont tout pour ça : vertigineuses, trop étroites, mal revêtues, dangereuses (en partie à cause des risques d’éboulements). Cela dit, je n’en garde pas un souvenir effroyable ni désagréable. Je pense même qu’il faut se les faire au moins une fois, car, comme notre Viper, ces routes sont totalement hors normes et offrent des émotions uniques en plus de vous plonger dans une époque totalement révolue. Brefs, sensations fortes et dépaysement garantis, aux conditions de garder son sang-froid et de rester lucide…

Mark

Passionné de photo et de sa BMW E30, Mark a rejoint News d'Anciennes courant 2016. Essais, road-trip, reportages, tout l'intéresse du moment qu'il peut sortir son appareil photo.

Commentaires

  1. vik

    Comme d’ hab superbe reportage avec un bon narrateur. J aurais bien aimé être avec vous, veinards.

    Merci mille fois, ça fait du bien.

    Répondre · · 14 juin 2018 à 18 h 35 min

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