Lotus Mk.VI dite Lotus Six : celle sans laquelle rien ne serait sans doute arrivé

Publié le par Fabien

Lotus Mk.VI dite Lotus Six : celle sans laquelle rien ne serait sans doute arrivé

La Lotus Seven est, et restera surement la plus emblématique des Lotus. Mais cette légendaire voiture n’est pas la première Lotus routière produite. Avant elle, c’est la Mk.VI, ou Lotus Six qui fut à l’origine de tout, et la première voiture commercialisée sous la marque Lotus, créée en 1952.

Quelques mots sur la Seven pour cadrer les choses

Et oui ! La Seven est en fait la « Lotus Mk.VII », 7e modèle conçu par l’ingénieur des structures Colin Chapman en 1952 et qui servit de base aux séries S à partie de 1955. Dans cette série, la S3 reste la plus connue puisque c’est celle de « Numero 6 » alias Patrick McGoohan, le Prisonnier du feuilleton éponyme créé en 1967.



Avant la Seven, Colin Chapman est parti du n°1

Tout cela pour dire que, la Seven a été précédée de 6 « brouillons » qui furent nécessaires pour arriver à ce mythe. Dès le départ, celui qui, anobli, deviendra Sir Colin Chapman baptisa ses « trials cars » et autres « road racing cars » : Lotus. La première d’entre elle fut logiquement la Lotus Mark I, développée en 1948 sur base Austin Seven pour satisfaire les envies de compétition de l’inventeur. Dès cette auto, Chapman mit en application les principes d’allègement des structures acquis lors de son passage à la RAF, la Royal Air Force, où il fit son service militaire : le fameux « light is right » (que l’on pourrait traduire par « la légèreté est la voie à suivre ») qui guida toute sa carrière et fut mis systématiquement en application.

Trois autres trials cars Mk II, III et IV, naquirent ensuite sous le crayon de l’ingénieur, toutes développées pour ces courses qui outre-manche privilégiaient alternativement le « jusqu’où pouvez-vous aller » (les ‘Trials’) au « qui roule le plus vite » (les ‘road-racers’). Chaque modèle produit fut vendu en fin de saison pour financer la saison suivante. La Mark V ne fut jamais fabriquée d’après le Historic Lotus Register.

Numéro 6 : « je ne suis pas un numéro »…

Après ces essais, Chapman a voulu concevoir un véhicule destiné à la vente. La légende dit que la Six a été conçue pour pallier à un problème : pour aller aux courses, il était systématiquement nécessaire de recourir à des remorques, les véhicules n’étant pas homologués pour un usage routier. Ainsi, la Lotus Mark VI serait née pour être un véhicule original, homologué pour la route et apte à courir en nécessitant un minimum de modifications.

Légende ou réalité ? Le fait est : la Lotus Mk.VI remplit parfaitement cet office. Mais l’élément le plus marquant, et qui fait de ce numéro 6 le numéro le plus important de l’histoire de la marque, c’est qu’avec la Mk.VI, est née la marque Lotus Engineering Company. Celle-ci fut fondée en 1952 par Colin Chapman et son logo reprend les 4 initiales du créateur, « ACBC » pour Anthony Colin Bruce Chapman.

Le châssis révolutionnaire de la Lotus Six

Le contexte étant reconstitué, intéressons-nous maintenant à la voiture !
La Lotus Six est plus un ensemble châssis-carrosserie qu’une auto à part entière. Un kit-car dans lequel le client pouvait insérer le moteur et la boîte de vitesse de son choix. Il ne faut pas oublier que Colin est avant tout un ingénieur structure. Et dans la Six, il employa tout son génie à concevoir un châssis basé sur un treillis de tubes métalliques. Le résultat est une structure portante d’à peine 55 lbs (lbs = livres, du latin Libra) soit 25 kg ! Sans entrer dans les détails, Chapman obtint ce résultat après analyse des contraintes subies par les éléments de la structure tubulaire : un exercice nécessitant une sérieuse connaissance des calculs à une époque où calculettes et autres ordinateurs n’existaient pas.



Pour résumer, le châssis est un treillis tridimensionnel de motifs géométriques, destiné à renforcer la rigidité tout en préservant le poids : là où classiquement des poutres et des tubes de sections carrées sont assemblés à plat pour former le châssis, Chapman mit en œuvre des tubes cylindriques de faible section assemblés de manière à reproduire la forme de la voiture, exactement comme sur les avions de cette époque.

La forme de l’auto étant définie par le châssis, un simple habillage suffit pour ‘finir’ la Lotus Six. Pour cet habillage, pour nuire un minimum au poids global de l’auto, les panneaux de carrosserie sont en aluminium. Aérodynamiquement, la forme de la voiture est plutôt bien étudiée pour l’époque, avec là encore un profil qui n’est pas sans rappeler le monde de l’aéronautique. Le souci du détail est tel, que sur les premiers modèles, les phares étaient logés dans le nez de la voiture. Pour les modèles suivants, pour plus d’accessibilité, ils sont remontés à l’extérieur mais orientables.

Du côté du moteur

Sir Chapman comme nous l’avons vu, n’était pas un motoriste. Ainsi, initialement, les premiers modèles furent assemblés autour, ou plutôt en intégrant, le tout nouveau moteur Ford de 1.5 litre de cylindrée qui équipait la Consul. La cylindrée est ramenée de 1508 à 1499 cc en rectifiant le vilebrequin pour limiter la course. Malgré cela, très vite, les clients commandèrent des châssis qu’ils équipèrent de moteurs variés en fonction de leurs souhaits très liés à leurs objectifs en compétition. Avec l’ajout du moteur, l’objectif poids est respecté et l’ensemble ne pèse que 400 à 500 kg (950 Pounds en moyenne).

Au total, 110 exemplaires de châssis furent produits de 1952 à 1955 selon le Historic Lotus Register.



La Lotus Six en compétition

“Faster than you think! » C’est ce que mentionnait Colin Chapman à propos de la Lotus Six, ce qui peut se traduire par « Plus rapide que vous ne le pensez ! ». Certains journalistes ont interprété ces propos en traitant l’auto de “preposterously fast”, « déraisonnablement rapide ». A cette époque, seules les Dellow Mk II à IV semblaient parfois, rarement, inquiéter les Lotus selon les informations du Musée Colin Chapman. La Six dominait outrageusement la compétition en Trials et sur les pistes où se déroulaient les compétitions Outre-Manche.

Les succès en première année de compétition conduisirent à constater que sur la saison 1953, et en ne considérant que les 4 premières Mk.VI produites, 47 trophées furent remportés en courses circuits, sprints, et courses de côtes. La voiture de Colin Chapman, châssis N°9, n’a jamais été battue dans sa catégorie, en 11 manifestations !

En 1954, dans les mains de 40 pilotes courant pour des propriétaires privés de Lotus Six, plus de 120 victoires furent remportées. En cette fin 1954, Esso célébra même les succès impressionnants de Peter Gammon sur sa Lotus Six immatriculée ‘UPE 9’ : 17 fois vainqueur en 29 courses dans la catégorie 1500 cc, en considérant qu’au scratch, il termina 14 fois premier, 2 fois second et 1 fois troisième !

La Six courut aussi en Formule 1172, basée sur des moteurs de 1172 cc de cylindrée, et formule 750, 750 cc donc. Ces formules avaient été développées pour limiter les coûts et permettre au plus grand nombre de participer aux compétitions. La 1172 était et reste populaire, ce qui explique qu’un grand nombre de Lotus Six sont aujourd’hui équipées du moteur Ford à soupapes latérales de 1172 cc des premières Anglia et Prefect. Dans ces compétitions, la Mk.VI domina là encore jusqu’à ce qu’elle soit détrônée par… les Lotus Nine, Seven et Eleven !

Une bête de course cette Lotus Six, et véritable machine à gagner.

A la rencontre d’une Lotus Six authentique

La voiture rencontrée au Grand Prix de Bressuire, reportage à lire ici, est celle de Lyn Padfield. Cette Six a initialement appartenu à un pilote écossais, Bill Turnbull, connaissance de Colin Chapman.

Selon le document du Historic Lotus Register, c’est un des derniers exemplaires produits de Lotus Mk.VI : le châssis n°142 de 1955. Elle fut d’abord enregistrée à Stirling en Ecosse. Cette voiture fut utilisée dans de nombreuses courses, rallyes, courses de côtes, ou sprints, dans et autour d’Edimburgh. Pour l’anecdote, selon les configurations, cette voiture alors immatriculée « HWG1 » aura des phares apparents, comme à Bressuire, ou directement intégrés dans le museau lors de quelques courses.

Lyn rachète cette voiture en mauvais état en 1985. Il la restaure si bien que Turnbull put courir à nouveau en 2007 au Llandow Sprint, au sud du pays de Galle.

Comme dit plus haut, les modèles de Six n’ont pas de moteur défini. Et cet exemplaire ne fait pas exception. Le châssis N°142 n’est donc pas équipé du Ford Consul 1500 mais du fameux moteur Ford 1172 cc, développant la modeste puissance de 50 chevaux qui mène tout de même la voiture à près de 130 à 145 km/h.



Magic Six !

En fin de compte, Chapman avec sa Lotus Six a prouvé qu’une voiture de course n’est pas nécessairement une voiture à la cavalerie débordante. C’est avant tout une voiture légère et rigide dont la motorisation, au final, importe peu. A partir de cette base, qui connut un beau succès outre-manche à l’époque, Chapman développa la Seven Serie S à partir de 1955. Pour la petite (ou la grande ?) histoire de l’automobile, la Seven S3, produite de 68 à 70, fut co-développée grâce aux compétences de motoriste de Graham Nearn, distributeur exclusif de la marque Lotus et patron de Caterham Car Limited. La Caterham qui continue de produire et diffuser la « Super-Seven » aujourd’hui pour le bonheur de ceux pour qui le « light is right » reste la donnée de base de l’automobile plaisir.

Mise à jour du 21 Janvier 2018

Après la publication de l’article, j’ai pu contacter Lyn, le propriétaire de la Lotus Six rencontrée à Bressuire . Pour vous, je lui ai posé 3 questions, pour en savoir un peu plus sur sa passion. Je vous retransmets les réponses, que je n’ai fait que traduire, sans y apporter de modification.

NA : Pourquoi as-tu choisi une Lotus Six ?

LP : Plus jeune, j’ai fait l’acquisition d’une Lotus Europa, que j’ai remplacée par une Lotus Elan Sprint que je possède toujours après 40 ans ! J’étais vraiment impressionné par les performances, la tenue de route et le confort de ces voitures, si bien que je me suis intéressé aux origines de cette marque. J’ai alors décidé d’acheter une des voitures de la première heure, et je reconnais avoir eu de la chance de trouver celle-ci. Elle est restée entreposée quelques années du fait du peu de temps disponible à cause du travail. Quand j’ai enfin pu la restaurer, j’ai été enchanté par cette sensation de conduite brute. Je n’imagine pas à avoir à m’en séparer un jour !

NA : Où roules tu avec elle ?

LP : J’utilise essentiellement la voiture pour les courses de côtes, les Sprints et quelques courses (comme Bressuire), et pour aller au Bar ! Je l’ai utilisée quasiment partout en Grande-Bretagne. J’ai également participé à des courses de côtes françaises à Hebecrevon, St Goueno, Loc Eguiner et Etretat. J’espère la prendre pour aller au Bo’ness Revival dans les environs d’Edingburgh en Septembre. La voiture retournerait sur ses terres d’origines pour la première fois depuis 60 ans !

NA : Quelle est la première qualité que tu lui trouves, et, à l’opposé puisque rien n’est idéal, quel serait son plus gros défaut ?

LP : Cette question est la plus difficile. Naturellement, le point principal est l’intense plaisir de conduire. Le point le pire est impossible à dire. Je ne suis naturellement pas objectif, et de fait, elle n’a absolument aucun défaut ! [rires]. Je suppose que je ne souhaiterais pas partir faire du tourisme pour les vacances avec elle : elle n’est pas vraiment conçue pour le grand tourisme !

NA : Merci Lyn pour ce témoignage!

Voici quelques photos d’époque, avec l’aimable autorisation de Graham Gauld.

Fabien

Un lion et un cheval cabré m'ont fait aimer les voitures de mon enfance... Un livre, «La maîtresse d'acier» de Pierre Coutras, et des pilotes de légende m'ont conduit à me passionner pour des bolides plus anciens. A mon tour de partager avec vous.

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