La démarche photographique : le Terrain

Publié le par Mark

La démarche photographique : le Terrain

Que vous ayez préparé votre séance ou pas (je parle de la préparation ici), que les conditions soient réunies ou pas, il est temps d’aller affronter le terrain. Cette fois je n’aurais pas le choix, il va falloir parler de certains « réglages » et de certaines règles.

Le terrain

Que l’on soit prêt ou pas, bah mine de rien le terrain ça reste stressant. Surtout si les enjeux, qu’ils soient personnels ou professionnels sont importants. Pourquoi c’est stressant ? Parce que le but c’est avant tout de faire une belle photo, et cette simple idée met pas mal le bonhomme sous pression. Mais encore ?

  • Le terrain, c’est l’inconnu (sauf si vous faites du studio). Le fait de ne pas maîtriser une situation ça fout les glandes.
  • Parce qu’il faut sortir quelque chose. Même si la situation est nulle, quand on y est, on y est, et faut ramener une photo… même si on a aucune inspiration.
  • Parce qu’il faut aller très vite. Suivant l’heure, la lumière peut changer très rapidement mais pas que. Parfois notre modèle/spot n’est pas disponible très longtemps. Alors il faut réfléchir fissa pour sortir quelque chose. Ce n’est pas forcément simple à gérer.
  • On a qu’une chance. Je le dis souvent : « Si le soleil se lève et se couche tous les jours, un instant reste unique et non reproductible », donc si on se loupe bah c’est perdu à jamais. Rien que d’y penser ça fait froid dans le dos, mais il faut relativiser.
  • Parce qu’il y a du temps et de l’argent en jeu. Même pour un amateur, le fait de se déplacer, de shooter, ça coûte des ronds et du temps. Alors quand on part vraiment loin pour un projet le stress est plus important sur place.
  • Parce qu’on est sous pression. Une série de merde, ça ne pardonne pas, car primo vous serez déçu, et si vous êtes pro, allez l’expliquer au client… Le public attend beaucoup du photographe.

Cela dit, il faut prendre un peu de recul sur tout ça. La photo doit rester une activité plaisir, alors à moins d’évoluer dans certaines sphères, d’avoir des obligations, ou d’être très exigeant, ce n’est pas vraiment utile de se coller la pression. Bon allons prendre quelques photos.

L’arrivée sur le lieu : être à l’heure et prendre ses repères

Que la séance soit prévue, ou à l’improviste, par-dessus tout, arrivez en avance. C’est le meilleur moyen d’être bien à l’heure. Et c’est encore plus vrai si vous êtes débutant, peu expérimenté, ou que vous êtes tout simplement là pour prendre le temps. Pourquoi quand je le peux, je pars entre une heure et deux heures à l’avance ?

  • Parce que si je n’ai pas de spot, ça me laisse le temps d’en trouver un.
  • Parce que si le spot est décevant ça me laisse un peu de temps pour me retourner.
  • Parce qu’un spot ça peut s’étendre sur des kilomètres et ça laisse le temps de le visiter pour en tirer le meilleur parti.
  • Parce que ça laisse le temps de commencer à composer, placer les éléments, bref appréhender le lieu pour être au max quand il le faudra.
  • Parce que boire une bière en matant une caisse tout en discutant c’est cool.
  • Parce qu’il y a toujours des photos à faire.

Bref, pour faire simple s’il est bon d’arriver en avance c’est pour se sécuriser, amortir les imprévus, et chercher l’inspiration. Cela dit, plus vous connaitrez votre spot, moins vous serez obligé d’arriver en avance. Il en va de même pour le regard, plus celui-ci sera exercé moins vous mettrez de temps pour trouver des solutions, et plus vous pourrez arriver au dernier moment.

Le shoot : simplicité organisation, et gestion

Une fois sur le terrain, il n’y a pas grand choses à faire si la séance a été bien planifiée, il ne reste guère qu’à sortir l’appareil et improviser avec ce qu’on a. Cela dit, quelques conseils sont toujours les bien venus.

Quelques conseils basiques

Nous voilà enfin arrivés au moment de shooter. Cette fois il est temps de dégainer l’appareil ou le smartphone. Je n’aurais pas forcément plus de conseils à fournir que sur le premier article de la série, mais je essayer d’approfondir un peu le sujet. Voici quelques conseils qui me semblent élémentaires :

  • Organisez-vous, et testez. Si vous êtes arrivés en avance, vous avez largement le temps de tester les compositions maîtresses de votre séance, alors n’hésitez pas à shooter dans le vent pendant 10-15 minutes. Et puis on ne sait jamais il y aura peut-être de bonnes prises donc ce n’est pas forcement perdu.
  • Avec du temps en plus, cherchez l’originalité. Il n’est pas encore l’heure, alors c’est le moment de tester des trucs, de prendre un peu de risques, de shooter à la volée. Le résultat pourrait vous surprendre.
  • Une fois l’heure venue, synthétisez le meilleur de ce que vous venez de faire. Shootez en continu, n’en perdez pas une miette. Mais appliquez-vous ! Tout particulièrement sur les clichés maîtres.
  • Faites simple avec des compositions basiques. Pas besoin d’aller chercher des trucs de fous, souvent une banale photo de trois quart avec un bel arrière-plan suffit. C’est certain que vous ne remporterez pas le grand prix de l’imagination, mais au moins vous aurez assuré le coup. Et c’est tout ce qui compte.
  • Doublez ou triplez chaque prise. Ce serait con de rentrer avec une superbe série superbement floue. Le fait de doubler ou tripler (etc) une prise bah, ça permet de palier à d’éventuels problèmes et de sécuriser. Un autofocus qui patine ou des mains qui tremblent ça arrive.

Quelques règles et conseils de composition

On l’a déjà vu dans le premier article, mais il existe une tripotée de règles. Si elles peuvent sembler barbantes, elles sont également très utiles !

  • La règle des tiers : Pas besoin de rentrer dans le détail, vous savez déjà tout.
  • Le nombre d’or : Idem que pour la règle des tiers.
  • La symétrie : le concept est simple il s’agit d’appliquer une symétrie verticale ou horizontale. Ce type de composition est très employée avec les éléments architecturaux, mais pensez aussi au reflets.
  • Les lignes directrices : cette règle consiste à utiliser chaque ligne présente dans le décor pour guider le regard et structurer la photo.
  • Le cadre dans le cadre : pour faire simple, cela consiste à intégrer un cadre naturel autour du sujet dans l’image.
  • Le cadre rempli : cette règle consiste juste à bien remplir son cadre avec le sujet. Attention, il n’est pas question de coller votre sujet au point que ses coins aillent toucher les bords de l’image.
  • Le cadre vide, c’est l’inverse. Cela revient à perdre son sujet dans l’immensité du décor.
  • Le mouvement : composer sur le mouvement revient à donner du dynamisme à une image. Il est bien évidement question des photos en filé ou autres travelings. Mais aussi de la façon dont on place son sujet et sa lumière.
  • Le minimalisme : C’est une composition très épurée avec très peu d’éléments et de textures. Dans ces cas-là, le ciel bleu peut vous servir.
  • Il existe d’autres règles, telles que la profondeur de champs, les contrastes etc… Mais celles-ci nécessitent des explications sur certains réglages. Ce n’est pas le but, alors je passe la main.

Evidemment, libre à vous de ne rien respecter, mais ces règles ne sont pas là pour faire joli. Si elles existent c’est tout simplement pour leurs qualités esthétiques. Les connaitre ou les appliquer vous fera gagner pas mal de temps, et rendra vos résultats moins hasardeux.

La gestion de la lumière

Composer est une chose, mais sur le terrain, il va vous falloir gérer la lumière. Celle-ci, vient directement créer une atmosphère, mettre en valeur le sujet, créer des motifs utiles à la composition. Ce n’est pas parce que vous aurez une lumière de luxe que vous arriverez à la gérer, c’est un peu comme les bagnoles. Claquer un 200 en Ferrari, ne fait pas de nous des pilotes. Voici quelques conseils :

  • Mettez votre sujet à la lumière. Ça semble logique, même si le mettre à l’ombre peut être intéressant dans certains cas.
  • Lumière dans le dos. C’est évident, si on a la source lumineuse dans le dos, elle vient éclairer le sujet et uniformiser l’image. Ce n’est pas très original, mais ça marche plutôt bien, puis c’est très facile à gérer. Cela dit, attention à votre ombre.
  • La lumière de côté, facile à gérer elle donne un aspect dynamique à l’image et vient souligner les courbes d’une carrosserie. La lumière latérale fait partie des immanquables, mais attention, elle peut poser les mêmes problèmes que le contrejour si la source est très intense.
  • La source comme structure. Le regard à tendance à être attiré par les points lumineux d’une image. Servez-vous d’une source lumineuse pour guider le regard, et structurer votre image.
  • La lumière comme source de profondeur. Même principe que le point précédent, utilisez la vôtre source lumineuse pour donner de la profondeur et du volume à votre image.
  • Pour valoriser les courbes. Jouez avec la lumière pour créer des reliefs sur une carrosserie, bref la mettre en valeur. Croyez-moi les designers y pensent lors de la conception d’une voiture.
  • Le flash. Je déteste ce truc, cela dit il peut être un précieux allié. Le flash et autres installations de ce type sont très utiles pour déboucher des ombres en contrejour, ou maitriser la lumière d’une scène. Cela dit, leur gestion est une science, et bien souvent le matériel employé est très couteux. Le flash intégré de votre appareil, lui, c’est une daube alors oubliez le. Généralement il sera trop brutal, le rendu ne sera pas naturel, et vous aurez des reflets de partout.

Contrejour : la spéciale

Le contrejour. C’est l’inverse de la lumière dans le dos. Cette fois la source lumineuse vous la prenez de pleine face. Ce sont mes photos favorites mais aussi les plus délicates. En situation de contrejour, vous l’aurez remarqué, soit votre ciel est blanc et votre sujet visible, soit le ciel est visible et votre sujet tout noir. Ça, c’est dû à ce qu’on appelle la plage dynamique de la situation. Alors comment gérer ?

  • La plage dynamique en gros c’est l’écart entre les tons les plus clairs et les plus foncés d’une image. En contrejour, vous l’aurez deviné celle-ci est très élevée. Autant l’œil arrive à gérer la situation, autant un appareil photo est beaucoup plus limité. Celui-ci arrive très vite à des tons noirs ou blancs ce qui explique le phénomène.
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  • Attendre que la dynamique de la scène diminue. Plus le soleil sera proche de l’horizon plus la plage du contrejour diminue, et plus l’exécution devient facile.
  • Le braketing/HDR, cela revient à prendre plusieurs photos à différentes expositions (surexposées pour avoir le sujet et sous exposées pour avoir le ciel par exemple) puis les assembler via un logiciel de post traitement. Ainsi vous pourrez remonter les tons sombres et récupérer votre ciel. Je vous parlerai de post-prod la semaine prochaine.
  • Le flash pour déboucher votre sujet.
  • Faire un choix. Parfois, il faut trancher entre ciel ou sujet. Posez-vous la question de ce qui doit être mis en valeur.
  • Acheter des filtres dégradés, qui viendront assombrir la zone surexposée et rééquilibrer l’image.
  • Acheter du matériel plus performant. Plus un appareil est performant, plus il pourra encaisser de grandes dynamiques, mais c’est cher.

Si vous pouvez éviter le contrejour, faites-le, mais sachez que pour un lever/coucher de soleil, c’est la base.

Quelques conseils divers

Avant de clôturer cet article terrain, je vais vous fournir quelques conseils divers et variés.

Si vous faites de la post-production, shootez en format RAW (le switch se fait souvent dans le menu qualité d’images d’un appareil). J’y reviendrais dans le prochain article. Mais il faut savoir que ce type de fichier est plus souple au développement qu’un fichier jpeg classique. C’est d’ailleurs ce qui le rend intéressant. La bonne nouvelle c’est que certains smartphones dernière génération offrent cette possibilité, et ça c’est vraiment cool.

Si vous shootez en RAW n’hésitez pas à exposer à droite. Si vous connaissez la notion d’histogramme cela revient à le plaquer à droite sans pour autant toucher le bord. L’histogramme représentes sur un graphique le niveau d’exposition de chaque pixel d’une image. A gauche vous retrouverez les noirs, à droite les blancs. Si l’on expose à droite, c’est tout simplement parce qu’en post production il est plus simple de diminuer l’exposition d’une image que de l’augmenter.

Réglez votre balance des blancs. C’est elle qui définit la froideur ou la chaleur d’une image (bleutée ou jaunâtre). Idéalement pensez que ce qui est blanc naturellement doit le rester. En post production il est possible de la corriger, mais si vous n’en faites pas vous ne pourrez pas revenir en arrière. Rassurez-vous dans 90% des cas le réglage automatique fera l’affaire.

Exposez pour votre sujet. Un ciel cramé (blanc) ou des ombres bouchées (noires), ce n’est pas un drame, si le choix est fait au service du sujet et de la scène.

Utilisez des filtres si vous pouvez. Pas les filtres Instagram tous dégueulasses hein, mais ceux qu’on fixe devant l’objectif. Que vous fassiez de la post production ou pas, leur aide est toujours la bienvenue.

  • Le filtre UV : il ne sert à rien à part protéger votre lentille.
  • Le filtre polarisant : lui il est pratiquement indispensable. Ce type de filtre permet d’atténuer les reflets non métalliques, de booster le contraste et saturer les couleurs. Perso, je m’en passe difficilement.
  • Filtre dégradé : pour compenser la plage dynamique d’une scène en assombrissant une partie de celle-ci.
  • Filtre ND : pour assombrir et pouvoir envisager des poses longues en journée. Si vous avez un court d’eau à coté cela peut être classe et original.

Faites la mise au point sur l’avant plan ou le sujet, évitez l’infini (sauf si le sujet est loin évidement).

Ne mitraillez pas inutilement. Il n’est pas utile de sortir 50 000 photos différentes mais souvent similaires. Pensez vôtre cliché, faites-en moins mais mieux. Cela dit ne pas mitrailler ne veut pas dire de ne pas faire de tests, ni de ne pas assurer ses prises. Sur des photos de type travelling, il m’arrive régulièrement d’en faire plusieurs centaines d’affilées, mais uniquement dans le but d’en obtenir quelques-unes de bonnes.

Testez ! N’hésitez pas à essayer des compositions, et exercer votre regard.

Shootez à la volée parce que la photo c’est aussi et beaucoup d’improvisation.

En contrejour, ou avec les phares, attention au flares. Lorsque vous placez votre lentille face au soleil, elle peut être sujette à des reflets. Vous savez ces taches jaunes, vertes, rouges, ou un peu fantomatiques ? On appelle ça du flare. Parfois cela peut être joli mais souvent c’est moche et ça vous tue une prise. Ce phénomène peut aussi se produire de nuit avec les éclairages urbains, ou lorsque la source lumineuse se trouve proche d’un coin de l’image.

Faites attention à votre reflet. Quand une carrosserie est rutilante, elle a le même effet qu’un miroir. Pensez-y.

Soyez patients. Combien de fois j’ai plié les gaules trop tôt en pensant que les conditions ne s’amélioreraient pas.

N’ayez pas honte de shooter au téléphone. Les smartphones modernes font de très belles photos, et dans la majeure partie des cas, un appareil entré de gamme n’apportera rien de plus à un bon téléphone. Et puis, on fait avec ce qu’on a !

Conclusion

Si vous ne pratiquez ni le post traitement, ni l’impression, alors la démarche photographique s’arrête là pour vous. Maîtriser le terrain, c’est savoir s’organiser, gérer, utiliser ce qu’on a à disposition, et être créatif. Le tout dans le seul but de mettre en valeur la caisse qu’on a devant nous. Je le dis souvent, faites moins de photos, mais faites les mieux, ou faites-les plus originales. Mais surtout, gardez vos meilleures compositions pour le meilleur moment et assurez-les.

Mark

Passionné de photo et de sa BMW E30, Mark a rejoint News d'Anciennes courant 2016. Essais, road-trip, reportages, tout l'intéresse du moment qu'il peut sortir son appareil photo.

Commentaires

  1. ted

    sympa le reflet du Z1 dans le chrome du Z3!!!!!!!!

    Répondre · · 12 août 2019 à 21 h 00 min

  2. Pierre J

    Super série d’articles, bravo et merci. Deux ou trois choses qui me servent perso: 1) prendre du recul, me baisser au niveau du sol et zoomer. 2) Tourner les roues de la voiture ! Ça la dynamise. 3) trouver un moyen de prendre la voiture de dessus; certains angles peuvent être superbes.

    Répondre · · 15 août 2019 à 11 h 41 min

    1. Mark

      Merci à vous. Alors pour ce qui est de certains points que vous mentionnez ils sont abordés dans le premier article de la série. En revanche braquer les roues je n’y ai pas pensé tellement cela me semble naturel. Ce qui n’est pas forcement le cas pour tous.

      Répondre · · 15 août 2019 à 15 h 32 min

  3. Sylvain

    Cette série d’articles est vraiment originale, bien documentée et joliment illustrée, un régal ! Vivement le prochain !

    Répondre · · 15 août 2019 à 14 h 03 min

    1. Mark

      Merci à vous. Pour la documentation…. benh en fait il n’y en a pas vraiment, j’ai appris seul, donc ce n’est ni plus ni moins que le déballage d’une partie de ce que j’ai accumulé pendant ces années. En revanche certaines notions proviennent bien de certaines lectures, mais assez peu finalement.

      Répondre · · 15 août 2019 à 15 h 36 min

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