La Renault 5 Turbo, du délire au mythe

Publié le par Benjamin

La Renault 5 Turbo, du délire au mythe

Une Renault 5, on la remarque. Une Renault 5 Turbo, on l’admire. C’est le genre d’auto que les passionnés adorent, une auto radicale, tant par son esthétique que sa technique.

Un projet fou… mais plutôt crédible

Tout débute en 1976. Jean Terramorsi et Henry Lherm ont l’idée de proposer une Renault 5 très spéciale, très sportive, pour la compétition. La 5 Alpine est bien dans les tuyaux, on est à quelques semaines de son lancement, mais là nos deux hommes veulent une version plus radicale.

La base sera donc la Renault 5 mais, à la fois pour des questions de performances et pour coller à la stratégie de Renault en compétition (au Mans et sur les débuts du programme F1) on envisage de la doter d’un Turbo.

L’idée est folle mais il arrivent à convaincre l’état-major de Renault de se lancer dans l’aventure. Attention, il faudra cependant que la nouvelle auto soit également proposée en petite série comme une voiture de route.

Le cahier des charges du Projet 822 est vite fixé et ne bougera pas. La voiture aura donc un moteur performant, oui, mais en plus il sera placé dans l’habitacle, en position centrale arrière. Pour l’asseoir sur la route, il faudra des voies larges… et la carrosserie qui va avec ! On table sur une production minimale de 400 exemplaires ce qui permettrait une homologation en Groupe 4. Et comme on veut que l’auto y soit performante on vise le poids minimum de la classe des 2 litres.

Si Jean Terramorsi décède avant d’avoir vraiment pu travailler sur le projet, il suit néanmoins son cours. Il est repris par Renault Sport, la nouvelle entité dédiée à la compétition qui prend en fait le relai d’Alpine, ainsi que ses talents et ses locaux.

Néanmoins le projet 822 n’avance pas très vite. Pour obtenir un peu plus de moyens, chez Renault Sport on change son fusil d’épaule : ce sera une auto de route capable d’aller en compétition et non l’inverse.

Les premiers croquis sont réalisés dès 1976 par Marc Deschamps. Ensuite ce sont quatre équipes qui travaillent sur le projet : Renault Style à Rueil-Malmaison, Bertone en Italie avec des traits signés Gandini, Alpine à Dieppe et le dernier sera made in Deux-Sèvres chez Heuliez. Dans tous les cas le carrossier de Cerizay aura un rôle industriel à jouer puisque Renault Sport n’a pas encore d’atelier pour construire réellement l’auto.
Une fois cette étape passée c’est Yves Legal, le designer des Alpine, qui sera chargé de peaufiner le travail.

La question du moteur

Si Terramorsi et Lherm ont de suite pensé (ou rêvé) au Turbo, il s’est en fait posé bien des questions concernant le moteur. Le but étant d’atteindre 200 ch et au final peu de mécaniques le pouvaient dans la gamme.

On va ainsi tester le Cléon-Alu des Alpine A110 et A310, surtout que les versions Groupe IV en 1800 sont proches des 200ch. La française de mécanique va bientôt produire à Douvrin un moteur de 2 litres mais il ne pourra pas coller. On pense également au PRV mais il est lourd et puis sa cylindrée ferait sortir la future auto de la classe des 2 litres.

Au final on se rabat sur le cléon… fonte. En effet la Renault 5 Alpine a étrenné une version 1397 cm³. Un moteur performant à l’origine mais sur lequel on peut adapter un turbo assez facilement… et en sortir entre 150 et 160ch pour l’auto de route ! En plus, avec les équivalences turbo/atmo, on reste dans les 2 litres.

Côté modifications, c’est du lourd. Le turbo Garett T3 souflera à 0.8 bars. Il est épaulé par un Intercooler air/air. Le taux de compression du moteur est réduit, de base, culasse et joint sont renforcés tandis que l’embiellage a droit à un traitement spécial. Enfin, on remplace le carbu double corps par une injection Bosch.

Pour la boîte, on choisit une boîte 5 plus costaude et on récupère celle de la Renault 30 TX avec des rapports adaptés.

Pour en finir avec la technique, après plusieurs essais ce sont les suspensions de l’Alpine A310 Gr. IV que l’on utilisera avec des freins à disque de R17 à l’avant et A310 V6 à l’arrière?

Dans la nuit du 9 Mars 1978 un prototype noir roule autour de l’usine de Dieppe dans le plus grand secret. Il est temps de passer aux choses sérieuses.

La Renault 5 Turbo est dévoilée… en deux temps

Renault, via l’Alpine A442 remporte les 24h du Mans 1978 avec un Turbo. C’est une introduction parfaite pour la Renault 5 Turbo qui est dévoilée quelques semaines plus tard lors du salon de Paris.

Forcément elle impressionne avec sa musculature apparente et son moteur à l’arrière. Son moteur ? Elle ne l’embarque pas encore ! Néanmoins tout ou est là ou presque. La caisse est bien celle d’une Renault 5, la filiation est évidente. Ce qu’on ne voit pas, c’est que pour réduire le poids, les pavillon, portières et hayon ont été remplacés par de l’alu tandis que les ailes et le capot sont en plastique renforcé de fibre de verre.

L’intérieur est également remarqué. Signé Bertone, il est plus qu’original. Les sièges reçoivent les appuie-tête et le volant présente une forme originale avec deux branches pendulaires.

On pense alors à un coup de pub, un showcar, mais non. Un mois plus tard un premier prototype roulant est présenté à la presse sur le circuit de Lédenon avec Guy Fréquelin au volant.

C’est de nouveau Fréquelin qui va se charger de la première sortie officielle de l’auto en compétition. C’est en Italie que ça se passe en Octobre 1979. Pourquoi ? Parce que l’auto n’est pas homologuée, en France, pour le Tour de France. Cette première sortie se termine sur une casse moteur…

Mais les prototypes roulent et roulent encore. On se rapproche de la sortie en série.

L’industrialisation, pas une mince affaire

En Janvier 1980 c’est au salon de Bruxelles qu’on dévoile la Renault 5 Turbo définitive. La fiche technique fait donc saliver : 970 kg pour 160 ch… sur la route ! Deux couleurs sont proposées : un rouge Grenade et un bleu Olympe. Pour les intérieurs, c’est également rouge ou bleu, mais si la caisse est bleu, l’intérieur est rouge et vice-versa.

Le 20 Mai 1980 la production est lancée. Du moins le bal des camions.

En effet la production de la Renault 5 Turbo est compliquée. On prélève d’abord des caisses de Renault 5 sur les chaines de Flins. Elles partent ensuite pour Cerizay où Heuliez allonge cette caisse de 5cm, monte la cloison pare-feu, la jupe arrière et installe les parties en aluminium. Deuxième tour de camion, retour à Flins pour finaliser la caisse. Troisième tour, direction Dieppe, où le Berex se charge de monter les ailes, le capot, la mécanique et l’intérieur sur la chaine de l’Alpine A310.

Les premières autos prennent ensuite le chemin des concessions. 802 Renault 5 Turbo sont construites la première année, largement suffisant pour l’homologuer en compétition.

L’accueil est plutôt bon. Les sensations sont au rendez-vous et l’effet turbo que le conducteur-pilote ressent à 4000 tours/minutes impressionne. En fait l’auto quand même compliquée à exploiter. Si le fait que ce soit une propulsion n’est pas problématique, sa plage moteur optimale se situe entre 4000 et 6500 tours ! Et puis il faut composer avec le « turbo lag« .

L’année 1981 la propulse réellement dans une autre dimension. À peine sortie et la Renault 5 Turbo est mythique. Les chiffres de production baissent pourtant.

L’année modèle 1982 apporte les premières évolutions. De nouveaux coloris sont disponibles, l’intercooler est changé, mais le poids augmente un peu avec l’adoption de portes en acier.

La Renault 5 Turbo 2 débarque

Mais la grosse évolution des Renault 5 Turbo est présentée au salon de Paris 1982 avec la Turbo 2. Opération réduction des coûts. Tout ce qui est trop cher est remplacé. Ainsi, les panneaux en aluminiums passent tous à l’acier. Les ailes et pare-chocs, teintés dans la masse sur les premières autos sont désormais noirs, quelle que soit la couleur de la carrosserie. On termine par l’intérieur qui n’est plus spécifique et original, mais bien celui de la R5 Alpine Turbo.

Si la voiture coûte moins cher à produire, heureusement, l’effet est visible à l’achat. La Renault 5 Turbo 2 est disponible à partir de 102.000 francs.

Il n’y aura pas d’évolution notable… si ce n’est la production de 200 autos spéciales, pour l’homologation de la Maxi 5 Turbo, avec une cylindrée ramenée à 1432 cm³.

Les derniers exemplaires sont produits en 1986. Au total 4987 Renault 5 Turbo ont été produites, 1678 Turbo 1 et 3167 + 60 autos de course pour les Turbo 2.

La Renault 5 Turbo en compétition

Dès la fin de l’année 1980 la Renault 5 Turbo est engagée par Renault en compétition. Par contre le programme officiel est réduit à une seule auto qui doit se partager entre les rallyes nationaux et internationaux.

Au Tour de France on retrouve Ragnotti et Andrié, très performants mais qui ne terminent pas. Au Tour de Corse, c’est une crevaison qui leur enlève la victoire. Pour autant ils signent un résultat de référence avec la 2e place du Critérium des Cévennes. Le vrai succès arrive en Janvier 1981 avec la victoire au Rallye Monte Carlo.

Pour autant les Renault 5 Turbo vont être plus nombreuses en rallyes à partir de l’été 1981. En Juin Renault Sport commercialise la Cévennes, une auto de Groupe IV, une compétition client. La voiture peut être vendue prête ou on peut monter un kit (qui demande 300 heures de boulot).

Le programme est lourd : allègement maximum avec l’absence d’insonorisant, le remplacement des sièges d’origine par de minces baquets, celui du volant par un Moto-Lita.
On renforce la caisse avec un arceau 10 points. Les trains roulants font appel à des triangles rotulés, des barres stab’ plus grosses tandis que les combinés ressort-amortisseurs sont réglables. L’électricité est revue, avec un coupe circuit mais surtout un plus gros alternateur pour alimenter les quatre phares additionnels ou encore le tripmaster et le parebrise chauffant.

Le moteur ? Il reste d’origine mais un kit peut le porter à 185 ch. 20 Autos sont produites.

Cette même année la Renault 5 Turbo gagnera le rallye de Yougoslavie, le Lyon-Charbonnières, le Mont-Blanc et le Var !

On retrouve également la voiture sur circuit où une coupe monotype est montée. On court par exemple en levé de rideau de certains Grand Prix de F1 ou des 24h du Mans !

L’année 1982 sera marquée par la victoire de Ragnotti et Andrié au Tour de Corse. On ajoute des succès de prestige au Mont-Blanc et aux Mille Pistes.

1983 débute par la commercialisation de la Renault 5 Turbo Tour de Corse. Là encore on rend hommage à un précédent résultat pour une compétition client limitée à 20 exemplaires. Surtout, l’auto n’est plus une Groupe IV mais est conforme au Groupe B. L’arceau passe à 16 points, la carrosserie est totalement en acier (comme la Turbo 2, c’est logique) tandis que le moteur peut développer entre 240 et 285 ch selon la préparation !

En 1984, pas d’évolution mais on note la première victoire de la Renault 5 Turbo (de Ragnotti et Thimonier) au Tour de France.

En fait les Groupe B et leurs 4 roues motrices ont fait mal à la Renault. Pour autant on réagit. Renault veut aller plus loin avec une vraie groupe B qui sera la référence sur l’asphalte (on ne peut pas la passer en 4×4). C’est la Maxi 5 Turbo qui voit le jour en 1985, de nouveau avec une production de 20 exemplaires. La carrosserie est étudiée en soufflerie. Surtout les exemplaires d’homologation ont permis de la faire chausser des pneus plus large. Enfin le moteur, il atteint 1527 cm³ de cylindrée et 350 ch. Un système étudié en F1, le DPV qui réduit le turbo-lag est installé.

Les résultats seront là avec la victoire au Tour de Corse, au Tour de France, au Mont-Blanc, à Ypres, en Alsace et au Var !

La même année on retrouvera une nouvelle auto, la Production, auto créée uniquement pour le circuit, encore plus radicale, et qui apportera quelques succès supplémentaires.

La dernière année en compétition de la Renault 5 Turbo est celle des Groupe B… et de la production de l’auto. En 1986 on note des victoires au Var, au Tour de France, au Portugal.

Pour autant cela n’empêchera pas la Turbo de continuer à rouler.

La R5 Turbo de nos jours

Toutes les Renault 5 Turbo ne sont pas logées à la même enseigne. Pour la collection, on ne parlera ici que des modèles de route.

Les plus rares, les plus originales (mon dieu cet intérieur) et donc les plus chères ce sont logiquement les Turbo « 1 » (qui n’ont officiellement jamais été appelées de la sorte. Le prix ? Il pique puisqu’il dépasse les 100/120.000 € !
Les Turbo 2 sont un peu moins originales et ça se ressent sur le prix : entre 70 et 100.000 € en fonction de l’état de l’auto.

Par contre, si vous avez les moyens et si vous êtes tentés, n’oubliez pas : ce n’est pas vraiment une Renault 5. Nombre de pièces sont spécifiques.

Photos complémentaires : Wheelsage, RM Sotheby’s

Benjamin

http://newsdanciennes.com

Passionné d'automobile ancienne, il a créé News d'Anciennes en 2013 à force de se balader sur les salons sans savoir quoi faire de ses photos. Conducteur occasionnel de Simca 1100 il adore conduire les voitures des autres, dès qu'elles sont un peu plus rapides !

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