Au volant d’une Ford A, l’avant-guerre pour les nuls

Publié le par Benjamin

Au volant d’une Ford A, l’avant-guerre pour les nuls

Un peu de variété pour la reprise. Avoir s’être attaqué à un roadster à tendance sportive, la MG C puis une française très rustique et dépouillée, la 404 Commerciale, on change totalement de catégorie pour la prochaine. C’est au monde des avant-guerre qu’on s’attaque avec une Ford A, mais pour une expérience beaucoup plus cool que prévue !

La Ford A en bref

La A n’est pas la T et n’a pas vraiment la même aura. La Ford A est la toute première auto produite par Ford en 1903 et il en sera produit 1750 exemplaires. Mais ce n’est pas de cette Ford A là dont on parle, mais de la seconde mouture qui apparaît en 1927.

Cette seconde auto sera déclinée en des dizaines de carrosseries ouvertes ou fermées, avec un nombre de place très variable et un équipement pouvant rapidement s’étoffer. Au final elle ne sera au catalogue que 4 ans. Sauf que cette carrière éclair se révélera un vrai succès avec 4.850.000 autos produites ! Oui, quand même !

Notre Ford A du jour

On vous l’a dit, des Ford A il y en a des dizaines. Alors on va commencer par bien détailler l’auto que nous avons entre les mains en ce mardi de juin. Cette carrosserie coach n’est pas le coach de la gamme (qui ressemble lui à un coupé hard-top ou faux-cabriolet) mais une berline deux portes. Et deux portes en anglais c’est two doors… ce qui a donné son nom à cette carrosserie Tudor !

Ce qui ne changeait pas trop entre les différentes versions, c’est l’avant. Avec un capot et une calandre reconnaissable, la Ford A se reconnaît de ce côté-ci. Ensuite on découvre une ligne relativement carrée, mais adoucie de quelques rondeurs. Pour autant on ne tombe pas dans la lourdeur excessive de certaines productions contemporaines. La surface vitrée est large et y contribue. La peinture bi-ton également. On la trouverait même plutôt courte cette auto.

En même temps elle ne fait que 4,2 m de long avec un empattement de 2,63 m. C’est en fait la forme de l’ensemble, avec son pare-brise vertical et un arrière qui retombe d’un seul coup, qui donne un aspect ramassé à la ligne, surtout de profil.

Pour ceux qui aiment les détails, ils seront servis avec cette Ford A. Il doit en exister des versions plus dépouillées mais notre auto du jour a ouvert le catalogue des accessoires et s’est bien servie dedans. Une grille de calandre additionnelle, des déflecteurs (extérieurs) gravés, divers chromes et des filets de vert clair sur vert foncé ajoutent à l’aspect luxe de l’auto… qui restait tout de même une populaire en son temps !

Un intérieur large et relativement bien équipé

On entre dans la Ford A facilement, avec les deux larges portes. Forcément le regard tombe vite sur le volant qui est particulièrement imposant. Comme dans toutes les autos de ces années là, il faut bien pouvoir manœuvrer, sans assistance. On retrouve dessus les habituelles manettes servant à régler l’avance tandis que sur la colonne un commodo, accessoire, a été rajouté pour pouvoir actionner des clignotants, forcément pas d’origine, mais évidemment bien utiles dans une circulation actuelle qui les oublie trop souvent.

Au dessus du pommeau de levier de vitesse, tendance psychédélique, c’est toute l’instrumentation qu’on retrouve. Ne cherchez pas une enfilade de cadrans ronds, seul l’ampèremètre l’est, d’origine. Le cadran de température d’eau a été rajouté en bas, mais on soulignera le soin porté à son intégration. Le niveau d’essence se lit tout en haut, et directement dans le réservoir ! À gauche on retrouve le contact, au centre le bouton du démarreur électrique, et en bas le compteur de vitesse (à bande) et les compteurs kilométriques.

La sellerie est sobre. On remarque que l’articulation des sièges est en fait constante puisque ce sont des sangles en cuir de chaque côté des assises qui évitent au dossier (et aux occupants d’ailleurs) de basculer en arrière. D’ailleurs à l’arrière de notre Ford A Tudor, on aura de la place pour les jambes et on tiendra facilement à deux, mais il faudra sacrifier le confort pour emmener plus de monde.

Sous le capot : un gros 4 pattes

Quand un propriétaire de Porsche 944 se vante que son 4 cylindres en ligne est le plus gros du genre, n’oubliez pas de lui rappeler que ça ne marche que pour l’époque de son auto. Car au tournant des années 30 les Ford ne faisaient pas dans la dentelle avec leur 4 cylindre en ligne : ici il cube 3286 cm³ ! L’alésage est à 98,4 mm, sacré gamelle, tandis que la course est de 107,9 mm ! Oui ça fait une belle bielle en dessous ! La puissance est de 40 ch. Et si vous aimez les moteurs qui chantent, allez voir ailleurs. On est pas dans une Honda S800. Ici la puissance maxi s’atteint à 2200 tours !

On notera quand même que ce moteur pouvait différer sur certaines autos européennes. Ainsi équipée la Ford A inscrivait 19 cv sur sa carte grise ! Alors les versions AF embarquaient un moteur de 2043 cc qui sortait tout de même 28 ch mais faisait entrer l’auto dans la catégorie des 12 cv.

On referme le capot en prenant garde à ne pas raccrocher dans l’aile… et on est prêts à partir.

Au volant de la Ford A, anticipation et attention

Comme beaucoup d’autos de cette époque, l’installation d’un démarreur électrique est un vrai plus. Et après 3 mois sans tourner, confinement oblige, on peut avoir peur d’une opération longue. Et bien non. Contact, pression sur le démarreur et 5 secondes après avoir claqué la porte de gauche le moteur est lancé et prêt à partir.

Avant d’y aller je récapitule pour les vitesses… sauf qu’il n’y a pas vraiment de surprise. Première, deuxième et troisième, aucune n’est synchronisée. Mais aucune ne sera très compliquée à passer puisque les vitesses sont exactement là où elles se retrouvent sur toute auto plus moderne. On ne s’embête pas à boucler la ceinture inexistante, et on est prêt.

J’ai quand même un peu d’appréhension à passer la première. Est-ce qu’elle est bien rentrée ? La première fois, pas vraiment, j’entend bien que ça tourne dans le vide. Un geste un peu plus ferme sur le long levier et c’est parti cette fois. L’embrayage est haut et l’accélérateur s’enfonce vite. Bien plus qu’il n’est nécessaire mais en tout cas la Ford A s’élance.

La première ne sert vraiment qu’à démarrer. A peine quelques secondes plus tard on peut mettre la seconde, qui ne dure pas forcément non plus. Et arrivé autour des 40 km/h c’est déjà la 3e que j’engage. À chaque fois le double débrayage s’impose. Les premières minutes de conduite laissent tout de même quelques grincements de boite couvrir le bruit du moteur. Alors je prend mon temps. La Ford A n’est pas une voiture sportive, et je ne suis pas là pour claquer le moindre chrono.

Par contre je sens bien qu’elle peut rouler vite. Du moins pour une auto de son age. On sent bien qu’avec le couple de l’engin et finalement une puissance fort correcte, on pourrait presque faire de la voie rapide ! En tout cas sur les petites départementales elle est à son aise. Les grandes courbes permettent de tester sa direction. Directe et relativement précise, elle permet de bien inscrire l’auto.

Par contre la Ford A est quand même paresseuse et ne virevolte pas. En même temps et encore une fois, ce n’est pas vraiment pour ça que je suis venu la conduire. Sur sol sec et avec des vitesses en courbe tout à fait correctes, elle a plus tendance à vouloir élargir la trajectoire qu’à vouloir faire un 360°. Néanmoins Charles m’assure qu’en y mettant du sien, c’est une figure de style qu’elle aime tenter de temps en temps en rond point ! Je remarque aussi que les pneus sont un peu mous et qu’il ne faut pas s’en remettre à eux. Ils ont tendance à nous faire prendre de la place sur la route, que la Ford A subit un peu.

Après quelques kilomètres, la boîte est chaude et le bonhomme aussi. Les vitesses rentrent mieux. Il ne faut juste pas se précipiter. Embrayer, passer au point mort, débrayer, laisser le moteur retomber un peu, et ensuite on refait de même pour passer le rapport supérieur. En laissant retomber le régime, on pourrait craindre de freiner l’auto. Mais avec un couple de 174 Nm à seulement 1000 tours/minute, on a de la réserve et la Ford A repart tout le temps.

Et puis finalement ce couple permet aussi de ne pas trop jouer avec les changements de vitesse. Il faut vraiment descendre sous les 25 km/h pour avoir besoin de repasser la seconde avec le même cérémonial qu’évoqué précédemment. Sinon on restera sur la troisième vitesse dans tous les virages. Evidemment on aura besoin des freins pour se ralentir. Et pour une auto de cette époque ils sont étonnamment efficaces. J’ai connu des autos plus récentes, au système peut-être plus fatigué, qui avaient plus de mal à s’arrêter !

Les derniers kilomètres approchent et on retrouve une route plus large. Elle est parfaite pour voir ce que donne la Ford A au milieu des citadines diesel qui rentrent du travail. Je ne vais pas faire la course avec une Audi A3 un peu large avec la notion de limitation de vitesse mais je vais faire avancer le compteur de vitesse. Il n’est pas forcément très lisible pour moi, un peu caché par le volant. Et puis le fait qu’il n’est pas dans l’axe de la route déstabilise un peu. Mais il affiche fièrement les 80 km/h qu’il enregistre, et qui sont apparemment plutôt proches de la vérité !

Tant qu’on est sur la lisibilité, la jauge d’essence est quand même particulière puisque c’est le carburant que l’on voit derrière le verre ! Alors profitez d’être à l’arrêt pour le faire.

Mais je ne vais pas me tracasser avec ça. Je continue de rouler, en troisième, sans me prendre la tête. On ne peut pas dire qu’une avant-guerre soit toujours facile à conduire. Mais une Ford A, c’est quand même différent.

Conclusion

On m’avait tellement vanté les Ford A comme des autos faciles à conduire que j’avais juste le titre de l’article à confirmer. Alors attention, si vous descendez de votre 2008 HDi EATchaispascombien et que vous n’avez jamais conduit une avant-guerre, ça reste quand même une expérience.

Mais avec un moteur coupleux comme celui-ci, des freins qui marchent plutôt bien et une tenue de route prévenante, on s’en sort avec une voiture qu’on appréhende assez vite. Toutes les avant-guerres ne sont pas faites dans le même moule, et heureusement, mais pour les plus réticents et les plus peureux, avec celle-là vous devriez avoir une bonne base. Et vous passerez aux autos plus rustiques par la suite !

Points forts Points faibles
Un couple énormeLa boîte à savoir prendre en main
Un freinage étonnantNécessite une attention de tous les instants
Une auto mythiqueDispo et prix de certaines pièces
image 10- Ford A

S’offrir une Ford A

Pour une fois on ne vous donnera pas du tout de cote. D’abord parce que niveau fiabilité des différents indices sur ces autos là, on est loin de celle de notre Ford A. Autre souci, il y a tellement de carrosseries différentes que les prix varient du simple au quadruple.

Et puis une fois que vous aurez décidé laquelle sera la vôtre il faudra en trouver une. Le mieux ? Vous renseigner auprès les propriétaires de ces autos qui sauront vous aiguiller et vous orienter sur les bons modèles mais surtout vous faire passer l’attirance que vous auriez pour les moins beaux.

Un grand merci à Charles pour m’avoir laissé le volant de sa voiture et au Château de Goulaine et son sympathique propriétaire pour nous avoir laisser prendre les photos.

Fiche technique de la Ford A  
Mécanique   Performances  
Architecture 4 Cylindres en ligne Vmax 102 km/h
Cylindrée 3286 cm³0-100 km/h
Soupapes 8 400m DA
Puissance max 40 ch à 2200tr/min 1000m DA
Couple max 174 Nm à 1000tr/min Poids/Puissance 26,25 kg/ch
Boîte de vitesse Manuelle 3 rapports    
Transmission Propulsion    
Châssis   Conso mixte X /100
Position moteur Longitudinal avant
Freinage Tambours AV et AR Cote 1928 NC
Dimensions Lxlxh 4190 x 1700 x Cote 2019
Poids 1050 kg    

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. THIEBAUD

    Bonjour,
    Possesseur d’une FORD A Torpédo avec conduite à droite, je vous confirme le côté agréable à conduire grâce à son fort couple. Et encore, mon moteur n’est pas au mieux. Et pas besoin de double débrayage en montant les vitesses.

    Le côté un peu fatiguant (pour les conduites à droite) est l’accélérateur situé entre la pédale de frein et l’embrayage (position typique des conduites à droite – pour les conduites à gauche la position est traditionnelle) qui oblige à avoir la jambe de travers.
    Pour passer les vitesses en montant aucune nécessité de double débrayage, un léger temps d’arrêt au passage du point mort avant d’enclencher la vitesse supérieure et cela passe comme sur une boîte synchro. Huile bien chaude, si vous aller trop vite, ou forte montée, très léger craquement possible.
    Par contre pour rétrograder; double débrayage nécessaire en accélérant fort pendant le passage du point mort afin d’accélérer les pignons.
    Les capacités : Dans la montée alsacienne du « col haut de Ribeauvillé » un vrai col avec ses épingles à cheveux, aucunes des citadines récentes qui me suivait n’a réussi à me doubler, j’étais à l’épingle suivante avant qu’ils n’aient le temps d’envisager un dépassement !!!
    En 3ème, à plat vous pouvez descendre vers 15 km/h et repartir sans changer de vitesse et sans broncher. C’est le couple à bas régime lié à un moteur quasi carré à fort alésage..

    Bonne route

    Répondre · · 9 mai 2023 à 23 h 22 min

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