La Porsche 935, quand les Gr. V se battaient avec les protos au Mans

Publié le par Benjamin

La Porsche 935, quand les Gr. V se battaient avec les protos au Mans

Porsche a remporté les 24h du Mans pour la 18e fois hier. On vous propose donc de (re)découvrir la Porsche 935, une ancêtre de la Porsche 919 Hybrid, qui elle aussi utilisait un turbo, pour le meilleur, le palmarès de cette auto est impressionnant.

La naissance de la Porsche 935

Pour l’année 1976, Porsche veut développer une voiture pour participer au championnat silhouette, basé sur la réglementation du groupe 5.
La voiture doit répondre à un cahier des charges assez contraignant, mais également très libre. La voiture doit ressembler à une voiture faisant partie de la gamme du constructeur, elle doit également utiliser les mêmes bases mécaniques et architectures que la voiture de base. Les systèmes de freinage et de suspension doivent être similaire, voire identique.

Porsche choisit de baser sa voiture sur la 911 Turbo type 930 figurant à sa gamme. La nouvelle voiture, la 935 reprend sa cellule centrale et son moteur, du moins la base. Le moteur en aluminium subit une belle préparation, le turbo passant à 1,5 bar, les bielles étant en titane. Le moteur de 2856 cm³ développe, pour la saison 1976, 590 ch à 7900 tr/min. Comme sur la 911, il est couplé à une boîte mécanique 4 vitesses. La 5 vitesses avait été envisagée, mais elle ne supportait pas les 60 mkg du couple.

La carrosserie de la 935 ne rappelle la 911 que dans la partie centrale. L’arrière est allongé tandis que le nez est aplati en passant les phares du capot aux boucliers. Porsche utilise un sandwich de fibre de verre et de polyuréthane en moulant les parties avant et arrière d’une seule pièce.
Au niveau des trains roulants, les barres de torsions de la 930 Turbo sont remplacées par des combinés ressort-amortisseurs plus légers. Le poids total est de 970 kg.

Débuts en course en 1976

La Porsche 935 débute en course le 21 Mars, en Italie, aux 6h du Mugello. Une voiture officielle est engagée pour Ickx et Mass, le duo n°1 de Porsche, qui court aussi sur 936 le reste du temps. La voiture se montre performante et gagne la course, devant une « presque » Porsche 935. Il s’agit d’une Porsche 935 K1, pour Kremer 1, une version modifiée par les frères Kremer et confiée à Wollek et Heyer.
La 935 officielle gagne de nouveau à Vallelunga, la Kremer fait 2e à Silverstone, juste devant une autre voiture, une Porsche 934/5, rien de moins qu’une Porsche 934, améliorée avec des pièces de Porsche 935. D’ailleurs, des Porsche 934 deviendront plus tard des 934/5 puis des 935, ce qui rend parfois compliqué de retracer les palmarès ! Au Nürburgring, aucune des voitures ne termine.

Pour les 24h du Mans, la 935 du Porsche Martini Racing Team de Stommelen-Schurti termine 4e du général et 1ère Gr 5 avec 331 tours parcourus. La seconde, engagée par le Kremer racing et confiée à Bolanos-Negrete-Sprowls-Heyer abandonne.

A Zeltweg la K1 finit 4e, mais elle ne court pas à Watkins Glen où deux Porsche 935 officielles pour Stommelen-Shurti et Ickx-Mass font le doublé.
A Dijon, on termine la saison par un triplé, les deux officielles encadrant la Kremer.

A la fin de la saison, Porsche gagne le Championnat du Monde des voitures de sport avec la 936 et le Championnat du Mondes des marques avec la 935.

On rétrécit la Porsche 935 en 1977

La saison commence par la traditionnelle campagne américaine. Aux 24h de Daytona, la Porsche 935 officielle abandonne, la Kremer K1 emmenée par Jöst / Wollek / Krebs se classe 3e, et la deuxième place revient une 935 privée, celle de Finotto / Facetti / Camathias.

Une nouvelle version de la voiture apparaît pour les 6h du Mugello le 20 Mars. L’unique gros turbo donnant un temps de réponse trop long est remplacé par deux turbos plus petits poussant 630 ch ! C’est la Porsche 935/77. La voiture confiée à Mass et Barth abandonne, heureusement la « vieille » 935 de Stommelen-Shurti gagne devant la privée du Jolly Club pilotée par Finotto / Facetti / Camathias et la privée de « Victor » conduite par « Victor » / Monticone. La K1 abandonne aussi.

A Silverstone, Kremer engage sa K1, alors que la K2 fait déjà le bonheur de ses pilotes de Tourisme. La voiture finit 2e derrière la 935/77 de Mass et Ickx et devant une 935 privée du Gelo Team Racing.

C’est à la fin du mois au Nürburgring que Kremer engage sa K2 pour la première fois en championnat du monde. La voiture se classe deuxième avec Wollek / Fitzpatrick, derrière la privée du Gelo Team emmenée par Schenken / Stommelen / Hezemans. Deux autres 935 finissent 4e (la K1) et 6e (aux couleurs Jägermeister).

Aux 24 du Mans 1977, la 935 monte sur le podium au général grâce à la n°40 du JMS Racing – ASA Cachia de Ballot-Léna – Gregg, également première du groupe 5 en 315 tours. La seconde 935, celle du Gelo Racing Team abandonne après 269 tours avec Hezemans-Shenken-Heyer. La voiture officielle de Stommelen-Schurti abandonne au bout de 52 tours. Enfin la K2 du Kremer Racing de Fitzpatrick-Edwards-Faure ne couvre que 15 tours.

La suite du championnat verra un doublé aux 6h de Watkins Glen, l’officielle devant une privée, une déroute totale à Mosport, un quintuplé à Brands Hatch (l’officielle devant des privés) et un doublé à Hockenheim (une Kremer normale devant une privée) pour finir par un autre doublé à Vallelunga (que des privés).

Porsche est logiquement champion du monde !

En 1977 on voit aussi la Porsche 935 apparaître en DRM, le Deutsche Rennsport Meisterschaft, ancêtre du DTM, où la voiture va faire des ravages. Seules les courses de Dieplholz et du Nürburgring leur échapperont, les K2 suppléant bien les autos privées avec 4 victoires sur 8. Elle côtoiera aussi la 935 « Baby », courant en classe 2L. La voiture diminue sa cylindrée en la passant à 1425 cm³, la boîte passe à 5 vitesses et l’aileron arrière est plus imposant, comme celui la 911 RSR. Le moteur sort toujours 370 ch et le poids est abaissé à 750 kg. La voiture, aux mains de Ickx, courra trois courses durant l’été et en gagnera une.

La baleine Moby Dick arrive en 1978

La saison 1978 de la Porsche 935 commence comme d’habitude aux 24h de Daytona avec la présence de plusieurs Porsche 935 77A privées, Porsche prenant du recul sur ses engagements officiels, et une Kremer K2. La 77A de Brumos pilotée par Stommelen / Hezemans / Gregg gagne devant la voiture du Dick Barbour Racing pilotée par Barbour / Schurti / Rutherford, la K2 de Brambring / Schornstein / « Winter » est 5e.
A Sebring, nouvelle performance du Dick Barbour Racing qui gagne avec Redman / Mendez / Garretson devant la voiture de Bob Hagestad conduite par Hagestad / Haywood et celle de Ore House – Vail pilotée par la paire Shaw, Jr. / Spalding.

De retour en Europe pour les 6h du Mugello, la 77A du Gelo Racing Team l’emporte celle du Konrad Racing. La K2 ne fait que 7e. Les résultats s’enchaînent également hors championnat du monde.
La 77A du Kremer Racing gagne à Dijon aux mains de Wollek / Pescarolo devant le Gelo Racing Team.

A Silverstone apparaît une grosse évolution pour la 935, la 935/78. Le moteur aussi, la cylindrée passe à 3.2L et les soupapes passent de 2 par cylindre à 4, il développe alors 750 ch. Le siège conducteur est également passé de la gauche à la droite pour une meilleure répartition des masses lors des 24h du Mans. La carrosserie évolue énormément avec l’apparition de la carrosserie Moby Dick, allongée à l’avant et à l’arrière pour améliorer l’aérodynamique.
D’entrée la voiture gagne la course aux Mains de Mass et Ickx, Wollek / Pescarolo sont 2e sur leur 77A.

Aux 1000 km du Nürburgring, le Weisberg-Gelo-Team gagne devant le Jägermeister-Max-Moritz Team, le Porsche-Kremer-Racing, le Konrad-Racing, le Liqui Moly Equipe, c’est un quintuplé des Porsche 935 !

Aux 24h du Mans néanmoins, les versions 1977 se débrouillent mieux. La 935 du Dick Barbour Racing finit 5e du général et première de la catégorie IMSA +2.5 avec Redman-Barbour-Paul en 337 tours. Un tour derrière la 935 du Kremer Racing, 6e et première Gr 5 avec Busby-Cord-Knopp. 7e du général, la 935 du Mondelo ASA Cachia – Team Pace de Guarana-Gomes-Amaral 2e Gr 5 en 329 tours. La première Moby Dick est 8e, juste derrière, 3e Gr 5 avec Stommelen-Schurti en 326 tours. Une autre 935/77 finit 24e mais non classée, encore du Kremer Racing en 182 tours avec Krages-Schnorstein-Gurdjian. 5 Autres voitures du Kremer Racing, du Weisberg Gelo Racing Team, du Whittington Bros Racing, du Haberthur / Mecarillos Racing Team  et du Dick Barbour Racing abandonnent.

A Misano, la 77A du Kremer Racing gagne devant la voiture de « Victor » et celle du Konrad racing. A Watkins Glen, victoire du Gelo Racing Team devant le Dick Barbour racing. A Vallelunga, on ressort la Moby Dick mais elle abandonne, les autre 935 font le triplé.

En DRM, la voiture gagne 8 des 11 courses, mais la BMW 320 Turbo de Harald Ertl est plus constante que chacune des 935 77A engagées et remporte le championnat.

1979, LA K3 arrive

Encore une fois, on commence la saison outre atlantique. A Daytona,  Field / Ongais / Haywood sur la Porsche 935/79 d’Interscope, gagnent la course, la voiture de Canepa arrive 3e.
A Sebring le Dick Barbour Racing fait 1er, 3e et 4e, la voiture du Busch Beer Racing est 2e.

Mi-Mars, Kremer présente sa nouvelle bombe, la K3 en DRM. Elle exploite toutes les failles du règlement et développe 780 ch !

Au Mugello, à Silverstone, en DRM, au Nürburgring, les voitures sont redoutables, quelles que soient les déclinaisons et ne laissent que des miettes aux autres.

Le point d’orgue intervient aux 24h du Mans 1979. La K3 du Kremer Racing emmenée par Ludwig-Whittington-Whittington remporte l’épreuve en 307 tours. La 935/77 du Dick Barbour Racing finit 2e au général et première IMSA en 299 tours avec Stommelen-Newman (oui Paul, le célèbre acteur et fan d’automobiles)- Barbour. Elle devance une autre 935/77 du Kremer Racing en 292 tours, de Ferrier-Servanin-Trisconi, 3e au général et 2e Gr 5. 7e une autre 935/77 du Sekurit Racing en 283 tours emmenée par Dören-Schnorstein-Tschirnhaus. Elle devance une autre voiture du Barbour Racing, 8e au général en 278 tours avec au volant Abate-Garretson-Mc Kitterick. Elle est suivie par une autre voiture engagée par le Dick Barbour Racing et Wynn’s International conduite par Kirby-Harmon-Hotchkis en 275 tours.

11e au général, une 935 de Claude Haldi emmenée par Haldi-Loewe-Terran en 270 tours. 13e, une autre 935 K3 du Kremer Racing avec Gurdjian-Plankenhorn-Winter en 268 tours. 15e la 935 de l’ASA Cachia de Guerin-Chanaud-Alliot en 264 tours. 5 voitures abandonnent, les 2 du Gelo Racing Sportswear Intl., celle de l’Interscope Racing, une autre Dick Barbour et celle de Jean Pierre Jarrier.

La fin de saison est toute aussi réussie pour Porsche, victoires à Riverside et Watkins Glen notamment.
Au final, encore un double titre, mondial et DRM (10 victoires dont 9 pour la Kremer K3 sur 11 courses) pour Klaus Ludwig.

Fin de carrière progressive

La voiture n’évoluera plus après cela mais sera toujours engagée en compétition jusqu’en 1984. De plus en plus de client passeront leurs Porsche 935 en spécification Kremer, particulièrement en K3, ou en faisant leurs propres modifications.

En 1980, on notera le doublédes Kremer K3 ayux 12h de Sebring, et d’autres podiums et places d’honneur en championnat du monde. Au Mans, Dick Barbour remportera une nouvelle fois la catégorie IMSA en 1980 en finissant 5e du général, le Velgra Racing Team remportant le Gr 5 la même année. En DRM les courses sont plus disputées et si les victoires sont là, le titre non.

En 1981, la Kremer K3 du Garretson Racing/Style Auto gagne les 24h de Daytona, et d’autres « petites » victoires suivront. une K3 confiée à Claude Bourgoignie et au Carles Ivey Racing remportera la catégorie Gr 5 en finissant 4e au général.
En 1982 une Moby Dick du John Fitzpatrick Racing finit 4e au général et première IMSA.

Ce sera la dernière course au Mans de la Porsche 935 qui aura gagné en tout plus de 150 courses à travers le monde.

La Porsche 935 a également connu des version « routières » plus que civiles, on vous en reparle dans cet article.

Les 935 sont depuis devenues des autos prisées dans les courses historiques. Voici un exemple de l’armada présente au Mans Classic 2018 : 10 autos étaient engagées !

Photos, Raphaël Dauvergne, News d’Anciennes, Revs Standford, les 24h.

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

Commentaires

  1. Marc

    Bonjour,
    Merci pour cet historique. Les photos prises à Indianopolis lors de Le Mans Classic 2018 sont magnifiques. Je cherche à documenter mes propres photos. Une idée de l’historique de la 935/77 « les 2 marmottes » ?
    Cordialement.

    Répondre · · 29 octobre 2023 à 16 h 43 min

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