Hellé Nice, du cabaret aux Bugatti !

Publié le par bertrand

Hellé Nice, du cabaret aux Bugatti !

Il est parfois des personnages que l’histoire ne retient pas, Hellé Nice est de ceux-là ! Pourtant cette jolie brune avait tout la faire cette histoire. Sa beauté n’avait d’égale que son talent derrière un volant. En ce début de siècle très masculin, cette femme libre et atypique fit voir aux hommes comment on pilote, sous fond d’un doux parfum libertaire. Du cabaret aux grands prix, Hellé Nice brilla de mille feux, avant hélas d’être précipitée dans l’oubli et la misère.

Hellé Nice et la fée mécanique !

Le siècle n’avait pas un an, quand Mariette Hélène Delangle voit le jour le 15 décembre 1900 à Anay-sous-Auneau en Eure-et-Loir. La petite brune aux yeux bleus n’a que trois ans quand son facteur de papa l’emmène voir la course Paris-Madrid qui passe par son village. Dans ses bras, Mariette tombe dans la marmite du sport mécanique. On se plait à supposer que ses parrains peuvent êtres les frères Renault et la légende serait belle. Même si cette course verra le décès de Marcel. En tout cas, ce qui est sûr c’est que deux cents concurrents qui traversent votre village sur des machines aussi bruyantes que mal odorantes, ça laisse des traces dans votre subconscient !

Elle perd très tôt son père et à 16 ans, Hélène monte à Paris. Elle est jeune, belle, peu farouche, elle devient donc modèle nue. Hélène pose notamment pour des artistes qui illustrent des affiches de music-hall. C’est l’un d’eux qui la poussent à prendre des cours de ballet. En quelques années elle se fait une belle carrière sous le nom de Hélène Nice, puis rapidement d’Hellé Nice.

Ce surnom viendrait de soldats américains qui disaient, elle est nice « charmante en anglais » le nom lui plait, il restera !

Hellé Nice au volant !

Avec le succès vient l’argent, et Hellé Nice peut maintenant vivre confortablement. Chose rare pour une femme dans les années vingt, elle est titulaire du permis de conduire depuis l’âge de vingt ans.

Mais ce qui la fera basculer définitivement dans les courses est la rencontre, en 1920 avec Henri-Gérard de Courselles. Ancien pilote d’avion lors de la Grande Guerre, après l’armistice il est devenu pilote de course automobile. C’est le virage de sa vie et c’est avec lui qu’Hélène découvre le monde des grands prix.

En 1921, elle est à Brooklands et tente de s’inscrire dans une course. Ce qu’il lui est refusé au titre que c’est une femme ! Amère déception, mais qui ne calme en aucun cas son désir de courir. Jusqu’en 1927, elle prend part à des courses, dès qu’elle en a l’occasion. Entre danse et courses, elle est sur les deux fronts. L’ivresse du succès sur les planches et l’ivresse de la vitesse !

Hellé Nice et les Bugatti !

Hélène devient pilote professionnel en 1927. En juin 1929, elle remporte sa première course, sur une Omega Six, le Grand-Prix féminin sur l’autodrome de Montlhéry. Mais c’est sur une Bugatti, une Type 35C, que le 2 décembre de la même année, elle bat le remporte le record de vitesse féminin avec 197,70 km/h et une moyenne de 194 sur les dix tours imposés par l’épreuve.

En 1930, et profitant de sa notoriété d’être la seule femme sur les Grands Prix, Hellé Nice part en tournée aux États-Unis. Avec le soutien du fabricant de cigarettes Lucky Stike, dont elle devient l’égérie, elle participe à de très nombreuses courses sur une Miller, une voiture de fabrication américaine. Hellène s’aligne aux départs de plus de 70 courses, mais n’en remporte cependant aucune.

De retour en France, c’est Philippe de Rothschild qui la remet au volant. C’est son amant du moment et au demeurant celui à qui appartenait la Type 35 ! Bref Philippe lui présente Ettore Bugatti, ce dernier reconnait là, un caractère fort et dynamique. Sous le charme de la jolie brune, il voit en elle un pilote qu’il pourra mettre dans son écurie. De plus, les Bugatti, elle connait, en ayant fait troisième en juin 1930 lors du Grand Prix Bugatti sur le circuit du Mans. Hellé Nice saute sur cette occasion en or, elle y voit là une superbe façon de rivaliser avec les hommes, voire de les battre.

C’est chose faite en 1931, quand elle pilote une Bugatti Typa 35C, lors de cinq GP, comme à Monza, celui d’Italie et bien sûr celui de France. Au volant de sa Bugatti, elle enchaîne dès lors les courses les plus prestigieuses. En 1933, c’est vers Alfa Romeo qu’Hélène s’engage. C’est maintenant une star qui roule sur tous les circuits du monde, mais aussi courses de côtes, et autres rallyes comme celui du Maroc.

Elle y côtoie tous les plus grands pilotes, tels que Louis Chiron, Jean-Pierre Vimille ou René Dreyfus. Mais aussi la mort, comme ce 10 septembre 1933 lors du GP de Monza, ou trois pilotes perdent la vie lors de l’épreuve.

Hellé Nice la star !

Les années suivantes, la jeune femme passe sa vie à s’amuser, à épuiser des amants et bien entendu piloter. Hélène incarne la femme libérée, et c’est en véritable star qu’elle débarque en 1936 au Brésil pour le GP de São Paulo. Mais ce 13 juillet rien ne va, alors que sur son Alfa 8C, elle est en seconde place derrière le brésilien Manuel de Teffé, ils roulent a plus de 160 km/h. Le brésilien moins rapide lui ferme la porte lors d’un dépassement.

Pour éviter la collision, Hellé Nice se déporte vers le public simplement retenu par des cordes. Dans la liesse, une botte de paille est poussée sur son chemin, elle la percute de plein fouet. Hélène est éjectée sur un soldat qui amortit sa chute, lui est mort sur le coup, elle est sauve, mais dans le coma. L’Alfa poursuit sa trajectoire vers une tribune et tue quatre spectateurs et en blesse une quarantaine d’autres.

Elle sort du coma trois jours après et reste trois mois à l’hôpital avant de sortir. Cet accident fait d’Hellé Nice un véritable héros au Brésil. Mais même si elle refusa toujours d’en parler publiquement, cet épisode dramatique la hanta jusqu’à la fin de ses jours.

Le retour d’Hellé Nice !

Après un an passé loin des circuits, la pilote est de nouveau opérationnelle en 1937. Dans le milieu elle est encore reconnue pour être la femme la plus rapide. Son retour se fera avec la firme des huiles Yacco, qui l’engage pour des essais d’endurance réservés aux femmes. Avec trois autres pilotes, sur l’anneau de Montlhéry elles tournent en alternance pendant dix jours et dix nuits. Hellé Nice bat elle-même dix records mondiaux, qu’elle détient toujours.

En aout 39 elle remporte la seconde manche du championnat féminin de l’union sportive, à bord d’une Juvaquatre. La suite est malheureusement connue, la guerre arrive et tout s’arrête. Tant sa carrière que sa vie mondaine. Installé à Paris avec Arnaldo son amant, ils connaissent une certaine précarité, pour ne pas dire la misère.

En aout 43, le couple achète à Nice une villa cossue sur les bords de mer, avec quel argent, nul le sait ! Aussi étrange que mystérieux. Mais ainsi, passe la guerre !

Après la grandeur vient l’oubli !

La guerre terminée, Hellé Nice s’engage en 1949 sur le premier rallye de Monte-Carlo. Mais lors de la soirée de gala, le pilote et ancien ami, Louis Chiron l’accuse publiquement d’avoir été un agent de la Gestapo pendant la guerre.

Accusation terrifiante dans cette France meurtrie par la guerre et toujours en pleine épuration. Surtout que Chiron est un personnage très puissant dans le monde du sport mécanique. Malgré les dénégations d’Hélène, le coup porte et profondément. Rapidement ses sponsors et amis la lâchent. C’est un coup dur pour la petite princesse des circuits, elle ne retrouvera plus jamais de volants.

Comme une pestiférée, tout le monde lui tourne le dos et, plus grave, lui crache dessus. Son amant disparaît avec ses dernières économies, la misère la guette. À tel point, qu’Hélène est contrainte de vendre meubles et tableaux et bientôt sa villa.

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Désormais ruinée, elle qui avait connu les plus grands palaces, les appartements de maitres, passe seule ses dernières années dans un minuscule appartement à Nice. Pour l’aider à survivre, un organisme d’anciens artistes lui vient en aide.

Hellé Nice, meurt le 1er octobre 1984, sans un sou, sans amis et complètement oubliée. Pas un seul de ses anciens amis ne vient, le monde huppé et mondain auquel elle appartenait l’a complètement renié. Sa crémation est payée par l’organisme et ses cendres renvoyées dans son village natal.

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Le fin mot de l’histoire

Alors pourquoi Louis Chiron a-t-il donc porté de si graves accusations ? Alors que lui a quand même été pilote de Mercedes en 1936, et que les nazis ne se génèrent pas pour utiliser son image dans leur propagande ? Interrogé sur ses dires, le vieux renard ne s’en expliqua jamais. Vengeance, d’un amant éconduit, vieille jalousie de circuits, on ne sait pas !

Certes, certaines zones d’ombres sont présentes sur ce qu’a fait Hellé Nice pendant la guerre. Mais pour sa biographie, « the Bugatti Queen » écrite par l’Américaine Miranda Seymour en 2010, cette dernière a poussé loin ses investigations. Elle alla même jusqu’à consulter les archives de la Gestapo à Berlin, elle ne trouva rien qui corrobore les accusations de Chiron.

Miranda se battit pour réhabiliter la mémoire de cette femme au caractère et a la vie extraordinaire. Dans son village, une plaque orne maintenant sa tombe et une rue porte son nom.

Ce qui est sûr, Madame Hellé Nice, c’est que moi je ne vous oublierai jamais, ma petite princesse en Bugatti !

J’ai rencontré Hellé Nice, ou plus précisément sa Bugatti au Chantilly, Art & Élégance en 2015. Elle achète cette Bugatti Type 35, châssis 4863, le 29 mars 1930 directement à l’usine de Molsheim. Cette Bugatti fut vendue 3 millions de dollars en 2014…

bertrand

rédacteur et photographe à news d'anciennes. Passionné d'histoire et de véhicules anciens, il rejoint la rédaction de news d'anciennes en 2015. Armé de son fidèle Nikon, il écume les rasso et salons pour vous les faire découvrir.

Commentaires

  1. Georges

    Article historique passionnant comme vous savez très bien les faire.
    On en redemande à chaque fois.

    Répondre · · 16 avril 2020 à 9 h 52 min

    1. bertrand

      Bonjour Georges, merci pour aimable commentaire ! Comme vous aimez, n’hésitez pas à partager !

      Répondre · · 16 avril 2020 à 15 h 44 min

  2. CORRE

    Très intéressante vie de cette femme, bien racontée et bien documentée. Y a t’il un lien avec le film « Hellé » tourné par Vadim en 1970, histoire se passant fin des années 30 et dans lequel évolue un roadster avec un capot très long (Maria Schneider, qui tourna avec Marlon Brando dans Le dernier tango, y joue) ?

    Répondre · · 16 avril 2020 à 15 h 03 min

  3. bertrand

    Bonjour Corre, merci pour votre message. Je ne connaissais pas ce film, j’ai donc fais une rapide recherche sur le net. Et non, le synopsis n’a rien avoir avec notre Hellé Nice, mais peut-être qu’un jour un producteur pourrait y penser, qui sait !

    Répondre · · 16 avril 2020 à 15 h 43 min

  4. James Thorne

    Bonjour Bertrand – salutations d’Angleterre!
    Bel article sur une vie intéressante. Mais puis-je proposer quelques corrections? Malheureusement, le livre de Miranda Seymour contient des informations inexactes (il y a plus d’informations contemporaines disponibles que lorsqu’elle a écrit son livre) et d’autres auteurs (y compris la BBC…) ont répété les erreurs (et parfois les ont aggravées!).

    1. L’histoire d’Hellé Nice à Brooklands n’est pas vraie – elle n’a jamais essayé de participer à une course à Brooklands.
    2. Hellé Nice n’a pas battu le record du monde de vitesse féminin en décembre 1929 car il n’y a pas de record de vitesse officiel des vainqueurs (voir svp « L’Auto » des 18 et 19 décembre 1929). De plus, Mme Jannine Jennky avait atteint une vitesse supérieure (199,059 km / h en moyenne) à Arpajon en août 1928 (voir svp « L’Auto » du 27 août 1928).
    3. Hellé Nice n’a jamais couru dans un grand prix majeur (comme le GP d’Italie ou le GP de l’ACF).
    4. Lors du Grand Prix de Sao Paulo en 1936, Hellé Nice occupait la quatrième place (et non la deuxième) derrière Manuel de Teffé lorsque l’accident s’est produit.
    5. Sous le titre  » Hellé Nice au volant! », au moins deux des photographies ne sont pas Hellé Nice. La photo en haut à gauche (voiture n ° 32) montre Anne-Cecile Rose-Itier dans sa Bugatti au Provence Trophy 1932 ; je ne sais pas qui est représenté sur la photo « GP Ungheria 1936 », mais ce n’est pas Hellé Nice.

    Si vous avez besoin de plus d’informations, veuillez envoyer une réponse.
    Cordialement, James Thorne.

    Répondre · · 23 janvier 2021 à 21 h 55 min

  5. Manon Bossennec

    Bonjour et merci pour ce bel article, bien écrit et passionnant sur la vie encore trop méconnue de mon aïeule ! Comme l’a souligné M. Thorne, certaines inexactitudes dues à l’unique source de tous les écrits à ce jour sur la toile (cf. Bugatti Queen).
    J’ai la joie de vous annoncer qu’avec mon équipe, nous écrivons le premier ouvrage en français sur Hellé Nice : https://fr.ulule.com/rugissante-la-folle-trajectoire-dhelle-nice-/ et les préventes sont ouvertes ! N’hésitez pas à jeter un oeil, cela devrait vous plaire !!
    Au plaisir,
    Manon Bossennec, famille Delangle.

    Répondre · · 7 avril 2021 à 16 h 56 min

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