L’essai d’une Formule Ford Crosslé 90f, la performance pour le plaisir

Publié le par Benjamin

L’essai d’une Formule Ford Crosslé 90f, la performance pour le plaisir

C’était Mercredi, j’avais rendez-vous sur le superbe circuit de Charade, au dessus de Clermont Ferrand pour l’essai d’une auto insolite au milieu des autres. Cela change des Combi ou même de la BMW 850i. Ici c’est à une minuscule Formule Ford, une Crosslé 90f que j’ai affaire.

L’histoire de la Crosslé 90f…

…est toute récente. On reprend depuis de le début. En 1957 apparaît la marque Crosslé, fondée par John Crosslé à Holywood… en Irlande du Nord ! La marque se fait vite remarquer en produisant de superbes autos de course. Celle qui nous intéresse en particulier c’est la Crosslé 16F. L’auto emmène Gerry Birrell jusqu’au titre européen de Formule Ford. C’est le premier châssis de la marque et il est déjà gagnant.

Et la Crosslé 90f dans tout ça ? Et bien en 60 ans, Crosslé n’a pas baissé le rideau. La marque existe toujours, elle n’a même pas changé de famille ! En 2016 elle est contacté par deux étudiants français, Morgan et Julien qui ont un projet. Créer la Classic Racing School, une école de pilotage qui mettra le grand public au volant de monoplaces anciennes sans artifices. C’est grâce à eux qu’on s’est rendu à Charade pour tester leur concept. Pour plus d’information sur le projet et l’école, j’en parle plus en détail dans cet article.

Julien et Morgan vont donc travailler avec Crosslé pour créer une auto plus adaptée à une école de pilotage que la 16f d’origine. C’est comme cela que naît la Crosslé 90f qu’on a sous les yeux.

Notre Crosslé 90f du jour

Un dessin fait pour l’efficacité

On ne s’offre pas forcément une Crosslé 90f pour pouvoir la regarder tous les jours en se disant que c’est la plus belle auto du monde… Quoi que. En fait il faut oublier le référentiel automobile « de base » et se plonger dans le monde de la compétition. Julien voulait une auto qui soit « un cigare sur roues ». Gagné !

La Crosslé 90f est un cigare sur roues. C’est une auto qui n’est pas longue mais qui le paraît. En cause, la hauteur de caisse, minuscule, à peine surmontée par l’arceau. L’auto est très proche de la Crosslé 16f sur ces points. Du coup on a une forme éfilée, posée sur le châssis tubulaire apparent à l’arrière. La forme de l’avant est imposée par l’habitacle et le radiateur. La carrosserie pourrait se terminer juste après l’arceau mais un capot surmonte le moteur.
La boîte est à l’air libre et les trains roulants aussi, évidemment.

Pour rentrer un peu dans la technique, cette carrosserie est évidemment en résine polyester et fibre de verre, mais elle n’est pas peinte. C’est ici la résine qui est teintée pour prendre la couleur voulue. Ces couleurs donnent d’ailleurs le nom aux différentes autos présentes (6 monoplaces), la Gulf, la Lotus, la Matra (bleue claire), la Honda (crème et rouge), etc… En l’absence de kit aéro, c’est la principale originalité du design des autos.


Châssis simple pour performances max

Une auto de course n’a jamais été très compliquée, dans les formules de promotion au moins. Le châssis est donc un treillis tubulaire, de forme et de réalisation assez classique. Les trains roulant sont triangulés, un amortisseur et un ressort agissent de concert. A l’avant les freins sont dans les roues, mais à l’arrière, ils sont « inboard » et accolés à la boîte.

Quelques petites modifications ont été faites entre la 16f et la Crosslé 90f. Les tubes sont un peu plus larges, pour la sécurité, et pour le confort on a reculé légèrement la position de conduite en réduisant drastiquement la taille du réservoir. Autre changement, on a ajouté un tube pour le refroidissement. En effet, à l’origine le liquide circulait directement dans les tubes du châssis ! Dans le genre chasse aux détails, on allait loin ! On a donc une auto plus sûre, plus fiable et plus costaude en fait.

Le moteur : la principale entorse à l’origine

Une formule Ford d’époque c’est un moteur 1.6 Kent de 105 ch. Mais celui-ci est plutôt typé compétition. Le régime d’exploitation du moteur est situé entre 4500 tr/min et 6000 tr/min. C’est haut et pas forcément évident à maîtriser quand on est pas forcément champion de course automobile.

Du coup à Classic Racing School on a opté pour un moteur Ford, mais différent. C’est un 2 litres Zetec préparé par Dunnell Engine qui se loge sous le minuscule capot. Là où c’est rassurant c’est qu’il est plus récent tout en restant dans l’esprit de l’époque, notamment en s’alimentant via un carub Weber double corps ! Pour le côté racing et éviter les mauvaises surprises, la lubrification est assurée par un carter sec. A la bonne heure !

Les performance sont différentes, le moteur monte à 110 ch et plafonne à 6100 tr/min. Mais son caractère est très différent. Plus gros il peut sans problème naviguer sur le couple. On l’exploite donc vers 2000 tr/min. Bonne nouvelle !
Pour le suivre correctement un ECU est greffé sur le moteur et vérifié qu’il n’y a pas eu de surrégime, de hausse anormale de température, ou de chute de pression.

Dernière modif : le son. Le gros problème de Charade ce sont les voisins. Installés récemment, ils trouvent que ça fait du bruit des autos. Du coup à force de pétitions, on a dû sortir les boucliers à Charade. Les Formule Ford sont donc limitées à 90 dB. C’est peu mais au moins on pourra tourner toute l’année.


Il est par contre accolé à ce qui me fait le plus peur dans cette auto. La boîte de vitesse. C’est une boîte Hewland Mk9, et c’est une boîte à Crabots… Cela me remémore la Georges Irat Roadster, l’essai est visible ici, dont la boîte n’avait pas de synchros et que j’avais fait quelque peu craquer.

La conduite, ou plutôt le pilotage de la Crosslé 90f

Pas si vite

Avant de conduire trois phases. On commence par se mettre en tenue. Exit le jean, les Tiger Mexico 66 et les cheveux au vent. Pour piloter la formule Ford c’est Combinaison et Chaussures homologuées mais d’aspect vintage, cagoule, gants et casque intégral.

C’est suivi d’un briefing, où un petit cours sur la voiture ne fait pas de mal. Régimes moteur, températures et pressions à ne pas dépasser, tout y passe.

Un petit cours sur le talon-pointe ne fait pas de mal. Je sais que j’ai du mal à le faire, et mon collègue de La Montagne n’a jamais essayé. Les deux journalistes de Vintage Racer et Auto Rétro semblent plus habitués à la pratique. On sait qui va casser les boîtes au moins. Ah, non. Pierre l’instructeur chargé du briefing nous rassure : normalement la boîte devrait encaisser sans trop de soucis. On part ensuite pour un tour de reconnaissance en Seat, histoire de découvrir le sublime tracé et les cônes de signalisation que nos instructeurs ont installé pour nous aider.

Ensuite, avant de piloter il faut s’installer dans la Crosslé 90f. En effet, il ne faut pas toucher et encore moins s’appuyer sur la carrosserie, le plexi qui fait saute-vent ni sur le tube qu’est en fait la tringlerie de boîte, sur la droite du cockpit. Donc on va y aller par étapes. On s’appuie sur le haut de l’arceau, on grimpe à pieds joints dans la baignoire, on descend et on s’appuie avec les coudes sur deux tubes passant de chaque côté de l’habitacle tout en laissant les jambes glisser vers l’avant. On reclipse le volant et on boucle la ceinture. Julien ajuste ma position de conduite en ajoutant de la mousse dans mon dos. Je dois pouvoir débrayer sans que ma jambe ne soit complètement tendue. Une fois la position de conduite réglée, c’est parti !

Gentlemens, start your engine !

On est pas dans la voiture de monsieur tout le monde. Alors forcément le démarrage doit suivre toute une procédure. On actionne le coupe-circuit, on met le contact, on alimente les pompes à essence et on appuie sur le démarreur pour lancer le moteur en l’aidant d’un coup de gaz. C’est prêt.

Avant de nous envoyer sur le « Spa Français », on va avoir droit à un petit atelier. On va remonter la ligne droite, à l’envers donc, chacun notre tour. Le but est d’accélérer franchement mais aussi de freiner à bloc. Le but est de se familiariser avec ces deux phases importantes. Notamment le freinage qui n’est pas assisté.

On se succède donc dans la ligne droite, et on redescend par la voie des stands. L’accélération est brutale. C’est la première fois que je conduis une monoplace, la première fois sur circuit, mais aussi la première fois que 110ch me déboulent en pleine tête aussi vite ! On remonte la ligne droite à vitesse Grand V. On a même le temps de rentrer la 3e avant de sauter sur les freins. Normalement on ne lâche pas les gazs et on ne touche pas à la pédale du milieu avant les cônes. Mais il va falloir quelques passages pour cela, un peu de confiance quoi.

Par contre, cet exercice est une première et ne va pas plaire à nos Crosslé 90f. Les moteurs surchauffent et on doit même s’arrêter à un moment pour respirer. Je fais de même, fais chaud là dedans ! L’ouverture de la visière dans les stands est bienvenue !

Charade, nous voilà !

Premier debrief, on débute tous les deux mais on ne devrait pas trop se faire peur sur le circuit de Charade. Ce tracé est juste sublime. 4km de reliefs, de virages rapides, d’épingles, de dévers, de virages à l’aveugle. Bref un beau tracé. Et c’est sur ce tracé à part qu’on est lâché une fois le debrief fait.

On commence par une belle accélération en ligne droite. Au panneau 100 les instructeurs ont installé deux cônes. C’est signe qu’il faut freiner, en ligne droite. Je n’ai pas encore passé la 3, je reste donc en seconde. Ensuite un autre cône à gauche indique le point de braquage, je tourne donc le volant, les deux mains dessus, sans les bouger en visant le point de corde. Interdiction de prendre les vibreurs, en même temps ils n’ont pas l’air commodes. J’attaque ensuite une montée, un gauche-droite, encore un droite en aveugle, merci les cônes, un long gauche en descente, droite et plein gaz. En descente. J’enquille la troisième mais le temps de tirer dessus il faut déjà freiner.

Droite en épingle, on reste bien à droite pour un gauche à un peu plus de 90°, un virage à droite qui s’ouvre et l’accélérateur qui se colle au plancher et c’est à fond. Ce n’est pas vraiment tout droit mais légèrement en descente. Le temps de passer la 4 et de remettre la 3, je tourne à gauche, en montée pour me jeter sur un droite très serré, avec deux cones à la corde !
On est ensuite en montée, dans une grande courbe à gauche. En haut, je tourne plus franchement, et je dis une nouvelle fois merci aux cones qui m’indiquent bien qu’il faut partir à droite en aveugle. Je garde encore une fois ma droite pour me jeter dans le gauche qui amène vers l’entrée des stands. Virage à droite et c’est plein gaz ! Je passe la 4 et j’enchaîne.

Un temps d’adaptation et un temps de dégustation

Cette première séance de trois tours me permet plus de me familiariser avec l’auto et le circuit qu’autre chose. Les instructeurs situés à divers endroits du circuit nous disent si on est bien ou pas bien, niveau accélération, point de freinage ou trajectoire.

Une fois ce debrief fait, j’attend que l’autre équipe fasse ses derniers tours et me revoilà dans l’auto. Là c’est le long roulage, 4 tours, debrief et re 4 tours. Les premiers permettent de me sentir à l’aise. La voiture est en fait relativement neutre. En chargeant bien l’avant au freinage, en ne réaccélérant pas trop tôt et en dosant mon accélération le train arrière ne bouge pas. La direction est archi directe, je ne croise jamais les mains sur le volant. Elles restent bien en place. Simplement la main droite a quelques changements de vitesse à faire. En tout cas le mode d’emploi est simple à assimiler… sauf le talon-pointe que je rate lamentablement. Après j’ai le choix, soit me perfectionner à cette technique en étant plus soft sur le reste pour bien décomposer sans me déconcentrer, soit faire attention à la boîte mais rentrer les rapports « normalement ».


Un plaisir énorme

C’est la deuxième option que je choisis. Le plaisir et les sensations. Sur ce circuit, avec une bête d’un peu plus de 500 kg avec le bonhomme (c’est la saison des barbeuks, ok ? ) et de 110 ch c’est le pied. L’auto va on veut, mais quand la piste se bombe un peu et que j’ai l’accélérateur soudé, elle va aussi là où elle veut.

La Crosslé 90f n’est pas piégeuse si on suit bien les recommandations. Une fois le mode d’emploi bien assimilé, on peut retarder ses freinages, réaccélérer un peu plus tôt, bref, se prendre pour un pilote. Tout en restant humble. Rien ne sert par exemple de vouloir trop faire « sa » trajectoire, sous peine de se retrouver un peu trop vite à la corde.

La petite formule Ford nous remonte énormément de sensations. De vitesse déjà, à quelques centimètres du sol, ça va vite, alors même qu’on ne dépasse pas tant que cela les vitesses autorisées sur route (pas de compteur de vitesse au tableau de bord, juste un compte-tour). Avant le petit pont, on sent même vraiment l’air qui s’engouffre dans la voiture. Ouf, un coup de frais !

Ensuite les virages. Ça passe fort. Pas besoin d’aileron pour le grip aérodynamique. Pour un débutant comme moi, le grip mécanique est bien suffisant. Tellement que pour les seconds roulages je demande à Julien et Pierre de bien serrer les sangles. Elles me paraissaient fort serrées au tour d’avant mais à se faire remuer comme ça, mieux vaut ne pas bouger du tout. Vous n’avez pas forcément la possibilité d’écarter les coudes pour vous tenir !

Conclusion

J’ai conduis quelques sportives, avec plus de puissances que la Crosslé 90f, mais en fait, rien d’équivalent. C’est une auto complètement à part, une voiture qui vous demande de réapprendre tout ce que vous aurez emmagasiné dans les kilomètres passés sur route.
Une machine à sensation assurément. On se dira presque que c’est trop court, mais vu à quel point on sort lessivé de cette baignoire sur roulettes, pas sûr qu’on ai plus apprécié les tours suivants.

Conduire une Crosslé 90f

Pas le choix, à moins d’être un des propriétaires des autos, il faudra passer par la Classic Racing School. Cette auto a été développée par Crosslé et par eux. Par contre, vous trouverez des 16f à vendre, mais ce ne sera pas du tout la même auto.

Un méga super grand merci à Morgan, Julien, et plus généralement toute la jeune équipe de la Classic Racing School pour cet essai hors du commun.

ImageNote 2- Crosslé 90f
EntretienNote 1- Crosslé 90f
Plaisir de Conduite42- Crosslé 90f
ErgonomieNote 2- Crosslé 90f
Facilité de conduiteNote 2- Crosslé 90f
Les PlusLes Moins
Une auto de courseUne auto qui ne s’improvise pas
Des sensations de folieForcément limitée au circuit
Des sensations de folieTrès physique
La conduite « libre » sur circuit 
Note Totale Note 14 20- Crosslé 90f


Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Ambroise BROSSELIN

    Hey magnifique expérience qui fait envie !
    Merci de nous avoir fait partager ça.

    Répondre · · 14 juillet 2017 à 18 h 48 min

    1. Benjamin

      De rien. Elle mérite d’être partagée

      Répondre · · 14 juillet 2017 à 20 h 25 min

  2. Yves

    Comme d’hab, très bel article,
    A mon tour j’ai découvert samedi dernier la CLASSIC RACING SCHOLL
    Merci Benjamin

    Répondre · · 16 août 2017 à 6 h 44 min

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