Racing Team : Sauber, 1ère partie, les années Prototypes (1970-1991)

Publié le par Nicolas Anderbegani

Racing Team : Sauber, 1ère partie, les années Prototypes (1970-1991)

Sauber, toujours à la manœuvre en F1 derrière le paravent marketing « Alfa Romeo Racing », est sans nul doute une des écuries disposant du plus gros capital sympathie auprès du public, toujours prompt à soutenir les David de l’artisanat contre les Goliath de l’industrie automobile. Mais si la plupart des gens associent logiquement Sauber à la F1, cette équipe jouit d’abord d’un long et riche passé en voitures de sport et en Prototypes.

Les prémices

Peter Sauber dans les années 60 Photo Alfa Romeo Sauber- Sauber

Même s’il n’en a pas le palmarès, Peter Sauber est un peu le «Frank Williams» suisse, un autodidacte passionné, tenace, attaché à son indépendance, un meneur d’hommes, avec peut-être davantage de bonhomie et d’empathie que son homologue britannique. Bref, Sauber appartient à un « espèce » de teams managers en voie de disparition. Il naît le 13 octobre 1943 à Zurich en Suisse et veut se lancer dans la compétition automobile à la fin des années 60.

La tâche est ardue, non pas que la Suisse n’offre les conditions économiques nécessaires, bien au contraire, ou qu’elle ne soit pas pétrie de talents – les frères Chevrolet, Jo Siffert et Clay Reggazzoni en témoignent – mais plutôt du fait que le sport automobile est « persona non grata » chez les Helvètes. Depuis la catastrophe des 24 heures du Mans 1955, qui fit 80 morts, la Suisse a purement et simplement interdit les compétitions automobiles…sauf les courses de côte ! Ça tombe bien, les Bergrennen sont très populaires à l’époque (Ferrari et Porsche s’y engagent officiellement et se tirent la bourre avec leurs barchetta 212E et 909 Bergspyder) et la Suisse dispose d’un relief tout à fait adéquat pour les pratiquer. Licencié à l’Automobile Club de Bâle, Peter Sauber, fils d’un important industriel et électricien de profession, se lance dans le grand bain en 1966, au volant d’une VW Beetle de série, puis d’une version modifiée en 1968. Sauber dispute même une course à Hockenheim en partageant la piste avec le grand Jo Siffert. Pourtant, le suisse ressent davantage de plaisir à préparer des voitures qu’à les conduire. La technique l’intéresse plus que le pilotage, et il prend sans doute conscience aussi de ses limites. En 1970, il saute le pas avec sa première création ! La Sauber C1, le « C » faisant référence à son épouse Christiane, est une barquette développée à partir d’une F3 Brabham, propulsée par un 4 cylindres Cosworth de 115 chevaux, avec lequel Sauber devient champion de Suisse des voitures de sports.

Mais rapidement, il laisse le volant à d’autres et se focalise sur le développement de sa société, Sauber Rennsport AG. Pour assurer ses arrières financièrement, il ouvre aussi en 1970 un garage à Hinwill, sur le terrain d’une des succursales de la société de son père. Un garage qui sera à un moment donné une concession Jaguar, un des ses futurs adversaires en Groupe C !

Le succès de la Sauber C5

L’écurie poursuit son engagement en course de côte et en sport-prototypes, en participant essentiellement à des courses en Allemagne. Les modèles C2 (1971) C3 (1973) et C4 (1975) remportent quelques victoires et places d’honneur, mais c’est avec le modèle C5 de 1976 que Sauber Rennsport prend véritablement son envol.

Le châssis en aluminium et le moteur BMW 2.0 litres font merveille : dès la première saison, Herbert Müller remporte le championnat Intersérie dans la catégorie 2 litres, une compétition européenne très populaire qui avait la particularité de mélanger des voitures de classes et d’époques différentes. Cinq châssis seront construits et la C5 va courir jusqu’en 1980 dans divers championnats, avec 15 victoires et surtout l’honneur de participer aux 24 heures du Mans dans la catégorie Groupe 6 dès 1977.

En 1978, la Sauber C5 y est inscrite avec un équipage entièrement suisse composé de Eugen Strähl, Harry Blumer et du pilote de F1 Marc Surer. La Sauber C5 brille et mène l’épreuve dans sa classe mais un bris de soupape sur le moteur BMW empêche l’équipage, alors que l’arrivée était proche, d’être classé.

L’ère M1 avec BMW

En 1979, Sauber délaisse quelques temps les sports-prototypes et prépare des châssis Lola en F2 pour les pilotes suisses Beat Blatter et Max Welti, lequel deviendra plus tard le directeur de course de Sauber en Groupe C.

Entre temps, BMW développe la fameuse M1, superbement dessinée par Giugiaro et le studio Italdesign, avec un châssis étudié par Lamborghini et un moteur préparé par les sorciers de Motorsport. Pensée à l’origine pour un engagement en Groupe 4, sa carrière en compétition est contrariée par le changement de règlement FIA 1977 pour la catégorie, qui impose une production et vente minimale de 400 exemplaires de route pour obtenir l’homologation. En raison d’un processus de production complexe, ralenti par les déboires de Lamborghini, et du développement de la M1 de course déjà en cours, BMW Motorsport se rabat alors, sur proposition de Jochen Neerpasch, le boss de Motorsport, vers un championnat monotype ouvert aux pilotes professionnels des championnats du monde de F1, des voitures de sport et de Tourisme, ainsi que d’autres championnats internationaux. C’est ainsi que naît en 1979 le championnat M1 Procar, qui donne à cette supercar munichoise ses lettres de noblesse. En 1980, Sauber rejoint la liste des préparateurs engagés avec le soutien financier de BASF.

Mais alors que l’homologation Groupe 4 arrive enfin, c’est trop tard : BMW a déjà changé son fusil d’épaule et met le… turbo, façon de parler, sur le projet F1. Et finalement Sauber décide de développer une version répondant à la catégorie Groupe 5, une formule « silhouette » permissive qui autorisait toutes les folies, avec des modifications mécaniques et aérodynamiques quasiment illimitées à partir de la voiture de production ! Le 6 cylindres M88/2, qui développait 470 ch à 9000 tr/min dans sa version Procar, passe au Turbo et pouvait monter jusqu’à 1000 chevaux en qualifications !

La particularité de Sauber fut de construire deux M1 Groupe 5 à partir de zéro, avec un châssis tubulaire léger et une aérodynamique pouvant être configurée pour chaque circuit, là où d’autres convertissaient des M1 Groupe 4 ex-Procar. Un modèle était exploité par GS Racing avec la paire Hans-Joachim Stuck et Nelson Piquet dans les lignes rouges et blanches psychédéliques de la livrée BASF, tandis que la voiture sponsorisée par Würth, directement exploitée par Sauber AG, fut confiée à Marc Surer et Dieter Quester, l’expert du supertourisme chez BMW. Les voitures étaient nettement plus légères de 150 kg que tous les autres M1 convertis à partir de leurs spécifications Procar, et pouvaient boucler la Nordschleife 20 secondes plus rapidement. 

La première course fut les 6 heures de Silverstone 1981 mais la voiture GS Racing BASF, la seule engagée, s’est retirée à mi-chemin avec des problèmes de sélection de vitesse. Puis, lors de l’événement suivant, Stuck et Piquet ont remporté une magnifique victoire sur l’éprouvant 1000 kms du Nürburgring devant la Porsche 910/80 usine, tandis que le modèle engagé par Sauber termina 13e. 

Au Mans cependant, les BMW, 21e et 22e sur la grille, ont été surclassées par les Porsche et ont enregistré un double abandon, sur accident pour la GS et sur panne moteur pour la Sauber. Le reste de la saison a été décevant, avec de nombreux abandons et seulement une 3e place obtenue par Christian Danner dans l’épreuve de Zolder du championnat DRM, l’ancêtre du DTM. Le projet a pris fin, la seule voiture restante (la Würth, car la GS fut détruite dans un incendie) fut vendue et un nouveau défi se proposa à Sauber : le Groupe C, qui allait lui permettre de revenir aux Sport-prototypes.

Les débuts de Sauber en Groupe C (1982-1983)

En 1982, Sauber aligne deux prototypes SHS C6, motorisés d’abord par un V6 Cosworth puis par un 6 cylindres en ligne BMW de 3.5 litres, le fameux M88 issu de la M1. Un modèle est engagé pour sa propre équipe et un autre, avec le BASF Team GS, est piloté par un certain Walter Brun, un suisse qui rachètera l’écurie GS avant de tenter également l’aventure F1 à la fin des années 80 avec l’équipe Eurobrun. Aux Mans, c’est une nouvelle déconvenue puisque la première voiture abandonne à la suite d’une défaillance du démarreur et la seconde, pilotée par Jean-Louis Schlesser et Hans-Joachim Stuck, superbement qualifiée en en septième position, renonce au bout de 73 tours à la suite d’une rupture du support moteur. Le meilleur résultat de la saison est une 4e place dans l’épreuve d’Hockenheim du championnat DRM, avec Hans Heyer au volant.

En 1983, Sauber construit la C7, toujours motorisée par le M88 BMW 3.5 litres porté à 670 chevaux. Les moyens sont limités, mais les ingénieurs font des merveilles.

Aux 24 heures du Mans, l’écurie voit enfin l’arrivée avec la belle 9e place de l’équipage Montoya-Naon-Garcia, puis l’équipe stoppe vite le développement de la C7, revendue pour courir en IMSA GT.

Elle annonce une année sabbatique, pour préparer au mieux la saison 1985 qui marque un grand tournant pour Sauber : la collaboration avec BMW prend fin et va laisser place à un nouveau partenariat avec Mercedes qui, trente ans après la catastrophe du Mans, fait enfin son retour officiel en sport automobile. Ironie de l’histoire, Sauber va travailler avec la marque qui, suite au drame de 1955, avait entrainé indirectement l’interdiction du sport automobile dans son pays !

L’aventure Sauber-Mercedes

Mercedes revient, mais prudemment, étape par étape. Plutôt que de débarquer avec une équipe 100% usine en son nom propre, l’étoile préfère s’appuyer sur l’expérience de Sauber pour les châssis et préparer sereinement un futur engagement 100% Mercedes, le temps de peaufiner le V8 turbocompressé M117. La première année, la Sauber C8, construite avec une monocoque en alliage léger, ne participe qu’à 3 courses, dont les 24 heures du Mans. Qualifiée 17e, elle ne peut même pas participer à l’épreuve après que John Nielsen se soit envolé en essais d’avant course.

En 1986, Sauber-Mercedes bénéficie de l’appui d’un nouveau sponsor, Kouros, le nouveau parfum masculin lancé au début des années 80 par Yves Saint-Laurent, l’équipe devenant ainsi le Kouros Racing Team. Cette fois-ci, deux voitures sont engagées au Mans et doivent participer à l’ensemble du championnat du monde d’Endurance. La 61 est même la voiture de l’affiche des 24h du Mans ! Du beau monde se trouve derrière le volant : John Nielsen, Mike Thackwell, Dieter Quester et le grand Henri Pescarolo. La classique Mancelle est une nouvelle déception, avec un double abandon dans les premières heures de course.

Mais à la course suivante, lors des 1000 Kms du Nurburgring, qui réussit décidément à Sauber, la C8 s’impose avec la paire Thackwell-Pescarolo, devant la Porsche 962C de Hans-Joachim Stuck et Derek Bell, excusez du peu ! De plus, ce succès a lieu en présence des dirigeants de Mercedes, confortés ainsi dans le bien fondé de leur partenariat avec Sauber. Le duo Pescarolo-Thackwell décroche encore une 6e place aux 1000 Kms de Spa, l’équipe obtenant ainsi une encourageante 5e place au championnat. La C8 est ensuite revendue à l’équipe française de Noel del Bello, qui la fera courir jusqu’en 1989 !

En 1987, la C9 fait son apparition. Evolution de la C8, elle est conçue notamment par Léo Ress, que l’on retrouvera ensuite dans l’aventure F1 de Sauber, et les moteurs sont préparés par le spécialiste réputé Heini Mader, lui aussi de nationalité suisse, qui affiche une sacrée carte de visite : on lui doit la préparation des V8 Cosworth dans les seventies et des moteurs BMW Turbo F1 ! Le V8 Mercedes M117, de 5 litres de cylindrée, gavé par deux turbos KKK, frôle les 800 chevaux et permet à la bête d’atteindre les 370 Km/h dans les Hunaudières ! La première saison est cependant catastrophique, avec une succession d’abandons et une maigre 7e place à se mettre sous la dent aux 1000 Kms de Spa. Le contrat avec Kouros n’est pas renouvelé, mais l’avenir de l’équipe évolue : en 1988, la structure prend le nom de Sauber-Mercedes, signe fort montrant que le constructeur de Stuttgart assume désormais son engagement et va s’impliquer de plus en plus officiellement.

Le sponsoring voit l’arrivée d’AEG et le staff se renforce avec la venue de…Jochen Neerpasch. Le monde est petit. Le noir Kouros est remplacé par le Gris Mercedes : les Silberpfeile, les flèches d’argent, sont de retour ! Avec Schlesser, Jochen Mass, Mauro Baldi, James Weaver mais aussi Stefan Johansson sur certaines courses, le team Sauber-Mercedes a fière allure. La fiabilité est enfin là, et en 1988 le team décroche la 2e place du championnat derrière Jaguar, avec 5 succès à Jerez, Brno, au Nurburgring, Spa et Sandown en Australie, sans compter plusieurs succès en championnat Allemand. De son côté, Jean-Louis Schlesser est vice-champion chez les pilotes. Seul bémol : un nouvel échec au Mans, les deux voitures n’ayant pas pris le départ suite à de graves soucis de pneumatiques non résolus.

1989-1990 : domination sans partage

En 1989, c’est enfin la bonne. Le V8 Mercedes type M117 cède sa place au type M119, qui a remplacé les têtes en acier par de nouvelles têtes en aluminium à quatre soupapes. Très aboutie, la C9 version 1989 écrase la concurrence, qui est représentée par une Jaguar XJR-11 pas assez fiable et une vieillissante Porsche 962. Sauber-Mercedes passe à un souffle du grand chelem, gagnant 7 des 8 courses de l’année, dont les 24 heures du Mans qui s’offrent enfin à la structure germano-suisse avec un doublé en prime. Les Jaguar dominent le début de course, mais la fiabilité fait la différence. Dans la ligne droite des Hunaudières, la C9 atteint même les 400 Km/h, soulignant à la fois ses qualités aérodynamiques et la puissance du nouveau bloc Mercedes. Victoire de Mass-Reuter-Dickens devant Baldi-Acheson-Brancatelli, la C9 100% française de Jabouille-Cudini-Schlesser terminant 5e. Sauber-Mercedes s’empare du titre constructeur et, avec 5 succès, Schlesser de celui des pilotes.

La domination se poursuit en 1990, avec l’introduction de la Mercedes C11 (pour l’anecdote, l’appellation C10 a été zappée pour des raisons de prononciation, C10 se disant malaisément « tsétsenn » en Allemand) qui propose pour la première fois un châssis en fibre de carbone (des lests sont ajoutés pour atteindre le poids règlementaire minimum). On remarque que le nom Sauber disparaît de la dénomination officielle du modèle. L’année 1990 fut aussi intéressante avec l’introduction d’un « junior team », qui ne pouvait plus masquer les nouvelles ambitions de Mercedes : retourner en F1.

Junior team

Mercedes rêve de ressusciter les fameuses flèches d’argent, qui triomphèrent dans les Grand Prix d’avant-guerre et dans les années 50 grâce au mythique duo Fangio-Moss. Deutschland über alles… Mercedes est donc conscient qu’une excellente monoplace n’est rien sans de grands pilotes. Or, en 1990, ses flamboyants champions de Sport-Prototypes que sont Jochen Mass (44 ans), Jean-Louis Schlesser (42 ans) et Mauro Baldi (36 ans) sont bien trop âgés pour prétendre incarner ce renouveau allemand en F1.

C’est ainsi que Jochen Neerpasch, directeur de la compétition Mercedes, met en place pour la saison 1990 un Junior Team, programme qu’il avait déjà expérimenté une décennie plus tôt chez BMW et qui avait révélé en Formule 2 des pilotes comme Marc Surer et Manfred Winkelhock : l’idée est de mettre à l’épreuve de jeunes espoirs du sport automobile teuton en leur faisant écumer les courses du championnat du monde de Sport-Prototypes aux côtés des expérimentés Mass et Schlesser. Par cette expérience acquise, ils seront placés ensuite en Formule Un dans des écuries de « rodage » avant d’être récupérés mûrs et prêts à vaincre une fois l’étoile alignée au départ des GP, à l’horizon 1992-1993. Dernier vainqueur allemand d’un Grand Prix à l’époque (Espagne 1975), Mass est le pilote idéal pour assurer la relève et fait office de « professeur », partageant le volant à tour de rôle avec les espoirs du Junior Team. Les trois pilotes désignés ne sont autre que les trois premiers du championnat d’Allemagne de Formule 3 1989, à savoir un autrichien, Karl Wendlinger et deux allemands : Heinz-Harald Frentzen et… Michael Schumacher, tous séparés par un malheureux petit point au général. Quant au 4ème larron, Fritz Kreuzpointner, il est placé dans le championnat allemand de tourisme, le fameux DTM.

Le début de saison des flèches d’argent est tonitruant, avec un double succès de Schlesser et Baldi à Suzuka et Monza, dignement complété par deux secondes places de Mass, épaulé par Wendlinger, le 1er des trois jeunes loups à avoir les honneurs de concourir. Schumacher relaye Wendlinger à Silverstone mais la C11 est déclassée pour non-conformité. Lors de la manche suivante à Spa, Wendlinger remporte la 1ère course du Junior Team puis doit céder sa place à Schumacher qui aligne deux secondes places à Dijon et au Nurburgring. Frentzen pour sa part dispute à Donington son unique course, qu’il concrétise par une belle 2e place avant de céder son tour pour les deux dernières manches au Canada (Wendlinger, 9e) puis au Mexique, où Schumacher profite du déclassement de Schlesser-Baldi pour remporter sa 1ère victoire personnelle en Sport, la seconde du Junior Team

Au final, Sauber et Mercedes s’adjugent aisément le championnat 1990. Là encore, sans le couac de Silverstone, le grand chelem aurait été accompli même si Sauber-Mercedes ne dispute pas le Mans qui a été placé hors championnat. Néanmoins, avec 8 victoires en 9 courses, le triomphe est complet, Schlesser et Baldi remportant une nouvelle fois le titre avec 6 succès à eux-seuls, tandis que Schumacher et Wendlinger finissent 5ème ex-æquo du classement pilotes. Des trois prodiges, Frentzen est le plus impressionnant : plus rapide que Wendlinger et Schumacher, le natif de Mönchengladbach parvient à effectuer des temps canon tout en ménageant mieux la consommation d’essence. Pourtant, Frentzen quitte le giron Mercedes à la fin de l’année et décide de s’embarquer avec son sponsor Camel dans l’aventure de la Formula Nippon, ce qu’il regrettera amèrement.

En 1991, la donne est redistribuée avec un nouveau règlement technique controversé qui, à côtés des vieux turbos et des anciennes générations de prototypes encore tolérés, fait la part belle aux moteurs atmosphériques de 3.5 l de cylindrée, calqués sur le modèle des F1. Les coûts explosent et auront finalement raison du championnat. Sauber et Mercedes joue sur deux tableaux, gardant la C11 pour sa paire de pilotes expérimentés (Schlesser-Mass) tout en lançant un nouveau prototype, la C291, confiée à Wendlinger et Schumacher désormais réunis ensemble. La domination des saisons passées n’est plus de mise, les machines allemandes étant dépassées en performance pure et en puissance par les Jaguar XJR-14, qui récupèrent le V8 Ford des Benetton, et les nouvelles Peugeot 905, sans compter que la fiabilité du nouveau bloc M-291 3.5L Flat12 n’est pas au rendez-vous. Pis, les meilleurs résultats de la première moitié de saison sont ramenés par la vieille C11. Quid de la C291 ? Et bien une deuxième place chanceuse à Silverstone et deux abandons.

La F1 en ligne de mire

Le grand événement des jeunes loups cette année-là est leur première participation aux 24 heures du Mans, où Mercedes a préféré mettre au placard la peu fiable C291, le Junior team récupérant une C11. L’équipage du Junior team est complété pour l’occasion par Kreuzpointner et va réaliser une magnifique course, en grande partie grâce à Schumacher. Bien partis en effet, ils sont retardés par une erreur de Wendlinger à la chicane Dunlop. Quand Schumacher prend le relais, ce dernier imprime alors un rythme infernal, digne d’un grand prix. Poussant la C11 dans ses derniers retranchements, il réalise le meilleur tour de la mythique épreuve au crépuscule, cinq secondes plus rapides que l’année précédente. Ils achèvent la course à la 5ème place, à 7 tours de la Mazda, malgré un ennui de transmission dans la nuit. Le natif de Kerpen a marqué les esprits, transfiguré par une préparation physique intense et une volonté de fer qui lui permettent de prendre l’ascendant sur ses rivaux dans et en dehors de la piste.

Peter Sauber rappelait que « Frentzen, par exemple, était aussi doué que lui voire plus. Mais Michael était un fou de travail, très ambitieux et fort mentalement. Physiquement, il était parfaitement préparé. C’est pourquoi, très tôt, on pouvait deviner qu’il serait un pilote très spécial ». La suite semble alors porter ses fruits : après le Mans, le Junior Team se fait remarquer une ultime fois en remportant la dernière épreuve sur le circuit japonais de Autopolis.

Bien que l’étude de la C292, plus radicale et plus puissante, ait été lancée pour la saison 1992, c’est la fin de l’aventure Sauber-Mercedes en Sport. Mercedes se retire du Groupe C et le directoire entérine son arrivée en F1 à l’horizon 1994, bien décidé à appliquer son plan à long terme. Dès la deuxième moitié de la saison 1991, Schumacher et Wendlinger trouvent un volant en F1 : le premier fait des débuts fracassants chez Jordan, avant d’être récupéré chez Benetton par l’habile Briatore et le second est placé chez March Leyton House. Le pari est en passe d’être réussi : les « jeunes loups » se font les dents dans le peloton de l’élite automobile et seront rodés une fois le retour de Mercedes effectif.

Mais les choses ne se passeront pas comme prévu, y compris pour Sauber, qui décide de franchir le Rubicon avec le soutien de l’étoile : direction la F1 !

Ces Sauber de nos jours

On retrouve toujours des Sauber dans les courses historiques, en particulier sur les meetings Peter Auto. En CER2, et au Mans Classic on peut voir une Sauber C5 à moteur BMW. Et le Groupe C nous gratifie de la présence d’une Sauber C8 Kouros et de deux Sauber-Mercedes C11, pas toujours présentes mais toujours appréciée :

Photos : Luc Joly, Les24heures.fr, Alfa Romeo Sauber

Nicolas Anderbegani

Nicolas est un passionné de belles autos et de leurs histoires. Déjà auteur et photographe sur d'autres supports, il a rejoint l'équipe de News d'Anciennes en Mars 2020.

Commentaires

  1. romain78

    Magnifique article vivement la suite.

    Sauber reste en effet le concepteur des Alfa Romeo de F1 actuelles, mais on peut dire qu’Alfa Romeo a sauvé la présence de Sauber en F1 et permis de franchir un cap, la comparaison avec williams dernier indépendant sans gros soutien financier qui s’écroule hélas, est à ce titre intéressante.

    J’ai toujours aimé cette écurie Suisse.

    Vivement la suite et un article sur l’histoire de Minardi autre petit poucet au soutien populaire incroyable.

    Répondre · · 12 mars 2020 à 9 h 42 min

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